Les liants - RE

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Guide des liants minéraux utilisés dans
la construction et la restauration
Introduction
Distinction entre la chimie minérale et la chimie organique
Au cours des deux premiers milliards d’années de l’existence de la terre, on ne trouve à sa
surface que des substances minérales. La terre est née de la condensation d’un mélange de
matière intergalactique et de matières issues de l’explosion d’une supernova. L’écorce
terrestre, plus légère que les matières profondes, est constituée à plus de 99 % d’éléments
oxydés (SiO2, Al2O3, Fe2O3, CaO, Na2O, K2O, …). La chimie qui régla la transformation de la
matière à la surface de la terre durant les deux premiers milliards d’années, est une chimie
purement « minérale ».
Les choses changent, il y a deux milliards et demi d’années, avec l’apparition de la vie,
rendue possible par l’abaissement de la température de la surface terrestre. Des bactéries et
des micro-algues s’attaquent aux matières contenant des oxydes de carbone et parviennent à
rompre, par photosynthèse, la liaison R-C-O au profit d’une liaison R-C-H2. Cette réaction
constitue la base de la chimie « organique », produite par des « organismes » (vivants). La
liaison ≡C−H est la clé du monde vivant : elle est à la base de la structure des protéines et de
pratiquement toutes les autres molécules qui constituent les cellules vivantes.
Dans le domaine qui nous occupe, il est très important de distinguer les liants qui relèvent du
monde minéral et ceux qui relèvent de la famille des composés organiques.
- Les liants minéraux sont généralement obtenus par traitement à haute température de
matière minérale, et font prise en présence d’eau. Le carbone ne s’y rencontre que sous la
forme oxydée de CO2 (carbonate).
- Les liants organiques sont synthétisés par des organismes vivants, ou par la science de
l’homme, au départ de matière minérale ou de matière organique préexistante. Leur mode
de prise est complexe, et le carbone s’y rencontre principalement sous la liaison ≡C−H.
Les liants ont, selon leur appartenance, des propriétés très différentes : les premiers sont
généralement poreux et capillaires, les seconds sont le plus souvent étanches et hydrophobes.
Les liants minéraux et organiques sont normalement compatibles avec tous les supports
minéraux ; les liants minéraux ne sont quasi jamais compatibles avec les supports organiques.
Cela signifie pratiquement qu’un support minéral ayant reçu un traitement organique ne
pourra plus recevoir le moindre traitement minéral avant l’enlèvement complet du traitement
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organique. Si cet enlèvement est impossible, il ne pourra plus recevoir que de nouveaux
traitements organiques, en gardant bien à l’esprit que les traitements organiques ne sont pas
toujours compatibles entre eux. La diversité croissante des produits de synthèse rend les
choses de plus en plus complexe, d’autant que certaines formules nouvelles s’écartent des
familles classiques. Les silanes SiH4, par exemple, ne répondent pas strictement à la définition
d’un produit organique mais en ont le comportement : le silane SiH4 est hydrophobe, alors
que la silice SiO2 est hydrophile. Le fait que de très nombreux liants sont aujourd’hui vendus
sous forme de mélange préparé, et non pas d’un produit pur, ne simplifie pas les choses.
Certains liants « minéraux » - et vendus comme tel, contiennent trop souvent une part
importante de matières organiques, dont la nature est rarement précisée, au nom de la
protection d’un quelconque secret de fabrication. La mise en œuvre de tels produits peut
rendre problématiques les interventions ultérieures.
Dans le cadre de travaux de restauration et d’entretien de bâtiments historiques, il faut
toujours privilégier les filières purement minérales, et éviter au maximum la mise en œuvre de
produits organiques – exception faite de l’utilisation d’huiles siccatives naturelles.
Tous les liants n’ont pas les mêmes propriétés, ils n’offrent pas tous les mêmes performances,
ne sont pas tous compatibles entre eux, et doivent donc être mis en œuvre à bon escient.
Le présent ouvrage souhaite faire le tour de la question. Il se limite à la description des liants
minéraux, qui font prise en milieu ambiant. Les liants faisant prise à haute température et / ou
sous haute pression (limon, silice fusibles, …) assurant la fabrication des briques, des grès
cérame, du verre, des pierres à meule artificielle, etc., ne seront pas décrits. Il n’abordera pas
non plus, sauf dans la partie historique, les matériaux produits industriellement à basse
température (pierre factice, bloc béton, béton cellulaire, éléments préfabriqués, …).
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Les liants minéraux
I. L’histoire des liants minéraux
1. L’ARGILE
Les mortiers et enduits mis en œuvre dans les temps les plus reculés, ne contenaient aucun
liant.
Dans la ville de Çatal Hüyük, en Turquie, le « plâtre » qui recouvre les murs, sols et plafonds
construits il y a 8000 ans, est de l’argile blanche trouvée sur place et appliquée telle quelle. Le
mortier des murs est constitué de terre mélangée à des cendres et à des débris d’ossements,
mais sans un quelconque liant qui permet d’augmenter la consolidation naturelle de l’argile
après séchage.
En Europe les constructeurs du Néolithique utilisent également l’argile crue pour recouvrir les
sols et les parois de leurs constructions, faites d’éléments de bois et de clayonnage, ou élevées
en pierres sèches. De la paille était généralement utilisée pour armer l’argile.
Dans nos régions, la technique du bois et du torchis connut son apogée au Moyen Age, pour
ensuite lentement décroître et disparaître totalement à l’avènement du 20e siècle.
L’argile a été récemment remise à l’honneur pour son exceptionnelle inertie thermique latente,
et sa capacité de réguler le climat intérieur des immeubles. Elle est aujourd’hui mise à
contribution pour la réalisation d’enduits intérieurs, ou la construction de « bâtiments en béton
d’argile ».
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2. La PIERRE RE-AGGLOMEREE
Au début des années 1980, le professeur français Davidovits, spécialiste en géopolymères
lançait l’idée que les pyramides d’Egypte auraient pu être construites partiellement à l’aide de
pierres artificielles, réalisées au départ d’une pierre naturelle désagrégée, et d’un liant naturel
résultant du mélange de natron, de « mafkat », de chaux et d’argile kaolinitique.
Nous n’entrerons pas dans le débat, sauf pour faire remarquer que cette hypothèse ne peut être
réfutée par la chimie : les ingrédients sont effectivement réactifs et étaient présents en
abondance dans l’Egypte ancienne. (Le développement chimique est fourni dans la partie II.)
La technique serait apparue lors de la construction du complexe de Saqqarah en 2650 avant
JC et aurait été par la suite perdue faute d’un approvisionnement suffisant de l’une des
matières premières, le « mafkat ».
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3. Le PLÂTRE
Les Egyptiens ont probablement été les premiers à utiliser le plâtre, obtenu par la cuisson du
gypse à 120°C. Ils s’en sont notamment servi pour le jointement des blocs de parement en
marbre de la pyramide de Chéops (2600 av. J.-C.).
La température de cuisson exceptionnellement basse explique sans doute la découverte du
plâtre comme liant.
Le plâtre a été mis en œuvre sans discontinuer de l’antiquité à nos jours, essentiellement
comme enduit intérieur ou extérieur (plâtre-chaux), mais aussi, en France, à partir du 17e
siècle, comme mortier pour monter les maçonneries de pierre où les voûtes de briques. Le
marbre artificiel développé au 18e siècle en Allemagne (stucmarmor) et en Italie (scagliola)
est fait de plâtre, de colorants et de colle animale.
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4. La CHAUX AERIENNE
La chaux est apparue dans le courant du 2e millénaire avant notre ère.
Elle est obtenue par la cuisson entre 850°C et 1000°C de roche calcaire pure ou de
coquillages marins.
Il est intéressant de noter que le verbe « calciner », qui signifie brûler à haute température a
précisément pour origine étymologique le terme latin « calx, calcis » désignant la chaux.
La chaux « vive » obtenue par « calcination » est « éteinte » par adjonction d’eau, et fournit la
« chaux hydratée » ou « chaux aérienne ».
La chaux hydratée ne peut faire prise qu’au contact de l’air, en réagissant avec le gaz
carbonique ambiant (d’où son nom de « chaux aérienne »).
En un premier temps, la chaux sert surtout à la confection d’enduit.
Elle entre avec le plâtre et la poudre de marbre, dans la composition des stucs, que les
architectes grecs utilisaient dès le 7e siècle avant J.-C. pour couvrir l’aspect rude des murs
construits en pierre calcaire ou en tuf. Ces murs étaient montés en blocs de pierre ajustés sans
mortier, ou en pierres ébauchées, liées par un mortier fait de terre et d’argile.
Ce sont les Romains qui, dès le 2e siècle avant notre ère, vont développer l’usage du mortier
de chaux et répandre la technique dans toutes les régions de l’empire. Ils ont systématisé
l’usage du mortier pour assurer les joints des appareils de brique ou de pierre. La technique
est toujours en usage aujourd’hui.
Les Romains préféraient largement une autre technique, le « blocage » : seul les parements
extérieurs des murs sont dressés en pierres de taille, le centre étant rempli par un mortier
additionné de gravier et de débris de pierre ou de brique appelé « blocage » (plus rarement :
garni, fourrure ou cailloutage). L’appareil extérieur n’est donc pas traversier, et le parement
est souvent d’épaisseur très réduite, le mur étant alors monté à l’aide d’un coffrage coulissant.
Sur le plan pratique, le dispositif permettait de construire des murs très épais et de formes
complexes en faisant l’économie de la taille de la pierre, souvent onéreuse et compliquée
(seule une face en effet devait être parfaitement dressée).
Caton l’Ancien (243-149 av. J.-C.) a qualifié cette technique « d’opus caementicum »,
décrivant une construction « ex calce et caementis » que l’on peut traduire par « faite de
chaux et de cailloux ». C’est une erreur de traduction qui a assimilé le terme « caementis » à
un liant, et donné naissance au terme actuel de « ciment ».
L’inconvénient de l’opus caementicum provient de la prise par carbonatation de la chaux
aérienne, qui ne peut se faire qu’au contact de l’air. La porosité du mortier est donc un facteur
essentiel, à contrôler lors de la mise en œuvre. Vitruve insiste sur les justes proportions à
respecter : trois volumes de sable fin pour un volume de chaux, ou cinq pour deux, selon la
qualité du sable.
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Fig 1 : Principe du « béton romain »
Fig 2 : Temple de la Fortune à Préneste – exemple de « béton romain »
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Les romains ont pratiqué très tôt l’addition d’adjuvants, d’origine organique, à leurs enduits,
mortiers ou bétons :
- le vinaigre et le marc de raisin permettaient d’accélérer la prise ;
- le lait améliorait l’adhérence des enduits, et l’œuf celui des badigeons ;
- le sang augmentait le pouvoir liant des matières ;
- les cires rendaient les mortiers moelleux et facilitaient le lissage des enduits ;
- les huiles et les bitumes natifs rendaient imperméables les enduits des cuves, mais ne
résolvaient pas la lente mise en solution de ces enduits.
En outre pour les murs très épais, ils ne servaient à rien : la chaux aérienne ne faisait pas prise
au cœur de ces ouvrages. Elle était par ailleurs soluble dans l’eau et ne convenait pas pour
assurer l’étanchéité des aqueducs et des citernes, ou pour assurer des fondations en contact
avec l’eau. On chercha donc très tôt à produire un liant hydraulique, c'est-à-dire résistant à
l’eau et faisant prise sous l’eau, sans apport de l’air extérieur.
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5. La CHAUX HYDRAULIQUE ARTIFICIELLE (POUZZOLANIQUE) ou « BETON
ROMAIN »
Il est apparu très tôt que des adjonctions permettaient d’améliorer la prise et la stabilité du
mortier de chaux, en particuliers de la rendre insensible à l’action de l’eau. L’enduit, assurant
l’étanchéité des citernes construites à Jérusalem au 10e siècle avant notre aire, sous le régime
de Salomon, est fait de chaux hydraulique.
Dans l’île grecque de Santorin, on ajoutait au mélange chaux-sable une quantité de poudre
volcanique qui conférait au mortier la propriété d’être stable à l’eau, et de durcir partiellement
sans apport de gaz carbonique.
Cette caractéristique appelée « hydraulicité », peut être obtenue au départ d’autres matériaux,
notamment la brique ou la tuile pilée. La technique, développée par les Phéniciens a été
utilisée pour les citernes de Jérusalem déjà citées : sans cet apport, l’enduit de chaux se serait
lentement dissout dans l’eau des réservoirs.
La « terre de Santorin » était connue hors de l’île. Elle a été notamment retrouvée dans les
stucs qui ornaient l’Héphaïstéion (Théséion) d’Athènes.
Les Romains ont pratiqué à grande échelle l’adjonction à la chaux d’argile cuite et surtout de
pouzzolane. La plus grande stabilité à l’eau des matières ainsi obtenues est due à une réaction
plus ou moins lente entre la chaux et la silice colloïdale et l’alumine contenues dans les
produits mentionnés, avec formation d’hydrosilicates et d’hydroaluminates dont la nature est
comparable à celle des produits qu’on obtient par hydratation des liants hydrauliques
modernes. (Voir partie II)
La pouzzolane est une roche volcanique qui provient de la région de Naples et dont les
principaux gisements ont été exploités près de la ville de Pozzuoli. Elle confère au mortier de
chaux des propriétés hydrauliques naturelles. Voici ce qu’en dit Vitruve (1er siècle av. J.-C.)
dans le chapitre VI de son livre deuxième : Il y a une espèce de poudre à laquelle la nature a
donné une vertu admirable ; elle se trouve au pays de Baïes et dans les terres qui sont autour
du mont Vésuve. Cette poudre, mêlée avec la chaux et les pierres cassées, rend la maçonnerie
tellement ferme, que non seulement dans les édifices ordinaires, mais aussi sous l’eau, elle
durcit.
Les Romains ont pu mettre en œuvre des mortiers d’une exceptionnelle qualité, restée dans
bien des cas inégalée jusqu’à l’invention des ciments modernes. Ceci a donné naissance, de
longue date, a une légende selon laquelle cette qualité était liée à des secrets de fabrication ou
à des adjuvants spéciaux. La chose n’a cependant jamais pu être mis en évidence : la qualité
des mortier anciens doit être attribuée essentiellement à la parfaite cuisson et extinction des
chaux, au respect des proportions et à l’homogénéité des mélanges, ainsi qu’à une mise en
œuvre particulièrement soignée (notamment le compactage).
Le Moyen-âge et l’Age Classique ont perpétué les méthodes et les techniques romaines sans
apporter de réelles innovations.
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Au cours de ces périodes la qualité des mortiers n’a cessé de diminuer, essentiellement du fait
de mises en œuvre peu soignées. L’utilisation de tuile pilée est parfois observée, toutefois
avec une activité pouzzolanique souvent faible.
Toutes les argiles cuites ne présentent pas la même réactivité : celle-ci dépend de la nature du
matériau de base et de la cuisson – les meilleurs résultats étant obtenu à des températures plus
basses que celles de la cuisson des briques et des tuiles. Les fragments de terre cuite rendent
cependant les mortiers plus perméables à l’air et facilitent dès lors la carbonatation. Au
Moyen Age, le même effet était parfois recherché par l’adjonction de charbon de bois pilé.
On pratique l’adjonction des mêmes adjuvants que les Romains, en les complétant avec, l’eau
de vie, l’urine et les graisses animales. Les premières expériences d’enduit et de mortier
armés de paille et de soies animales (poil de vache) furent pratiquées avec un résultat
inattendu d’améliorer la carbonatation des chaux ! Aucune matière pouzzolanique efficace ne
fut mise en évidence : seule la pouzzolane en provenance d’Italie permettait de mettre en
œuvre une chaux hydraulique fiable. Son approvisionnement était évidemment onéreux, et les
guerres européennes le rendaient souvent aléatoire.
La découverte par les Hollandais des propriétés pouzzolaniques d’un tuf volcanique de la
vallée du Rhin, le trass d’Andernach, leur permit de conduire leurs grands travaux de canaux
et de digues.
En France, ce n’est qu’en 1780 que Fargas de Saint-Fonds met en évidence l’effet
pouzzolanique d’un tuf du Vivarais.
L’Angleterre, désespérant de trouver sur son territoire une quelconque matière pouzzolanique
se lance sur d’autres pistes qui vont conduire à la découverte de la chaux hydraulique
« naturelle ».
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6. La CHAUX HYDRAULIQUE NATURELLE
6.a. Les ciments naturels ou « ciments romains »
Chargé en 1756 de la construction du phare d’Eddystone en Cornouailles, John Smeaton se
donne pour objectif de mettre au point une chaux résistante à l’action de la mer : « que la mer
se brise sur l’édifice et non l’édifice sous la mer ! ». Il observe que les pierres calcaires, craies
et marbre qui ne laissent aucun résidu sous l’action de l’acide sont incapables de produire,
après calcination, une chaux capables de durcir sous l’eau. La calcination de la pierre
d’Alberthaw fournit par contre une chaux durcissant sous l’eau, et cette pierre, dissoute dans
l’acide laisse un résidu de 5 à 20 % d’argile. Il en conclut que « la présence d’argile dans le
calcaire doit être l’un des facteurs principaux sinon le seul qui détermine l’hydraulicité ».
L’influence de la tradition vitruvienne a évidemment retardé la découverte des liants
hydrauliques, car dans la littérature romaine on insiste sur le fait que pour obtenir une bonne
chaux il faut partir d’un calcaire très pur. Par conséquent les calcaires argileux étaient
systématiquement bannis. Pire : l’amélioration des fours au Moyen Age, permettait la
calcination de matières « impures », de roches calcaires contenant une faible quantité d’argile.
La température plus élevée provoquait en effet la recombinaison des argiles et du calcaire
sous forme de boules de matière dure que les chaufourniers appelaient « grappier » et
rejetaient comme déchet. Débarrassée du grappier, la matière obtenue était finement broyée.
Finement broyé, le grappier aurait fourni une chaux hydraulique efficace – précisément l’objet
des recherches de Smeaton. Ce dernier n’est pas le seul a faire des recherches : en 1774,
l’ingénieur français Antoine Joseph Loriot, déclare avoir inventé un « mortier hydraulique
imperméable à l’eau ». Il ne fut jamais produit industriellement. Les travaux de Smeaton ne
seront publiés qu’en 1791, et stimulent évidemment la recherche. Celle-ci s’orientant mal : les
recherches du Suédois Bergmann attribuent le phénomène d’hydraulicité à la réaction sur la
chaux des oxydes de fer et de manganèse, et non pas de l’argile.
En 1796, l’anglais Parker prend un brevet pour un liant qu’il obtient par calcination, à faible
température, de galets qu’il récolte dans des sédiments argileux de l’île de Sheppey, à
l’embouchure de la Tamise. Ces galets sont connus par les géologues sous le nom de
« nodules de septaria ». Ils sont caractérisés par un mélange de calcaire et d’argile. Le liant
produit est d’abord vendu sous le nom de « ciment Parker », mais par un souci de publicité,
l’inventeur lui donne le nom de « ciment romain », alors que la matière n’a rien de commun
avec celle qui était mise en œuvre dans l’Antiquité.
Le secret du « ciment romain » traverse la Manche, en 1802, lorsqu’un Anglais du nom de
Smith, apprend aux autorités françaises, la présence sur la côte boulonnaise de galets
identiques à ceux qu’utilise Parker. L’exploitation de ces galets fournira un liant connu sous le
nom de « plâtre-ciment » ou de « ciment de Boulogne », ou encore de « ciment romain
nouveau de Boulogne », qui connaît un réel succès malgré la rareté de la matière première. On
orienta, de ce fait, les recherches vers d’autres « pierres à chaux » marneuses.
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C’est dans ce contexte que Vitalis, professeur de chimie et secrétaire de l’Académie de Rouen
réfute en 1806 la thèse de Bergmann :
« Il résulte de cette analyse que les pierres à chaux de Senonches et de Sainte-Catherine sont
de vraies marnes calcaires dans lesquelles la craie prédomine, il est vrai, mais où l’argile
joue un rôle très important ; c’est cette proportion d’argile qui, suivant moi, rend maigre
(employé pour hydraulique) la chaux de ces deux espèces de pierre, d’où il suit que la
présence de l’oxyde de manganèse n’est pas du moins la seule condition pour obtenir une
chaux de cette espèce, puisque cette analyse prouve que les pierres dont il s’agit ne
contiennent point de manganèse. »
La recherche de matières marneuses aptes à produire des « ciments naturels » semblables au
ciment Parker se poursuit en France et dès 1823, Philibert Lacordaire exploite un filon de
roche marneuse proche de Pouilly en Auxois pour produire un ciment romain qui porte son
nom ou celui de « Pouilly ». Ce liant se caractérise par sa couleur noire. Toujours en
Bourgogne, le « ciment de Vassy » est produit dès 1835, à Vassy les Avallon.
En 1842, on découvre dans la région de Grenoble, un filon homogène de roche marneuse
connu sous le nom de « filon de Porte de France », qui fut exploité dès 1846 par Dumollard et
Viallet. Ce ciment fut suivit par le « ciment d’Uriol » produit par Berthelot, et le « ciment de
la Pérelle » produit par la société Vicat.
La mode du « ciment naturel » se répandit rapidement en Europe essentiellement vers la
Russie, l’Allemagne, la Pologne, la Tchéquie et dans une moindre mesure vers l’Espagne et
l’Italie. En Belgique, il fut produit dans la région de Tournai sous le nom de « ciment
romain » ou de « ciment pouzzolanique ». Il fut également abondamment produit en
Amérique du Nord.
Ces premiers liants ont le plus souvent les caractéristiques des ciments prompts actuels. Leur
temps de prise étaient généralement très courts, et dépendaient essentiellement de la nature
des roches calcinées : si elles étaient pauvres en aluminates, le temps de prise pouvait être de
l’ordre de plusieurs heures ; si elles étaient riche en aluminates, il pouvait être réduit à
quelques dizaines de minutes (comme le plâtre, d’où le nom de « plâtre ciment »). Cette
dernière qualité fit qu’elles furent abondamment utilisées dans toute l’Europe pour produire
des ornements et des enduits de façade.
Dans de nombreuses grandes villes d’Europe – Londres, Madrid, Berlin, Cracovie, Prague,
Vienne, Budapest, même Turin et Milan (la Galeria Victor Emmanuel II) – de grands
monuments, mais aussi des constructions mineures doivent leur expression architecturale à la
mise en œuvre du « ciment romain ».
En France, dans la région de Grenoble, la technique déborda la production d’ornements de
façades pour s’orienter vers celle d’éléments constructifs : les pièces produites n’ont plus
seulement un rôle d’ornement plaqué sur la façade, mais sont des pierres ornées jouant un rôle
porteur dans la structure de l’édifice. On pourrait les considérer comme les premiers éléments
« préfabriqués ».
172
Supportée par 52 colonnes prémoulées, la villa « Casamaures » construite en 1855, en style
néo-mauresque, en est, à Grenoble, le meilleur exemple.
Fig 3 : La villa "Casamaures" à Grenoble - 1855
De nombreux édifices privés, mais aussi publics ont bénéficiés du procédé : l’église de
Cessieu (1850), l’église de Champier (1853), l’église de St. Bruno de Voiron (1857-1871) et
celle de St. Bruno de Grenoble (1869-1875) mélangent à des degrés divers les pierres
naturelles et artificielles.
L’usage du ciment naturel ou « ciment romain » se perdit au début du 20e siècle.
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Fig 4 : Eglise St-Bruno de Voiron - 1857-1871
Il fut récemment remis à l’honneur pour ses excellentes propriétés mécaniques et son faible
coût de production, faisant l’objet d’un projet de recherche financé par la commission
européenne,
Les ciments « naturels » ou « romains » sont en réalité des chaux hydrauliques et n’ont rien de
comment avec nos ciments portland. Ils se distinguent cependant de ce que nous appelons
aujourd’hui les « chaux hydrauliques naturelles », et pour comprendre la différence, nous
devons revenir quelque peu en arrière.
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6.b. Les chaux hydrauliques artificielles et naturelles issues du procédé « Vicat »
Chargé en 1812 de la construction du pont de Souillac, sur le Lot, l’ingénieur français Louis
Vicat (1786-1861) est confronté au problème de réaliser des fondations dans le lit de la
rivière. Tout comme Smeaton, il étudie les mélanges de calcaires purs et d’argile et démontre
que les propriétés hydrauliques dépendent des composés qui se forment pendant la cuisson
entre la chaux et les constituants de l’argile. Il constate que sous l’action de la chaleur, il y a
tout d’abord déshydratation de l’argile puis décomposition du calcaire et enfin combinaison
entre la chaux, la silice et les oxydes de fer et d’alumine. Suivant la teneur en argile, la
température et la durée de cuisson, la réaction est plus ou moins complète et les produits
obtenus plus ou moins hydrauliques. Notons que Vicat a toujours considéré la température de
frittage comme une limite infranchissable : à partir de 1200°C, le mélange commence à se
liquéfier et se présente, après refroidissement sous la forme d’une masse solide, vitrifiée, qu’il
jugeait impropre à l’utilisation.
Vicat développe une technique de production de chaux hydraulique qu’il appelle « chaux
factice » et qui n’est pas liée à la nature de la roche calcinée mais dépend d’un mélange de
chaux pure et d’argile qu’il peut contrôler.
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Fig 4 : Pont de Souillac - 1822
« L’opération, écrit Vicat, consiste à pétrir de la chaux éteinte avec une certaine quantité
d’argile grise ou brune ou plus simplement de terre à briques, et à tirer de cette pâte des
boules qu’on laisse sécher pour les faire cuire ensuite au degré convenable. On conçoit déjà
qu’étant maître des proportions on l’est également de donner à la « chaux factice » le degré
d’énergie que l’on désire, et d’égaler ou de surpasser à volonté les meilleures chaux
naturelles. »
En pesant les différents composants de la matière qu’il calcinait, Vicat pouvait produire toutes
les matières intermédiaires entre la chaux purement aérienne et la chaux éminemment
hydraulique. Il pouvait calculer la quantité exacte de l’eau nécessaire à l’extinction de la part
de chaux aérienne, sans affecter la part hydraulique. Il peut en outre agir sur la rapidité de
prise du liant en limitant les composés alumineux.
Les travaux de Vicat, en s’écartant de l’empirisme de ses prédécesseurs, constituent les
véritables bases scientifiques qui fixent les règles de fabrication et l’emploi des chaux
hydrauliques.
Par la suite, les chaux hydrauliques seront produites, soit par calcination d’une roche argilocalcaire dont le rapport argile/calcaire est parfaitement connu, soit par calcination d’un
mélange précisément dosé de roche calcaire (ou argilo-calcaire) et d’argile. Les premiers
produits sont traditionnellement appelés « chaux hydrauliques naturelles », les seconds
« chaux hydrauliques artificielles », - à ne pas confondre avec la chaux hydraulique obtenue
par addition de pouzzolane.
Vicat ne déposa jamais le moindre brevet : il préférait la « gloire d’être utile à la fortune ».
Son objectif était de mettre au point un matériau peu coûteux, facile à mettre en œuvre, avec
lequel on pourrait réaliser des ouvrages équivalents aux ouvrages réalisés en pierre de taille.
Le béton qu’il propose est un mélange de chaux hydraulique, de sable et d’agrégats,
rejoignant ainsi le béton romain – le vrai ! Le sable et les agrégats pouvaient être extraits sur
le chantier même, où dans une proximité immédiate, évitant de ce fait le coût du transport,
parfois sur de longues distances, de la pierre de taille. - matériau par lui-même onéreux.
