La dramaturgie américaine se distingue de plus en plus par la forme de ses dialogues.
On tente de s’éloigner de la singulière histoire de l’homme en quête du rêve américain.
Les dramaturges de cette nouvelle vague abordent, pour la plupart, des thèmes sociaux
brûlants tant à la scène qu’au cinéma.
David Mamet est l’un de ceux qui par son style rythmé, cynique et parfois grinçant
influencera la plupart de ses successeurs. Lui-même a été fortement inspiré par
Harold Pinter et Edward Albee. Ses personnages se coupent, s’interrompent
et soulèvent sans scrupules des questions éthiques et politiques délicates. Mamet
recherche un effet déstabilisant, et recourt même à la vulgarité pour y arriver.
L’humour noir est à la mode. Les personnages sont désillusionnés, seuls, extrêmement
violents ou complètement démunis. Tous questionnent les valeurs fondamentales
de liberté et de justice. Voici quelques-uns de ces nouveaux dramaturges :
August Wilson est probablement le dramaturge noir le plus important du XXe siècle.
Alan Ball, surtout connu pour ses créations télé (Six Feet Under, True Blood), excelle
à rendre drôles des situations tragiques, en les abordant de façon absurde. Les
personnages sont lucides et intelligents, mais ne sont pas à l’abri de choix stupides
et incompréhensibles.
Beth Henley et Andy Lou Johnson se distinguent de ce nouveau regard américain par
leur approche doucement féministe.
Spalding Gray, membre du Wooster Group, une compagnie d’avant-garde new-
yorkaise, a écrit des monologues performatifs où il transforme ses échecs personnels
et ses angoisses en création. Son œuvre, très singulière, témoigne d’une dérive qui
bouleverse les valeurs. Ses récits traitent de l’infidélité amoureuse, de l’incapacité à
jouir de la vie. Ses personnages sont perpétuellement à la recherche de nouveaux repères.
De cette nouvelle vague, on ne peut laisser dans l’ombre des auteurs tels Eve Ensler,
David Ives, Tony Kushner, Neil LaBute, Brett C. Leonard, Tracy Letts, Terrence McNally et
Sam Shepard.
« Le théâtre est venu tardivement pour moi. » C’est à l’âge de 18 ans, dans le cadre d’un
cours de français au collège André-Grasset, que Serge Mandeville découvre le théâtre.
Il entreprend ses études universitaires dans le programme Art et Sciences. Il participe
à quelques productions théâtrales amateures, et c’est à ce moment que se confirme
sa vocation. « À un moment donné, ça devient clair et tu n’as plus le choix… Ça devient
une sorte de condamnation. Une condamnation joyeuse évidemment ! » Il prend alors
la décision de poursuivre ses études dans une école de théâtre. Cependant, les auditions
d’entrée sont toutes terminées cette année-là. Il change donc de programme pour aller
en littérature à l’Université de Montréal, en attendant d’entrer dans une école de théâtre.
En 1994, il passe les auditions du Conservatoire de Montréal et il en sortira trois ans
plus tard. « Trois années magnifiques. Exigeantes, mais formidables. » Même s’il suit
une formation d’acteur, il n’oublie pas son penchant pour la mise en scène et l’écriture.
Sa pièce Ailleurs, présentée récemment au Théâtre Prospero —, qui lui vaut plusieurs
bourses, de multiples nominations, dont une pour la mise en scène, et surtout le Cochon
dramatique du meilleur texte de création en 2009 —, est née dans un cours de création
donné par Hubert Fielden, au Conservatoire.
Serge Mandeville ne tardera pas à travailler. Dès sa sortie du Conservatoire, il fonde
la compagnie Absolu Théâtre, dont il assume encore aujourd’hui la direction artistique.
Il veut ainsi se créer le plus d’occasions possible de jouer. « Plus tu as d’occasions
de présenter ton travail devant le public, plus tu deviens aguerri, peu importe les
conditions (…) C’est le public qui va compléter ta formation, même si, au fond, elle
n’est jamais vraiment complète. » Il participe à plusieurs productions sans jamais faire
de discrimination sur le prestige du projet. Cette ouverture et ce besoin lui donnent
la chance de fouler les planches du Théâtre du Rideau Vert, de jouer dans ses propres
pièces Une île et un désert, sans oublier Ailleurs, et aussi de mettre sur pied les soirées
Théâtre tout court, qui sont à l’origine de DIX. Au fil des projets, il en vient à assumer la
mise en scène de plusieurs des pièces d’Absolu Théâtre. Il y développe un style et une
esthétique qui, admet-il, sont influencés par Peter Brook. « Je veux que tout ce qui se
trouve sur la scène soit essentiel. Tout ce qui est superflu doit partir, autant dans le jeu
que dans les décors et les costumes (…) Ça favorise la clarté de l’action et ça crée
souvent des effets plus forts », de dire celui qui enseigne aussi l’art dramatique au
collège Regina-Assumpta.