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Vagues dans l’Océan (Maroc)
Par
Najib Cherfaoui
, ingénieur des Ponts et Chaussées.
Résumé :
Pour nos rivages, les vagues de tempête sont providentielles et ont des bienfaits multiples. Elles
apportent des rations fraîches du bouillon océanique dont se nourrissent par filtrage les bivalves.
En dispersant les spores des algues ou les embryons de poissons, elles participent pleinement à
la survie des espèces végétales et animales.
En plongeant en profondeur, elles labourent et fertilisent les fonds marins. En remuant les galets,
elles contribuent à leur nettoyage. Elles peuvent emporter une plage en une nuit et en construire
une nouvelle au printemps suivant, éliminant par là même toute forme de pollution. Elles apportent
ainsi des sables nouveaux, riches en nutriments essentiels au développement des algues si
précieuses. C'est aussi dans ces sables régénérés que viendront pondre les poissons prédateurs
comme le congre ou le loup de mer.
Pour donner une ie de l'ampleur du phénomène, il faut savoir qu'au cours de la tempête du 6
janvier 2014, des lames tumultueuses ont atteint un pic de 13 mètres de creux. Les remaniements
se sont élevés à 500 000 m3 de sédiments par kilomètre de plage. Ce qui pour un linéaire de 1
000 km conduit au chiffre astronomique de 0.5 milliard de m3 de sables emportés vers le large en
une seule matinée.
Si par exemple, nous devions effectuer ces dragages par les moyens dont nous disposons
aujourd'hui, cette entreprise durerait un siècle, et je vous laisse deviner le coût de cette opération
… .
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Vagues dans l’Océan (Maroc)
Par
Najib Cherfaoui
, ingénieur des Ponts et Chaussées.
A. Mers en mouvement
Au niveau de la Planète, l’agitation incessante de l’interface eau-atmosphère représente la manifestation la
plus spectaculaire de la physique des océans.
Tout d’abord, il y a les forces de marées. Elles placent des masses d'eau colossales. Elles affectent l'Oan
tout entier, de la surface au plancher, et contribuent pour environ 80% du total de ses mouvements. Aussi, il
est toujours d’actualité de récupérer cette énergie ipuisable et tout à fait consirable. Du point de vue
portuaire, la marée montante facilite l’ente et la sortie des navires.
Ensuite, il y a les courants marins. Ils permettent la circulation d’énormes volumes d’eau chaude et froide.
Ainsi, la quantide chaleur transpore vers le Nord de locéan atlantique est de l’ordre du million de
gigawatts, soit l’équivalent de la puissance d’un million de centrales nucléaires fonctionnant à plein régime.
Grâce à eux, l’Océan joue donc le rôle d’un immense régulateur du climat terrestre. Autrement dit, ce qui se
passe en une région se percute t ou tard dans une autre région, même ts éloignée.
figure - 1 : tempête sur le port de Casablanca en 1954, avec déferlement de la houle par-dessus le mur de garde au milieu de la grande
jetée « Delure », baptisée jetée Moulay Youssef en 1968. Faisant preuve d’une remarquable résilience, la digue développe naturellement
une double protection : la première contre la force destructrice de l’océan, la seconde contre l’ignorance de ceux qui ont en charge les
travaux d’entretien de notre patrimoine portuaire.
En troisme lieu, il y a les vagues.
Elles sont indispensables au bien être des milieux tiers. Elles apportent des rations fraîches du bouillon
oanique dont se nourrissent les algues et les poissons. En plongeant en profondeur, elles labourent et
fertilisent les fonds marins. En remuant les sables, elles participent à leur lavage.
À l’inverse, elles constituent une menace permanente pour les ouvrages construits sur le front de mer. Par
exemple, au moment de déferler, les plus grosses vagues exercent sur une paroi verticale une pression qui
peut atteindre 60 t/m
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. Sous leurs assauts répétés, les falaises reculent et les digues portuaires tombent
parfois en ruines.
En termes de navigation maritime, la houle freine n’importe quel bateau et lui impose des oscillations forcées.
Par exemple, des vagues de cinq mètres abaissent la vitesse de 23 à 17 uds et stabilisent les
cargaisons. C’est ainsi que tous les ans, dix milles conteneurs sont perdus en mer.
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figure -2 : Un navire n’a pas seulement à résister aux formidables chocs que la mer lui impose. Quand passent les vagues, il est comme
une longue poutre qui fléchit tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre, la déformation peut aller jusqu’à 20 à 30 cm, au-delà, il y a risque de
rupture.
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Par rapport à la rapidi, aucun progs notable n’a été alisé au cours du XXème siècle. De nos jours encore,
un porte-conteneurs avance à peine plus vite quun homme qui court.
De plus, confrontés à la résistance de l’eau et aux pnones de cavitation, les ingénieurs navals se sont
fait à l’idée que le maillon maritime serait toujours lent. Ils acceptent aujourd’hui cette limitation comme une
donnée naturelle, d’où le recours aux navires ants pour ficier des économies d’échelle.