176
Vicat mit sa science en œuvre pour réaliser, en 1822, le pont de Souillac, non seulement les
fondations mais également la totalité du gros oeuvre. Cet ouvrage d’art en béton « non armé »
fut suivi de bien d’autres. L’un de ses épigones, l’ingénieur François-Martin Lebrun (1799
– 1855), invente la « pierre hydraulique », obtenue par coulage d’un béton de chaux. En 1829,
il commença la construction de sa maison personnelle, à côté de son usine de Marsac sur
Tarn, en mettant en application un béton non armé, coulé et corroyé entre des coffrages en
bois, pour les voûtes des caves, pour les murs de façade (de 90 cm d’épaisseur), pour les
escaliers, etc. La technique connut des déboires : de nombreuses fissures se déclarèrent, liées
au retrait trop important du béton. Ce n’est qu’en 1851 que le problème fut résolu par un
mélange correct eau-chaux. La maison existe toujours. Lebrun réalisa d’autres ouvrages dont
les voûtes des caves de l’Hôtel de Ville de Gaillac, les voûtes des églises de Cazals et de
Varen, divers ponts, etc.
C’est surtout François Coignet (1814-1888) qui popularisa la technique et breveta en 1855,
la technique du « béton aggloméré ». Il proposait de pilonner vigoureusement le béton frais
entre deux banches, en s’inspirant des techniques du pisé. Coignet mit son brevet à
contribution pour réaliser des ouvrages d’art (l’aqueduc de Vannes, le phare de Port-Saïd
d’une hauteur de 55m) mais aussi de nombreux immeubles : sa maison personnelle en 1852
(sur laquelle nous reviendrons), un immeuble de 6 étages, rue Miromesnil à Paris en 1867, les
murs se soutènement du cimetière de Passy, etc. Sa première construction d’importance fut en
1862, l’église du Vésinet, qui se solda par un échec. Le promoteur de la cité-jardin du
Vésinet, Alphonse Pallu, imposa la technique nouvelle à son architecte Louis-Auguste
Boileau. Ce dernier n’en tira aucun parti, et se contenta d’utiliser le procédé pour imiter
l’aspect d’un appareil en pierre « noble ». Les façades se couvrirent rapidement de tâches
grisâtres, probablement liées à l’utilisation de mâchefer comme agrégat. Dégradé, l’aspect
extérieur de l’édifice trahit l’illusion et suscite la colère de l’architecte, qui devient un ardent
détracteur du procédé.
La technique du béton non armé se développa également Outre-Manche. Les premiers
immeubles le mettant en œuvre furent construits dans le Kent, en 1840, London Road à
Swanscombe (démoli) et en 1841, Cornel Avenue à Northfleet. Edifiés par des cimentiers
industriels, ils devaient servir à promouvoir la nouvelle technique. Nous y reviendrons.
177
7. Le CIMENT PORTLAND
7.1. La mise au point du ciment portland
En 1824, l’Anglais Joseph Aspdin, maçon à Wakefield, prend un brevet pour le ciment qu’il
produit, ciment qu’il affirme être « aussi dur que la pierre de Portland ». Aspdin obtenait une
matière performante en calcinant de la roche marneuse jusqu’à liquéfaction, à 1200°C. En
broyant ensuite finement la matière vitrifiée refroidie – le « clinker » - il obtenait un liant
d’excellente qualité.
Il est copié, en 1835, par son concurrent Isaac Charles Johnson, qui en produisant une
matière identique, profite de l’invalidité du brevet d’Aspdin, et finit par se déclarer le
véritable inventeur du « ciment portland ».
En réalité, ni Joseph Aspdin, ni Johnson n’ont découvert le ciment portland tel que nous le
connaissons aujourd’hui. Il faut attendre 1840, pour que le fils de Joseph Aspdin, William
Aspdin, pousse la calcination largement au-delà de 1250°C, et qu’apparaisse, dans le clinker,
l’alite qui caractérise génériquement le ciment « portland ». Une grande confusion existe au
cours des premières décennies de la découverte : les liants produits sont généralement des
matières intermédiaires entre une chaux éminemment hydraulique et un « portland
authentique ». Ils contiennent souvent des scories issues d’un mauvais mélange de base.
L’importance d’une « clinkérisation » parfaite, poussée au-delà de 1400°C apparaît lentement
et ne sera mise en évidence qu’en 1871 par l’Américain David Saylor.
La méconnaissance de la composition idéale de la matière de base ne permettait en outre pas
de produire un clinker homogène. En 1880 seulement, l’Anglais J.Grant démontre que ce ne
sont que les parties les plus dures et les plus denses de ce clinker qui fournissent les ciments
les plus performants.
En 1887, le chimiste Français Henri Le Chatelier, analyse le clinker au microscope et met en
évidence qu’il est formé de trois composants principaux, se distinguant par leur structure
cristalline. Il en soupçonne la nature chimique, mais celle-ci ne sera clairement identifiée que
10 ans plus tard par le minéralogiste Suédois Tornebohm, qui leur donne le nom d’alite, de
bélite et de célite (voir glossaire). Les études qui en découlent permettent de déterminer la
composition du mélange de base type, fournissant les meilleurs clinkers.
Le ciment n’est cependant pas encore au point : les premiers véritables « portland » se
caractérisent souvent par une prise extrêmement rapide – parfois inférieure à 10 minutes –
dues à la présence de composants alumineux très réactifs. Pour être mis en œuvre dans des
quantités importantes, ils nécessitaient l’usage de retardateurs de prise, souvent coûteux, et
défavorables au niveau des performances finales.
Le chimiste français Edouard-Louis Candlot étudie à partir de 1881, l’effet des
accélérateurs et retardateurs de prise pour les liants hydrauliques. Il découvre l’effet retardant
du gypse par sa réaction avec composés alumineux et la formation de l’éttringite ou sel de
178
Candlot. Ce n’est que vers 1890 que se répand la technique de mélanger du gypse au clinker
avant broyage. Le gypse réagit avec les composés alumineux sans engendrer le raidissement
du mélange et sans diminuer ses performances finales.
Enfin, dernier né de la famille des ciments, le ciment alumineux fondu fait son appariton en
1908.
7.2. La mise au point du béton armé
L’idée d’utiliser des armatures pour reprendre les efforts en traction dans les maçonneries
remonte au Moyen Age. On observe de très nombreux exemples de pose de chaînes, en bois
d’abord, en fer ensuite, destinées à reprendre les charges obliques engendrées par les œuvres
portées (arcs, voûtes, toitures, …). La technique culmine au 18e siècle, où l’on en vient à
réaliser de véritables poutres en appareil de pierre armée (notamment à Ste. Geneviève de
Paris, actuellement le Panthéon).
Il n’est donc pas étonnant que dès 1774, Antoine Joseph Loriot suggère d’armer les
mortiers avec des barres de fer. En 1792, le Français Loudun imagine la mise en œuvre de
planchers composés d’un treillis métallique noyé dans un mortier de chaux.. L’idée sera
reprise en 1807 par Fleuret et en 1824 par l’ingénieur colonel Raucourt de Charleville sans
jamais être suivies de réalisations significatives.
En 1843, Victor Labrouste réalise les voûtes de la bibliothèque Ste. Geneviève en mettant en
œuvre du plâtre armé d’un treillis métallique.
En 1844, en Angleterre, Henry Hawkes Fox et James Barret déposent un brevet pour
réaliser des planchers comportant des profils de fonte en T renversé, noyés dans un béton de
chaux. Il s’agit d’un succédané de planchers à voussettes de briques, dans lequel l’essentiel
des charges passe par les profils de fonte : le béton ne collaborant pas avec la fonte, on ne
peut considérer qu’il s’agisse de « béton armé ».
Le pionnier est fort probablement Joseph Louis Lambot qui a fabriqué les premiers objets
relevant du principe du béton armé. Lambot est cultivateur à Miraval, et fabrique en 1845 des
caisses pour des orangers et des réservoirs « imputrescibles » avec du fil de fer et du mortier.
En 1849, il réalise une barque avec le même procédé et dépose en 1855 un brevet pour le
« ferciment , une combinaison de fer et de mortier pour les constructions navales et les caisses
à fleurs ». Le jardinier Joseph Monier, à qui l’on attribue souvent la paternité de l’invention,
affirme avoir construit, en 1848, avec le même procédé, des caisses horticoles, mais ce n’est
qu’en 1867 qu’il dépose son premier brevet.
179
Fig 5 : Joseph Louis Lambot
Fig 6 : Joseph Lambot - Barque en « ferciment » - 1849
Entre temps, en 1852, François Coignet pose pour la première fois des poutrelles et des
barres métalliques dans son « béton aggloméré » pour réaliser sa maison personnelle au n° 72
de la rue Charles Michels à St. Denis. C’est incontestablement le premier immeuble en béton
armé du monde. Le liant utilisé n’était encore que de la chaux hydraulique, mais additionné
d’une faible quantité de ciment portland, pour accélérer la prise. (L’immeuble existe toujours,
mais il est aujourd’hui à l’abandon et quasiment ruiné.) Coignet ne dépose pas de brevet : il
paraît donc évident qu’il n’ait pas réalisé l’importance de son innovation….
180
Fig 7 : François Coignet - Maison personnelle à St-Denis - 1852
En 1854, en Angleterre, W.Wilkinson construit à Newcastle un petit immeuble de deux
étages, dont les planchers sont réalisés en béton armé. Il dépose en même temps un brevet
pour « la construction d’immeubles à l’abri de l’incendie ». Dans son brevet, il précise que les
barres de métal doivent être posées dans les zones où la traction se développe dans le béton;
en coupe, il donne à ses armatures la forme d’une chaînette. Wilkinson est généralement
considéré comme le « père du béton armé », Coignet n’ayant pas déposé de brevet !
181
Fig 8 : Brevet W.Wilkinson 1854
Ayant étendu ses activités à celle de cimentier-rocailleur, Joseph Monier dépose de
nombreux brevets, dont un, en 1873, qui couvre la « construction de ponts et de passerelles en
ciment armé ». En 1875, il réalise le premier pont en « ciment armé », au château de Chazelet,
près de St. Benoit-sur-Sault, dans l’Indre : l’ouvrage en « rocaille » a une portée de 13m80
pour 4m25 de large.
Fig 9 : Joseph Monier
182
Fig 10 : Joseph Monier - Pont en ciment armé - Château de Chazelet - 1875
L’entrepreneur François Hennebique (1824-1921) s’intéresse à la technique vers la fin des
années 1870. En 1880, il dépose un brevet pour des dalles de ciment armé de fers ronds. Il est
le premier à comprendre que, dans le béton armé, les armatures doivent reprendre tous les
efforts qui ne sont pas de la compression pure (traction, efforts tranchant et rasant), mais aussi
les charges excessives en compression. Il développe un système de ferraillage très élaboré, et
introduit l’usage des étriers, des barres relevées, etc. Le système fera l’objet d’un brevet
déposé en 1892 (et invalidé en 1903, au profit de celui de Monier).
183
Fig 11 : François Hennebique
Fig 12 : Brevet Hennebique - 1892
Hennebique réalise, en 1894, le premier pont « moderne » en béton armé à Wiggen, en Suisse.
Sa « villa témoin », construite entre 1901 et 1904 à Bourg-la-Reine est un catalogue de toutes
les prouesses techniques que le nouveau matériau permettait de réaliser. Classique en façade
avant, elle est étonnamment moderne en façade arrière, multipliant les terrasses en
encorbellement et les dispositifs en porte-à-faux. Des portées importantes, des différences de
niveaux et des saillies illustrent la souplesse du matériau. Une tour minaret de 40m du haut
porte un château d’eau qui distribue l’eau dans les serres et les jardins établis sur la toitureterrasse.
184
Fig 13 : Hennebique – Villa témoin - 1901
Fig 14 : Hennebique – Villa témoin – façade arrière
Pour être complet, il faut encore citer le « système Cottancin » : l’ingénieur Cottancin dépose
son brevet en 1889. Il ne croit pas à l’adhérence du ciment sur l’acier, et développe un
système d’armature composé d’un fil d’acier fin, unique, plié et replié sur lui-même jusqu’à
former une toile dense. Il propose de réduire les coques et les voiles de béton à 5 cm
d’épaisseur et de les raidir par des nervures appelées « épines-contreforts ». Les structures de
béton s’ancrent par ailleurs dans des maçonneries de briques perforées, dont les perforations
reçoivent le prolongement des armatures. Le procédé est performant, mais coûteux, et ne
survivra pas à la 1ère guerre mondiale.
Les exemples de réalisation en béton armé sont trop nombreux pour être cités ici. Parmi les
œuvres les plus remarquables, d’avant la 1ere guerre, il faut citer l’église St.Jean de
185
Montmartre, construite entre 1897 et 1904 par Anatole de Baudot et Cottancin ; les Magasins
Félix Potin construits en 1902 à Paris par Ausher et Hennebique ; et la Halle du Centenaire
(Jahrhunderdhalle), construite en 1913, à Breslau en Prusse Orientale (Actuellement Hala
Stulecia, à Wroclaw en Pologne). L’édifice, réalisé entièrement en béton armé, s’inscrit dans
un carré de 100 mètres sur 100, et comporte une coupole de 50m de haut pour une portée de
65m. Le potentiel limité des calculs de structure de l’époque conduisit les ingénieurs à réaliser
la coupole sous la forme d’arcs indépendants.
Fig 15 : Auscher et Hennebique – Magasins Félix Potin – Paris - 1902
Fig 16 : Jahrhunderdhalle – Breslau - 1913
186
Aux Etats-Unis, le premier pont en béton armé date de 1889, le Lake Alford Bridge à San
Francisco ; il fait moins de 7m de portée. Le premier immeuble tour, l’Ingalls Tower,
comptant 15 étages, est achevé en 1903, à Cincinnati. Citant les Etats-Unis, on ne peut passer
sous silence l’étrange délire de Thomas Edison, qui dès 1908, imaginait de résoudre la crise
du logement avec un projet de maisons « de style François 1er », qui pourraient être
construites par un robot en moins de 24 heures : tout aurait été réalisé en béton, non seulement
le gros œuvre, mais aussi les châssis de fenêtre, l’équipement des salles de bain et des
cuisines, les meubles du salons, de la salles à manger et des chambres à coucher, - même le
piano et le phonographe auraient été en béton, -teintés dans la masse, évitant ainsi la nécessité
de les remettre en peinture. L’entreprise connut un début de réalisation mais se solda par une
faillite retentissante !
187
Fig 18 : Lake Alford Bridge – San Francisco -1889
Fig 19 : Ingalls Tower - Cincinnati – 1903
188
Fig 20 : Thomas Edison - « concrete houses » - 1908
189
8. Les CIMENTS SOREL ET DERIVES
Le chimiste français Sorel met au point, en 1855, un « ciment à deux composantes : l faut en
effet mélanger de la poudre d’oxyde de zinc à une solution de chlorure de zinc pour obtenir en
quelques minutes une matière dense, « plus dure que la pierre calcaire ». La prise peut être
ralentie par l’adjonction de borax, et la matière peut accueillir une très grande variété de
charges, d’agrégats et de colorants.
Le nouveau ciment fut au départ mis en œuvre pour produire des pierres artificielles et des
carrelages, pour reproduire des œuvres d’art par moulage, pour élaborer des mastics de
réparation de la pierre naturelle, etc. Ses performances mécaniques se révèlent supérieures à
celles du ciment portland, mais il résiste mal à une exposition prolongée à l’eau.
Sorel poursuit ses recherches, se tournant vers d’autres métaux que le zinc. En 1867, il
dépose un brevet pour le « ciment Sorel », où le zinc est remplacé par du magnésium. Le
produit résiste un peu mieux à l’eau, mais ne présente pas, dans ce domaine, la même
durabilité que le ciment portland. La résistance à l’abrasion du ciment Sorel est cependant
trois fois supérieure à celle des meilleurs portland, et cette qualité se révèle idéale pour la
réalisation de revêtement de sols.
Les recherches se poursuivent, et portent cette fois sur le remplacement des chlorures par des
sulfates : la tenue à l’eau est légèrement améliorée, mais le problème n’est pas résolu. De
plus, les performances mécaniques sont inférieures aux ciments aux oxychlorures.
En 1879, ce sont les composés phosphates qui font leur apparition. Ils mélangent des oxydes
métalliques à uns solution d’acide phosphorique (plus rarement à une solution de phosphate
métallique. Les recherches portent aussi sur les oxydes métalliques contenant un cation à fort
potentiel ionique (zinc, calcium, magnésium, aluminium…) ces nouveaux ciments trouvent
leurs premières applications dans le domaine de la médecine dentaire, et ne gagnent que
lentement le domaine de la construction. Ils sont pourtant insolubles et développent de
hautes résistances mécaniques, mais leur prise est difficile à contrôler et se révèle trop souvent
incomplète. L’acide phosphoriques et les phosphates métalliques ont cependant été utilisés
comme adjuvants aux ciments Sorel traditionnels : ils y créent des phosphates insolubles,
pouvant remplir les pores des ciments Sorel et les rendre ainsi quasi insensibles à l’action de
l’eau.
Ce n’est qu’en 1947, que l’on a mis au point, aux Etats-Unis, un ciment
« phosphomagnésien » réellement performant : la formule fait appel à un mélange d’oxyde de
magnésium, de phosphate monoammoniacal et de polyphosphate d’ammonium. L’objet
poursuivi était de mettre au point un béton à prise rapide destiné au gunitage.
Pour résumer, les ciments Sorel et leurs dérivés sont très diversifiés, mais se caractérisent
tous :
- par une prise généralement rapide et (très) exothermique ;
- par une porosité ouverte quasi nulle ;
190
- par une résistance très élevée à la compression et à la traction, à l’abrasion, et –souventaux hautes températures.
Ils peuvent recevoir les charges les plus diverses : sable, poudre de verre ou de marbre, fillers,
sciure de bois, fibres naturelles, limaille de fer, colorants, etc. Ils ont été mis en œuvre pour
produire des éléments moulés, pour réaliser des sols coulés résistants, pour produire des
mastics de réparation de pierre ou de béton, pour poser des bétons par gunitage, pour réaliser
des bétons réfractaires, etc. Outre atlantique, ils sont utilisés depuis les années ’70 pour la
réparation rapide et le colmatage des bétons sur autoroutes, tabliers de ponts, etc.
Les ciments Sorel n’ont jamais connu l’essor des chaux et des ciments portland, sans doute
faute d’avoir trouvé un créneau favorable à leur production industrielle. Malgré leurs qualités
incontestables, la complexité de leur chimie et la rigueur des conditions de mise en œuvre
qu’elle entraîne n’en ont jamais fait des concurrents crédibles au ciment portland. Ils occupent
cependant une place incontournable dans la panoplie des liants minéraux.
191
9. Les SILICATES
Les silicates fusibles sont été de tous temps utilisés pour la fabrication du verre, mais aussi, au
19e siècles, pour la production de pierres factices (procédé Bérard en France), de pierres à
meules (procédé Ramsone et Parsons en Angleterre, étendu à la fabrication de pierres factices
et à la production d’œuvre d’art aux Etats-Unis), etc. Leur mise en œuvre nécessite
l’utilisation de fours ou d’autoclaves. Ils ne seront donc pas décrits dans cet ouvrage.
Les silicates solubles par contre font prise à température ambiante.
9.a. Les silicates alcalins
Sous certaines conditions, les silicates alcalins peuvent engendrer de la silice colloïdale,
autrement dit un gel de quartz, qui se solidifie en précipitant. La matière est décrite déjà au
14e siècle par l’alchimiste allemand Basilius Valentinus, qui la dénomme « liquor silicium ».
L’alchimiste n’en était pas l’inventeur, et son usage peut donc remonter à bien avant lui.
Le principe de fabrication consiste à cuire à très haute température un mélange de silice pure
et de natron, ou de potasse ou encore de chaux. La matière obtenue est soluble dans l’eau. Le
liant qui en résulte est efficace : il produit une matière opaline par évaporation de l’eau. Le
procédé de fabrication fut mis au point en 1825 par le chimiste Munichois Füchs. Il
permettait d’obtenir des silices colloïdales très fluides, appelées « wasserglas », qui
mélangées à des pigments, étaient mises en œuvre comme peintures. Sur des supports
minéraux, elles se révélaient très durables, et avaient, par leur transparence, des vertus
« stéréochromiques ». Elles avaient, en outre, des vertus ignifuges sur les matériaux ligneux.
Le procédé fut amélioré en France, par le chimiste Léon Dallemagne, essentiellement pour
produire des durcisseurs de pierre. Ces procédés furent mis en œuvre pour la première fois en
1852, sur les façades de Notre-Dame de Paris, et du Palais du Louvre.
Le chimiste Munichois Adolf Wilhem Keim perfectionne les modes de production du
«wasserglas » et dépose, en 1878 un brevet qui est à l’origine des peintures minérales encore
vendues aujourd’hui sous la marque « Keim ».
9.b. Les silicates d’éthyle
Les silicates d’éthyles ont été synthétisés pour la première fois dans la première moitié du 19e
siècle, mais n’ont jamais été produit industriellement avant le milieu du 20e siècle. Ils sont
aujourd’hui largement utilisés comme durcisseurs de pierre.
192
10. Le PLOMB
Le plomb est connu depuis la haute antiquité. Son usage comme liant se développe au Moyen
Age. Le plomb pouvait être fondu sur le chantier même, et présentait l’immense avantage, par
rapport à la chaux aérienne, de faire prise immédiatement. Il fut donc mis à contribution pour
réaliser l’assemblage des balustrades et garde-corps en pierre, des remplages de fenêtres et de
toutes les structures pouvant se révéler fragiles avant la prise complète des joints.
Il fut égalent abondamment mis à contribution pour assurer le scellement des tenons, broches,
agrafes, et tirants dans les maçonneries de pierre
Le plomb est très souple et adhère bien à la pierre. Ces propriétés en font un liant performant,
particulièrement pour les maçonneries fortement exposées aux intempéries.
193
II. La fabrication, la composition chimique et le mécanisme de prise des
liants minéraux
1. L’ARGILE
L’argile est un liant naturel qui peut se montrer très performant, à condition d’être
correctement mis en œuvre. Ses propriétés ont été, au cours du 20e siècle injustement
ignorées.
1.1. La fabrication de l’argile
Il n’y a pas véritablement de fabrication : l’argile est un sédiment naturel qui provient de la
dégradation chimique et mécanique de roches ignées, telles que les feldspath ou les silices.
Elle est constituée de particules extrêmement fines, dont le diamètre maximal est inférieur à
0,004 mm (4µm).
Il existe une très grande diversité d’argiles et toutes ne conviennent pas à la confection de
liants performants.
Les argiles présentent généralement une structure en feuillets, appelées phyllosilicates, et
formées d’une alternance de plans de silice SiO2 (tétraédrique) et de plans d’alumine Al2O3
(octaédrique). L’épaisseur des feuillets varie en fonction du rapport silice/alumine, mais aussi
en fonction de la présence d’autres oxydes métalliques (fer, magnésium, sodium, potassium,
nickel, …). Les géologues classent les argiles en trois grandes familles selon l’épaisseur des
feuillets : 0,7nm, 1nm, 1,4nm. (Une quatrième famille d’argile, rare, présente une structure
fibreuse : sépiolites, palygorskite.).
Cristal d’argile : feuillet Si-Al
194
Microparticule d’argile. Structure en feuillets Si-Al
L’argile consolidée peut contenir quatre types d’eau se différenciant par leur mode de liaison à
la matière solide :
- l’eau « combinée » est liée chimiquement aux molécules d’argile ; elle figure dans la
formule chimique décrivant la matière ; elle a une densité de 1,2 et ne peut être extraite qu’en
portant la matière à haute température.
Microparticule d’argile : eau combinée
- l’eau « interstitielle » n’est pas liée chimiquement, mais est retenue entre les feuillets, dans
les plans « interfeuillets », par des liens « hydrogène » ; elle s’évapore difficilement et
seulement lorsque le taux d’humidité relative descend en dessous de 30% ; son évaporation
provoque un important retrait ;
Microparticule d’argile : eau interstitielle
- l’eau « adsorbée » est physiquement liée à la surface de la matière solide, essentiellement
sur les parois des capillaires ; la couche d’eau adsorbée peut atteindre voire dépasser une
épaisseur de 6 molécules d’eau, retenues par des liens hydrogènes ; elle s’évapore facilement
lorsque le taux d’humidité relative descend en dessous de 50% ; elle condense si le taux
d’humidité relative dépasse 50% ; son évaporation provoque un retrait de la matière ;
195
Microparticule d’argile : eau adsorbée
- l’eau « libre) est celle qui peut occuper les capillaires lorsque la matière est mouillée, ou
subit la condensation de la vapeur contenue dans l’air ambiant ; son évaporation est facile
et ne provoque aucun retrait.
Microparticule d’argile : eau libre
Les argiles très gonflantes ne conviennent pas à la confection de liant, parce qu’elles peuvent
présenter un important retrait après séchage et qu’elles se désagrègent facilement lors d’une
hydratation accidentelle.
Un test simple permet de vérifier si une argile est gonflante ou non. Il suffit de disperser un
échantillon dans un excès d’eau : si, après 10 minutes, l’eau est toujours trouble et comporte
des particules en suspension, l’argile est gonflante et impropre à l’utilisation comme liant.
196
- Les kaolinites Al2Si2O5(OH)4 sont les argiles les moins gonflantes qui soit. L’épaisseur de
leurs feuillets est de 0,7 µm.
- Les halloysites Al4Si4O10(OH)8.4H2O sont légèrement gonflantes. L’épaisseur de leur
feuillets secs est de 0,7mm, et hydratés de 1 µm.
- Les argiles les plus fréquentes sont les illites KAl3Si3O10(OH)2. Elles sont moyennement
gonflantes. L’épaisseur de leurs feuillets est de 1 µm.
- Les montmorillonites NaMgAl5Si12O30(OH)6 sont les argiles les plus gonflantes et ne
doivent pas être utilisées pour réaliser des liants. L’augmentation de l’épaisseur des feuillets
peut dépasser les 100 %. La bentonite fait partie de la famille des montmorillonites.
L’adjonction de sable de rivière à l’argile permet de diminuer, voire de stabiliser le
phénomène de retrait. L’adjonction de silt augmente sensiblement la cohésion de la matière
durcie. Le silt est formé de particules limoneuse ou siliceuse fines, dont le diamètre maximal
ne dépasse pas 0,06mm (60µm).
Il ne faut pas nécessairement partir d’argile pure pour réaliser un liant. Dans la pratique,
n’importe quelle terre peut convenir, pourvu qu’elle soit à dominance argileuse ou limoneuse,
qu’elle ne soit pas trop gonflante, et qu’elle ne contienne pas de détritus organiques. Des
essais doivent, dans ce cas, être effectués pour déterminer le meilleur rapport eau/argile et le
meilleur mélange argile/sable.
Les mélanges d’argile doivent être malaxés pour obtenir la plus grande homogénéité possible.
Pour réaliser des torchis ou des bétons de terre, les pailles, fibres végétales, copeaux de bois et
autres agrégats doivent être malaxés avec l’argile avant leur mise en œuvre.
