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vis du secteur privé. La coopération monétaire internationale peut, en effet, inciter le
secteur privé à fixer un salaire nominal plus élevé parce qu’il sait qu’un régime non
coopératif aurait exercé une contrainte supplémentaire à la discipline1. Le régime
coopératif élimine cette incitation à ne pas produire de l’inflation surprise et, par
conséquent, accroît le biais inflationniste de la politique monétaire. Bien que la
coopération améliore les réponses des économies face à des chocs d’offre ou de
demande (CANZONERI et HENDERSON [1991]), elle procure des gains en terme de
bien-être global seulement si le problème de crédibilité du gouvernement vis-à-vis du
secteur privé est résolu.
LASKAR [1989] introduit, dans le cadre d’analyse de ROGOFF [1985b], des
banques centrales indépendantes, i.e. dont le degré d’aversion à l’égard de l’inflation
est supérieur à celui de la société. En comparant différents types d’arrangements
concernant le système de change (régime de change flexible et régime de change fixe
asymétrique ou union monétaire), LASKAR [1993a] obtient des résultats favorables à
une union monétaire puisqu’elle permet d’éliminer la perte qui, dans un système de
change flexible, provient du manque de coopération internationale dans le choix des
banquiers centraux. Un choix approprié du degré de conservatisme optimal des
banquiers centraux permet d’éviter que la coopération soit contre-productive :
l’inflation doit être davantage pénalisée dans le régime de coopération monétaire.
Cet article étudie la question de l’organisation monétaire optimale en économie
ouverte, et se propose de relier le problème de la crédibilité et du jeu de délégation à
celui de la coordination des politiques monétaires entre pays.
Dans le contexte d’un modèle à deux pays symétriques, deux formes
d’arrangements monétaires2 sont examinées et comparées : la première est un
système de change fixe avec contrôle sur les mouvements de capitaux dans lequel les
politiques monétaires peuvent être choisies indépendamment l’une de l’autre
(GIAVAZZI et PAGANO [1988])3 ; la seconde est une union monétaire dans laquelle les
deux pays participent ensemble à la conduite de la politique monétaire par la création
d’une banque centrale commune.
1 Une politique monétaire expansionniste se traduit ex post par une dépréciation du taux de change
réel et, par conséquent, réduit le bien-être social du pays qui la pratique : la dépréciation réelle du taux
de change accroît les prix à la consommation, ce qui déprime l’emploi si le secteur privé répercute la
hausse des prix sur le salaire nominal.
2 Ces deux organisations monétaires représentent les principales phases de la construction monétaire
européenne, l’étape intermédiaire d’un système de change fixe avec mobilité parfaite des capitaux
étant ici similaire à l’union monétaire.
3 L’hypothèse d’un système de parités fixes avec contrôle sur les mouvements de capitaux renvoie à
l’analyse de GIAVAZZI et PAGANO [1988], dans laquelle chaque réévaluation du taux de change
nominal fait revenir le taux de change réel à un niveau de référence donné ; entre ces réalignements, le
taux de change réel peut fluctuer en raison d’une substituabilité imparfaite des actifs financiers, son
comportement dépendant alors du différentiel des taux d’inflation entre les deux pays.