Optimiser le séjour des patients atteints de pathologie

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42
savoirs et pratiques
Optimiser leséjour despatients
atteints depathologie psychique
enmédecine etchirurgie
Dans le contexte du Plan
psychiatrie et santé men-
tale 2011-2015 [1], l’Institut
de formation des cadres de
santé (IFCS) de la Croix-Rouge
française (CRf) de Nice (06),
le centre hospitalier spécialisé
(CHS) Sainte-Marie (06) et le
Centre collaborateur de l’Or-
ganisation mondiale de la santé
(CCOMS) pour la recherche et
la formation en santé mentale
de Lille (59) ont mené conjoin-
tement une recherche-action.
z
Cette étude s’appuie sur trois
recherches antérieures:
l’une
relative à la représentation des
problèmes de santé mentale dans
la population générale, une autre
en lien avec le vécu des personnes
atteintes de troubles schizophré-
niques et une dernière évaluant
le comportement du personnel
soignant vis-à-vis des usagers pré-
sentant une pathologie psychique.
z
Lors de l’analyse de ces tra-
vaux,
il est apparu nécessaire
d’identifier la représentation
du niveau de prise en charge des
personnes atteintes de maladies
psychiques par le personnel soi-
gnant travaillant en services de
médecine et de chirurgie dans les
Alpes-Maritimes.
Eneffet, avec la loi dite “Hôpi-
tal, patients, santé et territoires”
(HPST) du 21juillet2009[2] et
la loi n°2011-803 du 5juillet2011
[3], les compétences des soi-
gnants nécessaires à la qualité
de la prise en charge de cette
population sont un enjeu.
D’oùla question mise en avant
lors de cette recherche-action:
Quelles représentations les soi-
gnants travaillant en médecine
et chirurgie ont-ils de leur prise
en charge des patients atteints de
pathologies psychiques hospitali-
sés dans leurs services?
LA PROBLÉMATIQUE
DELASANTÉ MENTALE
z
L’enquête Santé men-
tale en population générale
(SMPG)[4], réalisée pendant
quatreans en France métropoli-
taine, montre que les personnes
âgées de 18ans et plus font une
distinction forte entre les termes
“fou” et “malade mental” d’un
côté, et “dépressif” de l’autre.
Alors que la dépression est
perçue comme un trouble gué-
rissable par les personnes inter-
rogées, les images du “fou” et
du “malade mental” sont plutôt
associées aux comportements
violents. Faisant peur, elles ren-
voient aux mots “dangereux”,
“transgression”, “incurabilité”,
“inconscience”, “irresponsabi-
lité” ou “exclusion”.
z
Létude internationale
INDIGO1
[5] cerne, quant à elle,
l’effet de la stigmatisation sur
le ressenti des personnes schi-
zophrènes. Générant une dis-
crimination familiale et sociale,
ces dernières ressentent un sen-
timent de honte, de dévalorisa-
tion et une perte d’estime de soi,
infl uant sur leur qualité de vie.
étude
z La recherche-action menée par les étudiants cadres de santé de l’Institut de formation des cadres
de santé de Nice contribue à l’optimisation du séjour des patients atteints de pathologie psychique
en médecine et chirurgie z À partir de l’évaluation des besoins en formation des soignants de ces
services, elle offre l’opportunité à ces étudiants de se projeter dans leur future fonction.
Optimising the stay of patients with a mental disorder in general medical or surgical units.
The action research undertaken by health manager students at the Nice health manager training
institution has helped to optimise the stay of patients with a mental disorder in general medical and
surgical units. Based on the assessment of the training needs of caregivers working in these units,
itenables the students to anticipate their future function.
BÉATRICE BRIGNONa,*
Responsable pédagogique
IFCS delaCRf deNice,
responsabledu module
“Initiation à la recherche”,
docteur ensciences
del’éducation
PASCALE BRUSSEAUa
Responsable pédagogique
IFCS de la CRf deNice,
responsabledu module
“Santépublique” jusqu’en 2015
DENISE DOLLETa
Directrice IFCS delaCRf
deNice
JEAN-YVES GIORDANAb
Chef deservice enpsychiatre
JEAN-LUC ROELANDTc
Directeur CCOMS
a Institut de formation
descadres de santé
delaCroix-Rouge française
deNice, IRFSS PACA & Corse,
17, avenue Cap-de-Croix,
06100Nice, France
b CHS Sainte-Marie,
87,avenueJoseph-Raybaud
CS41519, 06009 Nice Cedex1,
France
c Centre collaborateur
del’Organisation mondiale
delasanté pour la recherche
et la formation en santé
mentale, 211, rue Roger-
Salengro, 59260 Hellemmes,
France
*Auteur correspondant.