1.2. Les mécanismes de prise de l’argile
Il n’y a pas a proprement de prise, puisqu’il n’y a pas de réaction chimique. L’argile est
constitué de particules extrêmement fines, dont le diamètre ne dépasse pas 4µm, et peut
descendre à des dimensions inférieures au µm. Le malaxage va provoquer le contact intime de
ces particules, l’effet lubrifiant de l’eau facilitant l’installation des particules les plus petites
dans les vides existants entre les particules plus grandes. L’évaporation de l’eau entraîne
l’établissement de contacts francs entre les particules, et permet dès lors d’établir d’une
interaction électrique de faible intensité entre des molécules appartenant à des particules
différentes. Cette interaction est connue sous le nom de « forces de Van der Waals ».
Ces forces sont très faibles par rapport à celles qui se développent au sein d’une liaison
chimique, mais comme les particules sont très fines, les points de contacts sont très
nombreux, et leur surface peut devenir considérable. La surface cumulée des particules
contenues dans 1cm3 d’argile représente des dizaines, voire des centaines de m2. Même si la
surface cumulée des contacts ne représente qu’un faible pourcentage de cette surface, elle est
suffisante pour que l’interaction qui s’y exerce assure la cohésion de la matière.
Pou s’en convaincre, il suffit de suivre le raisonnement suivant : le sable, lorsqu’il sèche après
avoir été mouillé, développe une très faible cohésion due au force de Van der Waals. Il
s’effrite au moindre toucher. Imaginons une argile dont les grains sont en moyenne 300 fois
plus petits que ceux du sable. Un volume d’argile contiendra donc 9 000 000 de fois plus de
197
grains qu’un même volume de sable, et le nombre de liaisons de Van der Waals y sera 9
millions de fois plus important que dans le sable !
Certaines argiles développent des résistances mécaniques considérables. Les performances
mécaniques dépendent directement de la granulométrie.
Les liants argileux étant tombés en désuétude, aucune étude n’a jamais été menée, mais les
meilleurs résultats sont probablement obtenus par un mélange d’argile (φ < 4µm) et de silt
(4µm< φ < 63µm).
1.3. Les différents types d’argile
L’argile est vendue sur le marché en sacs prêt à l’emploi, exactement comme le plâtre. Rien
n’empêche cependant de se servir dans la nature, pourvu que la matière respecte les propriétés
décrites plus haut.
198
2. Le PLATRE
Le plâtre est un liant atypique puisqu’il est utilisé le plus souvent pur, sans agrégats.
Sa prise est suivie d’un gonflement, alors que pour tous les autres liants, la prise est suivie
d’un retrait.
2.1. La fabrication du plâtre
Il est obtenu par cuisson de gypse. Le gypse est une roche sédimentaire évaporé tique. Il se
forme en milieu marin, et précipite lors de l’évaporation de l’eau de mer. L’évaporation
complète des mers fermées, isolées de l’océan par des mouvements géologiques, peut
produire des bancs importants.
La cuisson produit de la bassanite à partir de 163°C, et de l’anhydrite a partir de 163°C :
128°
CaSO4.2H2O → CaSO4.1/2H2O + 1
H2O
163°
de 130° à 180°C :
- en atmosphère ouverte le gypse donne un plâtre, de faible résistance à
la compression : 2 à 8 MPa ;
- sous 2 à 3 atmosphères, le gypse fournit un plâtre à prise lente, qui
nécessite moins d’eau de gâchage, parce que formé de cristaux plus
gros, et dont la résistance à la compression est supérieure : 15 à 40
MPa ;
de 150° à 250°C :
le gypse se transforme en anhydrite CaSO4 soluble qui reforme, en
présence d’eau, un demi-hydrate ;
de 400° à 600°C :
le gypse produit une matière qui ne fait plus prise : le CaSO4 cristallise en
effet en système orthorhombique et devient très difficilement
soluble (l’explication est donnée au point 3.a.1.3 L’importance de la
température de calcination);
de 600° à 700°C :
les cristaux d’anhydrite broyés et mélangés à des catalyseurs (chaux,
divers sulfates, dolomite anhydre, laitier alcalin) donnent un liant à prise
lente appelé « ciment d’anhydrite » (résistance de 15 à 40 MPa) ;
de 800° à 1100°C : le CaSO4 se dissocie partiellement en CaO et SO3. Le CaO joue le rôle de
catalyseur et fournit un plâtre à prise lente, appelé « plâtre à plancher ».
Sa résistance mécanique n’est pas supérieure à celle du produit précédent
mais il se caractérise par une faible sensibilité à l’eau.
199
CaSO4.
H2O → CaSO4 +
H2O
2.2. Les mécanismes de prise du plâtre
La prise du plâtre se fait par mélange dans l’eau. Le demi-hydrate de sulfate de calcium est
très soluble dans l’eau (10 gr par litre à température ambiante). Les molécules dissoutes dans
l’eau réagissent avec celle-ci pour reformer du gypse et sa mise en solution produit des ions
Ca et SO en suspension dans l’eau de gâchage. Lorsque la concentration des ions atteint
la saturation, une partie d’entre eux précipite pour former des chaînes :
― Ca ― O ― SO2 ― O ― Ca ― O ― SO2 ― O ―
Ces chaînes vont s’hydrater pour former:
― Ca ― O ― S(OH)4 ― O ― Ca ― O ― S(OH)4 ― O ―
et noté CaSO4.2H2O.
Le dihydraté CaSO4.2H2O est nettement moins soluble que le demi hydraté CaSO4.½2H2O,
et précipite rapidement, libérant la place pour la mise en solution d’autres molécules de demi
hydraté.
Dans les structures microcristallines qui en résultent, l’ion Ca
octaédrique dont :
- 2 sommets opposés sont occupés par un ion O
occupe le centre d’un site
lié directement à un ion S
;
- 4 sommets sont occupés par des ions hydroxydes OH fournis par le complexe S(OH)
Le plâtre cristallise dans le système monoclinique sous la forme de fines aiguilles qui
s’enchevêtrent avant de se souder ensemble après l’évaporation de l’eau en excès. Les
cristaux forment alors une structure rigide, dont la solidité varie en fonction de la quantité
d’eau de gâchage, du temps de séchage et de la qualité de la matière première.
2.3. Les différents types de plâtre
On trouve sur le marché :
-
-
le « plâtre gros de construction », utilisé pour les couches de fond.
le « plâtre fin de construction », mis en œuvre pour la finition.
le « plâtre de moulage » est un plâtre pur qui ne se distingue que par la finesse de
sa mouture. Il contient parfois des adjuvants destinés à facilité leur pose ou à
améliorer leur adhérence (plâtre-colle).
le « ciment d’anhydre »
200
-
-
le « plâtre de plancher », déjà cité, n’est plus produit aujourd’hui, mais peut se
rencontrer dans des bâtiments anciens, au cours de restaurations.
Le « plâtre chaux » est de la bassanite additionnée, par immersion, d’une solution
d’alun, qui est ensuite recuite. Mélangé à de la poudre de calcaire ou de marbre, à
des colorants et/ou à des colles, il sert à la confection d’ouvrages en stuc ou en
scagliola (marbre artificiel). L’alun est une pierre naturelle soluble dans l’eau
chaude. Sa composition générale est :KAl(H4SO6)2.8H2O
le « plâtre boraté » est également un plâtre utilisé pour la confection de stucs. Il est
obtenu par l’addition d’une petite quantité de borate de soude naturel :
Na2B4O7.10H2O (borax) ou Na2B4O7.4H2O (kernite).
201
3. La CHAUX AERIENNE
Le cycle de la chaux aérienne suit les trois phases suivantes :
1 - la calcination de la roche calcaire produit de la chaux vive avec une perte de gaz
carbonique :
CaCO3 → CaO + CO2
2 - l’extinction à l’eau de la chaux vive produit de la chaux éteinte :
CaO +
H2O → Ca(OH)2
3 - la carbonatation, au contact de l’air, de la chaux éteinte produit le durcissement de la
matière par reformation de calcite :
Ca(OH)2 + CO2 → CaCO3
3.1. La fabrication de la chaux aérienne
La chaux est obtenue par calcination de roches calcaires à une température de 850°- 1000°C.
3.1.1. La calcination :
Le calcaire pur se décompose à entre 850°C et 900°C avec une perte de poids de 44% du à
l’éventement du CO2.
850-900°C
CaCO3 →
CaO + CO2
La réaction est lente lorsque la température de cuisson est trop proche de la température de
décomposition. Mais si elle dépasse 1000°C, le produit obtenu est de moindre qualité, du fait
d’un processus de restructuration cristalline que nous analyserons plus loin.
3.1.2. L’extinction :
La chaux vive doit être hydratée avant l’emploi :
CaO + H2O → Ca(OH)2
L’opération, qui porte le nom d’extinction, se fait avec un fort dégagement de chaleur et un
foisonnement qui s’accompagne d’une augmentation de volume de 20%.
202
L’extinction peut se faire de deux manières :
- soit par excès d’eau, dans des cuves ou des fosses. La matière obtenue est une pâte
grasse qui peut être conservée telle quelle pendant une très longue période, à condition
de rester totalement immergée. Le PH de cette pâte est de 13,5.
- soit avec la quantité d’eau strictement nécessaire pour la réaction. La matière sèche
obtenue en fin d’opération est finement broyée et mise en sac.
La chaux obtenue par la seconde méthode est généralement de moins bonne qualité que la
première : elle peut en effet contenir des nodules de CaO, qui en s’hydratant tardivement
peuvent provoquer des gonflements après la prise du mortier ou de l’enduit. Elle peut
également s’éventer : carbonater partiellement sous l’effet de l’air qui peut circuler facilement
au sein de la matière poudreuse.
3.1.3. L’importance de la température de calcination
La thermolyse de la calcite débute vers 850°, mais est généralement conduite à des
températures plus élevées, généralement 1000°. Elle peut dans certains cas être poussée
jusqu’à 1500°, -voire au-delà-, la température de fusion de la chaux étant de 3000°.
Les températures élevées produisent des matières de moins en moins réactives et de plus en
plus difficiles à éteindre. L’explication tient dans la transformation que subissent les cristaux
de chaux par élévation de température.
Les molécules de Ca0 qui se libèrent de la calcite sont fortement polarisées et s’orientent dans
l’espace pour s’assembler selon un ordre précis, comparable grosso modo à celui des briques
dans une maçonnerie. La chaux cristallise dans le système cubique. Autrement dit, chaque
molécule de Ca0 occupe, dans le cristal un espace de forme cubique.
203
Au sein du cristal, la liaison privilégiée d’un cation Ca++ pour un anion O-- disparaît : chaque
ion Ca++ entre « en contact » avec 6 ions O-- (un à gauche, un à droite, un devant, un derrière,
un au dessous, un au dessus) La répartition des charges électriques des ions est donc
symétrique et équilibrée, tout au moins à l’intérieur du cristal. Un ion Ca++ établi sur une
surface perd une de ses liaisons ; s’il est établi sur une arête, il en perd deux, et s’il se retrouve
sur un sommet, il en perd trois.
Un ion Ca++ situé sur un sommet -on parle techniquement d’un « site de Lewis »- est donc
moins stable qu’un ion qui dispose de 4, 5 ou 6 liaisons avec le cristal. Il est en outre
fortement polarisé, puisque les 3 liaisons dont il dispose sont dissymétriques et ne sont donc
pas compensées électriquement. Lors de l’extinction, il sera la cible préférée des molécules
d’eau ; en se libérant, il crée de nouveaux sites de Lewis, et la réaction s’accélère.
Une chaux calcinée à basse température produit des cristaux irréguliers, comportant de
nombreuses lacunes, et donc une abondance de sites de Lewis. Une telle chaux peut réagir de
manière brutale, voire explosive, au moment de l’extinction.
Si on augmente la température de cuisson (même après la transformation de calcite en chaux),
les cristaux vont se réorganiser, combler les lacunes sur les arêtes et les faces, donc tendre
vers une forme cubique idéale : ils répondent ainsi à une loi physique leur permettant de
résister aux hautes températures.
204
Les cristaux soumis à de hautes températures sont donc plus gros, présentent des surfaces
lisses et des sites de Lewis réduits au nombre minimum. Ils réagissent lentement à
l’extinction. Une bonne température de cuisson sera donc un compromis permettant une
extinction dans les meilleures conditions de sécurité et d’efficacité. Les chaux produites à
basse températures sont plus légères (fleur de chaux) que celles produites à des températures
plus élevées.
La perte de réactivité de la matière produite à hautes température a déjà éte évoquée pour le
plâtre (voir 2.a La fabrication du plâtre). Le phénomène est semblable à celui de la chaux,
toutefois dans un système cristallin nettement plus complexe.
3.2. Les mécanismes de prise de la chaux aérienne
La prise a lieu en deux phases, l’une rapide et l’autre très lente :
- Un durcissement partiel va se faire par évaporation de l’eau. La finesse des grains de
chaux hydratée est telle qu’il se développe des forces de cohésion suffisantes pour
conférer au matériau une certaine résistance (semblable à celle de l’argile dans les
briques crues). En s’évaporant, l’eau libère un fin réseau capillaire, qui permet la
pénétration du gaz carbonique.
- Un durcissement lent et définitif se fait ensuite par carbonatation :
Ca(OH)2 + CO2 → CaCO3 + H2O
La carbonatation ne se produit pas sous toutes conditions :

Elle ne peut se faire en l’absence d’eau. La réaction ne peut en effet se
produire qu’après la formation d’ions Ca et HCO , ions qui ne peuvent être
engendrés en dehors d’un milieu aqueux ;

Elle ne se produit pas dans un milieu saturé d’eau : l’eau ne peut en effet
contenir qu’une faible quantité de CO2 dissout ;

La carbonatation est optimale lorsque l’air en présence contient entre 60 et
80% d’humidité relative : elle se produit alors dans le milieu aqueux formé par
l’eau adsorbée.
Ceci nous indique qu’un mortier de chaux aérienne va carbonater en 2 temps :
 Rien ne se passera en présence de l’eau de gâchage. Cette eau va
s’évaporer, et la carbonatation va progresser en suivant le front
d’évaporation de cette eau. Elle ne sera évidemment pas complète à la
fin de l’évaporation de l’eau de gâchage ;
 La carbonatation progresse en suite chaque fois que la matière sera
parcourue par un air contenant entre 60 et 80 % d’humidité relative.
205
La carbonatation n’est donc pas un phénomène aléatoire : elle se produit toujours,
mais à des vitesses variables, qui dépendent essentiellement :

de la distance de la matière à la surface en contact avec l’air extérieur ;

de l’humidité relative de l’air extérieur.
Un mortier trop compact, trop peu poreux, fait avec peu d’eau ne durcira cependant
jamais en profondeur. La carbonatation peut durer des années, voire des siècles. Cela
signifie que le mortier aura la faculté de se déformer plastiquement, sans fissure,
pendant une longue période. Cet avantage a contribué grandement à la réussite de la
construction des cathédrales gothiques.
Du fait de la carbonatation, le PH du mortier tombe de 12,5 à l’état frais, à environ 7 – 8 après
durcissement complet.
3.3. Les différents types de chaux aériennes
Les chaux aériennes sont vendues sous le sigle CL pour « Calcite Lime » en anglais
(anciennement XA pour « Chaux Aérienne ». Les sigles CL 90, CL 80, CL 70, …, désignent
des chaux contenant 90%, 80%, 70%, …, de matière active.
La chaux aérienne peut être fournie :
- soit sous forme de poudre ensachée,
- soit sous forme de pâte conservée sous l’eau.
La chaux vive ne se trouve plus sur le marché, pour des raisons invoquées de sécurité.
Les chaux en pâte, conservées sous l’eau, et âgées de 3 à 7 ans sont toujours nettement plus
performantes que les produits fournis en sac. Cela s’explique par une hydratation parfaite de
la matière. Ce type de chaux est cependant difficile à trouver chez nous, du fait des coûts
élevés liés au stockage.
L’ « eau de chaux » désigne l’eau qui « surnage » à la surface d’une marre de pâte de chaux.
C’est une solution saturée en chaux dissoute, qui se révèle généralement être un durcisseur de
pierre efficace. Elle ne doit pas être confondue avec les badigeons, eaux fortes ou patines, qui
sont des mélanges d’eau et de chaux. L’eau de chaux saturée ne contient que 1,7 gr/l de chaux
Ca(OH)2.
La firme allemande IBZ Freiberg met depuis peu sur le marché une dispersion de Ca(OH)2
dans une solution d’alcool (éthanol, propanol ou pentan). Le produit contient de 5 à 50 gr/l de
Ca(OH)2. Après évaporation de l’alcool, la chaux carbonate sans problème.
206
4. La CHAUX DOLOMITIQUE
La chaux dolomitique est une chaux aérienne obtenue par calcination de calcaire magnésien,
contenant de 5 à 35 % de magnésite MgCO3, ou de roche dolomitique contenant de 36 à 46 %
de magnésite. La chaux dolomitique ne présente pas d’avantages par rapport à la chaux
« calcique ». Elle a la réputation d’être plus plastique et plus facile à travailler. Elle n’est, en
réalité, mise en œuvre que dans les régions ou les roches magnésiennes ou dolomitiques sont
abondantes.
4.1. La fabrication de la chaux dolomitique
4.1.1. La calcination :
La thermolyse de la dolomite MgCa(CO3)2 se fait en deux temps : la périclase se libère
d’abords, la chaux ensuite :
-la périclase se libère à partir de 650°
MgCa(CO3)2 → MgO + CaCO3 + CO2
-à 850° la libération de la périclase est complète et la thermolyse de la calcite commence
MgO + CaCO3 → MgO + CaO + CO2
La température de cuisson est généralement poussée jusqu’à 900° voire au-delà. A cette
température, la chaux CaO se montre très réactive, mais la périclase MgO a déjà entamé le
processus de restructuration cristalline décrite plus haut (voir 3.a.1.3).
Le périclase se montre dès lors nettement moins réactif que la chaux.
4.1.2 L’extinction :
La chaux dolomitique doit être éteinte comme la chaux calcique :
MgO + CaO + 2H2O → Mg(OH)2 + Ca(OH)2
Pour être complète, l’extinction demande une immersion de plus de 24 heures, alors qu’elle
meut être quasi instantanée pour la chaux. La périclase hydratée Mg(OH)2 appelée brucite,
carbonate tout comme la chaux éteinte, mais avec des temps de réaction beaucoup plus longs.
4.2. Les mécanismes de prise de la chaux dolomitique
La prise se fait de la même manière que celle de la chaux calcique
4.3. Les différents type de chaux dolomitiques
207
Les chaux dolomitiques sont produites sous les mêmes formes que la chaux calcique.
Le sigle DL (dolomite lime) remplace le sigle CL (calcite lime) sur les produits vendus
208
5. Les CHAUX HYDRAULIQUES et les CIMENTS NATURELS
Dans un mortier de chaux aérienne, c’est la réaction entre la chaux hydratée Ca(OH)2 et le
gaz carbonique de l’air qui assure la prise du mélange.
Dans le cas de la chaux hydraulique, la prise peut être partiellement assurée par la même
réaction, mais surtout par la réaction entre la chaux CaO, et la silice SiO2 et / ou l’aluminium
A2lO3. Comme pour la chaux aérienne, la réaction ne peut se produire qu’en présence d’eau,
mais contrairement à celle-ci, dans le cas de la chaux hydraulique, l’eau participe à la
construction du système cristallin qui assure la rigidité du mélange faisant prise.
La constitution d’un système cristallin associant les oxydes de calcium, de silicium et, dans
une moindre mesure, d’aluminium est une condition essentielle dans la prise des chaux
hydrauliques. Ces systèmes sont multiples et dépendent autant des mélanges en présence que
des conditions physiques de leur constitution. Ils existent de manière naturelle, et dans le cas
des chaux hydrauliques, le modèle de référence est celui de la tobermorite. La tobermorite est
un minéral associant le calcium Ca et le silicium Si, et fut pour la première fois décrite dans
des échantillons découverts dans le village de Tobermory sur l’île de Mull en Ecosse.
Pour bien comprendre le mécanisme de prise des chaux hydrauliques, il est indispensable
d’étudier ce modèle, ses composantes, et son mode de formation.
5.a. Introduction à la chimie des liants hydrauliques
La chimie des liants hydraulique fait appel à un grand nombre de molécules différentes, dont
les propriétés changent en fonction de leur structure cristalline, comme nous avons pu le voir
avec les matières pouzzolaniques.
5.a.1. Les composants des chaux hydrauliques
5.a.1.1 Le silicium
Dans un silicate, le silicium met en jeu quatre liaisons qui ont un caractère à la fois ionique et
se trouve au centre d’un tétraèdre dont les sommets sont quatre
covalent. L’ion de Si
atomes d’oxygène ionisés O-. Un tétraèdre SiO
ou Si(OH)4 est noté Q0 (Q comme quartz).
Un tétraèdre peut être également lié par un des ses oxygènes à un autre tétraèdre : il sera noté
Q1. S’il est lié à deux tétraèdres, il sera noté Q2 , à trois, Q3 et à quatre Q4.
Un cristal de quartz est formé d’un ensemble de tétraèdres Q4.
209
5.a.1.2. Le calcium
Le calcium se fixe sur les sommets des tétraèdres. Un tétraèdre Q0 peut accueillir deux ions
Ca qui occupent chacun deux sommets, ou encore quatre ions Ca qui occupent chacun un
sommet, et qui assurent la liaison avec les tétraèdres voisins.
Un tel système cristallin comprend donc 2 ions Ca pour 1 ion Si et 4 ions d’oxygène, soit Ca/
Si = 2.
Si le système comprend des tétraèdres Q1, Q2 ou Q3, le rapport Ca/Si diminue nécessairement.
Toutes les combinaisons sont théoriquement possibles. Elles dépendent cependant des
conditions dans lesquelles les cristaux se sont formés.
Nous y reviendrons.
5.a.1.3. L’aluminium et le fer
L’aluminium agit comme un substitut du silicium, et en présence de calcium, il se révèle en
général plus réactif que le silicium.
Le fer par contre joue généralement le rôle d’un substitut du calcium ou de silicium, mais
avec une réactivité nettement moindre.
Nous verrons cela plus loin.
5.a.2. L’hydrolyse
Pour que le calcium réagisse, à température ambiante, avec le silicium, il faut qu’ils se
rencontrent sous forme d’ions en solution dans un milieu aqueux.
210
5.a.2.1. L’hydrolyse de la chaux
La chaux CaO s’hydrolyse suivant la formule :
CaO + H2O
Ca++ + 2OH
5.a.2.2. L’hydrolyse de la silice
Sous certaines conditions seulement, la silice SiO2 s’hydrolyse suivant la formule :
SiO2 + 2H2O
H2SiO
+ 2H
ou encore :
SiO2 + 2H2O
SiO
+ 4H
Il est clair que le quartz ne se décompose nullement dans l’eau : le cristal est généralement
stable et totalement insensible aux attaques hydriques, sauf si la forme cristalline est
imparfaite et qu’il est mis en présence de cations forts.
Le quartz, à température ambiante est cristallisé dans le système rhomboédrique. Porté à
température, il se transforme suivant les phases suivantes :
-
à 573°C, il adopte le système hexagonal
à 870°C, il se transforme en tridymite β, de système monoclinique
à 1470°C, la tridymite β se transforme en cristobalite β, de système cubique
à 1710°C, la cristobalite se liquéfie.
Si la matière est refroidie très lentement, la transformation se fera en sens inverse.
Par contre, si le refroidissement est brutal, la matière se figera dans une structure donnée, qui
peut se révéler stable ou métastable. Refroidie rapidement, la silice liquide gardera une
structure vitreuse et mettra environ 30 millions d’années pour se transformer en quartz.
A température ambiante, la cristobalite α est stable dans le système rhomboédrique, et se
transforme en quartz si elle est portée à 270°C. La tridymite α existe également dans le
système rhomboédrique, et se transforme en quartz à 117°C.
Le refroidissement peut également faire que la matière chauffée se fige sous la forme d’une
structure désordonnée, intermédiaire entre le système cristallin de la cristobalite et de la
tridymite, ou de la tridymite et du quartz. Une telle structure se révèle généralement
« métastable » et sensible à l’hydrolyse. La sensibilité sera d’autant plus grande que la matière
aura été réduite en fine poudre et présentera donc une surface importante à l’attaque hydrique.
211
Des matières siliceuses instables et donc hydrolysables peuvent être d’origine naturelles –
c’est le cas des cendres volcaniques connues sous le nom de « pouzzolanes » - ou être
produites artificiellement – cendres volantes de haut fourneaux, terres cuites, … -.
5.a.2.3 L’hydrolyse des aluminosilicates
Sous certaines conditions également, des molécules associant la silice SiO2 et des oxydes
métalliques tels que CaO, Al2O3 et Fe2O3 peuvent s’hydrolyser et engendrer des ions Ca ,
H2SiO , AlO et Fe2O
.
Des minéraux associant ces éléments existent naturellement, mais se révèlent peu réactifs. Ils
sont donc produits artificiellement à très haute température et refroidis brutalement, de
manière à leur conférer une structure cristalline métastable. Ce sont les constituants essentiels
de la chaux hydraulique naturelle et des ciments.
5.a.3. La réaction Ca-Si
Dans la chaux hydraulique naturelle, l’eau attaque la surface des grains de silicate calcique
et H2SiO . Ceux-ci vont précipiter à des
nCaO.mSiO2 et en libère les ions Ca
concentrations différentes. En règle générale, les H2SiO
précipitent en premier, pour former
des chaînes de tétraèdres Q2.
Les ions Ca
viennent ensuite s’installer entre les sommets restés libres des tétraèdres.
Chaque ion Ca
de l’eau.
chasse un ion H+ et un hydroxyde OH qui réagissent entre eux pour former
La réaction engendre, autour du grain, un gel dans lequel s’assemblent les cristaux. Ceux-ci
prennent la forme de fines aiguilles et se développent perpendiculairement à la surface du
grain. Ils grandissent jusqu’à épuisement de la matière anhydre fournie par le grain, autrement
dit à la dissolution complète du grain.
La croissance des cristaux est au départ rapide et ralentit rapidement parce que la densité du
gel limite progressivement l’accès de l’eau de gâchage à la surface du grain. Le raidissement
et le durcissement final de la matière se produit lorsque les aiguilles touchent les agrégats (ou
les aiguilles voisines) et s’y soudent.
Si, au cours de la prise, l’eau de gâchage s’évapore complètement la réaction s’arrête et le
durcissement est imparfait. Même après une réhydratation la réaction ne peut plus reprendre :
les cristaux qui se sont formés autour des grains sont insolubles, et empêchent l’accès de l’eau
à la matière anhydre.
Un séchage trop rapide de l’eau de gâchage entraîne ce que l’on appelle la « brûlure » de la
matière.
212
Dans la chaux hydraulique artificielle, les grains de silice SiO2 côtoient les grains de chaux Ca
(OH)2. L’eau de gâchage libère des ions à la surface des deux types de grains. Les ions de
H2SiO précipitent sous forme de chaînes de Q2, qui restent attachées au grain de silice.
Ces chaînes sont contaminées par les ions Ca qui nagent librement dans l’eau de gâchage.
Le gel se forme donc exclusivement autour des grains de silice, et la prise se produit comme
décrit précédemment.
La matière cristalline produite par la réaction s’appelle la tobermorite.
5.a.4. La structure de la tobermorite
La tobermorite possède une structure en feuillet. Il existe cependant trois polymorphes de
tobermorite, appelés α, β et γ, qui se distingue à la fois par leur rapport Ca/Si, et par
l’espacement de leurs feuillets. (de 14,11 à 9 Ǻ)
213
5.a.4.1. La tobermorite α : rapport Ca/Si < 1
La tobermorite est constituée de plans de calcium, accrochés à des chaînes de tétraèdres de
silicium, de longueur théoriquement infinie. Les chaînes sont constituées d’un motif répété de
trois tétraèdres, appelé « dreierket » (chaînon triple, en allemand) : deux tétraèdres sont liés au
plan des calciums ; le troisième appelé tétraèdre pontant, est tourné de 180° et ne porte pas de
calcium.
