Les variations climatiques influencent l`émergence du choléra

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Fiche n°271 - Juillet 2007
Les variations climatiques
influencent l’émergence du
choléra en Afrique
e choléra est une infection intestinale aiguë
provoquée par la bactérie
Vibrio cholerae qui sévit
principalement dans les
régions intertropicales où
elle affecte plus de 100
000 personnes par an. Des
études antérieures ont
montré l’existence d’une
relation entre variations
climatiques et émergence
du choléra au Bengladesh
et en Amérique du Sud.
Cependant, aucuns travaux n’avaient jamais été
effectués en Afrique où la
situation reste pourtant la
plus préoccupante. Afin de
mieux comprendre l’émergence et le maintien du
choléra sur ce continent,
des chercheurs de l’IRD
et du CNRS ont montré
la corrélation étroite qui
existe entre les manifestations de cette maladie et
les différents paramètres
liés aux variations du climat en Afrique de l’Ouest.
Grâce à ces travaux (1),
les scientifiques espèrent
créer un modèle prédictif
qui permettrait d’améliorer la prévision des risques en anticipant l’émergence de foyers infectieux
et donc en facilitant en
pratique la mise en place
de mesures de protection
des populations.
© IRD/Cheikh Sokhna
L
Un mauvais assainissement des eaux usées peut être à l'origine des épidémies de choléra.
Le choléra est une maladie infectieuse
due à une bactérie, le bacille Vibrio cholerae. En 2004, 101 383 cas, dont 95 000
uniquement pour le continent africain, et 2
345 décès ont été déclarés à l'Organisation Mondiale de la Santé. Depuis plusieurs
années, le changement climatique global
contribue largement à la diffusion du choléra en augmentant la fréquence des pluies
diluviennes, des inondations et des périodes
de sécheresse. Il est désormais établi que la
prolifération du zooplancton qui héberge la
bactérie Vibrio cholerae suit celle du phytoplancton dont la croissance est directement
liée aux variations climatiques. Cependant,
les facteurs agissant sur les conditions climatiques se montrent nombreux et difficiles
à étudier. Certains paramètres varient en
effet suivant les régions du globe alors que
d’autres agissent à l’échelle planétaire. Les
interactions entre le climat et l’émergence du
choléra doivent donc êtres étudiées région
par région. Des recherches se poursuivent
au Bangladesh ainsi qu’en Amérique du Sud
depuis de nombreuses années, mais jusqu‘à
présent très peu de travaux ont été menés
en Afrique. C’est pourtant sur ce continent
que la situation sanitaire est aujourd’hui la
plus préoccupante.
Pour la première fois, une étude publiée par
des chercheurs du laboratoire de Génétique
et Evolution des Maladies Infectieuses
(GEMI), unité mixte de recherche IRD/CNRS
(2), a mis en évidence les corrélations qui
existent entre l’apparition d’épidémies de
choléra et les données climatiques dans
5 pays de l’Afrique de l’Ouest (Togo, Côte
d’Ivoire, Ghana, Bénin et Nigéria). Pour cela,
ces chercheurs ont constitué une base de
données épidémiologiques à partir des cas
recensés par l’OMS sur une période de 20
ans, entre 1975 et 1995, dans chacun de ces
pays. Ils ont ensuite confronté ces chiffres aux
paramètres de variations climatiques locaux
et globaux. Il s’agit notamment du volume
des précipitations et de l’Indian Oscillation
Index (IOI), un indice de la variabilité climatique globale construit à partir des variations
>>
Institut de recherche pour le développement - 213, rue La Fayette - F-75480 Paris cedex 10 - France - www.ird.fr
CONTACTS :
JEAN-FRANÇOIS GUÉGAN,
Laboratoire de Génétique
et Evolution des Maladies
Infectieuses (GEMI)
UMR 2724 CNRS/IRD et UR
165 IRD 33.
+33 (0)4 67 41 62 05
[email protected]
GUILLAUME CONSTANTIN DE MAGNY,
Université du Maryland,
College Park, MD, USA.
[email protected]
RELATIONS AVEC LES MÉDIAS
+33 (0)1 48 03 75 19 ;
[email protected]
INDIGO, PHOTOTHÈQUE DE L’IRD
+33 (0)1 48 03 78 99 ;
[email protected]
www.ird.fr/indigo
IRD AUDIOVISUEL
+33 (0)1 48 02 56 24 ;
[email protected]
www.audiovisuel.ird.fr/
RÉFÉRENCES :
GUILLAUME CONSTANTIN DE MAGNY
ET AL. "Regional-scale climatevariability synchrony of cholera epidemics in West Africa”
BMC Infectious Diseases,
http://www.biomedcentral.
com/1471-2334/7/20
GUILLAUME CONSTANTIN DE MAGNY
ET AL.