Adresse e-mail :
beatrice.brignon@croix-rouge.fr
(B. Brignon).
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
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Mots clés – étudiant cadre de santé; recherche-action; représentation; santé mentale; santé publique
Keywords – action research; health manager student; mental health; public health; representation
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SOiNS PSYCHIATRIE - no305 - juillet/août 2016 43
savoirs et pratiques
Elles ont en effet des diffi cultés
à accéder au logement, à l’em-
ploi et à développer tout type de
réseau relationnel. Retardant
le recours aux soins dans une
négation de leur trouble psy-
chique, leur pathologie évolue.
z
Une enquête exploratoire
sur l’identifi cation de compor-
tements discriminatoires
dans les pratiques soignantes,
réalisée par des étudiants
cadres de santé et des étudiants
infirmiers de 2eannée durant
deuxans à Nice, montre l’inté-
rêt des professionnels pour la
prise en charge despatients pré-
sentant des troubles psychiques
hospitalisés en service de soins
généraux. Il est constaté que le
droit aux soins de ces usagers
est garanti grâce à une stigma-
tisation positive de la part des
infirmières2. Elles leur recon-
naissent la nécessité de béné-
cier d’activités relationnelles
ainsi que l’importance de la
coordination des acteurs médi-
cosociaux [6].
z
Aussi, dans un objectif
d’amélioration de la qualité du
parcours de vie des patients
atteints de troubles psychiques
hospitalisés en services de méde-
cine et de chirurgie, il apparaît
essentiel d’identifier les besoins
en formation des soignants de ces
services. L’analyse de ces besoins
participera à l’élaboration d’un
cahier des charges concourant à
un dispositif de développement
professionnel continu (DPC)
pour les professionnels de santé
du département dans le domaine
de la santé mentale.
LA RECHERCHE-ACTION
Méthode etoutils
Dans le cadre du module “Santé
publique” de la formation
cadres de santé, 39étudiants
issus des filières infirmière et
médicotechnique3 de la promo-
tion 2011-2012 ont élaboré un
questionnaire qu’ils ont testé.
Après avoir ciblé la population
interrogée de soignants et éva-
lué son expérience personnelle
et professionnelle, ce question-
naire cherche à identifier les
représentations de la santé men-
tale des soignants, de leur prise
en charge du patient atteint de
pathologie psychique ainsi que
leurs connaissances de cette mala-
die. La fi nalité est de déterminer
leurs besoins en formation.
Population etterrain
Le questionnaire a été distribué
par les étudiants lors de leur stage
d’encadrement auprès de 361soi-
gnants. Ces derniers étaient
répartis dans 11services de méde-
cine et 9services de chirurgie au
sein de 15établissements sani-
taires des Alpes-Maritimes.
Traitement desdonnées
Sur 235questionnaires récupé-
rés auprès des 361soignants,
208 étaient exploitables, soit au
total 57,61%. L’analyse quanti-
tative des questions fermées et à
choix multiple a été réalisée par
les étudiants cadres de santé de
l’IFCS de la CRf de Nice à partir
des données rentrées dans le
logiciel ExcelTM par un attaché
de recherche clinique du CH
universitaire (CHU) de Nice.
L’analyse qualitative des ques-
tions ouvertes a été, quant à elle,
faite de manière complémen-
taire par:
• le CCOMS de Lille, à partir
du logiciel d’analyse de don-
nées textuelles Alceste;
• les étudiants cadres de santé
des promotions 2011-2012 et
2012-2013.
RÉSULTATS
z
La population interrogée
est à dominante féminine, infi r-
mière et diplômée après 1992,
date à laquelle la délivrance du
diplôme d’infirmière spécia-
lisée en psychiatrie a disparu.
La population minoritaire
concerne les aides-soignants.