Interfeuillet ———
Plans des Siliciums —
Plans des calciums —
—
Plans des Siliciums —
Interfeuillet ———
La tobermorite α : rapport Ca/Si = 0,666
Il faut observer que, dans le plan des calciums, les ions de Ca sont équidistants, et occupent
une position centrale entre les quatre sommets libres de deux tétraèdres voisins. La taille des
impose le plissement de la chaîne de tétraèdres et la présence des tétraèdres
ions Ca
pontants.
Un des deux sommets libres des tétraèdres pontants est établi dans le plan appelé
«interfeuillet ». Ce plan comprend également des molécules d’eau, qui sans créer des liaisons
supplémentaires, participent à la cohésion du cristal, en assurant une meilleure distribution
des charges électrovalentes.
Ces molécules résultent de la formation du cristal par hydratation, et lui sont intimement liées.
A côté de ces molécules, le cristal peut également contenir de l’eau simplement adsorbée.
Dans la configuration décrite ci-dessus, le cristal de tobermorite α comprend 2 atomes de Ca
pour 3 atomes de Si. Le rapport Ca/Si est donc égal à 0,66.
214
Si lors de la formation, la concentration relative Ca/Si est supérieure à 0,66, les ions Ca
s’installent dans le plan de l’interfeuillet et assurent la liaison entre deux sommets voisins des
tétraèdres pontants. Ils portent le nom de Ca « labile ».
Interfeuillet ———
Plans des Siliciums —
Plans des calciums —
—
Plans des Siliciums —
Interfeuillet ———
La tobermorite α : rapport Ca/Si = 0,833
Dans cette configuration, à l’équilibre le rapport Ca/Si est de 0,833 (2,5 Ca 3 Si).
215
5.a.4.2. La tobermorite β : 1 < Ca/Si < 1,5
Une concentration relative supérieure à 0,833 entraîne la rupture de la chaîne des tétraèdres
Q2. La présence d’un Ca labile fragilise en effet les liaisons des tétraèdres pontants avec les
tétraèdres voisins. Les ions Ca surnuméraires vont dès lors occuper les sites des liaisons
rompues entre les tétraèdres pontants et les couples de tétraèdres liés au plan de calcium et des
liaisons se forment entre les plans des calcium : les deux plans se soudent pour ne plus en
former qu’un seul.
Interfeuillet ——
Plans des Siliciums —
Plans des calciums —
Plans des Siliciums —
Interfeuillet ———
La tobermorite β : rapport Ca/Si = 1,333
216
5.a.4.3. La tobermorite γ : 1,5 < Ca/Si < 2
Sous la poussée des ions Ca , les tétraèdres pontants finissent par se libérer totalement, et à
l’équilibre, la structure cristalline ne comporte plus que des doublons Q1 et des tétraèdres Q1
et compte 4,5 atomes de Ca pour 3 atomes de Si, soit un rapport Ca/Si égal à 1,5.
La tobermorite γ : rapport Ca/Si = 1,5
Si concentration relative Ca/Si dépasse 1,5, ce sont les doublons de Q1, liés au plan des
calciums qui se séparent, et à terme, le système ne comporte plus que des tétraèdres Q0 liés à
leurs voisins par des ions Ca .
Le rapport Ca/Si est alors de 2, et au-delà de cette concentration, les ions Ca précipitent
pour former de la portlandite Ca(OH)2, sans liaison avec le système cristallin de la
tobermorite γ.
La distinction entre les plans de calcium, de silicium et l’interfeuillet devient incertaine, et le
cristal formé perd sa structure en feuillet.
217
La tobermorite γ : rapport Ca/Si = 1,8333
218
5.a.4.4. Le rôle de l’aluminium dans la tobermorite
L’hydratation d’un mélange de chaux Ca(OH)2, de silice SIO2 hydrolysable et d’aluminium
Al2O3 hydrolysable peut conduire à la formation de chaînes de tétraèdres semblables à celles
de la tobermorite α, mais où le tétraèdre pontant est remplacé par une structure tétraédrique
et à ses sommets trois ions O .
d’alumine comportant en son centre un ion Al
L’hydratation d’un mélange comportant de la chaux, ainsi qu’un mélange de deux atomes de
silicium pour un atome d’aluminium peut dès lors conduire à des structures cristallines
semblables à celles de la tobermorite.
∆ gris : silicium
∆ vert : aluminium
5.a.4.5. Le rôle du fer dans la tobermorite
Contrairement à l’aluminium, qui dans la structure de la tobermorite se substitue au silicium,
le fer se substitue au calcium, pour occuper soit la place d’un ion calcium labile, soit d’un ion
calcium participant au plan des calciums.
219
O rouge : calcium
O bleu : fer
5.a.5. Les aluminates calciques
Les aluminates calciques participent également à la prise des chaux et des ciments. Ils se
rencontrent sous la forme de : CaO.Al2O3, 3CaO.Al2O3, 5CaO.3AlO3 ou 12CaO.7Al2O3.
Les aluminates calciques sont beaucoup plus réactifs que les silicates ou que les
aluminosilicates calciques. Cela s’explique par le fait que les composés produits par
l’hydratation de grains silico-calciques ou aluminosilico-calciques adhèrent à ces grains et
forment une couche assez dense pour ralentir la vitesse de pénétration de l’eau nécessaire à
l’hydrolyse. Les composés issus de l’hydratation de grains alumino-calciques, par contre, se
détachent et laissent libre la surface des grains permettant la poursuite de l’hydrolyse.
La précipitation d’ions Ca
et 2AlO
dans l’eau de gâchage conduit à la formation de
CaO.Al2O3.10H2O, cristallisé dans le système hexagonal. La forme CaO.Al2O3.10H2O est
métastable, et en présence d’ions calciques, elle se convertira en :
CaO.Al2O3.10H2O + 2 Ca
+ 4 OH
3 CaO.Al2O3.6H2O + 6H2O
220
La forme intermédiaire 2 CaO.Al2O3.8 H2O est elle aussi métastable.
3 CaO.Al2O3.6H2O cristallise dans le système cubique centré et est la seule forme stable dans
la famille des alumino-silicates hydratés.
La notation cimentière
Les professionnels des liants hydrauliques donnent une notation simplifiée des différentes molécules intervenant
dans la composition de leurs produits.Par convention, ils écrivent :
C pour CaO
S pour SiO2
A pour Al2O3
F pour Fe2O3
H pour H2O
pour SO
Exemple : C4-A-F ou C4AF désigne un ferroaluminate tétracalcique 4 CaO.Al2O3.Fe2O3.2
Dans la suite du texte, nous utiliserons indifféremment les 2 notations.
5.b. Les chaux hydrauliques artificielles pouzzolaniques
5.b.1. La fabrication de la chaux pouzzolanique
Il ne s’agit pas à proprement parler d’une « fabrication », mais bien d’un mélange : depuis
l’Antiquité il a été observé que l’adjonction de certains matériaux, n’ayant aucune propriété
liante en eux-mêmes, permettait d’accroître les performances du mortier à la chaux aérienne :
la prise pouvait se faire sous l’eau, sans apport d’air, et le mortier durci devenait de plus
insoluble dans l’eau.
Ces matériaux ajoutés ont pris le nom générique de « pouzzolanes », du nom d’un tuf
volcanique exploité par les Romains dans la région de Pozzuoli près de Naples.
Les matériaux pouzzolaniques sont des roches naturelles ou artificielles, qui se caractérisent
par une structure cristalline métastable, ce qui les rend sensibles à l’hydrolyse voir § II 5.a.
2.2). Ce sont en général des aluminosilicates qui ont été refroidis brutalement, après avoir été
porté à haute température.
Comme nous l’avons vu plus haut, portée à haute température, la matière subit des
transformations à la fois chimiques et cristallines. Pour les aluminosilicates, - autrement dit,
pour les argiles – les transformations suivent généralement le modèle le plus simple -, celui de
la kaolinite. Vers 900°C, la kaolinite Al2O3.2SiO2.2H2O se transforme en mullite
3Al2O3.2SiO2 et en tridymite SiO2 :
3 Al2O3.2SiO2.2H2O → 3Al2O3.2SiO2 + 4 SiO2 + 6H2O
221
La cuisson s’accompagne d’une modification de l’état cristallin : la kaolinite, cristallisée dans
la système triclinique, se transforme en mullite orthorhombique et en tridymite monoclinique.
Si la cuisson est poussée largement au dessus de 900°C, la transformation de la kaolinite en
mullite et tridymite est complète. Si, de plus, la matière est refroidie suffisamment vite pour
empêcher la réversion, la mullite et la tridymite gardent leur structure cristalline à température
ambiante et se révèlent extrêmement stable : la mullite et la tridymite sont les constituants
essentiels de la terre cuite, de la brique notamment.
Si, par contre, la cuisson atteint à peine 900°C, la transformation est incomplète, et si la
matière est refroidie brutalement, elle garde une structure indéfinie, faite d’un mélange de ce
qui n’est plus tout à fait de la kaolinite, et pas encore de la mullite, ni de la tridymite. Une
telle matière contient des cristaux imparfaits, métastables, et donc sensibles à l’hydrolyse en
présence de cations forts. Finement broyée, elle peut se révéler réactive en présence de chaux.
Cette réactivité définit son caractère « pouzzolanique »
Les pouzzolanes peuvent être d’origine naturelle, ou être produites artificiellement :
Les pouzzolanes naturelles :
Elles sont toujours d’origine volcanique, expulsées sous formes de cendres ou de poussières
dans l’atmosphère, et donc refroidies brutalement. Elles forment des bancs de roches
« pyroclastiques » meubles, de faible cohésion ou parfois compactes, et doivent être réduites à
l’état de poudre fine. Les plus utilisées sont : la pouzzolane de la baie de Naples, le trass de
l’Eiffel, la terre de Santorin, certains tufs, la gaize crue, etc.)
Les pouzzolanes artificielles :
- Les cendres volantes : ce sont des cendres très fine, formées des résidus de la
combustion de la houille pulvérisée ou de la lignite dans les centrales thermiques.
- Les argiles et les schistes calcinés : elles sont cuites à des températures variant entre
600°C et 900°C, et leur qualité dépend de la composition de la matière de base, des
conditions de calcination et des conditions de refroidissement.
Les romains obtenaient une chaux hydraulique en mélangeant des briques ou des tuiles pilées
à la chaux aérienne. Ils utilisaient pour cela les briques et les tuiles mal cuites, impropres à la
mise en œuvre. C’est ce que n’avaient pas compris les bâtisseurs du Moyen-Âge, qui n’ont
jamais obtenu une chaux hydraulique par adjonction de brique pilée : ils broyaient en effet des
briques parfaitement cuites, dans lesquelles les composés argileux transformés en mullite et
en tridymite, avaient perdu leur propriétés réactives.
222
5.b.2. Les mécanismes de prise des chaux hydrauliques artificielles pouzzolaniques
La prise va se faire en trois temps :
1. Un durcissement partiel du à l’évaporation de l’eau de gâchage excédentaire et au
développement des forces de Van der Waals entre les grains.
2. Un durcissement relativement rapide dû à la combinaison, en présence de l’eau, entre
la chaux et les aluminosilicates.
L’hydratation du mélange de chaux Ca(OH)2 et d’aluminosilicates xAl2O3.ySiO2 par
l’eau de gâchage entraîne l’hydrolyse des composantes.
xAl2O3.ySiO2 + zCa(OH) + wH2O → xAlO + yH2SiO
+ zCa
+ (z-2x-
y)OH
En précipitant les ions vont former un gel qui en perdant son eau excédentaire donne
naissance à une structure solide, amorphe ou nanocristalline, formée de :
-nCaO.SiO2.mH2O
-6nCaO. Al2O3.4 SiO2.6mH2O
-3CaO. Al2O3.6H2O
Les C-S-H et C-A-S-H ont une morphologie semblable à celle de la tobermorite. Le
rapport n = Ca/Si+Al ne dépasse jamais 1,4 et les classe donc dans les formes α et β
de la tobermorite.
Le C3AH6 se forme en générale plus rapidement que les composés précédents, et si la
proportion d’alumine est importante dans le mélange, il peut engendrer un
raidissement de la matière dans les premières heures.
3. Un durcissement lent du à la carbonatation de la chaux excédentaire :
Ca(OH)2 + CO2 → CaCO3 + H2O
5.c. Les chaux hydrauliques naturelles et artificielles - Les ciments naturels
5.c.1. La fabrication des chaux hydrauliques naturelles et artificielles, et des ciments
naturels
Les chaux hydrauliques peuvent être obtenue de trois manières différentes :
1. La cuisson de roches calcaires faiblement argileuses fournit la chaux hydraulique
naturelle.
223
2. La cuisson d’un mélange d’argile et de roche calcaire finement broyée (procédé Vicat)
fournit la chaux hydraulique artificielle.
3. La cuisson de marnes ou de roches marneuses finement broyées fournit les ciments
naturels, romain ou prompt, qui appartiennent à la famille des chaux hydrauliques
naturelles.
La température de cuisson peut varier de 800° et 1200°, et la durée de la cuisson peut
s’étendre de 2 à plus de 30 heures. Ces différents paramètres (mélange, température et durée
de cuisson) influencent les propriétés et la qualité des différentes chaux. L’expérience montre
que les meilleures chaux sont obtenues à des températures basses, entre 800° et 1000°, et avec
des durées de cuisson n’excédant pas quelques heures.
5.c.1.1. Les chaux hydrauliques naturelles et artificielles.
Le procédé permet de contrôler le dosage des matières premières, et de produire des chaux au
caractère hydraulique plus ou moins prononcé.
5.c1.1.1. La calcination :
La calcination suit les étapes suivantes :
100° : - l’eau contenue dans la matière s’évapore
500° : - l’argile se déshydrate
xSiO2.yAl2O3.zFe2O3.nH2O → xSiO2.yAl2O3.zFe2O3 + nH2O
800°-900° : - la calcite se transforme en chaux CaO3 → CaO + CO
- la chaux qui réagit graduellement avec les composés de l’argile pour
produire essentiellement :
- de la bélite α’ : 2CaOSiO2 ou C2-S
- de la gehlénite : 2CaO.Al2O3.SiO2 ou C2-A-S
- accessoirement :
- de l’aluminate calcique : CaO.Al2O3 ou C-A
- des traces de ferrite calcique : CaO.Fe2O3 ou C-F
- et selon le dosage :
- de la chaux excédentaire CaO.
900°-1000° : - la chaux excédentaire CaO perd progressivement de sa réactivité.
5.c.1.1.2. La trempe :
La phase de refroidissement de la matière calcinée doit être la plus rapide possible, car sa
vitesse a une influence déterminante sur la qualité des matières hydrauliques. Un
224
refroidissement trop lent peut en effet diminuer fortement la réactivité de la bélite 2CaO.SiO2
ou C2S.
Il existe 5 polymorphes de la bélite, qui se distinguent par la structure, notamment leur
système cristallin, et dépendent de la température à laquelle la matière est portée :
Température ambiante → bélite γ : orthorhombique → 500°C
500°C
→ bélite β : monoclinique
→ 650°C
650°C
→ bélite α : monoclinique → 1160°C
1160°C
→ bélite α
1420°C
→ bélite α : triclinique
: monoclinique → 1420°C
Refroidie lentement, la bélite α retrouvera, à température ambiante, la structure de la bélite γ.
La bélite γ est insensible à l’hydrolyse et le passage au système cristallin monoclinique de la
bélite β s’accompagne d’un important accroissement de volume. Par contre, si elle est
refroidie brutalement, la bélite α ’ conservera à température ambiante, la structure de la bélite
β, instable à cette température, et donc sensible à l’hydrolyse. L’environnement, autrement dit,
les impuretés contenues dans le mélange ou les matières hétérogènes en contact avec la bélite
peuvent également avoir une influence sur la structure refroidie et la rendre, de ce fait, plus ou
moins réactive.
5.c.1.1.3. L’extinction :
La chaux excédentaire CaO doit être éteinte avant la mise un œuvre du mélange. Sans une
extinction parfaite, le mélange est susceptible de foisonner lors de sa mise en œuvre :
l’extinction provoque, en effet, une forte augmentation de volume de la chaux. L’opération est
délicate, un déficit en eau conduit à une extinction incomplète et un excès d’eau peut entraîner
le démarrage des réactions hydrauliques et dégrader les propriétés du produit.
Un mélange cuit à une température nettement supérieure à 900° est plus difficile à éteindre, la
chaux réagissant moins rapidement à l’hydratation. On observe que, moyennant un dosage
précis, on peut produire une matière qui ne contient pas de chaux résiduelles : le produit ne
contient que des silicates et des aluminosilicates assurant une prise purement hydraulique. Un
tel produit ne doit donc pas être éteint.
5.c.1.2. Les ciments naturels, romain et prompt.
Le « ciment romain » a été mis au point au 18e siècle et n’a de romain que le nom : ce type de
chaux était totalement inconnu dans l’Antiquité ! Il résulte de la calcination de roches
finement broyées.
225
Les roches exploitables sont en général des marnes stratifiées, formées au cours du jurassique,
du crétacé ou de l’éocène. La roche doit contenir plus de 40 % de matière calcaire, sous forme
de calcite, de chaux libre ou de chaux liée à la matière argileuse (wollastonite, rankinite, etc.)
La calcination de la pierre marneuse peut se faire à des températures plus basses que celles
nécessaires à un mélange. En effet, le contact intime entre la calcite, le quartz et les matières
argileuses, favorise la formation de bélite et de gehlénite.
5.c ;1.2.1. La calcination :
Les phases de la calcination sont les suivantes :
500°C
600°C-800°C
-
800°C-1000°C -
Déshydratation des matériaux argileux
2CaO.SiO2 et dégradation
Formation progressive de bélite
lente de la calcite en chaux
Formation progressive de gehlénite 2CaO.SiO2.AlO3
Disparition de la calcite vers 870°C
A 1000°C, le mélange de matière calcinée comprend en moyenne :
60 % de bélite : 2CaO.SiO2
15 % de gehlénite : 2CaO.SiO2.AlO3
5 % de chaux : CaO
20 % de matière amorphe
En fonction de la température de cuisson et la nature de la composition chimique des roches
marneuses, la matière peut également contenir :
-
de la wollastonite CaO.SiO2
du gypse CaSO4
de l’ aluminosulfate tétracalcique 4CaO.Al2O3.CaSO4.
de la brownmillérite 4CaO.Al2O3.Fe2O3 (uniquement si la cuisson est poussée à
température élevée)
Les études menées dans le cadre du projet de recherche ROCEM, financé par la Commission
Européenne (Cinquième programme 2003-2006) ont montré que le ciment romain le plus
performant est obtenu en limitant la température de cuisson à 820°C.
Le mélange comprend dans cette configuration :
226
40 % de bélite α : 2CaO.SiO2
10 % de chaux : CaO
3 % de gehlénite : 2CaO.Al2O3.SiO2
12 % de calcite : CaCO3
35 % de matière amorphe.
Il peut paraître paradoxal qu’avec un volume de matière réactive moindre (53 % ou lieu de
80 %), on obtienne, à basse température, une chaux plus performante. Plusieurs raisons
peuvent expliquer le phénomène :
- il semblerait que la bélite β obtenue après refroidissement d’une bélite α ’ chauffée à
820° soit plus réactive que celle obtenue au départ d’une matière chauffée à une
température plus élevée ;
- la partie amorphe contient davantage de matière pouzzolanique susceptible de réagir
avec la chaux libre ;
- la gehlénite est une matière très réactive, dont la prise trop rapide peut nuire à la mise
en œuvre, ainsi qu’aux performances à long terme.
La cuisson du « ciment prompt naturel » produit encore de nos jours par la société Vicat, est
cependant portée à 1200°C.
Faute d’information sur les ciments prompts anciens, nous ne pouvons qu’émettre l’hypothèse
que les caractéristiques de ciments « naturels », romain ou prompt, dépendent essentiellement
de la composition des matières exploitées, et que la température de cuisson était déterminée
de manière à leur conférer les meilleures performances.
5.c.1.2.2. La trempe :
Les ciments naturels doivent bien entendus être trempés comme les chaux hydrauliques.
5.c.1.2.3. L’extinction :
L’extinction dépend de la teneur en chaux de la matière : tous les ciments naturels ne doivent
pas être éteints. L’expérience montre que le ciment romain ne doit pas l’être, même s’il
contient de la chaux libre en faible quantité : le foisonnement éventuel, généralement faible,
ne nuit pas à la mise en œuvre.
227
5.c.2 : La prise des chaux hydrauliques naturelles et artificielles, et des ciments
naturels
5.c.2.1. Le processus chimique :
La prise des chaux hydrauliques naturelles est semblable à celle des chaux hydrauliques
artificielles. La prise se fait également en deux temps.
1) L’addition d’eau au mélange de bélite 2CaO.SiO2 ou C2-S, de gehlénite 2
CaO.Al2O3.SiO2 ou C2-A-S, et d’aluminate calcique CaO.Al2O3 ou C-A entraîne
l’hydrolyse de ses composants. Ceux-ci se retrouvent sous forme d’ions Ca++, H2SiO
et AlO en solution dans l’eau de gâchage.
En précipitant, les ions forment un gel, qui, en perdant son eau excédentaire, donne
naissance à une structure solide, amorphe ou nanocristalline, formée de :
- nCaO.SiO2.mH2O
- 6nCaO.Al2O3.4SiO2.6mH2O
- 3CaO.Al2O3.6H2O
Les C-S-H et C-A-S-H ont une morphologie semblable à celle de la tobermorite. Le
rapport n = Ca/(Si+Al) ne dépasse cependant jamais 1,4 et les classe donc dans les
formes α et β de la tobermorite. Pour le ciment romain, le rapport n est compris entre 1,2
et 1,4 : la matière durcie comprend donc essentiellement de la tobermorite β.
Le C3-A-H6 se forme en général plus rapidement que les composés précédents et assure
la première phase de durcissement de la matière.
2) Le processus de durcissement final se fera, conjointement avec l’hydratation, par la
carbonatation de la chaux excédentaire.
5.c.2.2. Le temps de prise
La prise d’un mortier de ciment romain par exemple suit les étapes suivantes :
-
-
-
un durcissement rapide, qui, en 15 minutes confère au mortier une résistance à la
compression pouvant aller jusqu’à 4 MPa ; le phénomène est dû à la haute
réactivité des composés alumineux présents dans la pâte ;
une phase d’induction, qui peut durer une semaine au cours de laquelle la
résistance mécanique n’augmente plus ; le phénomène peut être ralenti par
l’adjonction d’acide citrique.
une phase d’accélération, au cours de laquelle la matière acquiert une résistance à
la compression de 15 MPa au bout de 3 semaines ;
une phase de décélération longue puisqu’il faut un an avant que la résistance ne
dépasse 20 MPa ;
228
-
une phase de consolidation lente qui peut durer plusieurs décennies voire plusieurs
siècles : des échantillons vieux de 100 ans présentent une résistance à la
compression supérieure à 50 MPa ; il faut cependant pour cela que la matière soit
maintenue dans des conditions d’humidité favorables.
Toutes les chaux hydrauliques suivent une courbe de durcissement semblable, avec des
durées et des résistances mécaniques variables.
Ceci nous indique :
- que la résistance mécanique des chaux n’augmente que lentement et qu’elles
gardent de ce fait la faculté de se déformer plastiquement durant une longue
période ; elles peuvent donc absorber sans dommage les nombreuses
déformations qui dans un premier temps accompagnent inévitablement la
construction ou la restauration des édifices ;
- que, maintenues dans des conditions d’humidité favorables, la structure des
chaux évolue sur de très longues périodes : elles gardent sans doute la faculté
de se régénérer partiellement là où elles auraient été dégradées mécaniquement
(microfissures).
5.c.3. Les différents types de chaux
Les caractéristiques des chaux hydrauliques peuvent être mesurées par « l’indice de Vicat »
5.c.3.1 L’indice de Vicat :
Indissociable des chaux hydrauliques, cet indice permet de mesurer l’indice d’hydraulicité du
produit au départ de la formule suivante :
i=
On observe que :
- si le mélange ne contient ni silicate, ni aluminate, ni ferrite, l’indice d’hydraulicité
vaut i = 0 et correspond à une chaux purement aérienne et n’ayant aucune propriété
hydraulique ; elle est désignée sous le nom de « chaux grasse ».
- si le mélange contient un tiers de silicate, d’aluminate et/ou de ferrite, l’indice
d’hydraulicité vaut i = 0,5 et correspond à un mélange sans chaux résiduelle : la
proportion est, en effet, celle d’un mélange de bélite 2CaO.SiO2 et de gehlénite
2CaO.Al2O3.SiO2. La chaux « éminemment hydraulique » est encore désignée sous
le nom de « chaux maigre ».
Les indices compris entre 0 et 0,5 correspondent à des matières qui combinent les propriétés
des chaux aériennes et des chaux hydrauliques.
Une chaux éminemment hydraulique, ne contient plus, après hydratation complète, de chaux
excédentaire. Pour obtenir un tel résultat, il faut que la matière première soit parfaitement
dosée. En effet,
229
- la formation de tobermorite au départ de la bélite produit de la chaux excédentaire :
bélite : 2CaO.SiO2 : n = Ca/Si = 2
tobermorite : nCaO.SiO2.mH2O : n = Ca/Si < 1,4
- la formation de l’aluminate hydraté au départ de la gehlénite consomme de la
chaux :
gehlénite : 2CaO.SiO2.Al2O3 : n = Ca/Al2O3 = 1
aluminate : 3CaO.Al2O3.6H2O : n = Ca/Al2O3 = 3
Il est donc impossible d’obtenir une chaux éminemment hydraulique au départ d’une matière
argileuse pauvre en alumine : la matière hydratée contiendra de la chaux, ou de la calcite,
après carbonatation.
Par contre, l’hydratation d’une matière première trop riche en alumine entraînera la
précipitation des ions AlO2- excédentaires sous forme de gibbsite Al(OH)3. La gibbsite
diminue les performances mécaniques de la matière.
L’indice sur l’échelle de Vicat du ciment romain est compris entre 0,6 et 0,7. Il se situe audelà de la chaux éminemment hydraulique.
5.c.3.2. Les produits disponibles sur le marché :
Les chaux hydrauliques naturelles NHL (Natural Hydraulic Lime) sont obtenues par
calcination de roches contenant une quantité variable d’argile :
- un taux d’argile inférieur à 8 % fournira une chaux faiblement hydraulique ;
- un taux compris entre 8 et 14 % fournira une chaux moyennement
hydraulique ;
- un taux compris entre 14 et 22 % fournira une chaux éminemment
hydraulique.
La norme classant les chaux hydrauliques naturelles ne se préoccupe cependant pas du taux
d’hydraulicité de la matière, mais bien de ses résistances à la compression nominales,
minimales et maximales. Le tableau ci-dessous donne les résistances devant être obtenues
après 28 jours :
-
NHL 2 : de 2 à 7 MPa
NHL 3,5 : de 3,5 à 10 MPa
NHL 5 : de 5 à 15 MPa.