"Cholera Threat to Human in
Ghana Is Influenced by Both
Global and Regional Climatic
Variability"
EcoHealth, 3, 223-231, 2007
MOTS-CLEFS :
CHOLÉRA, VARIATIONS CLIMATIQUES, ANALYSES EN ONDELETTES,
AFRIQUE
DE L’OUEST
© IRD
pour la totalité des territoires concernés par
l’étude. IOI et volume des précipitations sont
donc deux variables climatiques qui paraissent fortement corrélées à l’apparition des
foyers épidémiques de choléra. Ces derniers
surviennent généralement lors de périodes
saisonnières mais peuvent aussi aller au-delà
du cycle annuel (entre 2 à 5 ans). Autrement
dit, des relations indirectes entre variations
climatiques ou variations du volume des précipitations et émergence de foyers infectieux
peuvent se prolonger sur plusieurs années.
Ces résultats sont en accord avec ceux
obtenus précédemment au Bangladesh et en
Amérique du Sud.
Dans les prochaines années, les résultats
de ces travaux devraient contribuer à la création d’un système d’alerte prenant en compte
des paramètres climatiques dans la prédiction de la dynamique des épidémies de choléra. Ce qui devrait permettre à la fois la mise
en place d’actions de prévention comme la
filtration de l’eau de consommation et l’anticipation de la prise en charge des populations
par l’apport de kits médicaux et de sels de
réhydratation. Ce type d’approche pourrait
également être appliqué à la compréhension
et la prévention d’autres maladies sensibles
au climat comme les maladies vectorielles
(paludisme, dengue …).
S. Sapolin / G. Fléchet - IRD
(1) Ces travaux ont bénéficié du soutien financier du programme Gestion et Impacts du
Changement Climatique (GICC) du Ministère
de l’Ecologie et du Développement Durable et
du Centre National d’Etudes Spatiales.
(2) L’étude a été menée en collaboration avec
Bernard Cazelles du CNRS (UMR 7625 et UR
IRD GEODES) et Michel Petit, chercheur IRD
à l’US ESPACE de Montpellier.
© NASA
Fiche n°271 - Juillet 2007
Pour en savoir plus
de pression atmosphérique au niveau de
la mer dans l’Océan Indien. Lorsque cet
indice est inférieur à -1, il est associé à un
événement chaud comme l’augmentation de
la température de surface de l’océan. A l’opposé, les valeurs supérieures à +1 coïncident
avec des événements froids.
Régime annuel des précipitations et IOI
agissent sur l’environnement aquatique
dans lequel évolue Vibrio cholerae (estuaires, bords de mer, lits des fleuves…). Dans la
nature, le bacille cholérique vit au contact de
petits crustacés aquatiques, les copépodes,
entrant dans la composition du zooplancton.
Ces animaux microscopiques qui constituent
le réservoir principal de la bactérie se nourrissent de phytoplancton. Ils ont donc tendance
à se regrouper dans les zones où la densité de ces algues microscopiques est la plus
importante. Cette relation est fondamentale
car elle permet de suivre par télédétection les
aires riches en plancton, et donc de repérer
depuis l’espace les réservoirs potentiels de
vibrions aux abords des côtes.
Afin de mieux comprendre la dynamique
d’émergence irrégulière des épidémies de
choléra, les chercheurs du GEMI ont utilisé un outil statistique adapté en privilégiant
une méthode d’analyse dites en ondelettes.
Ce procédé novateur permet de confronter
les fréquences d’apparition des épidémies
à divers paramètres climatiques ou environnementaux (indice de variabilité climatique,
volume des précipitations, concentration en
phytoplancton à proximité des côtes). Cette
approche tient également compte de la variation aléatoire des fréquences d’apparition des
foyers épidémiques.
Les scientifiques sont ainsi parvenus à
relier le nombre de nouveaux cas de
choléra à l’indice de la variabilité climatique globale puis aux relevés mensuels des
précipitations entre 1989 et 1994. Pour cette
période, une fréquence de la survenue des
épidémies de 2 à 3 ans a pu être mise en
évidence pour les pays inclus dans l’étude, à
l’exception de la Côte d’Ivoire. Une corrélation
significative a également pu être observée
entre l’IOI et le régime des précipitations
annuelles pour ces quatre même pays. Par
ailleurs, l’analyse de la variabilité interannuelle des précipitations entre 1975 et 1996
a permis de démontrer l’existence d’un cycle
de 3 à 5 ans dans l’apparition de la maladie
Visualisation par télédétection de l'augmentation de
la densité de phytoplancton au large des côtes ouest
africaines
Grégory Fléchet, coordinateur
Délégation à l’information et à la communication
Tél. : +33(0)1 48 03 76 07 - fax : +33(0)1 40 36 24 55 - [email protected]
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