B. Quelques définitions
La compréhension des phénomènes marins nécessite la définition des caractères fondamentaux des vagues,
l’établissement d’une terminologie et l’adoption de dénominations bien claires.
La crête ou sommet de la vague est le point le plus haut qui s’éve au-dessus du niveau de repos.
L’amplitude, le creux, la hauteur ou bien encore l’élongation de la vague signent indifféremment la distance
verticale qui existe entre le sommet et le point le plus bas atteint par la surface libre. La longueur de la vague
représente en mètres la distance horizontale qui pare deux sommets ou crêtes concutifs. La période de
la vague mesure en secondes l’intervalle de temps qui sépare le passage de deux crêtes successives au
me point. On obtient la vitesse de propagation de la vague en faisant le quotient de la longueur par la
période. Les vagues d’une houle bien formée sont appelées lames. Enfin, nous rappelons que le mille marin
correspond à la minute de deg de méridien ou sa 1/60 ème partie, soit 1 852 mètres.
Creux ou hauteur de la vague (H)
Longueur de la vague (L)
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H
Amplitude
y
x
O
figure - 3 : Grandeurs caractéristiques d’une vague modèle : longueur de la vague, creux ou hauteur de la vague) et période. La période
est l’intervalle de temps qui sépare le passage de deux sommets successifs au même point.
C. Vagues dans l’océan
À proximité des rivages, disons à une quinzaine de milles, la mer est le siège de quences de vagues
gulières, bien formées que l’on appelle houle (du mot allemand « hol » qui signifie « creux »). Ce pnomène
commun que chacun peut facilement observer est par le vent.
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Ainsi, le 24 septembre 1901, au passage dans un creux, le contre-torpilleur anglais Cobra s’est brisé par le milieu, au niveau des chaudières, et coula en
mer du nord par 12 mètre de fond, dans un voisinage où il n’y avait ni rochers ni autres dangers sous-marins.
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Le vent, c’est tout simplement des masses d’air en déplacement. Les plus chaudes deviennent res,
s’élèvent en altitude, et la pression à la surface sous-jacente diminue : on parle depression. Inversement,
les plus froides sont plus lourdes. Elles se compriment et créent une zone de haute pression appelée
anticyclone. Le système atmosprique évolue alors de manière à compenser les différences de pression,
donnant ainsi naissance aux vents.
En ce qui concerne la houle, tout commence dans le grand large, à plusieurs centaines de kilomètres des
tes. Dans ces vastes étendues, lAtmospre dépense une partie de son énergie pour creuser la surface
des oans. Les premiers mouvements sont confus et aléatoires. Nous les appelons mer du vent ou encore
clapot, ils dépendent fortement du mode daction du vent.
Par exemple, un vent doux crée des rides et accroche leur flanc, ce qui augmente graduellement leur
amplitude et fait apparaître des ondulations rythmées. Par contre, s’il souffle par rafales, il engendre des
vagues petites, de différentes tailles et incorentes. Dans tous les cas, elles vont dans la me direction
que le vent qui leur donne naissance.
Après la zone de turbulence, les mouvements s'ordonnent. Au fur et à mesure de leur propagation, certaines
vagues interfèrent entre elles, d'autres se cassent, on dit encore qu’elles déferlent. Les plus courtes
disparaissent. Si elles ne se brisent pas, elles transfèrent leur force aux plus longues. Ces dernres se
stabilisent, deviennent plus hautes et s’ajustent autour dun profil régulier. C’est la maturation.
Par ailleurs, le développement des vagues dépend aussi du fetch, c’est-à-dire de l’étendue d’eau libre sur
laquelle souffle le vent. On l’appelle également surface gératrice. Plus elle est vaste, d’autant les vagues
acquièrent de la vigueur pour ensuite se propager, gce à l’énergie emmagasie, bien au-de de la zone
de vent. En haute mer, ce mouvement gulier constitue la houle. Elle parcourt l’océan tant que rien ne l’arrête.
En résumé, nous pouvons dire que du clapot au ferlement sur les rivages, la vie d’une vague peut durer
trois ans. Le vent n’est nécessaire qu’au début, car ensuite le mouvement est pris.
D. Bienfaisantes
La houle agit essentiellement en surface elle manifeste une violence impressionnante. En un certain sens,
elle n’est que le tour inven par la nature pour stocker et acheminer de proche en proche la force des vents
marins. Son énergie se trouve concentrée dans la zone doscillation de la surface libre, et sa vigueur faiblit
dès que la profondeur dépasse une demi-longueur de vague.
Pour se faire une ie de l’ampleur du phénomène, il faut savoir que des vagues de 4 à 5 m de creux peuvent
libérer, par tre liaire de cte, une puissance équivalente à celle d’une masse de 10 tonnes voyageant à
100 km/h. Ainsi, à Casablanca, pendant une tempête exceptionnellement violente de l’hiver 1924, des parties
du mur d’abri pesant 260 tonnes sont arrachées et repoussées à l’intérieur du port, parcourant ainsi une
distance horizontale de plus de 11tres.