La borne supérieur est bien entendu le marqueur le plus important puisque c’est lui qui
détermine le taux d’hydraulicité : plus cette valeur est haute, plus la chaux est hydratante. Si
l’on veut travailler avec une chaux faiblement hydraulique (NHL 2), il faut veiller à ce que la
résistance attendue après 28 jours ne dépasse pas 7 MPa.
Les chaux artificielles HL (Hydraulic Lime) sont soumises à la même norme que les NHL,
et ce qui fixe donc les caractéristiques mécaniques des chaux HL 2, HL 3,5 et HL 5. Ces
230
chaux sont obtenues par cuisson d’un mélange d’argile et de roche calcaire, ou par mélange
de chaux hydrauliques et de fillers calcaires, de laitier de haut fourneau, de pouzzolanes, de
grappiers, etc. Leur mode de prise est totalement hydraulique.
Le « ciment romain » appartient à la famille des NHL. Il se caractérise par le fait qu’il est
obtenu par calcination d’une roche marneuse contenant plus de 22 % d’argile. Sa mise en
œuvre demande de ce fait une moins grande quantité d’agrégats. Il est aujourd’hui
malheureusement très difficile à trouver sur le marché.
Le « ciment naturel prompt » ou CPN fait partie de la même famille et n’est plus produit
que par la société Vicat.
Les chaux de mélange comprennent :
- La chaux NHL-Z produite par Lafarge est un mélange de NHL 5 et de ciment
blanc.
- Le ciment laitier à la chaux CLX composé d’un mélange de chaux et de laitier de
haut fourneau. L’appellation de ciment qui lui est généralement attribué est
injustifiée.
- Il existe également sur le marché une très grande variété de mélanges « prêts à
l’emploi » pour enduit, mortier de rejointoiement, similipierre, etc. Outre les chaux
et les agrégats, ces mélanges peuvent contenir du ciment portland ainsi que des
liants ou adjuvants organiques (qui sont rarement décrits au nom du sacro-saint
secret de la fabrication). Il faut être prudent avant de les mettre en œuvre mais il ne
faut pas nécessairement les rejeter : certains peuvent se montrer très performants,
au-delà même de leur facilité de pose.
5.d. : Le liant des pierres « ré-agglomérées » (géopolymère égyptien).
Selon le professeur Davidovits, ce liant aurait été inventé par Imhotep, l’architecte du
complexe funéraire de Djoser à Saqqarah.
5.d.1. La fabrication du géopolymère:
La fabrication ne demande que de rassembler différents ingrédients :
- de la cendre de bois et de végétaux, qui contient naturellement de la chaux vive
CaO ou de la chaux éteinte Ca(OH)2 ; cendre doit être très fraîche, sans quoi la
chaux présente perdrait de sa réactivité par carbonatation.
- du natron Na2CO3 : le natron est un sel naturel que l’on trouve en abondance dans
la vallée du Nil.
- de la roche argilo-calcaire désagrégée : ce type de roche associant l’argile et le
calcaire est abondant à proximité des pyramides. Peu compacte elle se désagrège
très facilement sous l’effet de l’eau (effet gonflant de l’argile). L’argile présente est
essentiellement du kaolin ; Al2Si2O5(OH)4.
- du « mafkat » : cette matière était extraite de mines situées dans le Sinaï.
231
Elle se composait essentiellement d’alumino-silicates de cuivre : turquoise CuAl6P4O16(OH)8.4H2O, de chrysocolle CuSiO3.nH2O, etc.
5.d.2. La prise du géopolymère :
Les ingrédients étaient mélangés dans des bassins remplis d’eau suivant un dosage précis de
cendres, de natron et de mafkat représentant moins de 5% du volume.
Il s’en suivait les réactions suivantes :
1. Ca(OH)2 + Na2CO3 → CaCO3 + 2NaOH
La chaux réagit avec le natron pour produire de la calcite et de la soude. La calcite, en
cristallisant, agit comme liant ; la soude participe à la réaction suivante :
2. Al2Si2O5(OH)4 + 2NaOH → Na2O.2SiO2.Al2O3.nH2O
La soude réagit avec le kaolin pour donner de l’hydrosodalite, qui, en précipitant,
assure l’action liante. La réaction dépend évidemment du degré de sensibilité de la
kaolinite à l’hydrolyse. Cette sensibilité n’est pas évidente. En l’occurrence, le
« mafkat » jouerait le rôle de catalyseur. Nous n’en dirons pas plus. La réaction a été
reproduite en laboratoire par le professeur Davidovits. Sur le plan chimique, rien ne
nous interdit de penser que ce liant ait pu être mis en œuvre avec succès.
232
6. Le CIMENT PORTLAND
6.1. La fabrication
Les ciments « Portland » sont obtenus, tout comme les chaux hydrauliques, au départ d’un
mélange de roches calcaires et d’argiles finement broyées.
6.1.1. La calcination :
La calcination suit les étapes suivantes :
100 °C
500 °C
- l’eau contenue dans le mélange s’évapore
- l’argile se déshydrate
xSiO 2. yAl 2 O 3 .zFe 2 O 3 .nH 2 O
→
xSiO 2 .yAl 2 O 3 .zFe 2 O 3
+
nH2O
800°C-900°C - la calcite se transforme en chaux
CaCO3
→
CaO
+ CO2
- la chaux réagit graduellement avec les composés de l’argile pour
produire :
: 2CaO.SiO2 ou C2-S
 de la bélite
 de la gehlénite : 2CaO.Al2O3.SiO2 ou C2-A-S
 de l’aluminate calcique : CaO.Al2O3 ou C-A
 de la ferrite calcique : CaO.Fe2O3 ou C-F.
1200°C-1250°C
1300°C
1450°C
- apparition de la phase liquide du mélange.
- formation graduelle de :
 l’aluminate tricalcique (ou célite) 3CaO.Al2O3 ou C3-A
 la brownmillérite 4CaO1.Al2O3.Fe2O3 ou C4-A-F
- disparition conjointe de C-A, de C-F ou C2-A-S
- formation graduelle de l’alite 3CaO.SiO2 ou C3-S
- arrêt du processus de cuisson et trempe.
Le « clinker » ainsi formé est constitué de :
50-70% : alite 3CaO.SiO2 ou C3-S
15-30% : bélite α 2CaO.SiO2 ou C2-S
5 -15% : aluminate tricalcique (ou célite) 3CaO.Al2O3 ou C3-A
5 -10% : brownmillérite 4CaO1.Al2O3Fe2O3 ou C4-A-F
233
Il peut également contenir des impuretés sous forme de traces d’oxyde tels que NaO, KO,
MgO, TiO2, Mn2O3, etc. On observe que, sur l’échelle de Vicat, l’indice du ciment portland
est de 0,35 à 0,4. Ceci est paradoxal : le ciment portland a un caractère purement
hydraulique !
6.1.2. La trempe :
Comme pour la chaux hydraulique, le refroidissement du clinker doit être le plus rapide
possible de manière à garder les propriétés réactives de l’alite et de la bélite. L’alite est le
principal constituant du clinker. Il en existe 7 polymorphes qui se distinguent, comme pour la
bélite, par leur structure, notamment le système cristallin, et dépendent de la température à
laquelle la matière est portée :
Température ambiante
→ alite T1 triclinique
620°C
→ alite T2 triclinique
920°C → alite T3 triclinique
980°C → alite M1 monoclinique
990°C → alite M2 monoclinique
1060°C → alite M3 monoclinique
1070°C → alite R rhomboédrique
1200°C → fusion
→ 620°C
→ 920°C
→ 980°C
→ 990°C
→ 1060°C
→ 1070°C
→ 1200°C
La trempe transforme l’alite R en un mélange d’alite M1 et M2 monoclinique, qui se révèle
très réactive, et la bélite α en bélite β, tout comme pour la chaux hydraulique naturelle.
Le broyage du clinker est une opération également importante, le finesse de la poudre obtenue
ayant une influence sur les performances du ciment : si la poudre est trop grosse, la prise sera
lente et restera incomplète ; si elle est trop fine le retrait du béton ou du mortier sera
important.
On mesure la finesse d’un ciment appelée « finesse Blaine » par une surface spécifique qui
représente la surface totale exprimée en cm2 des grains contenus dans un gramme de ciment.
Plus cette surface est grande, plus les grains sont fins. Dans la pratique, la finesse du broyage
est limitée à 5 000 Blaine (5 000 cm2 par gramme).
6.2. La prise du ciment portland
6.2.1. Le processus chimique :
234
Comme pour les chaux hydrauliques, la prise se fait par hydratation des composants du
mélange :
6.2.1.a. L’Hydratation de l’alite 3CaO.SiO2 ou C3-S
L’alite est beaucoup plus réactive que la bélite. Après hydrolyse, les ions Ca++ et H2SiO
précipitent pour former une structure nanocristalline torbermoritique nCaO.SiO2.mH2O. Le
rapport Ca/Si est cette fois compris entre 1,66 et 1,95, correspondant à une torbermorite γ. La
formation de tobermorite γ s’accompagne de celle de portlandite Ca(OH)2. L’alite fournit en
effet 3 atomes de Ca pour 1 Si, alors que la tobermorite en consomme moins de 2. Les ions
Ca++ et OH excédentaires précipitent donc et cristallisent dans un système hexagonal. La
portlandite constitue, pour un ciment ordinaire, 20 à 30 % du volume de la pâte durcie. Du fait
de la structure compacte et peu poreuse des bétons et des mortiers de ciment, la portlandite est
peu sensible à la carbonatation. Elle contribue peu à la résistance mécanique de la matière. Sa
structure présente des feuillets qui ne sont liés entre eux que par les atomes d’hydrogène fixés
sur les atomes d’oxygène. L’attraction entre les feuillets est faible et le clivage de la matière
est facile.
6.2.1.b. L’hydratation de la bélite 2CaO.SiO2 ou C2-S
L’hydrolyse de la bélite se produit conjointement à celle de l’alite, mais avec une vitesse
nettement plus faible. En un premier temps, la bélite C2-S contribue donc à la construction de
la tobermorite γ C-S-H par l’alite C3-S. Après épuisement de l’alite, l’hydratation de la bélite
produira de la tobermorite β et de la portlandite.
6.2.1.c. L’hydratation de l’aluminate tricalcique (célite) 3CaO.Al2O3 ou C3-A
L’aluminate tricalcique 3CaO.Al2O3 est extrêmement réactif et peut s’hydrater en quelques
minutes. La réaction est contrôlée par l’ajout, après broyage du clinker, de 1 à 5 % de sulfate
de calcium, sous forme de gypse CaSO4.2H2O, de bassanite CaSO4.1/2H2O, ou d’anhydre
CaSO4.
L’hydrolyse du mélange conduit à :
3CaO.Al2O3 + 3CaSO4.2H2O + 11 H2O → 6 Ca++ + 2AlO + 3SO
La présence d’ions SO
+ 4OH + (n+3)H2O
empêche donc la formation de C3-A-H6.
En précipitant, les ions vont donner naissance à l’éttringite :
3CaO. Al2O3.3 CaSO4.32 H2O + (n-29) H2O
L’éttringite apparaît sous forme de petites aiguilles, ou d’oursins et sa cristallisation
s’accompagne d’une forte expansion. Celle-ci peut se faire sans dommage dans une pâte non
encore durcie. Contrairement à ce qui se passe pour le C3-A-H6, la formation de l’éttringite
n’entraîne pas de raidissement de la pâte.
235
La part de gypse ajoutée à la poudre de ciment est, en règle générale, insuffisante pour réduire
la totalité de C3-A en éttringite. Après épuisement du gypse, le C3-A excédentaire peut après
hydrolyse :
soit s’attaquer à l’éttringite et la transformer en monosulfoaluminate calcique
3CaO.Al2O3 .CaSO4.12H2O ou C3-A-C- H12
soit précipiter sous forme de 3CaO.Al2O3.6H2O
- La quantité de gypse est aujourd’hui calibrée de manière à ne pas être épuisée avant un
laps de temps variant entre 10 et 24 heures : la formation du C3-A-H6 se fait alors sans
dommage dans une matière déjà largement raidie par la formation de la tobermorite.
6.2.1.d. L’hydratation de la brownmillérite 4CaO.Al2O3.Fe2O3 ou C4-A-F
L’hydratation du C4-A-F est semblable à celle du C3-A mais la vitesse de réaction est plus
lente. Il réagit également en un premier temps avec le gypse pour former des composés ou le
se substitue partiellement à l’aluminium Al
pour former les phases hydratées
fer Fe
suivantes :
3CaO.(Al,Fe)O3.3CaSO4.32H2O ou C3-(AF)-C3- -H32
3CaO.(Al,Fe)O3.CaSO4.12H2O ou C3-(AF)-C3- -H2
3CaO.(Al,Fe)O3.6H2O ou C3-(AF)-H6.
6.2.2. Le temps de prise :
-
-
Pour les ciments portland, la phase d’induction, qui correspond à l’hydrolyse de la
matière anhydre ne dure que quelques heures.
La phase d’accélération est également très courte et s’étend rarement au-delà de 24
heures après le gâchage.
La phase de décélération qui suit, s’amortit généralement au bout de 28 jours.
Après 2 jours de prise, la résistance à la compression de la matière varie entre 5 et
20 MPa. Après 28 jours, elle varie entre 30 et 55 MPa. Ces valeurs sont nettement
supérieures à tous les résultats obtenus par les chaux et les ciments romains.
La phase de densification progressive n’accroît que fort peu les valeurs atteintes
après 28 jours.
6.3. Les différents types de ciments portland
Ce que nous venons de décrire est le ciment portland normal, constitué de plus de 95% de
clinker. De nombreuses matières réactives peuvent être mélangées au clinker pour créer des
« ciments modifiés » aux caractéristiques variables, mais adaptées pour répondre de manière
performantes aux sollicitations de leur environnement.
236
Le mélange peut comprendre :
-
La matière de base, le clinker, noté K
-
Le laitier, noté S, provenant des hauts fourneaux.
Le laitier est le résultat de la fusion de la gangue des minerais de fer
introduits dans le haut-fourneau. Il est porté à la température de 1500° et
refroidi brutalement. La trempe produit une matière métastable,
potentiellement réactive composée en moyenne de :
CaO : 38 à 46 %
SiO2 : 31 à 36 %
Al2O3 : 9 à 18 %
MgO : 4 à 10 %
Traces de FeO, MnO, SO2, …
-
La pouzzolane, noté Z désigne les matières naturelles d’origine volcanique
(essentiellement xAl2O3. ySiO2 métastable)
-
Les cendres volantes, notées V : elles sont les produits pulvérulents de grandes
finesses, provenant du dépoussiérage des gaz de combustion des centrales
thermiques. Elles ont des propriétés essentiellement pouzzolaniques
(essentiellement xAl2O3. ySiO2 métastable)
-
La fumée de silice, notée D les fumées de silice sont formées de particules très
fines de silice amorphe. Elles proviennent de la réduction du quartz par du charbon
dans des fours à arc électrique, utilisés pour la production de silicium et d’alliages
de ferrosilicium (essentiellement ySiO2 métastable)
-
Les cendres calciques, notées W : ce sont des cendres volantes provenant
également des centrales thermiques, mais comprenant des composés calciques.
Elles ont de ce fait des propriétés hydrauliques et pouzzolaniques (essentiellement
xCaO.yAl2O3.zSiO2 métastable).
-
Les schistes calcinés, notés L : ce sont des schistes portés à des températures de
l’ordre de 800° et finement broyés. Ils ont des propriétés hydrauliques et
pouzzolaniques (essentiellement xCaO.yAl2O3.zSiO2 métastable).
-
Des fillers, notés F. Les fillers sont des charges non réactives. Ils agissent sur les
propriétés physique des matières (maniabilité, pouvoir de rétention d’eau, …).
Le mélange de ces matières premières permet la composition d’un nombre infini de ciments
aux qualités et performances variables. La norme européenne distingue 5 catégories notées
CEM de I à V :
-
CEM I : ciment portland normal ou CPA. Il contient plus de 95% de clinker.
237
-
-
CEM IIA et IIB : ciment portland composé ou CPS. Ils contiennent de 65 à 95 %
de clinker K, et une teneur en laitier S inférieure à 21%, en pouzzolane V
inférieure à 35% et en fumée de silice D inférieure à 10%.
CEM IIIA et IIIB : ciment métallurgique ou de haut-fourneau ou CHF. Il contient
de 20 à 64 % de clinker K et de 36 à 80 % de laitier S.
CEM IIIC : ciment de laitier et clinker ou CLK. Il contient de 5 à 19 % de clinker
K et de 81 à 95 % de laitier S.
CEM IVA et IVB : ciment pouzzolanique ou CPZ. Il contient de 45 à 90 % de
clinker K et de 10 à 50 % de pouzzolane Z.
CEM VA et VB : ciment permétallurgique ou ciment au laitier et aux cendres ou
CLC. Il contient de 20 à 64 % de clinker K, de 18 à 50 % de laitier S et de 18 à 50
% de cendres siliceuses V.
Les mélanges ont pour but essentiel :
-
d’abaisser les coûts de fabrication, nombre de matières étant des déchets de
fabrication : laitier, cendres volantes, fumée de silice, etc.
d’augmenter la résistance mécanique des bétons (CEM III et CEM V).
d’améliorer le comportement des bétons aux hautes températures ou dans un
milieu agressif (CEM IV et CEM V). L’adjonction de matière pouzzolanique
limite la formation de portlandite qui se décompose à haute température et se
dissout en présence d’eau légèrement acide ou d’eau de mer ; l’addition de
pouzzolane Z réduit le pH des bétons et de ce fait la protection des armatures
contre la corrosion.
Parmi les autres ciments de mélanges ou spéciaux contenant du ciment portland, il faut citer :
-
-
le ciment blanc, qui doit sa couleur à l’absence de ferrite dans ses constituants.
le ciment de fer, constitué d’un mélange de ciment portland et de 20 à 35 % de
laitier S.
le ciment à maçonner noté CH ou ciment « bâtard », composé d’un mélange de
ciment portland, de chaux et de différents adjuvants servant à faciliter le travail de
pose des maçonneries,
les ciments à basse chaleur d’hydratation, caractérisés par leur faible teneur en
alite et en aluminates tricalciques.
les ciments à haute résistance initiale CPHR ou notés R.
le ciment pouzzolano-métallurgique « Fouilloux ».
les ciments sursulfatés CSS contenant plus de 80% de laitier de haut fourneaux
et moins de 20% de gypse
les ciments à faible teneur en alcalis, etc.
Les ciments sans clinker portland :
238
-
le ciment laitier à la chaux CLX, composé d’un mélange de laitier et de chaux ; ses
propriétés le rapproche plus d’une chaux hydraulique que d’un ciment composé.
239
7. Les CIMENTS ALUMINEUX
Le ciment alumineux ou « alumineux fondu » occupe une place à part. Il n’est pas une chaux
hydraulique, parce que sa cuisson passe par la phase de clinkérisation. Il n’appartient pas à la
famille des ciments portland parce qu’il ne contient pas d’alite.
Il offre une bonne résistance aux hautes températures et est utilisé pour les bétons réfractaires.
Les ciments alumineux sont de couleur noire.
7.1 La fabrication du ciment alumineux :
Le ciment alumineux fondu est obtenu au départ de la calcination de roche calcaire et de
bauxite. La bauxite est une matière argileuse qui contient au moins 40% d’aluminium sous
forme de gibbsite Al(OH)3, de diaspore α – Al(OH) ou de boehmite γ – AlO(OH).
7.1.1. La calcination :
La calcination se fait à des températures plus basses que pour le ciment portland : elle est
poussée jusqu’à la fusion mais ne dépasse jamais 1300° C. Elle produit principalement des
aluminates et des polyaluminates calcique : CaO.Al2O3 (C-A),
CaO.2Al2O3 (C-A2), et
12CaO.7Al2O3 (C12-A7) :
n CaCO3 + m (Al(OH)3 + Al(OH) + AlO(OH)) →
x CaO.Al2O3 + y CaO.2Al2O3 + z 12CaO.7Al2O3 + n CO2
Du fait des « impuretés » contenues dans la bauxite, le mélange contient également :
- de la gehlénite 2CaO.Al2O3.SiO2 (C2-A-S) et de l’alite 2CaO.SiO2 (C2-S)
- un faible pourcentage de brownmillérite 4CaO.Al2O3.Fe2O3 (C4-A-F) et de ferrite
6CaO.2Al2O3.Fe2O3 (C6-A2-F) qui lui donnent sa couleur noire caractéristique.
7.1.2. la trempe :
Comme pour le ciment portland, le refroidissement du clinker doit être fait le plus rapidement
possible
7.2. Les mécanismes de prise du ciment alumineux
La prise est extrêmement rapide et fortement exothermique : un ciment alumineux peut
développer en 24 heures une résistance équivalente à celle d’un ciment portland en 28 jours.
La prise se fait en deux temps :
-l’hydratation des aluminates et des polyaluminates calciques produit des aluminates
calciques hydratés et de l’alumine hydratée :
m CaO.Al2O3 + n CaO.2Al2O3 + p 12CaO.7Al2O3 + q H2O →
240
x CaO.Al2O3.10H2O + y 2CaO.Al2O3.8H2O + z Al2O3.3H2O
-les aluminates calciques et bicalciques cristallisent dans le système hexagonal, mais sont
métastables ; ils se transforment en aluminate tricalcique :
3 CaO.Al2O3.10H2O → 3CaO.Al2O3.6H2O + 2 Al2O3.3H2O + 18 H2O
3 2CaO.Al2O3.8H2O → 3CaO.Al2O3.6H2O + Al2O3.3H2O + 9 H2O
-l’aluminate tricalcique cristallise dans le système cubique et est stable ; ils est insoluble et
résiste particulièrement bien aux hautes températures et aux acides.
La conversion des aluminates s’accélère à température élevée, et en présence d’eau, donc
lorsque le rapport eau/ciment est élevé. La conversion s’accompagne d’une perte de
résistance.
Du fait de sa haute chaleur d’hydratation, le ciment alumineux peut être mis en œuvre par
temps froid : jusqu’à -10°C.
7.3. Les différents types de ciment alumineux
Les bétons de ciment alumineux résistent aux hautes températures, ainsi qu’aux sulfates, à
l’eau de mer, et aux effluents acides –jusqu’à un pH de 4-, mais sont particulièrement
sensibles aux solutions fortement alcalines.
Il existe plusieurs types de ciments alumineux, appropriés à leur usage :
- le ciment « standard » est noté CA ;
- le ciment normalisé pour les travaux en eau de mer est noté PM
- le ciment normalisé pour résister à des eaux à haute teneur de sulfate est noté ES.
241
8. Les CIMENTS SOREL et DERIVES
La chimie des ciments Sorel met à contribution des dizaines de molécules différentes. La
description extensive de leurs méthodes de fabrication et de leurs mécanismes de prise
dépasse le stade de cette publication, et n’apporterait guère d’information utile. Leur prise est
généralement très (trop) rapide, et ils doivent recevoir des retardateurs. Il existe des dizaines
de retardateurs possibles : le sujet nous entraînerait trop loin et ne sera pas abordé.
8.1. La fabrication des ciments Sorel et dérivés
Les composantes de base des ciments font appel :
- à des oxydes métalliques : ZnO, MgO, CaO, Al2O3 , …..
- à des sels métalliques solubles : ZnCl2, ZnSO4, MgCl2, MgSO4, CaSO4, …
- à des composés phosphatés : H3PO3, NH4H2PO4, (NH4)2HPO4, (NH4)3HP2O7, Al(H2PO4)3,
NaH2PO4,…
Les oxydes métalliques sont produits au départ de minerais naturels,
- par oxydation de blende (sphalérite) ZnS, ou par calcination de smithsonite ZnCO3 pour la
zincite ZnO ;
- par la calcination de calcite CaCO3 et de magnésite MgCO3 pour la chaux CaO et la
périclase MgO ; pour certains ciments, la périclase MgO doit être cuite à plus de 1500° pour
la rendre la moins réactive possible.
Les chlorures sont produits par synthèse chimique.
Les sulfates existent naturellement sous forme hydratée de goslarite ZnSO4.7H2O, de kiesérite
MgSO4.H22O, d’epsomite MgSO4.7H2O, de gypse CaCO3.2H2O, …
Les phosphates sont produits par synthèse chimique : acide phosphorique H2PO4, phosphate
d’ammonium NH 4 H 2 PO 4 , phosphate diammonique (NH 4 ) 2 HPO 4 ), polyphosphate
d’ammonium (NH4)3HP2O7, polyphosphate d’aluminium Al(H2PO4)3, phosphate de soude
NaH2PO4, …
8.2. Les mécanismes de prise des ciments Sorel et dérivés
Du fait de leur très grande variété, les mécanismes de prise des ciments Sorel sont divers et
complexe, mais répondent tous au même processus : le mélange d’une poudre basique dans
une solution acide, dont la réaction produit un sel hydraté insoluble. La réaction ne fait pas
appel à la mise en solution d’un composant, et peut se faire avec la quantité d’eau strictement
nécessaire à la constitution des molécules de liant durci. La matière sera dans ce cas sèche des
achèvement de la prise, et sera très peu poreuse, ou présentera un taux de porosité ouverte
extrêmement bas.
242
8.2.a. Les oxychlorures :
8.2.a.a. L’oxychlorure de zinc :
La réaction entre la zincite et le chlorure de zinc donne un oxychlorure hydraté de zinc :
xZnO + yZnCl2 + zH2O → xZnO.yZnCl2.zH2O
Aucun renseignement n’a été trouvé sur les valeurs de x,y et z. Il semble par ailleurs que
Sorel ait étudié des mélanges de zincite et de chlorure de magnésium ou d’autres métaux.
8.2.a.b. L’oxychlorure de magnésium :
Le mélange de périclase et de chlorure de magnésium produit de l’oxychlorure de magnésium
est stable sous plusieurs formes dont : MgO.MgCl2.6H2O, 3MgO.MgCl2.11H20,
5MgO.MgCl2.13H2O,… Les meilleures performances mécaniques sont fournies par la forme
5MgO.MgCl2.13H2O, qui pour être obtenue, réclame le dosage suivant :
5 MgO + MgCl2 + 13 H2O → 5MgO.MgCl2.13H2O
La température de cuisson de la périclase influence la vitesse de prise. Le produit n’étant pas
absolument insoluble, il ne supporte pas une longue exposition à l’eau. Du fait de sa faible
porosité, l’attaque est limitée à la surface du matériau. Sous l’action du gaz carbonique, celuici peut carbonater et se couvrir d’un sel insoluble, tel que l’hydromagnésite MgO.
3MgCO3.4H2O ou MgCl(OH).MgCO3.3H2O.
Si le mélange est mal dosé, il peut y avoir un excédent de MgO ou de MgCl2. La périclase
peut s’hydrater, et par expansion faire sauter la matière ; le MgCl2 soluble risque d’être
délavé, entraînant une augmentation de la porosité.
8.2.a.c. L’oxychlorure d’aluminium :
La matière existe, mais est difficile à mettre en œuvre, du fait qu’elle dégage de l’acide
chlorhydrique lors de la prise (aucun renseignement sur la formule chimique de la prise). Elle
est cependant mise en œuvre, dans le domaine de l’industrie métallurgique, pour sa bonne
tenue aux hautes températures (1500°)
8.2.b. Les oxysulfates
8.2.b.a. L’oxysulfate de zinc
Aucun renseignement sur la matière.
