Optimiser le séjour des patients atteints de pathologie

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savoirs et pratiques
étude
Optimiser le séjour des patients
atteints de pathologie psychique
en médecine et chirurgie
BÉATRICE BRIGNONa,*
Responsable pédagogique
IFCS de la CRf de Nice,
responsable du module
“Initiation à la recherche”,
docteur en sciences
de l’éducation
PASCALE BRUSSEAUa
Responsable pédagogique
IFCS de la CRf de Nice,
responsable du module
“Santé publique” jusqu’en 2015
DENISE DOLLETa
Directrice IFCS de la CRf
de Nice
JEAN-YVES GIORDANAb
Chef de service en psychiatre
z La recherche-action menée par les étudiants cadres de santé de l’Institut de formation des cadres
de santé de Nice contribue à l’optimisation du séjour des patients atteints de pathologie psychique
en médecine et chirurgie z À partir de l’évaluation des besoins en formation des soignants de ces
services, elle offre l’opportunité à ces étudiants de se projeter dans leur future fonction.
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Mots clés – étudiant cadre de santé ; recherche-action ; représentation ; santé mentale ; santé publique
Optimising the stay of patients with a mental disorder in general medical or surgical units.
The action research undertaken by health manager students at the Nice health manager training
institution has helped to optimise the stay of patients with a mental disorder in general medical and
surgical units. Based on the assessment of the training needs of caregivers working in these units,
it enables the students to anticipate their future function.
© 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved
Keywords – action research; health manager student; mental health; public health; representation
c
JEAN-LUC ROELANDT
Directeur CCOMS
a
Institut de formation
des cadres de santé
de la Croix-Rouge française
de Nice, IRFSS PACA & Corse,
17, avenue Cap-de-Croix,
06100 Nice, France
b
CHS Sainte-Marie,
87, avenue Joseph-Raybaud
CS 41519, 06009 Nice Cedex 1,
France
c
Centre collaborateur
de l’Organisation mondiale
de la santé pour la recherche
et la formation en santé
mentale, 211, rue RogerSalengro, 59260 Hellemmes,
France
*Auteur correspondant.
Adresse e-mail :
[email protected]
(B. Brignon).
42
D
ans le contexte du Plan
psychiatrie et santé mentale 2011-2015 [1], l’Institut
de formation des cadres de
santé (IFCS) de la Croix-Rouge
française (CRf) de Nice (06),
le centre hospitalier spécialisé
(CHS) Sainte-Marie (06) et le
Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé
(CCOMS) pour la recherche et
la formation en santé mentale
de Lille (59) ont mené conjointement une recherche-action.
z Cette étude s’appuie sur trois
recherches antérieures : l’une
relative à la représentation des
problèmes de santé mentale dans
la population générale, une autre
en lien avec le vécu des personnes
atteintes de troubles schizophréniques et une dernière évaluant
le comportement du personnel
soignant vis-à-vis des usagers présentant une pathologie psychique.
z Lors de l’analyse de ces travaux, il est apparu nécessaire
d’identifier la représentation
du niveau de prise en charge des
personnes atteintes de maladies
psychiques par le personnel soignant travaillant en services de
médecine et de chirurgie dans les
Alpes-Maritimes.
En effet, avec la loi dite “Hôpital, patients, santé et territoires”
(HPST) du 21 juillet 2009 [2] et
la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011
[3], les compétences des soignants nécessaires à la qualité
de la prise en charge de cette
population sont un enjeu.
D’où la question mise en avant
lors de cette recherche-action :
Quelles représentations les soignants travaillant en médecine
et chirurgie ont-ils de leur prise
en charge des patients atteints de
pathologies psychiques hospitalisés dans leurs services ?
LA PROBLÉMATIQUE
DE LA SANTÉ MENTALE
z L’e n q u ê t e S a n t é m e n tale en population générale
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
http://dx.doi.org/10.1016/j.spsy.2016.04.012
(SMPG) [4], réalisée pendant
quatre ans en France métropolitaine, montre que les personnes
âgées de 18 ans et plus font une
distinction forte entre les termes
“fou” et “malade mental” d’un
côté, et “dépressif” de l’autre.