Face à une paroi verticale, au moment de ferler, les plus grandes lames exercent dénormes pressions.
Sous leur action, on a vu des falaises s’effondrer sur 200 m à l’inrieur des terres ; ainsi, celles de Jorf Amouni,
dans la gion de Safi, ont reculé de plusieurs dizaines de mètres au cours de ces quarante dernres anes,
menaçant les habitations alentour.
À l’inverse, pour les rivages, les vagues de tempête ont des bienfaits multiples. En dispersant les spores des
algues ou les embryons de poissons, elles participent pleinement au veloppement des espèces végétales
et animales. Elles peuvent emporter une plage en une nuit et en construire une nouvelle au printemps suivant,
contribuant par là-me au nettoyage du littoral. Elles apportent ainsi des sables nouveaux, riches en
nutriments essentiels à la vie marine.
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Pour donner une ie de l’ampleur du pnone, il faut savoir qu’au cours de la temte du 1er novembre 2003, des lames tumultueuses ont atteint un pic de 14 tres
de creux. Non loin de la grande digue du port de Mohammedia, on a enregistré des vagues de 20 mètres de haut. Les remaniements se sont élevés à 500 000 m
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de
sédiments par kilomètre de plage. Ce qui, pour un liaire de 1 000 km, conduit au chiffre astronomique de 0.5 milliard de m
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de sables emportés vers le large en une seule
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E. Houles au Maroc
En tout premier lieu, il faut bien comprendre deux choses : tout d’abord, ce sont les dépressions
atmosphériques qui sont la cause des tempêtes océaniques ; ensuite, ce sont les anticyclones qui terminent
la direction des vents et donc des vagues.
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Durant 335 jours par an, les houles qui touchent les tes marocaines ne passent pas 3tres de haut et
posdent en moyenne une riode de 11 secondes. Plus préciment, à raison de 218 jours, la riode est
comprise entre 9 et 12 secondes ; et les houles de plus de 16 secondes apparaissent en moyenne 3 jours.
De manre générale, les fortes houles sont associées à desriodes supérieures à 15 secondes. En hiver,
les vents d'Ouest engendrent la houle au niveau des ores. Elle atteint le littoral aps un voyage de 72
heures. En ce qui concerne les hauteurs exceptionnelles, un maximum de 10.40 m est attesté en 1937 à
l’extrémi de la grande jee de Casablanca. Le 28 décembre 1951, une houle régulre de 6.7 m de creux
immobilise la navigation portuaire.
Le 21vrier 1966, une mer déche ébranle les ports atlantiques (Safi, Essaouira, Agadir) et se distingue
par des vagues de direction Ouest-Nord-Ouest, d’amplitude allant de 9 à 15 m, selon des périodes pouvant
atteindre 18 secondes, ce qui est énorme.
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Ce phénomène fait suite à une vaste dépression qui a persisté
pendant deux jours dans l’Atlantique nord (figure 4).
Situation générale 6 h GMT
le dimanche 20 février 1966
MAROC
4
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6
7
8
9
10
11
90 60 50 40 35
uds
VENT GÉOSTROPHIQUE
Échelle
(1 : 3O OOO OOO) à la latitude 60° N
figure - 4 : Document très rare, montrant les causes de la tempête du 21 février 1966 ; une vaste dépression centrée au niveau des Açores.
a engendré, de part et d’autre de la latitude 40° N, des vents de 35 à 60 nœuds orientés au WNW et soufflant sur une distance de l’ordre
de 800 milles au grand large du Maroc. La houle résultante s’est propagée en direction des côtes du Maroc, de la Mauritanie et du Portugal.
matie. Si par exemple, nous devions effectuer ces dragages par les moyens dont nous disposons aujourd’hui, cette oration durerait un scle. Ce type de tempête est
donc absolument providentiel. Cet évènement exceptionnel a é annontrois jours à l’avance par les bulletins météorologiques sciaux 160 et 161. Enfin, ce type de
tempête est très utile à l’innieur, car il peut enfin rifier les réponses données par les maquettes lors de la conception des ouvrages de protection.
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La rotation de la Terre a une très grande influence sur l’orientation des vents. Elle crée une force de Coriolis qui les dévie de leur trajectoire, et les fait
ainsi tourbillonner.
Coriolis Gaspard Gustave, physicien et mathématicien français, (1792 1843), découvrit l’accélération complémentaire à laquelle un objet est soumis s’il est
en mouvement dans le référentiel tournant. La force correspondante - force de Coriolis -est différente des forces d’inertie d’entraînement déjà découvertes
par Newton. Il en fit mention, pour la première fois en 1835, dans son article intitulé : « Sur les équations du mouvement relatif des systèmes de corps ».
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Valeurs obtenues au moyen des abaques de l’U.S. Navy Hydrographic Office (Pub. N°603).
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