8.2.b.b. L’oxysulfate de magnésium
Le mélange de périclase et de sulfate de magnésium produit de l’oxysulfate de magnésium
hydraté. Celui-ci peut adopter plusieurs formes, dont : 5MgO.MgSO 4 .8H 2 O,
243
3MgO.MgSO4.11H2O, MgO.MgSO4.6H2O et MgO.2MgSO4.4H2O. Seule la deuxième forme
est stable en dessous de la température de 35°. Elle est obtenue par le dosage :
3 MgO + MgSO4 + 13 H2O
→
3MgO.MgSO4.11H2O
La matière ne résiste pas à une exposition prolongée à l’eau, et n’est pas susceptible de
carbonater. Elle se révèle de plus corrosive pour les métaux.
8.2.b.c. L’oxysulfate de calcium
L’oxysulfate de calcium n’existe pas sous forme de ciment Sorel, mais l’association CaOCaSO4 existe bien dans le produit appelé « plâtre de plancher (voir II § 2.1.) déjà décrit plus
haut.
Les chimies des cations Ca++ et Mg++ du fait de la différence de leurs rayons ioniques.
8.2.c. Les phosphates
8.2.c.a Le phosphate de zinc
L’acide phosphorique est un solide qui se présente généralement sous forme de poudre
blanche, aisément soluble dans l’eau. C’est un acide faible.
Le mélange de zincite et d’acide phosphorique produit un polyphosphate hydraté de zinc.
Seule l’hopéïte Zn3(PO4)2.4H2O se révèle stable :
3 ZnO + 2 H3PO4 + H2O
→
Zn3(PO4)2.4H2O
7.c.3.2. Le phosphate de magnésium.
Le mélange de périclase et d’acide phosphorique produit des polyphosphates et des
phosphates hydratés de magnésium. Seule les formes Mg(H2PO4)2.nH2O ou n = 0, 2 ou 4 et
MgHPO4.3H2O se révèlent stables :
MgO + 2 H3PO4 + nH2O → Mg(H2PO4) 2.(n-1)H2O
Toutes les matières ne sont pas toutes totalement insolubles, Mg(H2PO4)2.2H20 étant la phase
la plus sensible à ‘hydrolyse.
8.2.c.b. Le phosphate de calcium
Le mélange de chaux et d’acide phosphorique produit un polyphosphate hydraté de calcium.
Seule l’hydroxyapatite Ca5(PO4)3.(OH) se révèle stable.
8.2.c.c. Les composés magnésium-phosphates d’ammonium ou
« phosphomagnésiens »
244
-Le mélange de périclase et de phosphate d’ammonium produit majoritairement de la
struvite MgNH4PO4.6H20, et accessoirement de la schertélite Mg(NH4)2(HPO4)2.4H2O et de
la dittmarite MgNH4PO4.H2O :
MgO + NH4H2PO4 + 5 H2O → MgNH4P 4.6H2O
-Le mélange de périclase et de phosphate diammonique produit de la struvite et
partiellement du Mg3(PO4)2.4H2O.
Le mélange de magnésie et de polyphosphate
d’ammonium produit de la struvite. Dans les deux cas, la réaction libère de l’ammoniaque :
MgO + (NH 4)2HP4 + 6H2O → MgNH4PO4.6H2O + NH4(OH)
2 MgO + (NH4)3HP2O7 + 11 H2O → 2 MgNH4P 4.6H2O + NH4(OH)
L’adjonction dans le mélange d’une quantité de phosphate de soude NaH2PO4 permet de
limiter le dégagement d’ammoniaque ; le phosphate de soude réagit avec l’ammoniaque pour
produire de la soude et du phosphate d’ammonium, qui poursuit la réaction avec la magnésie :
NH4(OH) + NaH2PO4 → Na(OH) + NH4H2PO4
Les composés magnésium-phosphate d’ammonium ou « ciments phophomagnésiens » sont
résistants à l’eau et aux hautes températures, et offrent d’excellentes performances
mécaniques. La périclase doit être cuite à très haute température pour limiter sa réactivité. Ils
sont malgré tout relativement bon marché, les polyphosphates de soude étant des fertilisant
agricole largement produits.
Leur porosité quasi nulle fait qu’on les utilise comme matrice cimentaire pour stabiliser des
déchets.
8.2.d. Les composés magnésium-polyphosphate d’aluminium
Le mélange de périclase et de polyphosphate d’aluminium produit des phosphates hydratés de
magnésium et d’aluminium :
2 MgO + Al(H2PO4)3 + (n+1)H2O → 2 MgHPO4.3Hl2O + AlPO4.nH2O
L’adjonction de gibbsite Al(OH)3 augmente la concentration de phosphate d’aluminium
hydraté dans le produit final et limite l’exothermie de la prise. Ce phosphate ne cristallise pas,
mais reste en phase amorphe.
Le matériau est insoluble et non poreux ; il résiste très bien sur le plan mécanique, et reste
stable jusqu’à 1000°C.
Un excès de phosphate peut conduire à la formation de polyphosphate Mg(H2PO4)2.2H2O, qui
est soluble.
245
8.2.e. Les composés magnésium-phosphate de soude
Le mélange de périclase et de phosphate de soude NaH2PO4, ou de polyphosphate (NaPO3)n
produit un amalgame de phosphates hydratés de sodium et de magnésium, sans phase
cristalline observable.
Pour les polyphosphates de soude (NaPO3)n, n doit être supérieur à 10. Plus n est élevé, plus
le temps de prise est court et plus les résistances mécaniques sont élevées. Pour un n
suffisamment grand, on rejoint les performances des ciments phophomagnésiens.
8.3. Les différents types de ciments Sorel et dérivés
La grande diversité des ciments Sorel a été déjà abondamment décrites.
trouvent plus sur le marché, sinon de manière confidentielle.
Certains ne se
Pratiquement tous les ciments Sorel sont vendus sous forme de deux composants à mélanger :
l’un est solide (poudre), l’autre peut être solide ou liquide (solution acide). Le dosage doit être
respecté avec rigueur.
Seuls les ciments « phosphomagnésiens » sont fournis sous forme de poudre ensachée, prête à
l’emploi (ciment FEBSET 45)
246
9. Les SILICATES
Les liants silicates sont basés sur les propriétés de la silice SiO2. Le sable, le quartz, le verre
sont constitués de silice.
9.a. Les silicates alcalins
Les silicates alcalins sont obtenus par cuisson à haute température d’un mélange de silices et
d’alcalins.
9.a.1. La fabrication des silicates alcalins :
On porte à haute température un mélange correctement dosé de silice SiO2 et de carbonates :
K2CO3, natron Na2CO3 ou de plus rarement de calcite CaCO3.
A partir de 800°C, les carbonates se décomposent en libérant du CO2 et les alcalins
commencent à réagir avec la silice.
La cuisson est poussée jusqu’à 1 400°C pour fournir une matière cristallisée de type :
K2O.nSiO2, Na2O.nSiO2 ou CaO.nSiO2, où n est généralement proche de 4 (ce rapport est
réglé par le mélange de base).
Après la trempe, la matière est broyée, mélangée à de l’eau et chauffée, en autoclave, à 200°C
sous 3 à 4 atmosphères.
En fonction de la quantité d’eau, on obtient un gel ou une matière liquide.
Il existe d’autres processus de fabrication, mais leur description n’aurait, ici, aucun intérêt.
9.a.2. Les mécanismes de prise des silicates alcalins :
La prise des silicates alcalins est un phénomène complexe, qui dépend à la fois de l’exposition
à l’air ambiant, de la nature des pigments et des charges éventuels ainsi que de la nature du
support :
- les radicaux alcalins K2O, Na2O et CaO réagissent avec le gaz carbonique de l’air CO2 pour
former des carbonates K2CO3, Na2CO3 et CaCO3 qui en précipitant, participe au pouvoir
liant.
- libérée des radicaux alcalins, la solution de silice précipite pour former de l’opale
SiO2.nH2O (silice hydratée amorphe).
- la solution de silice peut également réagir avec les charges et les pigments éventuels. Les
pigments peuvent être des oxydes métalliques (CaO, CuSO4, Fe2O3, CrO3, etc.) produits
industriellement, ou des terres naturelles (ocre, terre de Sienne, terre d’Ombre, etc.) qui
contiennent des oxydes métalliques mélangés à de l’argile nSiO2.mAl2O3. Ces matières
peuvent se montrer plus ou moins réactives avec la solution de silice pour former des
composés complexes.
247
- La solution de silice peut également réagir avec le support. En présence de pierre calcaire
ou d’un enduit à la chaux, la réaction suivante se produira :
SiO2.mH2O (sol) + CaCO3 → CaSiO3.nH2O + CO2 + H2O
impliquant la formation de wollastonite hydraté amorphe.
- Le quartz servira de germe de précipitation à la silice soluble, qui s’y fixera. La solution
réagit également avec les composés siliceux des matériaux argileux.
9.a.3. Les différents types de silicates alcalins :
Les liants silicates alcalins de potasse, de soude ou de chaux sont toujours livrés purs et
peuvent être appliqués comme durcisseurs.
Les peintures minérales à base de silicates alcalins sont toujours livrés en deux composants :
le liant et les charges pigmentaires, qui doivent être mélangés peu de temps avant
l’application (maximum 5 jours). Les peintures dites « minérales » monocomposantes
contiennent toujours un pourcentage important de matières organiques, et ne peuvent de ce
fait plus être considérées comme purement minérales.
La marque Keim met cependant sur le marché deux peintures monocomposantes
(« Dispersionssilikat farbe » et « Kieselsol farbe ») qui contiennent moins de 5 % de matière
organique (dont une résine acrylique améliorant l’accrochage) qui pourraient être considérés
comme appartenant à la famille des produits minéraux.
Toutes les autres peintures, même celles produite par Keim, doivent être considérées comme
organiques.
9.b. Le silicate d’éthyle
Le silicate d’éthyle est un produit organique, mais qui, en précipitant, fournit une matière
purement minérale.
9.b.1 : La fabrication du silicate d’éthyle
Le silicate d’éthyle est obtenu par la mise en solution du silicium métallique dans de l’alcool
éthylique :
Si + 4(CH3-CH2OH) → (CH3-CH2)4SiO4 + 2 H2
Le silicium métallique est obtenu par carburation à haute température de la silice:
SiO2 + C → Si + CO
248
Une filière plus économique fait appel au tétrachlorure de silicium :
SiCl4 + 4(CH3-CH2OH) → (CH3-CH2)4SiO4 + 4HCl
Le tétrachlorure de silicium est obtenu par carburation de la silice dans une atmosphère de
chlore:
SiO2 + 2Cl2 → SiCl4 + CO
La présence de chlore facilite la libération Si-O2 et permet d’abaisser la température de
carburation. Par ailleurs, la réaction entre l’alcool et le tétrachlorure se fait spontanément à
température ambiante.
9.b.2. Le mécanisme de prise du silicate d’éthyle
Le silicate d’éthyle réagit avec l’eau :
(CH3-CH2)4SiO4 + 2 H2O → 4(CH3-CH2OH) + SiO2
ou
(CH3-CH2)4SiO4 + n H2O → 4(CH3-CH2OH) + SiO2.(n-2)H2O
L’alcool s’évapore et la silice précipite sous forme amorphe, hydrate ou non.
La condensation complète du silicate d’éthyle pur produit une masse de matière vitreuse ou
opaline, extrêmement dure. Le silicate d’éthyle peur réagir avec le support et les éventuels
agrégats, exactement comme les silicates alcalins.
9.b.3. Les différents types de silicates d’éthyle
Le silicate d’éthyle (CH3-CH2)4SiO4 est désigné sous le nom de silicate 28, parce qu’il
contient 28 % de silicium (en masse). C’est une matière fluide qui convient comme durcisseur
de pierres et de briques. Il peut cependant contenir des impuretés liées à un mauvais contrôle
de la réaction de synthèse : les impuretés peuvent être de alcool éthylique et du silane SiH4.
Le silane est un produit organique, aux propriétés hydrofuges, qui diminue de ce fait les
propriétés purement minérales du liant. Le silicate d’éthyle peut être fourni partiellement
condensé. Il comprend dès lors une plus grande quantité de silicium (jusqu’à 48 %). La
matière est plus visqueuse, mélangée à des agrégats, elle sert à la fabrication de pièces
moulées. Le procédé n’est pas utilisé dans le bâtiment.
249
10. Le PLOMB
Le plomb est un liant atypique : il doit être fondu et est utilisé pur, sans adjonction d’agrégats.
Il est par ailleurs le seul liant minéral à ne pas être oxydé.
10.1. : La fabrication du plomb
Le plomb ne se trouve jamais à l’état pur à la surface de la terre, mais toujours sous forme
composé : galène PbS, cérusite PbCO3, anglésite PbSO4, pyromorphite Pb5P3O12.Cl, etc. La
galène est de loin le minerai le plus abondant. Porté à haute température en contact avec l’air,
il se transforme en un mélange de litharge et d’anglésite, tout en libérant du dioxyde de
souffre :
nPbS + nO2 → xPbO + yPbSO4 + SO
Le plomb mis en œuvre aujourd’hui est essentiellement de la matière recyclée.
10.2. : Le mécanisme de prise du plomb
Il n’y a pas de prise proprement dite, puisqu’il n’y a pas de réaction chimique. Le plomb fond
à 328°C. Il est coulé à une température légèrement supérieure dans les joints dont les faces
extérieures ont été préalablement colmatées à l’argile. La « prise » par refroidissement est
immédiate. Le refroidissement entraîne un rétrécissement sensible. Les joints sont
généralement finis à la paille de plomb : la paille de plomb est mâtée à froid, de manière à
compléter les lacunes éventuelles et assurer un bon serrage de surface.
10.3. : Les différents types de plomb
Le plomb est vendu pur, soit sous forme de lingots ou de feuilles destinés à être fondus, soit
sous forme de paille destinée à être mâtée.
250
III : Performances comparées et mise en œuvre durable des liants minéraux
1. Les PARAMÊTRES
1.1. La température de fabrication des liants minéraux
Tous les liants minéraux proviennent de la calcination de matières calcaires, argileuses et
argilo-calcaires, ou de la déshydratation de matières gypseuses. Les températures de cuisson
sont les suivantes :
-
argile : température ambiante
plâtre : 150°C
plomb : pose à 360°C, production à température plus élevée
ciment romain : 800°C – 1000°C (1200°C)
chaux aérienne ou hydraulique : de 900° C à 1200°C
silicate : 1400°C
ciment portland : 1450°C.
ciment phosphomagnésien : jusqu’à 1500°C pour le composant magnésique
Le ciment portland est le matériau de construction dont la fabrication est de loin la
plus énergivore. La mise en œuvre d’un mètre cube de béton nécessite 1850 KWh contre 200
KWH pour un mètre cube de parpaings. On estime à 6% la part de production mondiale de
CO2 provenant des cimenteries.
161
1.2. Les composants des matières réactives et des matières durcies
L’argile et le plomb ne subissent aucune modification chimique : l’argile durcit par séchage,
le plomb par refroidissement. Les silicates font prise par précipitation de silice SiO2.
La prise et le durcissement de tous les autres liants minéraux résulte essentiellement de la
réaction entre des ions basiques et des ions acides en solution dans un milieu aqueux. Malgré
la grande diversité de liants, très peu d’ions –cations et anions- différents sont mis à
contribution. Ce sont essentiellement :
-cation Ca2+ et anion SO42-pour le plâtre ;
-cations Ca2+, Mg++ et anions CO32-, SiO42-, AlO2-, Fe2O42- pour les chaux et les ciments
portland ;
-cations Zn2+, Mg2+, Ca2+, AlO+ et anions Cl2-, SO42-, PO43- pour les ciments Sorel.
Les molécules, qui se forment dans un milieu aqueux, cristallisent en associant toujours des
molécules d’eau à leur structure. Ces molécules d’eau s’y fixent par des liaisons covalentes, et
ne peuvent être extraites qu’à des températures supérieures à l’ébullition. (Seules les
molécules comprenant l’anion CO ne s’hydratent pas).
Tableau des différentes composantes des matières sèches et hydratées
Principaux composants
Type de liant
argile
plâtre
chaux aérienne
Avant la prise
Après la prise complète
- argile Al2Si2O5(OH)4
- anhydrite CaSO4
- bassanite CaSO4.1/2H2O
- chaux éteinte Ca(OH)2
chaux hydraulique - chaux éteinte Ca(OH)2
artificielle
- matières siliceuses et
argileuses solubles SiO2 et
yAl2O3.xSiO2
chaux hydraulique - chaux éteinte Ca(OH)2
naturelle
- bélite β 2CaO.SiO2
- gehlénite 2CaO.Al2O3.SiO2
accessoirement :
- aluminate calcique CaO.Al2O3
- ferrite calcique CaO.Fe2O3
162
- argile Al2Si2O5(OH)4
- gypse CaSO4.2H2O
- calcite CaCO3
- calcite CaCO3
- tobermorite α et β
nCaO.SiO2mH2O n <1,4
- aluminate tricalcique hydraté
3CaO.Al2O3.6H2O
- ferrite tricalcique hydratée
3CaO.Fe2O3.6H2O
ciment romain
ciment naturel
prompt
ciment portland
- bélite β 2CaO.SiO2
- gehlénite 2CaO.SiO2.Al2O3
- aluminate calcique CaO.Al2O3
- chaux CaO
accessoirement :
- brownmillérite
4CaO.Al2O3.Fe2O3
- gypse CaSO4
Aluminosulfate tétracalcique
4CaO.Al2O3.CaSO4
- alite 3CaO.SiO2
- bélite β 2CaSiO2
- aluminate tricalcique
3CaO.Al2O3
- brownmillérite
4CaO.Al2O3.Fe2O3
- gypse CaSO4.2H2O
- tobermorite β
nCaO.SiO2mH2O
1 < n<1,4
- aluminate tricalcique hydraté
3CaO.Al2O3.6H2O
- ferrite tricalcique hydratée
3CaO.Fe2O3.6H2O
- tobermorite γ
nCaO.SiO2mH2O 1,66 < n < 1,95
- tobermorite β
nCaO.SiO2mH2O n<1,4 1,30 < n <
1,66
- portlandite Ca(OH)2
- aluminate tricalcique hydraté
3CaO.Al2O3.6H2O
- éttringite
3CaO.Al2O3.3 CaSO4.32H2O
- ferrite tricalcique hydraté
3CaO.Fe2O3.6H2O
ciment alumineux Essentiellement aluminate
Essentiellement aluminate hydraté
fondu
tricalcique 3CaO.Al2O3. nH2O tricalcique 3CaO.Al2O3. nH2O
ciment de mélange Tous les mélanges possibles des Tous les mélanges possibles des
composants décrits ci-dessus
composants décrits ci-dessus
silicates alcalins
K2O.nSiO2, Na2.nSiO2,
SiO2.nH2O, CaSiO3.nH2O, K2CO3,
CaO.nSiO2
Na2CO3, CaCO3
silicate d’éthyle
(CH3-CH2)4SiO4
SiO2, SiO2.nH2O
plomb
plomb Pb
plomb Pb
ciments Sorel
voir § 7.2.
voir § 7.2
163
1.3. Résistance à la compression et temps de prise
Pour rappel :
le mégapascal Mpa est une unité de mesure de pression ou de tension
équivalent à une force d’un million de newton N s’exerçant sur une surface d’un mètre carré.
1 MPa = 106 N/m2 = 1 N/mm2 = 10 kg/cm2
Les liants minéraux peuvent être utilisés seuls sous forme de lait, de peinture, de coulis, … ou
en mélange avec des agrégats sous forme de mortier, d’enduits, de béton, …, quelques fois
additionnés d’adjuvants.
Un premier principe à retenir est que la résistance à la compression d’un matériau diminue
toujours lorsque la porosité augmente, et cela quelque soit la nature du liant.
→ La résistance mécanique des différentes matières dépend essentiellement :
- de la nature du liant
- de leur teneur en agrégats
- de la nature de ces agrégats, de la granulométrie
- de la teneur en eau initiale
- des conditions de la mise en œuvre : gel, évaporation ou évacuation trop rapide de
l’eau de gâchage (température trop élevée ou trop basse, ensoleillement, vent,
contact avec un support trop sec ou trop poreux, …)
- du serrage de la matière : corroyage, vibration, etc.
- de l’environnement de la matière : teneur en eau chronique, milieu agressif, etc.
- de l’addition d’adjuvants
- de l’âge de la matière, etc.
→ Le temps de prise et de durcissement dépend essentiellement :
- de la nature du liant
- de la teneur en eau initiale
- de l’addition d’adjuvants
- pour les matières contenant de la chaux aérienne, de la porosité, de la teneur en eau
chronique, et du rapport entre le volume de la matière et sa surface exposée à l’air
libre.
Ce qu’il faut retenir essentiellement c’est que :
- Les performances de l’argile dépendent de la granulométrie de la matière.
-
Les chaux aériennes font prise très lentement et n’atteignent jamais des
résistances à la compression élevée. La valeur de 12 MPa doit être considérée
comme un maximum, même si des valeurs de l’ordre de 30 MPa ont pu être
obtenues qu’après de nombreuses décennies, et avec une hygrométrie suffisante
pour assurer une carbonatation complète.
164
-
Les chaux hydrauliques font prise assez rapidement et peuvent atteindre des
valeurs de résistance à la compression, supérieures à 30 MPa. Leur temps de prise
et leur résistance dépend de leur teneur en silice soluble : la NHL-2 contenant
moins de 8% de silice soluble atteint au minimum 2 MPa après 20 jours alors que
la NHL-5 contenant plus de 12% de silice peut atteindre 15 MPa après seulement 3
jours. Tout comme la chaux hydraulique, elle subit un lent durcissement qui peut
s’étendre sur de nombreuses décennies. La résistance est due à la formation de
calcite et de tobermorite.
-
Le ciment romain fait prise plus lentement que les chaux hydrauliques, mais
atteint des résistances supérieures, de l’ordre de 20 MPa après un an et parfois
supérieure à 40 MPa après un durcissement complet (plusieurs décennies). La
résistance est due à la formation de tobermorite β.
-
Le ciment prompt en quatre minutes ! Il peut recevoir des retardateurs de prise ;
sa résistance ne dépasse pas 19 MPa.
-
Les ciments portland font prise très rapidement. Leur résistance nominale, de
l’ordre de 30 à 60 MPa est supérieure à celle des chaux hydrauliques, et est atteinte
généralement en moins de 28 jours. Leur durcissement n’entraîne à long terme
qu’une faible élévation de ces valeurs nominales. La résistance est due
essentiellement à la formation de tobermorite γ (à court terme) et β (à long terme).
La portlandite, l’éttringite et les composés alumineux ou ferreux interviennent peu
dans la résistance totale. Certain bétons peuvent atteindre 200 MPa, et en
laboratoire dépasser 500 MPa de résistance maximale à la compression.
-
Les ciments alumineux font prise extrêmement rapidement (moins d’un jour,
début de prise après 1h30), et n’évoluent plus après. Leur résistance finale est de
l’ordre de 60 MPa.
-
Les ciments Sorel sont, en matière de rapidité de prise, les champions toutes
catégories : sans retardateur de prise, un ciment au phosphate de zinc peut
développer, en moins d’une demi-heure, une résistance à la compression variant
entre 75 et 100 MPa ! Les performances sont extrêmement variables d’une matière
à l’autre, mais restent toujours supérieures aux ciments portland standards. Le
ciment phosphomagnésien FEBSET 45 atteint 20 MPa après une heure seulement
et développe généralement 60 à 70 MPa en résistance finale.
Tous les ciments Sorel offrent des résistances exceptionnelles à l’abrasion.
-
Les silicates ne sont pas prévus pour produire des volumes de matière durcie –
encore que cela pourrait se faire. Les mesures de leurs résistances à la compression
n’ont jamais été publiées.
-
Le plomb développe une résistance à la compression de 5 MPa, mais une
maçonnerie montée en plomb résiste à des contraintes nettement supérieures.
165
Le tableau ci-après fait la synthèse des valeurs de résistance à la compression et des temps de
prise.
Résistance à la compression en MPa
28 jours 1 an de 10 à 100 ans
argile
chaux aérienne
NHL-5
ciment romain
ciment prompt
ciment portland
normal
rapide
28j.
de 2 à 4 MPa →
chaux hydraulique
artificielle
chaux hydraulique
naturelle
NHL-2
NHL-3,5
10j.
pas d’information
28j.
de 4 à 15 MPa →
20 j.
de 2 à 4 MPa
8j.
de 3,5 à 10 MPa
3j.
de 5 à 15
MPa
8 j.
de 2 à 4 MPa
2j
10 MPa
2j.
de 10 à
12,5MPa
MPa
de 13 à
20 MPa
de 10 à 12 MPa
de 12 à 15 MPa
de 12 à 15 MPa
de 12 à 15 MPa
de 20 à 25 MPa
de 13 à 16 MPa
28j. 1 an<22
40 MPa et plus
MPa
28j
19 MPa
pas d’augmentation
significative
de 30 à 62,5 MPa
7j.
ciment de laitier à la
de
5
à
10
MPa
chaux
2j.
ciment alumineux
50
MPa
fondu
ciment Sorel
20 MPa 50 MPa
phosphomagnésien 1 heure 1j
0j.
plomb
de 10à 16 MPa
60 MPa
pas d’augmentation
significative
28j.
28j.
pas d’augmentation
significative
55MPa 28j
5 MPa
1.4. La résistance à la traction et à l’adhérence
La résistance à la traction et l’adhérence des argiles dépendent de la granulométrie de la
matière.
166
La résistance à la traction des chaux aériennes ou hydrauliques est généralement très faible :
la valeur de 2 MPa peut être considéré comme un maximum, pour les chaux hydrauliques.
Elle est inférieure pour les chaux aériennes, de l’ordre de 0,6 MPa. Pour un ciment romain,
elle oscille autour de 1,6 MPa.
La valeur de 2 à 3 MPa doit par contre être considérée comme un minimum pour les matières
à base de ciment portland ou du plâtre. L’adhérence de ces matières sur un support minéral
est en général égale à leur valeur de résistance à la traction. L’adhérence des chaux aériennes
ou faiblement hydrauliques est favorisée par la rugosité du support et nécessite parfois, dans
le cas d’enduits, la pose d’un gobetis au ciment.
Les ciments Sorel développent des résistances à la traction généralement supérieures à 6 MPa
et peuvent atteindre, voire dépasser 10 MPa. Les meilleures résistances à la traction ne
donnent pas nécessairement les meilleures adhérences : il peut en effet arriver, avec certains
ciments Sorel, que la croissance des cristaux se fasse sans grande affinité avec le support.
Effectuer des essais préalables est toujours prudent.
La résistance à la traction du plomb est de 5 MPa. Son adhérence dépend de la rugosité des
matériaux et de la température de pose ; elle dépasse rarement 2 à 3 MPa.
Le tableau suivant donne les résistances à la traction des principaux liants. L’adhérence est
toujours inférieure à ces valeurs.
plâtre
>2
MPa
chaux aérienne
0,6
MPa
chaux hydraulique
<2
MPa
ciment romain
1,6
MPa
ciments portland
>2
MPa
ciments Sorel
>6
MPa
plomb
5
MPa
1.5. Le retrait et la fissuration
A l’exception du plâtre, qui gonfle durant la prise, tous les liants minéraux subissent un
retrait sensible, qui peut être limité par un choix adéquat d’agrégats ou être compensé par des
adjuvants
Le retrait des argiles dépend du caractère gonflant des matières de base, et de la quantité de
sable ajouté au mélange pour compenser le phénomène. Le retrait se manifeste par des
fissures importantes.
.