Alors que la dépression est
perçue comme un trouble guérissable par les personnes interrogées, les images du “fou” et
du “malade mental” sont plutôt
associées aux comportements
violents. Faisant peur, elles renvoient aux mots “dangereux”,
“transgression”, “incurabilité”,
“inconscience”, “irresponsabilité” ou “exclusion”.
z L’é t u d e i n t e r n a t i o n a l e
INDIGO1 [5] cerne, quant à elle,
l’effet de la stigmatisation sur
le ressenti des personnes schizophrènes. Générant une discrimination familiale et sociale,
ces dernières ressentent un sentiment de honte, de dévalorisation et une perte d’estime de soi,
influant sur leur qualité de vie.
SOiNS PSYCHIATRIE - no 305 - juillet/août 2016
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savoirs et pratiques
Elles ont en effet des difficultés
à accéder au logement, à l’emploi et à développer tout type de
réseau relationnel. Retardant
le recours aux soins dans une
négation de leur trouble psychique, leur pathologie évolue.
z Une enquête exploratoire
sur l’identification de comportements discriminatoires
dans les pratiques soignantes,
réalisée par des étudiants
cadres de santé et des étudiants
infirmiers de 2e année durant
deux ans à Nice, montre l’intérêt des professionnels pour la
prise en charge des patients présentant des troubles psychiques
hospitalisés en service de soins
généraux. Il est constaté que le
droit aux soins de ces usagers
est garanti grâce à une stigmatisation positive de la part des
infirmières2. Elles leur reconnaissent la nécessité de bénéficier d’activités relationnelles
ainsi que l’importance de la
coordination des acteurs médicosociaux [6].
z Au s s i , d a n s u n o b j e c t i f
d’amélioration de la qualité du
parcours de vie des patients
atteints de troubles psychiques
hospitalisés en services de médecine et de chirurgie, il apparaît
essentiel d’identifier les besoins
en formation des soignants de ces
services. L’analyse de ces besoins
participera à l’élaboration d’un
cahier des charges concourant à
un dispositif de développement
professionnel continu (DPC)
pour les professionnels de santé
du département dans le domaine
de la santé mentale.
LA RECHERCHE-ACTION
tion 2011-2012 ont élaboré un
questionnaire qu’ils ont testé.
Après avoir ciblé la population
interrogée de soignants et évalué son expérience personnelle
et professionnelle, ce questionnaire cherche à identifier les
représentations de la santé mentale des soignants, de leur prise
en charge du patient atteint de
pathologie psychique ainsi que
leurs connaissances de cette maladie. La finalité est de déterminer
leurs besoins en formation.
Population et terrain
Le questionnaire a été distribué
par les étudiants lors de leur stage
d’encadrement auprès de 361 soignants. Ces derniers étaient
répartis dans 11 services de médecine et 9 services de chirurgie au
sein de 15 établissements sanitaires des Alpes-Maritimes.
Traitement des données
Sur 235 questionnaires récupérés auprès des 361 soignants,
208 étaient exploitables, soit au
total 57,61 %. L’analyse quantitative des questions fermées et à
choix multiple a été réalisée par
les étudiants cadres de santé de
l’IFCS de la CRf de Nice à partir
des données rentrées dans le
logiciel ExcelTM par un attaché
de recherche clinique du CH
universitaire (CHU) de Nice.
L’analyse qualitative des questions ouvertes a été, quant à elle,
faite de manière complémentaire par :
• le CCOMS de Lille, à partir
du logiciel d’analyse de données textuelles Alceste ;
• les étudiants cadres de santé
des promotions 2011-2012 et
2012-2013.
Méthode et outils
Dans le cadre du module “Santé
publique” de la formation
cadres de santé, 39 étudiants
issus des filières infirmière et
médicotechnique3 de la promo-
RÉSULTATS
z La population interrogée
est à dominante féminine, infirmière et diplômée après 1992,
SOiNS PSYCHIATRIE - no 305 - juillet/août 2016
date à laquelle la délivrance du
diplôme d’infirmière spécialisée en psychiatrie a disparu.
La population minoritaire
concerne les aides-soignants.
