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Arbitrage inflation – chômage
et organisation monétaire optimale :
une illustration en économie ouverte
Céline BARRE
RESUME :
Dans le contexte d’un modèle à deux pays symétriques, nous cherchons à relier la question de
la crédibilité et du jeu de délégation à celle de la coordination des politiques monétaires entre pays.
Nous examinons et comparons deux formes d’arrangements monétaires : le premier est un système de
change fixe avec contrôle sur les mouvements de capitaux dans lequel les politiques monétaires
peuvent être choisies indépendamment ; le second est une union monétaire dans laquelle les deux pays
participent ensemble à la conduite de la politique monétaire par la création d’une banque centrale
commune. Nous montrons que le choix d’une union monétaire est lié à celui du “ bon ” objectif de la
banque centrale commune. En particulier, si le poids de conservatisme attribué à la banque centrale est
celui qui résulte de la maximisation de l’objectif social dans chaque pays, alors la coopération n’est
jamais contre-productive. A l’opposé, l’absence de coopération internationale peut être bénéfique si la
banque centrale commune est ultra-conservatrice alors que l’inflation peut exercer un effet favorable
sur l’emploi.
CEDERS, Université de la Méditerranée – 14 Avenue Jules Ferry – 13621 Aix-en-Provence – Tél : 04
42 91 48 34 – Fax : 04 42 91 48 29 – E.mail : c.barre@romarin.univ-aix.fr
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1. Introduction
Les travaux relatifs à l’incohérence temporelle de la politique monétaire
faiblement inflationniste, initialement traités en économie fermée, ont été étendus
dans un cadre international, principalement par la transposition, en économie
ouverte, de l’analyse de BARRO et GORDON [1983a]. Dès lors, l’interaction
stratégique, au niveau interne, entre un gouvernement et le secteur privé, se double
d’une interaction stratégique, au niveau externe, entre plusieurs décideurs
monétaires. La question de la crédibilité de la politique monétaire faiblement
inflationniste renvoie désormais à celle de la coordination des politiques monétaires
en économie ouverte
De manière générale, le jeu de politique monétaire en économie ouverte est
traité en termes d’interdépendances stratégiques entre deux pays symétriques, et
souligne la supériorité, en terme de bien-être social, de la solution coopérative sur les
solutions non coopératives (HAMADA [1976], OUDIZ et SACHS [1984], COOPER
[1985], CANZONERI et GRAY [1985], CANZONERI et HENDERSON [1988]). Plus
précisément, l’incitation à la coopération internationale provient de l’efficacité
relative d’un régime monétaire coopératif concernant sa réponse à des chocs
symétriques ou asymétriques. Il apparaît, en effet, que les comportements non
coopératifs créent des externalités dans les relations internationales ; la coopération
permet alors d’internaliser et, conséquemment, d’éliminer les inefficiences dues à
des politiques monétaires unilatérales.
Toutefois, ces analyses présentent deux principales limites. D’une part, les
résultats auxquels elles aboutissent sont sensibles à la nature des chocs ; le corollaire
est qu’en l’absence de perturbations aléatoires, le conflit entre les deux pays
disparaît. Les régimes non coopératif et coopératif sont alors équivalents : le niveau
de bien-être national, généralement mesuré en termes d’emploi et d’inflation, est
maximal et indépendant du régime monétaire. La spécification de ces modèles
implique, en effet, que le conflit politique international découle systématiquement de
la réaction aux aléas subis par les économies. D’autre part, ils supposent une absence
de conflit interne entre le gouvernement et le secteur privé : le secteur privé fixe un
salaire nominal compatible avec la cible de plein-emploi du gouvernement
(CANZONERI et HENDERSON [1991], BRYSON [1993]). Or, la présence de distorsions
sur le marché du travail peut remettre en cause la supériorité de la coopération
internationale.