Du fait de leur faible cohésion, les chaux aériennes ou hydrauliques ne se fissurent pas par
retrait : leur faible résistance à la traction répartit en de milliers microfissures espacées de
quelques millimètres.
167
Pour le ciment portland, les fissures apparaissent là où les tensions internes cumulées
dépassent la résistance à la traction plus élevée de la matière : le phénomène se traduit par un
faïençage présentant des fissures apparentes, espacées d’une dizaine à quelques dizaines de
centimètres. Le phénomène affecte principalement les mortiers de rejointoiement et les
enduits trop riches en liant. Le retrait normal est de l’ordre de 0,5‰ pour le béton et de 2‰
pour les mortiers de ciment. Il peut être nettement plus élevé si les matières ont été mal mises
en œuvre.
La grande diversité des ciments Sorel fait qu’ils ne réagissent pas tous de la même manière
au retrait. Ils présentaient à l’origine un retrait parfois important. Les produits mis aujourd’hui
sur le marché sont en général parfaitement compensés.
Le retrait du plomb est immédiat. Il est de l’ordre d’un millième de millimètre par millimètre
d’épaisseur du joint. Il se fait sans fissuration transversale.
168
1.6. La porosité et la perméabilité
1.6.a. La porosité
La porosité peut être « ouverte » et accessible aux fluides extérieure, ou « fermée », et donc
inaccessible à ces fluides. Seul un matériau présentant une porosité ouverte, pourra voir ses
propriétés modifiée par les variations climatiques environnante.
Lors du séchage de l’argile, l’eau de malaxage libère un réseau capillaire important résultant
de l’espace qu’elle occupait. Ce réseau représente pas volume important : 40 à 50% de la
matière ; il est très fin, continu et fortement ramifié, permettant une circulation optimale de
l’air dans la matière. Contrairement à une idée généralement reçue, l’argile est plus poreuse
que le sable : la porosité d’un sable fin varie entre 30 et 35%.
Le plâtre est toujours mis en œuvre avec une quantité d’eau de gâchage largement supérieure
à celle strictement nécessaire à son hydratation. Sa porosité correspond donc au volume de
l’eau excédentaire et varie entre 40 et 60%.
La carbonatation de la chaux, qui assure la prise des chaux aériennes libère de l’eau :
Ca(OH)2 + CO2 → CaCO3 +H2O
Le volume d’eau que la matière doit évacuer après la prise est donc supérieur au volume
d’eau de gâchage. L’évaporation de l’eau libère des pores, qui, liés entre eux, forment un
important réseau capillaire et permettent la migration de la vapeur vers la surface. Ce réseau
capillaire rend la matière « respirante », autrement dit hautement perméable à la vapeur d’eau.
A l’opposé, la prise des ciments portland consomme une partie importante de l’eau de
gâchage. En effet, lors de leur formation :
169
-
la tobermorite fixe plus d’une molécule d’eau par ion Ca++
la portlandite fixe une molécule d’eau par ion Ca++
l’aluminate tricalcique en fixe deux, ….
Dans une matière durcie, mise en œuvre avec un rapport eau / ciment de 0,5-0,6 :
- plus de 40% de l’eau de gâchage participe à la cristallisation et est liée chimiquement
à la structure nanocristalline ;
- 25% de l’eau de gâchage devient « interstitielle » et se fixe faiblement à la structure ;
cette eau ne s’évacue à température ambiante que si le taux d’humidité relative de l’air
tombe en dessous de 30%.
- moins de 35% de l’eau de gâchage s’évapore donc à température ambiante, suivant un
réseau capillaire beaucoup plus ténu que celui qui se développe dans une matière à
base de chaux aérienne.
Le rapport eau / ciment de 0,6 est habituel pour les bétons ; il est plus élevé (jusqu’à 1) pour
les mortiers de pose, mais dans ce cas, l’eau de gâchage est en partie absorbée par les briques
et les parpaings secs. La porosité des mortiers reste cependant supérieure à celle des bétons.
Les ciments Sorel sont généralement gâchés avec la quantité d’eau strictement nécessaire à
l’hydratation de leurs composants. Leur porosité est donc extrêmement faible, puisqu’ils ne
contiennent pas d’eau qui puisse s’évaporer ; elle correspond à la quantité d’air inclus dans le
mélange lors du gâchage.
Ce qu’il faut retenir, pour les chaux et les ciments,c’est que :
-
la porosité augmente avec le rapport eau / liant et diminue avec l’hydraulicité ;
la résistance mécanique diminue avec la porosité et augmente avec l’hydraulicité.
La chaux hydraulique présentera une porosité accessible toujours supérieure à 20% et
pourra exceptionnellement atteindre 40%, mais au détriment de la résistance.
Le meilleur compromis porosité / résistance est certainement fourni par la chaux NHL-2 ou
par le ciment romain qui présentent des porosités accessibles de l’ordre de 25-30 % pour
un bon comportement mécanique.
La porosité ouverte d’un mortier de ciment portland jeune est toujours supérieure à 15%
et peut atteindre 30%. Les bétons portland présentent les porosités les plus basses, de 6 à
20 %, ceci du fait du faible rapport eau / ciment du mélange.
Par comparaison, la porosité ouverte de la terre cuite varie entre 20 et 40 %.
Le tableau suivant donne la valeur de la porosité des principaux liants :
argile
plâtre
40-50%
40-60%
170
sable fin
mortier/enduit de chaux aérienne
mortier/enduit de chaux hydraulique
mortier/enduit de ciment romain
mortier de ciment portland
béton de ciment portland
ciments Sorel
30-35%
25-40%
25-35%
25-30%
15-25%
6-20%
<5%
171
1.6.b. La perméabilité
La perméabilité ne doit pas être confondue avec la porosité ouverte. Celle-ci comprend
l’ensemble des pores reliés à la surface par un réseau capillaire ; elle est, en volume,
inférieure à la porosité totale, qui prend en compte les pores fermés (bulles d’air, pores de
gel, …). Les pores fermés sont inaccessibles aux fluides extérieurs, et n’intervient donc pas
dans le phénomène de perméabilité.
La perméabilité augmente avec :
- la porosité ouverte du matériau
- le diamètre des pores et des capillaires
- le maillage des capillaires
- la différence de pression entre les faces du matériau.
Il y a une corrélation effective entre la perméabilité et la porosité, puisque l’on constate que
plus la porosité diminue plus le diamètre des pores et des capillaires est faible. Les deux
facteurs se conjuguent pour réduire la circulation des fluides dans les matériaux, les diamètres
faibles limitant fortement la vitesse de circulation des fluides.
L’âge peut également influencer la perméabilité des matériaux. La perméabilité des matières
contenant des ciments portland diminuera avec le temps, et ceci s’explique par le phénomène
suivant : le ciment portland produit, par l’hydratation de l’alite et de la bélite, de la
portlandite, qui peut représenter jusqu’à 30% de la matière hydratée. La carbonatation, rapide
lorsque la porosité est élevée, réduit légèrement la porosité ouverte de la matière, mais
contribue surtout à colmater les capillaires et à réduire leur maillage. La perméabilité, des
matières contenant du ciment portland sera de ce fait toujours inférieure à celle des matières
ne contenant que de la chaux, peu sensible au phénomène de colmatage.
La perméabilité d’une matière dépend également de la nature de cette matière ainsi que du
type de fluide qui la traverse : air sec, vapeur d’eau, ou eau (liquide).
172
1.6.b.a. La perméabilité à l’air sec :
La perméabilité à l’air sec est indépendante de la nature de la matière, et est directement
proportionnelle à la porosité ouverte de la matière : plus la porosité ouverte est importante,
plus la perméabilité à l’air sec est grande.
1.6.b.b. La perméabilité à la vapeur d’eau :
Lorsque de l’air chargé de vapeur d’eau pénètre dans les pores d’une matière sèche, une partie
de la vapeur d’eau va se condenser et se fixer à la surface des pores sous forme d’eau
adsorbée. Inversement, si de l’air sec traverse une matière humide, l’eau adsorbée s’évapore
et est emportée par l’air sous forme de vapeur. Il y a donc un échange permanent entre l’eau
fixée sur les parois des pores et la vapeur d’eau contenue par l’air qui traverse les pores.
L’air ne doit pas nécessairement « circuler » dans la matière : le moteur des échanges est en
fait la pression exercée par la vapeur d’eau contenue dans l’air, pression (légère) qui
s’additionne à la pression atmosphérique. Si l’eau condense dans la matière, la pression de
vapeur diminue et entraîne l’arrivée de vapeur extérieure ; si par contre l’eau s’évapore dans
la matière, la pression va augmenter et expulser la vapeur vers l’extérieur ; si la pression de
vapeur augmente dans l’air extérieur, la vapeur va pénétrer dans la matière et s’y condenser ;
inversement, si elle diminue, la matière va évaporer de l’eau adsorbée, etc.
Les échanges sont d’autant plus importants que :
-la surface des pores est grande ;
-la différence de pression de vapeur entre l’air extérieur et l’air contenu dans la matière est
grande ;
-la différence de température entre l’air et la matière est élevée.
Une matière (froide), en contact avec un air (chaud) particulièrement humide concentre par
condensation une grande quantité d’eau adsorbée. La saturation de la matière apparaît lorsque
la quantité d’eau fixée à la surface des pores atteint une épaisseur de 5 ou 6 molécules d’eau.
Lorsque la saturation est atteinte, la quantité d’eau contenue dans la matière n’augmente plus,
sauf si l’humidité relative de l’air atteint le point de rosée : l’eau condensée se dépose alors
sous forme d’eau libre.
Lorsque la porosité ouverte d’une matière est faite de pores extrêmement fins –l’argile ou la
terre cuite, par exemple- l’eau adsorbée peut, en augmentant, boucher les capillaires les plus
fins, et freiner ainsi la circulation de la vapeur dans la matière Il peut arriver, à saturation, que
la vapeur ne puisse plus circuler : la matière n’évolue dès lors plus ; en particulier, elle ne peut
plus sécher, sauf au départ d’un front d’évaporation qui s’établirait en surface, en contact avec
un air plus sec.
Le changement de phase eau/vapeur se fait toujours avec échange de chaleur : la
condensation de la vapeur en eau adsorbée libère des calories ; l’évaporation de l’eau
adsorbée consomme des calories.
173
1.6.b.c. La perméabilité à l’eau :
Pour bien comprendre le phénomène de perméabilité à l’eau, une petite expérience s’impose.
Remplissons un sac de tissus avec du sable sec, et trempons le dans l’eau : l’eau va envahir la
totalité des vides du sable. Retirons le sac de l’eau : une partie de l’eau contenue dans le sable
va s’écouler librement à travers le sable et le tissus du sac, mais si nous ouvrons le sac, nous
observerons que le sable est mouillé. Toute l’eau ne s’est donc pas évacuée : il reste le volume
de l’eau adsorbée à saturation. Cette eau ne peut s’évacuer que par évaporation : elle ne
participe donc pas à la perméabilité, puisqu’elle ne peut pas s’écouler librement.
Si l’on mesure la quantité d’eau qui s’est écoulée librement, on observe qu’elle ne représente
que 35 à 45% du volume d’eau ayant pénétré dans le sable sec. L’eau adsorbée représente 55
à 65% de ce volume. Le sable est considéré comme une matière très perméable à l’eau ; le
volume réellement perméable –la perméabilité effective- représente 10 à 15% du volume
total.
Avec une porosité ouverte de 40 à 50%, l’argile est une matière plus poreuse que le sable
(porosité ouverte de 30 à 35%). A saturation, l’eau adsorbée par l’argile occupe 95 à 98% de
la porosité ouverte, ne laissant à l’eau libre qu’un volume potentiel restant de 2 à 5%. La
perméabilité effective de l’argile représente donc moins de 2% du volume total de la matière.
Au-delà d’une certaine épaisseur, ce faible pourcentage ne permet pas l’organisation d’un
réseau capillaire continu, et l’argile se comporte comme un matériau parfaitement étanche à
l’eau. Elle est mise en œuvre pour assurer l’étanchéité des canaux et des étangs artificiels.
9 Eau fixée : comparaison argile / sable
174
10 Eau libre : comparaison argile / sable
Les mortiers et enduits à la chaux aérienne ou hydraulique ne sont pas imperméables à
l’eau. Ils sont impropres à réaliser l’étanchéité d’ouvrages en contact chronique avec l’eau. Il
peuvent cependant recevoir des adjuvants organiques qui les rendent imperméables.
Les enduits de façades à la chaux ont cependant la réputation d’être « parfaitement
imperméables à l’eau ». Ce n’est pas tout à fait faux, mais le propos doit être nuancé. L’eau de
pluie qui frappe une façade enduite, est absorbée par l’enduit et dispersée à l’intérieure de la
matière sous forme d’eau adsorbée. Si la pluie est abondante, les pores en surface vont saturer
et freiner la pénétration de l’eau, entraînant son ruissellement sur la façade. Contrairement à
ce qui se passe sur les parois d’une citerne pleine, aucune pression ne s’exerce sur l’eau de
ruissellement pour la forcer à infiltrer la matière : seules les tensions capillaires sont
responsables de la pénétration de l’eau dans la matière. Cette pénétration reste donc
superficielle, et l’eau adsorbée est facilement évacuée avec le retour du soleil.
Les mortiers, enduits et bétons de ciment portland ne sont pas imperméables à l’eau, mais
présentent une perméabilité effective très faible.
Les ciments Sorel et phosphomagnésiens sont totalement imperméables à l’air, à l’eau et à
la vapeur d’eau.
Les silicates sont perméables à l’air, à l’eau et à la vapeur d’eau.
175
1.7. La résistivité thermique, l’inertie de masse et l’inertie latente
En dehors de quelques produits industriels (blocs de béton cellulaire, de béton léger, …) les
liants minéraux ne permettent pas de produire des matières réellement efficaces sur le plan de
l’isolation thermique. En terme de performances, on peut classer, par ordre décroissant,
l’argile, le plâtre, les chaux et les ciments. Le béton armé est le matériau le moins performant
qui soit.
Pour des raisons d’économie d’énergie, les bétons de terre et les bétons chaux-chanvre sont
aujourd’hui remis à l’honneur. Ce sont en fait des matières peu coûteuses, qui peuvent de ce
fait compenser leurs faibles performances thermiques par une augmentation de l’épaisseur des
parois extérieures.
Le pouvoir isolant des matériaux n’est cependant le seul paramètre à prendre en
considération. Au niveau du confort thermique, la température de la surface des murs et
cloisons joue un rôle important : la perception par l’occupant de la température « ambiante »
dépend à la fois de la température des parois et de la température de l’air. Le corps humain est
en effet sensible autant au rayonnement infrarouge provenant des objets environnant qu’à la
température de l’air. La température perçue est égale à la moyenne arithmétique des
températures des surfaces et de l’air.
La température de surface intérieure des murs dépend de trois facteurs :
-
l’inertie thermique de masse du bâtiment
l’isolation thermique du bâtiment
l’inertie thermique latente des matériaux.
Seule l’inertie thermique latente intéresse les matériaux que nous étudions. Pour bien
comprendre ce que cette notion contient, il nous faire brièvement définir les deux premières.
176
1.7.a. L’inertie thermique de masse :
L’inertie thermique de masse est la capacité des matériaux à absorber un flux thermique, à le
stocker et à le restituer de manière diffuse. Elle dépend surtout de la masse des matériaux mis
en œuvre, mais aussi de leur nature, de leur conductibilité thermique de leur chaleur
spécifique. L’inertie de masse d’un bâtiment aura pour conséquence qu’au printemps, de jour,
il fera plus frais à l’intérieur qu’à l’extérieur, et que le phénomène s’inversera en automne.
Les matières produites à base de ciment portland ont en général une meilleure inertie
thermique (de l’ordre de 0,5 KWh/m3.K°) que celle produites à base d’autres liants minéraux
(0,3 à 0,45 KWh/m3.K°). Utilisées comme enduit, elle n’ont qu’une faible incidence sur
l’inertie thermique totale d’un bâtiment.
1.7.b. L’isolation thermique :
Un immeuble construit avec des matériaux légers, hautement isolants se comporte
exactement de la même façon, à la condition expresse cependant qu’il n’y ait pas d’échange
entre l’air extérieur et l’air intérieur. Faute d’inertie thermique, la température de surface
d’une paroi faite de matériaux hautement isolants sera toujours égale à celle de l’air ambiant.
Si l’air extérieur pénètre, cette température sera celle du mélange air intérieur/air extérieur et
à terme, l’effet recherché sera perdu. C’est ce qui explique qu’un bâtiment parfaitement isolé
de l’intérieur est facile à chauffer en hiver, mais impossible à garder frais en été, du moins
sans installation réfrigérante.
Les matières à base de ciment portland sont en général moins isolante (1 à 1,5 W/m.K°) que
les matières à base d’autres liants minéraux (0,3 à 0,7 W/m.K°). Utilisées comme enduit, en
faible épaisseur, elle n’ont cependant que peut d’influence sur l’isolation générale d’un
bâtiment.
177
1.7.c. L’inertie thermique latente :
L’inertie latente est un phénomène que se conjugue à l’inertie de masse. Pour le comprendre,
il faut rappeler que l’air ambiant contient une certaine quantité de vapeur d’eau, appelée
humidité relative ; un solide poreux contient à la fois :
- de la vapeur d’eau au sein de ses pores, en quantité égale à celle de l’air ambiant ;
- de l’eau adsorbée, fixée sur la surface de ses pores.
Il existe une relation d’équilibre entre l’humidité relative de l’air ambiant et la quantité d’eau
liée contenue dans un matériau (voir § 1.6.b.b)
Le mécanisme de l’inertie latente est dès lors le suivant :
- lorsque la température diminue dans une pièce, l’humidité relative monte ; la
pression de vapeur augmente dans les pores et provoque la condensation de la
vapeur sous forme d’eau adsorbée. Le passage de l’état de vapeur à l’état d’eau
adsorbée libère des calories, ce qui entraîne l’échauffement de la paroi ;
- inversement lorsque la température de l’air augmente, l’humidité relative
baisse, la pression de vapeur diminue dans les pores et l’eau adsorbée
s’évapore, entraînant un abaissement de la température de la paroi
L’inertie latente contribue donc de manière naturelle et généralement efficace à la régulation
hygrométrique et thermique du climat intérieure.
L’échange vapeur/eau adsorbée se fait sur les parois des pores de la matière. L’inertie latente
d’un matériau est donc d’autant plus grande que la surface d’échange est importante. Pour
qu’une matière soit performante en matière d’inertie latente, il faut donc qu’il présente :
- une porosité ouverte importante ;
- un réseau poreux formé de capillaires fins et ramifiés ; à porosité ouverte égale,
un tel réseau présentera une surface accessible plus grande qu’un réseau formé
de cavité de grandes dimensions.
En matière de surface d’échange, l’argile se retrouve largement un tête, suivi du plâtre et de
la chaux aérienne. Ce sont, avec la terre cuite, les matériaux les plus performants au niveau
de l’inertie thermique latente. Les chaux hydrauliques sont légèrement moins performantes.
Les ciments portland se retrouve en queue du peloton, juste devant les ciments Sorel.
Utilisée comme enduit (intérieur) et en forte épaisseur, l’argile et dans une moindre mesure le
plâtre ou la chaux aérienne, peuvent avoir une influence déterminante sur le climat intérieur
d’un bâtiment.
Pour que l’inertie thermique latente puisse donner son plein effet, il ne faut cependant jamais
créer d’écran entre l’air ambiant et la paroi poreuse. Il ne faut donc jamais peindre les enduits
intérieurs avec des peintures organiques, qui constituent toujours (quoiqu’en disent les
vendeurs) un frein important à la migration de la vapeur. Les peintures silicates, et certaines
colles à tapisser posées très épaisses peuvent également agir comme de véritables bouchepores de surface… Les peintures à l’argile et les laits de chaux se révèlent les plus efficaces.
178
179
1.8. Les coefficients de dilatation thermique et hydrique
1.8.a. La dilatation thermique :
Les coefficients de dilatation thermique des matières liées au ciment portland sont nettement
plus élevés que ceux des matières liées à l’argile, au plâtre ou à la chaux. La différence peut
aller du simple au double comme l’indiquent les valeurs des coefficients d’un :
-
argile, plâtre et mortier à la chaux grasse : 5.10-6/°C
mortiers à la chaux hydraulique :
5 à6.10-6/°C
mortier/béton au ciment portland :
11.10-6/°C.
plomb :
29.10-6/°C
La différence entre le ciment portland et la chaux hydraulique doit être attribuée à la présence
de tobermorite γ, dont la structure cristalline est beaucoup plus compacte que celle de la
tobermorite α ou β.
1.8.b. La dilatation hydrique :
Les dilatations hydriques des chaux et ciment portland sont équivalentes : la différence entre
une matière sèche et une matière soumise à 100% d’humidité relative varie entre 2 et 4 ‰,
quel que soit le liant. La faible perméabilité à la vapeur des mortiers et des bétons portland les
rend cependant moins sensibles aux variations de l’humidité extérieure que les matières liées
à la chaux.
180
1.9. Le module d’élasticité et la plasticité
Pour rappel : le module d’élasticité E est la pression qu’il faudrait exercer sur un échantillon
de matière pour réduire sa longueur de 100% ou la tension qu’il faudrait lui appliquer pour
l’allonger de 100%. La matière n’étant déformable à l’infini, le module E est une fiction de
l’esprit, mais qui fonctionne bien dans le domaine des déformations faibles.
Les valeurs du module d’élasticité des matières varient selon les mêmes facteurs que leurs
résistances mécaniques. Il existe une corrélation entre la rigidité et la résistance, mais elle
n’est pas strictement linéaire. Tout comme pour la résistance à la compression, la valeur du
module d’élasticité diminue lorsque la porosité augmente.
Les valeurs extrême sont de :
-
plâtre :
mortier de chaux aérienne ou légèrement hydraulique :
plomb :
mortier/bétons de ciment portland :
3 à 6 GPa
4 à 6 GPa
5 GPa
20 à 40 GPa
La déformation plastique est une déformation permanente qui affecte la matière, soit lorsque
la limite de contrainte élastique est dépassée, soit lorsqu’une matière est exposée à une
contrainte élevée lors d’une longue période. Le phénomène affecte particulièrement les
mortiers jeunes à la chaux aérienne ou légèrement hydraulique, qui du fait de leur faible
résistance à la compression, peuvent être soumis à des contraintes proches de leur limite
élastique. Il ne constitue pas nécessairement un handicap : les déformations plastiques se
produisent sans dommages majeurs, même dans des matières âgées, et permettent une
répartition optimale des contraintes et en empêchant leur concentration.
181
1.10. La solubilité des matières et leur PH
Les principaux composants des matières indurées ne réagissent pas de la même façon en
présence de l’eau. Certaines sont solubles, d’autres non :
-
les argiles sont insolubles, mais elles peuvent s’hydrater : l’hydratation entraîne le
gonflement, l’effritement et, à saturation, la perte de cohésion de la matière ;
les tobermorites et les aluminates hydratés sont insolubles ;
la silice issue de la réaction des silicates est insoluble ;
les composés de phosphates d’ammonium sont insolubles ;
les oxychlorures, les oxysulfates et certains phosphates métalliques sont solubles
dans l’eau claire ;
le gypse et la portlandite sont solubles dans l’eau claire ;
la calcite est quasi insoluble dans l’eau claire, mais elle l’est dans l’eau légèrement
acide.
La solubilité du gypse, de la portlandite et de la calcite est faible : les solutions saturent avant
d’atteindre 2%.
La portlandite Ca(OH)2 est une base forte, et confère aux matières qui en contiennent en
abondance un PH élevé, - jusqu’à 13,5. C’est le cas des bétons portland, des mortiers
portland, et des enduits, mortiers et badigeons à la chaux grasse avant leur carbonatation
complète.
Le plâtre est acide : au contact de l’eau, le gypse libère des ions basiques Ca++ forts ainsi que
des ions acides HSO4- également forts. Le HSO4- peut se montrer très corrosif pour certains
métaux (fer, cuivre,zinc…), même si le plâtre n’est que légèrement humide.
Le pH des ciments Sorel dépend de leur dosage :
- ils sont basiques lorsqu’il contiennent des oxydes métalliques en excès ; la
zincite, la chaux, la brucite,… s’hydratent et se transforment en bases fortes : Zn
(OH)2, Ca(OH)2, Mg(OH)2,…
- ils sont acides lorsqu’ils contiennent en excès des chlorures ou des sulfates
métalliques ; ceux-ci peuvent libérer des anions Cl2-, HSO4-,… ;
- les ciments à base de phosphate sont généralement neutres à légèrement
basiques.
Les autres liants (argile, calcite, tobermorite, aluminates, …) sont neutres.
182
1.11. La résistance aux hautes températures
La résistance aux hautes températures est le domaine réservé des aluminates :
-les mortiers et les bétons de ciments alumineux sont stable jusqu’à 1300°C et se comportent
bien jusqu’à 1600°C ; il faut, dans ce cas, que les charges et les agrégats soient également
résistants à ces températures : le corindon et la chamotte doivent remplacer le sable et les
graviers calcaires.
-les ciments au magnésium-polyphosphate d’aluminium sont stables jusqu’à 1000°C.
183
2. CHOIX du LIANT et MISE en ŒUVRE DURABLE
2.1. Les mortiers de pose
En principe, tous les liants peuvent être utilisés pour la confection des mortiers de pose.
Depuis le début du siècle dernier, l’usage des mortiers au ciment portland s’est généralisé
pour la réalisation des maçonneries neuves. Cet usage parait largement justifié par la haute
résistance à la compression et la forte adhérence que fournit le ciment portland. C’est une idée
fausse : ces facteurs ne jouent aucun rôle déterminant dans la stabilité des maçonneries
traditionnelles.
2.1.1. Le rôle des mortiers de pose
2.1.1.1. Le transfert des charges :
Le rôle essentiel du joint de mortier est de transférer aux tas inférieurs les charges supportées
par les tas supérieurs. Ces charges peuvent être considérables et se traduire en centaines, voir
en milliers de tonnes. La contrainte que subit le joint est une pression, qui correspond au poids
total des charges, divisé par la surface du joint. Dans les maçonnerie traditionnelles, la section
des murs et des piliers est toujours surabondante.
Ceci explique pourquoi les contraintes de compression qui se développent dans les structures
traditionnelles sont généralement faibles, et dépassent rarement la valeur de 2 MPa. Un
mortier à la chaux aérienne, -le plus faible des liants-, assure largement cette contrainte après
quelques semaines seulement. Pour donner une image, la valeur de 2 MPa correspond à la
pression qui se développe au pied d’une colonne de briques, de section constante, de 100
mètres de haut. L’image ne vaut bien entendu que si l’on fait abstraction des contraintes
extérieures, telles que la pression du vent.
Des contraintes de l’ordre de 10 MPa – et même de 5 MPa – sont exceptionnelles dans les
ouvrages en maçonnerie et ne se rencontrent que localement dans des structures audacieuses.
L’effondrement d’une maçonnerie traditionnelle ne survient jamais par un dépassement de la
résistance à la compression des matériaux, mais bien par l’apparition d’un mécanisme du à un
décentrement des charges, sur lequel nous reviendrons.
2.1.1.2. La répartition homogène des contraintes
La répartition homogène des contraintes est probablement le rôle le plus important du mortier
dans une maçonnerie, -et sans doute le plus oublié. Le rôle essentiel d’un mortier est de
transmettre, les contraintes d’un tas supérieur vers un tas inférieur, et cela de la manière la
plus homogène possible, -autrement dit, sans concentrations locales de contraintes.