Si l’expérience professionnelle
de ces derniers est supérieure à
seize ans dans le même service et
celle des infirmières inférieure
ou égale à cinq ans, les soignants
en général ont très peu de pratique en santé psychique. Elle
correspond à leurs stages de
formation initiale. Leurs ressources individuelles en santé
mentale étant donc plus d’ordre
théorique qu’expérientiel, tous
disent que leur niveau de compétences a baissé dans ce domaine.
z Les données sur le vécu
per s onnel des soignant s
interrogés en santé mentale
montrent qu’ils sont concernés
directement par cette pathologie à des niveaux plus ou
moins importants :
• 50 % ont dans leur entourage
(professionnel, familial ou
social) une personne présentant une pathologie psychique ;
• 34 % ont été eux-mêmes sujets
à une pathologie mentale ou à un
suivi en psychothérapie, jusqu’à
être hospitalisés en service de psychiatrie pour 3 % des cas.
z Les représentations de la
santé mentale permettent
de constater que la personne
atteinte de troubles psychiques
ou du comportement est considérée comme “fou” pour 50 %
des soignants. Seuls quelquesuns associent les affectations
neurologiques à une maladie
mentale. Les pathologies psychiques sont particulièrement
méconnues, au premier rang
d’entre elles la schizophrénie suivie par la psychose, les
troubles bipolaires et les troubles
obsessionnels compulsifs.
z La prise en charge des
patients atteints de maladie psychique a lieu dès leur
NOTES
1
INternational study
of DIscrimination and stiGma
Outcomes.
2
Lire infirmiers et infirmières.
3
Kinésithérapeute, technicien
de laboratoire, manipulateur
en imagerie médicale
et préparateur en pharmacie.
RÉFÉRENCES
[1] Ministère du Travail,
de l’Emploi et de la Santé. Plan
psychiatrie et santé mentale
2011-2015.
http://social-sante.gouv.fr/IMG/
pdf/Plan_Psychiatrie_et_Sante_
Mentale_2011-2015.pdf
[2] Loi n° 2009-879
du 21 juillet 2009 portant
réforme de l’hôpital et relative
aux patients, à la santé
et aux territoires. https://www.
legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?
cidTexte=JORFTEXT00002087947
5&categorieLien=id
[3] Loi n° 2011-803
du 5 juillet 2011 relative
aux droits et à la protection
des personnes faisant l’objet
de soins psychiatriques
et aux modalités de prise
en charge. https://www.
legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?
cidTexte=JORFTEXT00002431272
2&categorieLien=id
[4] Bellamy V, Roelandt JL,
Caria A. Troubles mentaux
et représentations de la santé
mentale : premiers résultats
de l’enquête Santé mentale
en population générale. Études
et Résultats. 2004;347:1-12.
[5] Daumerie N, VasseurBacle S, Giordana JY et al.
La discrimination vécue
par les personnes ayant reçu
un diagnostic de troubles
schizophréniques. Premiers
résultats français de
l’étude INDIGO. Encéphale.
2012;38(3):224-31.
[6] Dollet D, Bourdais-Mannone C,
Giordana JY. Droit des usagers
et équipe pluridisciplinaire
en établissement sanitaire.
In: Groupe français
d’épidémiologie psychiatrique.
Congrès vulnérabilité
et handicap psychique. Nice;
25 et 26 septembre 2008.
[7] Giordana JY. La stigmatisation
en psychiatrie et en santé
mentale. Issy-les-Moulineaux:
Masson; 2010.
43
Author's Personal Copy
savoirs et pratiques
RÉFÉRENCES
[8] Organisation mondiale
de la santé. Rapport sur la santé
dans le monde, 2001. La santé
mentale : nouvelle conception,
nouveaux espoirs.
http://www.who.int/whr/2001/fr/
[9] Beauvois JL. Traité
de la servitude libérale : analyse
de la soumission. Paris: Dunod;
1994.
accueil. Alors que pour 65 %
des soignants les hospitalisations de ces usagers en services
de médecine et de chirurgie
sont peu nombreuses, ils disent
cependant qu’elles sont toujours en lien avec des pathologies associées. De même, 75 %
du personnel énoncent que la
connaissance qu’ils ont des problèmes psychiques se fait grâce
à la fiche de liaison, au dossier
patient ou au courrier médical,
sans toutefois fournir de consignes particulières sur leur prise
en charge. À partir du moment
où les professionnels savent
que la personne est atteinte
de pathologie psychique, 50 %
d’entre eux déclarent que son
accueil est différent de celui du
patient atteint seulement de
pathologie somatique.