ROGOFF [1985b] montre ainsi qu’une coopération monétaire accrue entre deux
gouvernements n’améliore pas forcément le bien-être de l’union des deux pays. La
contre-production de cette organisation monétaire peut conduire à un surplus
d’inflation parce qu’elle accroît le problème de crédibilité des gouvernements vis-à-
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vis du secteur privé. La coopération monétaire internationale peut, en effet, inciter le
secteur privé à fixer un salaire nominal plus élevé parce qu’il sait qu’un régime non
coopératif aurait exercé une contrainte supplémentaire à la discipline1. Le régime
coopératif élimine cette incitation à ne pas produire de l’inflation surprise et, par
conséquent, accroît le biais inflationniste de la politique monétaire. Bien que la
coopération améliore les réponses des économies face à des chocs d’offre ou de
demande (CANZONERI et HENDERSON [1991]), elle procure des gains en terme de
bien-être global seulement si le problème de crédibilité du gouvernement vis-à-vis du
secteur privé est résolu.
LASKAR [1989] introduit, dans le cadre d’analyse de ROGOFF [1985b], des
banques centrales indépendantes, i.e. dont le degré d’aversion à l’égard de l’inflation
est supérieur à celui de la société. En comparant différents types d’arrangements
concernant le système de change (régime de change flexible et régime de change fixe
asymétrique ou union monétaire), LASKAR [1993a] obtient des résultats favorables à
une union monétaire puisqu’elle permet d’éliminer la perte qui, dans un système de
change flexible, provient du manque de coopération internationale dans le choix des
banquiers centraux. Un choix approprié du degré de conservatisme optimal des
banquiers centraux permet d’éviter que la coopération soit contre-productive :
l’inflation doit être davantage pénalisée dans le régime de coopération monétaire.
Cet article étudie la question de l’organisation monétaire optimale en économie
ouverte, et se propose de relier le problème de la crédibilité et du jeu de délégation à
celui de la coordination des politiques monétaires entre pays.
Dans le contexte d’un modèle à deux pays symétriques, deux formes
d’arrangements monétaires2 sont examinées et comparées : la première est un
système de change fixe avec contrôle sur les mouvements de capitaux dans lequel les
politiques monétaires peuvent être choisies indépendamment l’une de l’autre
(GIAVAZZI et PAGANO [1988])3 ; la seconde est une union monétaire dans laquelle les
deux pays participent ensemble à la conduite de la politique monétaire par la création
d’une banque centrale commune.
1 Une politique monétaire expansionniste se traduit ex post par une dépréciation du taux de change
réel et, par conséquent, réduit le bien-être social du pays qui la pratique : la dépréciation réelle du taux
de change accroît les prix à la consommation, ce qui déprime l’emploi si le secteur privé répercute la
hausse des prix sur le salaire nominal.
2 Ces deux organisations monétaires représentent les principales phases de la construction monétaire
européenne, l’étape intermédiaire d’un système de change fixe avec mobilité parfaite des capitaux
étant ici similaire à l’union monétaire.
3 L’hypothèse d’un système de parités fixes avec contrôle sur les mouvements de capitaux renvoie à
l’analyse de GIAVAZZI et PAGANO [1988], dans laquelle chaque réévaluation du taux de change
nominal fait revenir le taux de change réel à un niveau de référence donné ; entre ces réalignements, le
taux de change réel peut fluctuer en raison d’une substituabilité imparfaite des actifs financiers, son
comportement dépendant alors du différentiel des taux d’inflation entre les deux pays.
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Dans les deux régimes monétaires, il est supposé que chaque gouvernement
pratique la politique monétaire optimale. D’une part, chaque gouvernement pratique
une politique des subventions destinée à réduire les rigidités réelles qui sont dues à la
présence d’un syndicat qui fixe le salaire nominal à un niveau supérieur à celui qui
équilibrerait le marché du travail ; dans chaque pays, le gouvernement a donc un
moyen de lutter contre le chômage sans utiliser la politique monétaire non anticipée.
D’autre part, la question de la crédibilité du pré-engagement concernant la politique
monétaire peut être résolue par le biais de la délégation du pouvoir monétaire à une
banque centrale indépendante.