Si l’expérience professionnelle
de ces derniers est supérieure à
seizeans dans le même service et
celle des infi rmières inférieure
ou égale à cinqans, les soignants
en général ont très peu de pra-
tique en santé psychique. Elle
correspond à leurs stages de
formation initiale. Leurs res-
sources individuelles en santé
mentale étant donc plus d’ordre
théorique qu’expérientiel, tous
disent que leur niveau de compé-
tences a baissé dans ce domaine.
z
Les données sur le vécu
personnel des soignants
interrogésen santé mentale
montrent qu’ils sont concernés
directement par cette patho-
logie à des niveaux plus ou
moins importants:
50% ont dans leur entourage
(professionnel, familial ou
social) une personne présen-
tant une pathologie psychique;
• 34% ont été eux-mêmes sujets
à une pathologie mentale ou à un
suivi en psycho thérapie, jusqu’à
être hospitalisés en service de psy-
chiatrie pour 3% des cas.
z
Les représentations de la
santé mentale
permettent
de constater que la personne
atteinte de troubles psychiques
ou du comportement est consi-
dérée comme “fou” pour 50%
des soignants. Seuls quelques-
uns associent les affectations
neurologiques à une maladie
mentale. Les pathologies psy-
chiques sont particulièrement
méconnues, au premier rang
d’entre elles la schizophré-
nie suivie par la psychose, les
troubles bipolaires et les troubles
obsessionnels compulsifs.
z
La prise en charge des
patients atteints de mala-
die psychique
a lieu dès leur
NOTES
1
INternational study
ofDIscrimination and stiGma
Outcomes.
2
Lire infi rmiers et infi rmières.
3
Kinésithérapeute, technicien
de laboratoire, manipulateur
enimagerie médicale
etpréparateur en pharmacie.
RÉFÉRENCES
[1] Ministère du Travail,
del’Emploi et de la Santé. Plan
psychiatrie et santé mentale
2011-2015.
http://social-sante.gouv.fr/IMG/
pdf/Plan_Psychiatrie_et_Sante_
Mentale_2011-2015.pdf
[2] Loi n°2009-879
du21juillet2009 portant
réforme de l’hôpital et relative
aux patients, à la santé
etauxterritoires. https://www.
legifrance.gouv.fr/affi chTexte.do?
cidTexte=JORFTEXT00002087947
5&categorieLien=id
[3] Loi n°2011-803
du5juillet2011 relative
aux droits etàlaprotection
despersonnes faisant l’objet
de soins psychiatriques
etauxmodalités de prise
encharge. https://www.
legifrance.gouv.fr/affi chTexte.do?
cidTexte=JORFTEXT00002431272
2&categorieLien=id
[4] BellamyV, RoelandtJL,
CariaA. Troubles mentaux
etreprésentations de la santé
mentale: premiers résultats
de l’enquête Santé mentale
enpopulation générale. Études
etRésultats. 2004;347:1-12.
[5] DaumerieN, Vasseur-
BacleS, GiordanaJY et al.
La discrimination vécue
parles personnes ayant reçu
un diagnostic detroubles
schizophréniques. Premiers
résultats français de
l’étude INDIGO. Encéphale.
2012;38(3):224-31.
[6] DolletD, Bourdais-MannoneC,
GiordanaJY. Droit des usagers
et équipe pluridisciplinaire
en établissement sanitaire.
In: Groupe français
d’épidémiologie psychiatrique.
Congrès vulnérabilité
ethandicap psychique. Nice;
25et26septembre 2008.
[7] GiordanaJY. La stigmatisation
en psychiatrie et en santé
mentale. Issy-les-Moulineaux:
Masson; 2010.
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SOiNS PSYCHIATRIE - no305 - juillet/août 2016
44
savoirs et pratiques
accueil. Alors que pour 65%
des soignants les hospitalisa-
tions de ces usagers en services
de médecine et de chirurgie
sont peu nombreuses, ils disent
cependant qu’elles sont tou-
jours en lien avec des patholo-
gies associées. Demême, 75%
du personnel énoncent que la
connaissance qu’ils ont des pro-
blèmes psychiques se fait grâce
à la fi che de liaison, au dossier
patient ou au courrier médical,
sans toutefois fournir de consi-
gnes particulières sur leur prise
en charge. À partir du moment
où les professionnels savent
que la personne est atteinte
de pathologie psychique, 50%
d’entre eux déclarent que son
accueil est différent de celui du
patient atteint seulement de
pathologie somatique.
z
Au niveau des soins,
87%
des soignants disent se sentir en
sécurité quand ils réalisent aussi
bien des gestes techniques que
des soins de confort auprès des
personnes atteintes de patho-
logie psychique. En revanche,
la majorité appréhende la
communication avec elles du
fait non seulement du manque
d’expérience dans le domaine
de la santé mentale mais aussi
de la peur de leur réaction.
z
Concernant les besoins en
formation,
56% de la popula-
tion estiment avoir un niveau de
connaissances moyen en santé
psychique. Si la majorité n’a
pas suivi de formation continue
dans cette spécialité et aimerait
en avoir, ceux qui en ont béné-
cié voient leurs pratiques évo-
luer de manière favorable.