z Au niveau des soins, 87 %
des soignants disent se sentir en
sécurité quand ils réalisent aussi
bien des gestes techniques que
des soins de confort auprès des
personnes atteintes de pathologie psychique. En revanche,
la majorité appréhende la
communication avec elles du
fait non seulement du manque
d’expérience dans le domaine
de la santé mentale mais aussi
de la peur de leur réaction.
z Concernant les besoins en
formation, 56 % de la population estiment avoir un niveau de
connaissances moyen en santé
psychique. Si la majorité n’a
pas suivi de formation continue
dans cette spécialité et aimerait
en avoir, ceux qui en ont bénéficié voient leurs pratiques évoluer de manière favorable.
DISCUSSION
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclarent
ne pas avoir de liens
d’intérêts.
44
z La réponse contradictoire
des professionnels entre,
d’une part, leur sentiment de
sécurité lors de la réalisation des
gestes techniques et des soins
de confort et, d’autre part, leur
appréhension de la communication, montre leur stigmatisation des patients atteints de
pathologie psychique. Si celle-ci
s’explique, en référence à JeanYves Giordana [7], par leur
crainte de phénomènes de violence et de dangerosité dans
un contexte expérientiel faible
dans ce domaine, la confrontation à la maladie psychique
semble toutefois ne pas être si
rare. En effet, dans son rapport
de 2001 [8], l’OMS constate
qu’un patient hospitalisé sur
quatre souffre de troubles mentaux. Il semblerait donc que les
soignants n’aient pas toujours
connaissance de l’état mental
du patient.
z De plus, l’explication du
malaise des soignants et de
leur stigmatisation pourrait
être en lien avec leur manque
de connaissances en santé mentale. Le rapport social au sujet
se fait en effet, selon Jean-Léon
Beauvois [9], en fonction des
connaissances, du processus
de traitement de l’information,
des théories et des schémas de
l’individu. Ainsi, une formation
dans le cadre du DPC pourrait
faciliter leur montée en compétences par des connaissances
approfondies sur les pathologies
prévalentes en santé mentale.
En outre, une mise en situation
réelle ou simulée d’accueil et
de communication auprès des
personnes atteintes de maladie
psychique permettrait de développer leur sentiment d’efficacité. La coordination des acteurs
pluriprofessionnels pourrait
aussi optimiser le parcours de
vie de ces patients.
LIMITES DE LA RECHERCHE
des établissements sanitaires
afin d’obtenir leur autorisation. Or, deux directeurs des
soins sur quinze ont supprimé
des questions qu’ils jugeaient
trop personnelles. Il s’agissait
de cinq questions ajoutées par
le CCOMS de Lille relatives
à la santé psychique des soignants. Ainsi, l’interaction de
l’ensemble des éléments expérientiels, personnels et professionnels n’a pu être étudiée
chez tous les interrogés.
PERSPECTIVES
Cette première démarche de
recherche en santé publique
par les étudiants cadres a eu une
double utilité.
Au niveau de leur processus
d’apprentissage, ils ont développé leur compétence “Concevoir et conduire des projets en
lien avec les politiques de santé”
contenue dans le référentiel de
compétences de l’IFCS de Nice.
Au niveau professionnel, les
étudiants ont non seulement
pu modifier leurs représentations des patients présentant
une pathologie psychique et
construire une culture cadre
en santé publique, mais aussi
adopter une réflexivité sur leur
management futur. Ils se sont
questionnés à la fois sur le parcours de vie de ces personnes et
sur la santé des professionnels
de soin.
Fort de cette expérience, l’IFCS
de Nice a comme projet d’être
acteur dans l’évaluation du
changement de pratiques des
professionnels suite aux formations mises en place, notamment dans le domaine des
pratiques avancées en santé
mentale et en psychiatrie pour
les infirmières. n
Avant diffusion auprès des professionnels, le questionnaire
a été présenté aux dirigeants
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