Le problème de chaque gouvernement revient donc à définir l’objectif de la
banque centrale (i.e. le paramètre optimal de délégation) de sorte que la politique
discrétionnaire pratiquée par celle-ci coïncide avec la politique monétaire optimale.
Par conséquent, dans les deux régimes, le choix des stratégies monétaires optimales
renvoie à celui du poids optimal de conservatisme. Le régime non coopératif
correspond alors au cas où chaque pays détermine le degré de conservatisme de son
banquier central en prenant comme donné le type du banquier central de l’autre.
Dans le régime de coopération monétaire, le choix des banquiers centraux est réalisé
de façon coopérative. Dans les deux cas, une définition adaptée de l’objectif des
banques centrales permet de résoudre le problème de la crédibilité de la politique
monétaire.
Il apparaît alors qu’en l’absence de coopération internationale, les deux pays
choisissent des banquiers centraux qui ne pénalisent pas suffisamment l’inflation, ce
qui réduit le bien-être global. Ce résultat est conforme à celui de la littérature
existante (ROGOFF [1985b], LASKAR [1993a]) : en éliminant le problème de la
crédibilité de la politique monétaire par le biais de la délégation, la coopération
internationale n’est jamais contre-productive. Plus particulièrement, la coopération
monétaire internationale est toujours préférable à la poursuite de politiques
monétaires isolées à condition que le degré de conservatisme de la banque centrale
commune résulte de la maximisation du bien-être social dans chacun des pays. Dans
le cas contraire, la création d’une banque centrale commune peut-être sous optimale.
Ce résultat provient de la possibilité d’affecter l’emploi par une politique monétaire
anticipée.
2. Présentation du modèle
Le modèle décrit deux économies interdépendantes en régime de change fixe.
Nous supposons que les deux pays sont identiques, chacun produisant un bien
spécifique consommé par l’ensemble des consommateurs. Dans ce modèle, la
5
politique monétaire peut avoir un effet réel parce que, dans chaque pays, le salaire
nominal est indexé sur le niveau des prix à la consommation qui est défini (en logs)
comme une somme pondérée des prix (exprimés dans la même monnaie) des deux
biens.
Chaque économie i ( BAi ,=) est composée de deux agents : le gouvernement
et le syndicat. Toutes les variables sont exprimées en logarithmes. Le gouvernement
du pays i choisit le taux de subvention à l’emploi financée par l’imposition ( i
s) et le
niveau des prix à la production ( i
p), tandis que le syndicat du pays i fixe le salaire
nominal ( i
w). Finalement, le niveau de l’emploi i
l est donné par l’équation de la
demande de travail :
iiiii cspwbal
π
++= )( (1)
0c représente l’effet de la politique monétaire du pays i ( )1(
= iii pp
π
) sur
l’emploi i
l. Les deux pays étant de même taille et de même structure, les coefficients
des variables correspondantes sont identiques ; en particulier, la technologie est
similaire : 0,>bRa . Pour corriger l’effet néfaste du salaire réel (payé par la
firme) sur le niveau de l’emploi, le gouvernement met en œuvre une politique de
l’emploi qui prend la forme générale d’une subvention des salaires. Cette subvention
est financée partiellement par les taxes fiscales i
s, et partiellement par l’inflation i
c
π
(taxe inflationniste).
En notant n le logarithme de plein emploi, le taux de chômage dans le pays i
est mesuré par :
)()( )1(
+== iiiiiii ppcspwbanlnu (2)
Les objectifs des syndicats dans les deux pays sont représentés par les formes
quadratiques suivantes :
2
))(( AAA qwS
ω
(3a)
2
))(( BBB qwS
ω
(3b)
Dans chaque pays i ( BAi ,
=), le syndicat cherche à minimiser les déviations du
salaire réel en termes de biens de consommation par rapport à une cible
ω
strictement positive. En raison de la symétrie du modèle, la cible de salaire réel
ω
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