Médecine d'Afrique Noire : 1997, 44 (12)
plaignait aussi de paresthésies des membres inférieurs et
présentaient une hyporéflectivité ostéo-tendineuse généra-
lisée. Concernant la sphère uro-génitale, on notait une
atrophie des organes génitaux externes, il n’y avait pas de
polyurie. Le reste de l’examen clinique était par ailleurs
normal. Les différents examens paracliniques ont montré :
Une anémie normochrome normocytaire à 7,6 g d’Hb/100
ml après transfusion ; une accélération de la vitesse de
sédimentation à 115 mm à la 1ère heure ; une goutte épais-
se positive à Plasmodium falciparum ; une glycémie à
3 mmol/l ; une élévation modérée du cholestérol total à
7,35 mmol/l ; un ionogramme sanguin normal. Il n’y avait
pas de stigmates d’atteinte rénale ni digestive.
L’exploration hormonale a confirmé l’hypopituitarisme
suspecté cliniquement en montrant une hypothyroïdie (T4
libre à 1,8 pg/ml : N. 6 à 17), d’origine haute (TSH à 0,85
micro U./ml : N. 0,2 à 5), une insuffisance corticotrope
avec une cortisolémie à 8 heures à 43 ug/l (N. 80 à 250)
passant à 147 ug/l après test au synacthène immédiat, une
prolactinémie basse à 1 ng/ml (N. 4 à 18). Les gonadotro-
phines étaient normales, l’hormone de croissance et la
corticotropine (ACTH), qui nécessitent un transport en
milieu congelé n’ont pu être dosées.
Les radiographies simples du crâne, des poumons et de
l’abdomen étaient normales. Nous n’avons pas de scanner
au Gabon, ce qui limite considérablement l’exploration
hypothalamo-hypophysaire.
La patiente a reçu un traitement hormonal substitutif par
Hydrocortisone 30 mg/jour en deux prises et L Thyroxine à
dose progressivement croissante jusqu’à 100 ug/jour.
L’évolution a été favorable de façon spectaculaire, mais
malheureusement après sa sortie de l’hôpital, elle n’est plus
revenue pour le suivi et trois ans après elle décéda dans des
conditions non élucidées.
COMMENTAIRES
L’histoire de la maladie de notre patiente est assez évoca-
trice du syndrome de Sheehan bien que l’aménorrhée n’ait
pas été immédiate au décours de cette césarienne pour
hématome rétro-placentaire, et que l’absence de montée
laiteuse n’ait pas été remarquée du fait du décès de l’en-
fant. Cependant des cas similaires d’installation retardée
des symptômes ont été rapportés (5).
L’apparition d’un épisode de céphalées dont la malade gar-
de le souvenir, avec des troubles visuels, peut aussi évo-
quer un phénomène d’apoplexie hypophysaire (12), peut-
être d’une tumeur dont on n’aura jamais la preuve ou
encore le tableau de plus en plus décrit d’hypophysite lym-
phocytaire (7,8). L’existence d’une dépilation axillaire et
pubienne est un signe qu’il nous paraît important de souli-
gner, car on le retrouve même dans les cas de symptoma-
tologie très atypique comme un tableau psychotique (1, 9).
Sur le plan endocrinien, cette patiente présentait un hypo-
pituitarisme antérieur dissocié avec une insuffisance corti-
cotrope, une insuffisance thyréotrope et un déficit en pro-
lactine, les gonadotrophines étant normales. Ce profil
d’atteinte est souvent retrouvé dans le syndrome de Shee-
han où l’on observe en plus presque constamment une
insuffisance en hormone de croissance, et la mise en évi-
dence du déficit en prolactine par des tests dynamiques,
pourrait constituer pour Jialal et Al (6) un test de dépistage
de ce syndrome. L’atteinte sévère que présentait cette
patiente avait probablement une double origine : l’hypo-
thyroïdie et le paludisme. Enfin le problème de la difficulté
du suivi à long terme a été souligné par plusieurs auteurs ;
c’est ainsi que dans la série de Famuyiwa (4) 6 patientes
sur 8 ont été perdues de vue, ce qui est à l’origine de com-
plications dramatiques (5) comme ce fut le cas pour notre
patiente.
CONCLUSION
Le syndrome de Sheehan est une affection de plus en plus
rare parallèlement à la prise en charge des femmes encein-
tes, mais qui existe encore surtout dans les pays du Ti e r s
Monde. Il convient donc de l’évoquer chez toute patiente
ayant eu un épisode obstétrical difficile, en général hémor-
ragique, car le traitement hormonal substitutif à vie permet
à ces femmes de mener une vie tout à fait normale.
M.P. NTYONGA-PONO , M.J. NGOMO-KLUTSCH , C. NGUEMBY-MBINA
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BIBLIOGRAPHIE
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Sheehan’s syndrome presenting with psychosis.
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