DISCUSSION
z
La réponse contradictoire
des professionnels
entre,
d’une part, leur sentiment de
sécurité lors de la réalisation des
gestes techniques et des soins
de confort et, d’autre part, leur
appréhension de la commu-
nication, montre leur stigmati-
sation des patients atteints de
pathologie psychique. Si celle-ci
s’explique, en référence à Jean-
Yves Giordana [7], par leur
crainte de phénomènes de vio-
lence et de dangerosité dans
un contexte expérientiel faible
dans ce domaine, la confron-
tation à la maladie psychique
semble toutefois ne pas être si
rare. En effet, dans son rapport
de 2001 [8], l’OMS constate
qu’un patient hospitalisé sur
quatre souffre de troubles men-
taux. Il semblerait donc que les
soignants n’aient pas toujours
connaissance de l’état mental
du patient.
z
De plus, l’explication du
malaise des soignants et de
leur stigmatisation pourrait
être en lien avec leur manque
de connaissances en santé men-
tale. Le rapport social au sujet
se fait en effet, selon Jean-Léon
Beauvois[9], en fonction des
connaissances, du processus
de traitement de l’information,
des théories et des schémas de
l’individu. Ainsi, une formation
dans le cadre du DPC pourrait
faciliter leur montée en compé-
tences par des connaissances
approfondies sur les pathologies
prévalentes en santé mentale.
En outre, une mise en situation
réelle ou simulée d’accueil et
de communication auprès des
personnes atteintes de maladie
psychique permettrait de déve-
lopper leur sentiment d’effi ca-
cité. La coordination des acteurs
pluriprofessionnels pourrait
aussi optimiser le parcours de
vie de ces patients.
LIMITES DELARECHERCHE
Avant diffusion auprès des pro-
fessionnels, le questionnaire
a été présenté aux dirigeants
des établissements sanitaires
afin d’obtenir leur autorisa-
tion. Or, deux directeurs des
soins sur quinze ont supprimé
des questions qu’ils jugeaient
trop personnelles. Il s’agissait
de cinq questions ajoutées par
le CCOMS de Lille relatives
à la santé psychique des soi-
gnants. Ainsi, l’interaction de
l’ensemble des éléments expé-
rientiels, personnels et profes-
sionnels n’a pu être étudiée
chez tous les interrogés.
PERSPECTIVES
Cette première démarche de
recherche en santé publique
par les étudiants cadres a eu une
double utilité.
Au niveau de leur processus
d’apprentissage, ils ont déve-
loppé leur compétence “Conce-
voir et conduire des projets en
lien avec les politiques de santé”
contenue dans le référentiel de
compétences de l’IFCS de Nice.
Au niveau professionnel, les
étudiants ont non seulement
pu modifier leurs représenta-
tions des patients présentant
une pathologie psychique et
construire une culture cadre
en santé publique, mais aussi
adopter une réfl exivité sur leur
management futur. Ils se sont
questionnés à la fois sur le par-
cours de vie de ces personnes et
sur la santé des professionnels
de soin.
Fort de cette expérience,l’IFCS
de Nice a comme projet d’être
acteur dans l’évaluation du
changement de pratiques des
professionnels suite aux forma-
tions mises en place, notam-
ment dans le domaine des
pratiques avancées en santé
mentale et en psychiatrie pour
les infi rmières.
n
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclarent
ne pas avoir de liens
d’intérêts.
RÉFÉRENCES
[8] Organisation mondiale
delasanté. Rapport sur la santé
dans le monde, 2001. La santé
mentale: nouvelle conception,
nouveaux espoirs.
http://www.who.int/whr/2001/fr/
[9] BeauvoisJL. Traité
delaservitude libérale: analyse
de la soumission. Paris: Dunod;
1994.
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