Le montage à sec, sans mortier, se fait par contact ponctuel de pierre à pierre : les points de
contact peuvent être nombreux, mais leur surface est toujours faible du fait des défauts de
planéité des matériaux mis en œuvre. Lorsque les charges sont élevées, les contraintes
peuvent devenir localement extrêmement élevées, parce qu’elles se limitent aux surfaces
184
réduites des points de contact. Des ruptures par un dépassement local, ponctuel des
contraintes maximales sont donc à craindre.
Le mortier de pose empêche précisément l’apparition de contraintes ponctuellement élevées :
il forme un matelas plastique qui répartit uniformément les contraintes avant de faire prise.
Le principal bénéfice qu’apportent les mortiers ne se situe cependant pas là : les structures
jeunes subissent des déformations liées à leur mise en contrainte progressive. Les contraintes
augmentent avec l’avancement de la construction et la mise en service de l’édifice. Les
tassements liés à la mise en charge ne sont jamais homogènes : ils sont importants dans les
massifs fortement chargées, et faibles dans les massifs qui ne le sont pas. Ils peuvent être très
importants au niveau des fondations, lorsque le sol travaille à la limite de sa capacité portante.
La répartition des déformations n’est donc jamais homogène, et les désordres n’apparaissent
pas, du moins tant que le différentiel des contraintes peut être absorbé par l’appareil mis en
œuvre. Un mortier peu cohérent, faiblement résistant, se déformera plastiquement s’il est
soumis à une contrainte trop élevée : sa déformation plastique entraînera la répartition des
contraintes élevées sur les plages voisines. Les contraintes de rupture ne seront de ce fait
jamais atteintes localement. Le processus permet des déformations importantes sans aucune
suite dommageable, et garantit un bon équilibre des contraintes au sein des massifs.
2.1.1.3. L’importance de l’adhérence des mortiers
Dans les structures traditionnelles, l’adhérence des mortiers à leur support ne joue aucun rôle
positif et ne peut en aucun cas être prise en compte dans un calcul de stabilité. Les mortiers
faiblement adhérents et plastiques permettent un glissement – infinitésimal - d’un tas par
rapport au suivant, surtout si les joints sont épais. La déformation qui s’en suit répartit au
maximum les tensions et empêche leur concentration. Le phénomène affecte particulièrement
les maçonneries de brique –où le volume des joints est important par rapport au volume de
briques
Les mortiers faiblement cohérents et faiblement adhérents empêchent donc la concentration
de tensions importantes et, par conséquent, l’apparition brutale de fissures ou de lézardes.
2.1.2 Les types de mortiers de pose
2.1.2.1. Les mortiers à base de sable et d’agrégats
Pour réaliser des mortiers, les chaux et les ciments ne sont jamais utilisé purs, mais toujours
mélangé à du sable de rivière (à grains anguleux), et parfois à d’autres agrégats (matières
colorantes, …).
La résistance à la compression et l’adhérence ne sont pas des critères suffisants pour décider
du choix du liant.
Préférer la chaux hydraulique au ciment portland ne relève pas
nécessairement d’une vision passéiste des choses, et démontre généralement une bonne
connaissance des matériaux et de leurs performances.
185
Il faut rappeler en effet que les cathédrales et les grands édifices gothiques ont été montés à
l’aide de mortier à la chaux aérienne, caractérisé par une faible résistante initiale à la
compression, et une adhérence nulle. La lenteur de la prise permet à l’œuvre de se déformer
plastiquement – sans qu’elle ne se détériore – pendant une très longue période : les
déformations plastiques n’ont aucune influence sur leur durcissement et les performances
finales du mortier. L’appareil peut donc sans dommage absorber les déformations engendrées
par des tassements différentiels importants. Il n’y a jamais apparition brutale de fissures ou de
lézardes, comme cela peut se produire dans des structures rigidifiées par un mortier à forte
adhérence. La non adhérence des mortiers fait en outre que les structures ne travaillent qu’en
compression pure et que les excentrements de charge s’y manifestent très tôt par de légers
bombements, par des hors d’aplomb, ou par des ouvertures de joints.
La rapidité de l’apparition des déformations a très souvent permis aux bâtisseurs d’intervenir
et de procéder – en cours de construction -, à des recentrements de charges, et cela bien avant
que la situation ne devienne critique. Il est certain que si les maîtres d’œuvre du moyen âge
n’avaient eu à leur disposition que des mortiers à base de ciment portland, ils n’auraient
jamais pu réaliser les prouesses techniques que nous admirons encore aujourd’hui : du fait de
la rigidité des ciments portland, les tassements différentiels et les excentrements des charges
se seraient manifestés beaucoup trop tard, et de manière trop brutale pour que les bâtisseurs
puissent intervenir à temps et tirer une réel enseignement des désordres.
Cette réflexion n’enlève rien aux qualités des ciments portland. Ils permettent une mise en
œuvre rapide et efficace de l’œuvre, mais ils doivent être réservés à des structures qui, du fait
de leur conception, ne sont pas susceptibles de mouvements différentiels même peu
importants.
Si c’est le cas, il vaut mieux opter pour les chaux hydrauliques ou les liants bâtards.
La mise en œuvre de ciments naturels, prompt ou romain, de ciments Sorel et autres ne se
justifie généralement pas pour la réalisation de maçonneries neuves.
2.1.2.2. Les mortiers au liant pur
Le plâtre, contrairement à une idée reçue, peut constituer un excellent mortier de pose : il
peut être aisément préparé, fait prise en toute circonstance, et surtout gonfle en faisant prise.
Les joints au plâtre furent abondamment mis en œuvre au 18e siècle pour réaliser l’appareil de
très grands blocs de pierre : la fluidité du plâtre permettant de réaliser des joints extrêmement
fins, assurant une bonne répartition des pressions du fait de l’expansion de la matière.
Le matériau est très performant dans la mise en œuvre des voûtes : son expansion assure un
excellent serrage des blocs et sa prise rapide ne mobilise les gabarits que pour un temps très
court. Leur enlèvement n’entraîne en outre aucune déformation de mise en charge. Les voûtes
très plates, qui caractérisent l’architecture du 18e siècle, étaient très souvent montées au
plâtre.
Le matériau est malheureusement sensible à l’eau : le plâtre est soluble dans l’eau pure, et
doit, de ce fait, être protégé. Sous nos climats, il ne convient pas aux maçonneries extérieures,
186
et sous des latitudes plus clémentes, les façades montées au plâtre doivent être protégées de la
pluie par des corniches saillantes.
Le plomb est particulièrement bien adapté au scellement d’appareils de pièces dont la
stabilité doit être assurée sur un laps de temps très court (balustrades, remplage de fenêtres
gothiques, mise en œuvre d’acier et de tirants métalliques, etc.).
L’argile et la terre peuvent constituer d’excellents mortiers de pose, mais leur faible stabilité à
l’eau les rend impropres à cet usage sous nos latitudes.
2.1.3. La durabilité des mortiers de pose
La durabilité des mortiers dépend de la stabilité de leurs liants :
-l’argile est « liquéfiable » ;
-la calcite (chaux aérienne) et le gypse (plâtre) sont solubles ;
-la tobermorite et les aluminates (chaux hydraulique, ciment portland,…) sont insolubles ;
-la plupart des composants des ciments Sorel sont insolubles ;
Les mortiers de ciment portland sont inaltérables. L’altérabilité des mortiers de chaux
hydraulique, de ciment romain ou de ciments Sorel dépend essentiellement de leur contenance
en matières solubles (calcite,…) et de la fréquence de leur contact avec l’eau : sans ce contact,
ils sont inaltérables. Cette observation vaut aussi pour le plâtre.
Les mortiers à la chaux grasse ont la mauvaise réputation de ne pas être durables, et de perdre
leur cohésion avec le temps. Ce n’est pas tout à fait faux, mais il faut pour cela que le mur soit
soumis à une humidité chronique, et qu’il soit donc infiltré par l’eau de pluie ou par des
remontées capillaires, ou régulièrement « rincé » par des éclaboussures. La calcite, mise en
solution, migre vers la surface, et y est emportée par le ruissellement de l’eau de pluie. Le
mortier perdant sa cohésion, le joint s’évide, parfois sur une profondeur de plusieurs
centimètres.
Le phénomène est très lent et n’est observé que sur des bâtiments âgés, le plus souvent ruinés.
Il ne touche généralement que les maçonneries montées avec un matériau d’œuvre perméable
(briques anciennes, …) ou avec des pierres non taillées, l’irrégularité de la surface facilitant
les infiltration.
Le remède à l’ouverture des joints consiste à gratter la matière pulvérulente et à rejointoyer.
L’opération est généralement sans danger : un mortier, même faiblement cohérent garde
toujours un pouvoir portant supérieur à 2 MPa.
La chaux grasse n’est évidemment pas le meilleur liant à mettre en œuvre pour monter des
maçonneries enterrées ou en contact avec l’eau.
187
En conclusion, tous les liants hydrauliques peuvent être mis à contribution dans la fabrication
des mortiers de pose. L’emploi du ciment portland s’est généralisé depuis le début du 20e
siècle, et les milieux professionnels se montrent aujourd’hui très réticents vis-à-vis des
mortiers n’en contenant pas. Le mortier portland l’emporte sur tous ses concurrents sur le plan
de l’insolubilité, de l’adhérence, de la rigidité et la résistance à la compression, mais un excès
d’adhérence et de rigidité peut se révéler contre productif dans un très grand nombre de
circonstances. Le ciment portland est également le liant dont la production consomme le plus
d’énergie et contribue le plus à l’augmentation du CO2 dans l’air.
188
2.2. Les mortiers de réparation, de rejointoiement et de ragréage
2.2.1. Les mortiers de réparation
Lorsque des réparations doivent être effectuées dans des maçonneries anciennes, une règle de
précaution veut que les mortiers de pose mis en œuvre aient les mêmes caractéristiques
physiques que les mortiers en place : ce qu’il faut éviter, c’est que les parties réparées
constituent des points durs dans la structure.
Une maçonnerie ancienne, montée à la chaux aérienne, présente généralement des joints
fortement carbonatés. Il n’y a dans ce cas pas d’inconvénient à utiliser des mortiers à la
chaux hydraulique, ou au ciment romain, dont les caractéristiques mécaniques rejoindront
après plusieurs mois celles de la chaux aérienne vieillie. Ces matières permettent donc, par
leur délai de prise, à la structure d’absorber les tassements et les déformations liées aux
interventions de chantier, et ne restent pas trop longtemps inactives dans une structure
portante chargée. Il n’est pas utile de mettre en œuvre de la chaux aérienne : sa prise est trop
lente, et sa grande plasticité n’apporte rien à une structure qui a déjà trouvé son état
d’équilibre.
Par contre, les mortiers au ciment portland sont à proscrire : leur prise est trop rapide, et fige
une situation de chantier ; leur trop grande rigidité peut créer des points durs dans une
structure habituée à se déformer élastiquement.
2.2.2. Les mortiers de rejointoiement
Une seule règle est à observer, les mortiers de rejointoiement doivent être :
- moins résistants à la compression et moins rigides que le mortier de pose ;
- avoir des coefficients de dilatation thermique et hydrique le plus proche possible de
la pierre ou de la terre cuite constituant la maçonnerie.
La surface des murs peut devenir le siège de contraintes importantes, et si le rejointoiement ne
se comporte pas de la même façon que le reste de la maçonnerie, il finira par être expulsé.
C’est le cas, par exemple, des ouvrages anciens rejointoyés au mortier portland :
-
-
-
les joints de surface, étant plus rigides que le mortier de pose, vont concentrer les
contraintes de pression / tension lors des variations ou des décentrements des charges
cycliques ;
les joints se dilatant thermiquement davantage que les pierres ou les terres cuites, ils vont
engendrer des contraintes importantes au niveau de leur surface de raccord lors des
variations de température ;
les joints étant fort peu poreux, ils vont se dilater beaucoup moins sous l’action de l’eau
que des matériaux poreux comme la brique ou certaines pierres tendres.
189
La répétition cyclique de contraintes d’ordre mécanique, thermique et hydrique entraîne à
terme la désolidarisation du joint et de son support, et dès lors « l’expulsion » du joint.
L’utilisation du ciment portland est donc à proscrire dans les mortiers de rejointoiement,
même si leur adhérence exceptionnelle paraît en faire un matériau performant : un mortier peu
adhérent, mais n’engendrant aucune contrainte se révèlera toujours plus durable.
2.2.3. Les mortiers de ragréage :
Les paramètres physiques et mécaniques des mortiers de ragréage, ou « mastics à pierre »,
doivent toujours se rapprocher le plus possible de ceux de leur support. Il faut être
particulièrement attentif à :
-la porosité ouverte : si le support présente une porosité ouverte importante (grès, certains
calcaires, terre cuite,…), le mortier de ragréage devra rejoindre cette caractéristique. Le choix
se portera sur les chaux hydrauliques (qui existent sous forme de mélanges prêts à l’emploi).
Les ciments portland sont à éviter, même sous forme de mélange bâtard. Les ciments Sorel
sont performants mais ne conviennent que pour les supports non poreux (pierre bleue, petit
granit, calcaires denses,…)
-les coefficients de dilatation thermique et hydrique : les mortiers de ragréages doivent
« travailler » de la même manière que leur support. Les ciments portland sont donc à éviter
absolument.
-la texture et la composition chimique du support : le critère n’est pas primordial, mais
détermine la manière dont le matériau va vieillir et se patiner ; il est généralement important
que le support et le mortier de ragréage se patinent uniformément. Il n’y a pas de formule
miracle : il faut se renseigner sur les applications antérieures (anciennes) du mortier proposé.
Les mortiers « prêts à l’emploi » doivent pouvoir fournir des chantiers de référence.
190
2.3. Les enduits
Un bon enduit doit :
- être respirant et perméable à l’air et à la vapeur ;
- être imperméable à l’eau ;
- être moins rigide que son support ;
- présenter des coefficients de dilatation proches de ceux de son support
- être réversible, et donc peu adhérent pour pouvoir être retiré aisément
- éventuellement présenter une inertie latente importante, si c’est un enduit intérieur.
A la lecture de ce cahier des charges, il apparaît immédiatement que le ciment portland est à
proscrire pour les enduits, qu’ils soient intérieurs ou extérieurs.
2.3.1. Les enduits extérieurs
Les enduits extérieurs les plus durables et les plus performants sont réalisée par :
- des mortiers à la chaux légèrement hydraulique NHL-2 ;
- des mortiers de ciment romain ou de ciment prompt ne comportant pas plus de 2
parts de sable pour 3 parts de liant ;
- des mortiers de mélange ciment prompt/chaux NHL-2, ou autres ;
- des mortiers à la chaux aérienne, mais ils sont plus difficiles à réussir du fait de
la lenteur de la prise.
La durée de vie de tels enduits correctement posés peut être de plusieurs siècles. Le fait qu’ils
sonnent creux localement ne signifie nullement qu’ils soient en fin de vie. Il s’agit d’une
évolution normale des enduits à la chaux, et les chutes liées à des décollements intempestifs
ne sont généralement pas à craindre, sauf si l’enduit devient localement pulvérulent.
Les enduits au plâtre-chaux furent abondamment mis en œuvre dans la région parisienne.
L’enduit se composait traditionnellement de 3 parts de plâtre grossier, de 2 parts de sable fin
et d’une part de chaux aérienne. Facile à poser, il permettait de récupérer d’importantes
irrégularités, autorisant sans problème des épaisseurs de 8 à 10 cm ! Il doit cependant être mis
à l’abri de pluies trop abondantes, notamment par des corniches très saillantes. En effet, même
si la grande porosité conférée par la chaux lui permet généralement d’absorber sans dommage
les effets de la recristallisation du gypse mis en solution, il supporte mal l’humidité chronique.
Une imperméabilisation superficielle, par un traitement au silicate de fluor (fluatation) ou au
silicate de soude était souvent pratiquée. La pose d’une peinture traditionnelle, empêchant
généralement la précipitation du gypse à la surface est totalement déconseillée.
L’addition de plâtre à la chaux hydraulique est à éviter : une réaction à long terme entre le
plâtre et les composés alumineux de la chaux est toujours à craindre.
191
L’argile peut être mise en œuvre comme enduit extérieur, mais un tel enduit doit être protégé
de la pluie, et demande généralement un ragréage quasi annuel. Un mélange d’un sixième
d’argile, d’un tiers de silt et d’une moitié de sable grossier donne les meilleurs résultats. Un
chaulage régulier permet de lui assurer une bonne durabilité.
Les enduits au ciment portland, même bâtard, ne conviennent en aucun cas.
2.3.2. Les enduits intérieurs
Les enduits intérieurs les plus fréquemment mis en œuvre sont faits :
- de plâtre pur
- d’un mortier de chaux légèrement hydraulique, couvert d’une couche de finition
au plâtre pur.
Ces enduits sont durables et performants au niveau de l’inertie thermique latente.
L’argile devrait être remise à l’honneur pour ses très hautes performances en matière d’inertie
latente.
192
2.4. Les bétons
2.4.1. Les bétons non armés
Des bétons non armés ont été réalisés depuis les temps les plus reculés, mettant en œuvre tous
les liants possibles.
Avant de procéder à la restauration de bétons historiques, il faut réaliser une analyse
pétrographique et chimique poussée de la matière en place, ceci dans le but de la reproduire
au mieux, et d’éviter une différence de comportement entre la matière en place et la matière
nouvelle.
La technique pourrait être réhabilitée, Des recherches sont actuellement effectuées sur des
béton de terre stabilisés par une faible quantité de ciment portland, sur des bétons de chaux et
de chaume, etc.
2.4.2. Les bétons armés
Un béton armé ne peut être réalisé qu’aux conditions suivantes :
- la matière minérale doit avoir un coefficient de dilatation thermique proche de celui des
armatures ;
- la matière minérale doit adhérer aux armatures
- la matière minérale doit protéger les armatures de la corrosion
- pour pouvoir tirer le meilleur parti des performances des armatures, la matière minérale
doit être la plus résistante et la plus rigide possible.
A la lecture de ce cahier des charges, on constate immédiatement que les chaux ne
conviennent nullement pour la confection de bétons armés de fer ou d’acier et que le liant le
plus performant est le ciment portland.
En effet, le béton obtenu au départ du ciment portland
- a un coefficient de dilatation thermique égal, voire supérieur à celui de l’acier ;
- adhère parfaitement aux armatures en acier ;
- développe un PH élevé, de l’ordre de 12 – 12,5, qui bloque la progression de la corrosion ;
- développe une résistance et une rigidité exceptionnelle.
Les liants à chaux ne disposant d’aucune de ces qualités ne conviennent donc pas à la mise en
œuvre de bétons armés.
193
2.5. Les peintures et les durcisseurs
2.5.1. Les peintures
Tous les liants décrits conviennent à la fabrication de peintures minérales, mais il faut garder à
l’esprit qu’une peinture minérale n’adhère que sur des supports minéraux, en aucun cas sur
des supports organiques. Une façade peinte, ne fut ce qu’une seule fois, avec une peinture
organique ne pourra plus jamais recevoir de traitement minéral, -sauf, exceptionnellement,
des peintures « minérales » adjuvantées de liants organiques.
2.5.1.1 L’argile
L’argile pure permet de produire des peintures lavables et résistantes à l’abrasion. Les
peintures adhèrent sur les supports minéraux et sur les supports organiques poreux (bois,
textile, papier, etc.). L’argile n’accepte que 5 à 8 % de pigments naturels. Au-delà de cette
concentration, il faut prévoir une fixation (silicate) ultérieure.
2.5.1.2. Les chaux
Les chaux hydrauliques conviennent autant que la chaux aérienne. Sur un enduit, on choisira
une chaux identique à celle qui a servi pour monter le support.
La luminance de la chaux aérienne est supérieure à celle de la chaux hydraulique (Cl : 0,85 ;
NHL : 0,75).
La peinture peut être posée épaisse ou liquide : différents traitements peuvent être appliqués ;
suivant le rapport volumique liant/eau. Ce rapport détermine également la quantité maximale
de pigment (terre ou oxyde) qui peut être ajoutée au mélange. Le pourcentage indiqué dans le
tableau correspond au rapport entre le poids des pigments et le poids des chaux
Type
Rapport liant/eau
chaulage
badigeon
eau forte
patine
1/1
1/ 2 à 3
1/4 à 6
1/10 à 20
Pourcentage de
terre
/
25 %
65 %
95 %
Pigment
Oxyde
/
15 %
35 %
55 %
En dehors de l’alun, qui aide à la carbonatation de la chaux, il n’existe pas d’adjuvants
minéraux pour la chaux.
Le chaulage des charpentes et œuvres en bois a été anciennement pratiqué pour prévenir la
ponte des insectes lignivores et la germination de spores de champignons.
Notons enfin que seul la chaux aérienne a, du fait de son pH élevé avant prise, en effet biocide
important. Elle a de ce fait été abondamment utilisée pour assainir les murs et en éradiquer la
vermine.
194
2.5.1.3. Les ciments
Seul le ciment blanc est mis en œuvre sous forme de peinture. Les autres ciments ne
présentent aucun intérêt dans le domaine.
2.5.1.4 Les silicates
Les silicates alcalins ou éthyles fournissent des peintures minérales durables et
éprouvées. Ils ne peuvent être appliqués sur des supports imperméables.
2.5.2 Les durcisseurs
Tous les liants ne conviennent pas comme durcisseurs.
Les ciments et les chaux hydrauliques se révèlent de mauvais durcisseurs, parce que les grains
d’alite et de bélite qui les constituent sont, malgré leur finesse, trop gros pour être entraînés au
sein de la matière par l’eau de gâchage. Ils restent à la surface pour y former une pellicule
durcie. Il en est de même pour l’argile – malgré son extrême finesse ! – et pour les particules
d’anhydrites du plâtre.
Seuls la chaux aérienne et les silicates peuvent se révéler efficaces.
Le succès de l’opération dépend également du support, qui doit être perméable au produit, et
donc poreux et capillaire. Une pierre calcaire est généralement moins capillaire qu’un grès.
2.5.2.1 La chaux aérienne
La chaux aérienne – en solution dans l’eau de gâchage - peut être entraînée sous forme d’ions
aussi loin que l’eau pénètre. La matière la plus active est bien sûr « l’eau de chaux »,
surnageant à la surface d’une pâte immergée. L’eau de chaux ne contient cependant que 1,7
gr/l de chaux. Pour être efficace, le traitement nécessite la répétition des applications. En
répétant les applications, on augmente cependant le risque de voir remonter à la surface des
sels solubles contenus dans le support. Si ces sels sont expansifs, ils risquent de détériorer la
matière proche de la surface – celle qu’il s’agit précisément de consolider.
La solution peut être fournie par le produit vendu sous le nom de CaLoSil par la firme
Freiberg. Le CaLoSil est une dispersion de chaux colloïdale dans une solution d’alcool. Il
contient de 5 à 50 gr de chaux par litre. L’avantage du produit est double :
- chaque application introduit dans le support à durcir plus de matière active que
l’eau de chaux ;
- l’alcool ne met pas un solution les sels éventuellement présent ; aucune migration
n’est donc à craindre.
2.5.2.1. Les silicates
Le silicate d’éthyle est certainement le meilleur durcisseur que l’on puisse trouver sur le
marché. Il a l’avantage, par rapport aux silicates de potasse et de soude, de ne pas introduire
195
dans le support des matières qui peuvent réagir avec le souffre atmosphérique et engendrer
des sels expansifs (arcanite K2SO4 et thénardite Na2SO4).
196
2.5.3. Les Hydrofuges
En matière d’hydrofugation, les matières organiques sont plus performantes que les matières
minérales.
Il ne faut cependant pas négliger les propriétés des chaux et des ciments : un badigeon freine
fortement la pénétration de l’eau dans le support, tout en étant beaucoup plus perméable à la
vapeur qu’un hydrofuge organique.
La chaux aérienne fournit l’hydrofuge minéral le plus performant.
Les silicates n’ont aucun effet en la matière, mais le silicate d’éthyle a des propriétés
hydrofuges considérables avant d’avoir fait prise. Il faut donc respecter un délai de quelques
semaines entre l’application d’un silicate d’éthyle et d’un traitement à base de liant minéral.
197
IV. Les mécanismes de dégradation des liants
1.— Le plâtre :
Trempé dans un volume d’eau, un bloc de plâtre durci CaSO4.2H2O va se dissoudre à raison
de 2 gr. par litre. Après saturation, si l’eau n’est pas renouvelée ou ne s’évapore pas, il ne se
passera plus rien.
Par contre si l’eau est sans cesse renouvelée, le plâtre subira un délavage et fondra
littéralement sous l’effet de la circulation de l’eau.
Si la circulation s’arrête et si une évaporation se produit, les ions Ca++et SO4—en solution dans
l’eau cristalliseront dès que le niveau de saturation sera atteint. Ils fixeront deux molécules
H2O et formeront des efflorescences en surface, ou engendreront des pressions internes si la
cristallisation se fait dans le matériau.
Un cycle répété imprégnation-assèchement provoque très rapidement la dégradation du plâtre
par perte de cohésion interne.
Le plâtre humide peut également être dégradé par des micro-organismes (bactéries) relevant
du cycle du souffre.
2.— La chaux :
161
Les mortiers et les enduits de chaux ont une composition et une texture analogue à celles d’un
grès calcareux, et vont dès lors subir des mécanismes de dégradation semblables à ceux de la
pierre. La très grande porosité des mortiers de chaux aérienne facilite leur délavage par l’eau
de pluie.
3.— Le ciment :
3.a. : Les mortiers et bétons.
Les mortiers de ciments sont compacts et faiblement poreux. Leurs constituants – les
aluminosilicates hydratés - sont pour l’essentiel insolubles dans l’eau, mais certains d’entre
eux sont sensibles à l’action des acides.(CO2, SO3). Seule la chaux hydraté (Ca(OH)2 que
contient le ciment ayant fait prise peut être dissoute par l’eau qui circule à l’intérieur des
fissures et microfissures des matériaux. L’évaporation de l’eau à la sortie du matériau
entraîne la précipitation de la chaux sous forme de concrétions de calcite (CaCO3) :
stalactites, voiles, boursouflures, etc…
La faible porosité des mortiers les protège relativement bien de l’attaque des polluants aériens
(CO2, SO3). Ils sont cependant rapidement détruits s’ils sont mis en contact avec du plâtre
humide (formation d’ettringite ou sel de Candlot avec C3A).
3CaO.Al2O3 + 3(CaSO4.2H2O) + 25H2O → 3CaO.Al2O3.3CaSO4.31H2O
162
3.b. : Le béton armé.
Le béton est un matériau composite, associant des armatures en acier et un béton minéral.
L’assemblage se détruit si l’un ou l’autre de ses composants se désagrège. Dans le béton armé,
l’élément le plus fragile est généralement l’acier.
A ) La carbonatation.
Lors de la prise du ciment, la transformation des silicates bi- et tricalciques en tobermorite
libère une quantité de chaux hydratée.
3CaO.SiO2 + 2CaO.SiO2 + xH2O → 3CaO.2SiO2.3H2O + yCa(OH)2
Au contact du gaz carbonique, la chaux hydratée se transforme en calcite :
Ca(OH)2 + CO2 → CaCO3
Cette réaction se fait sans dommage pour le béton en place et sans affecter sa résistance. La
résistance mécanique de la matière en est même parfois sensiblement augmentée.
La réaction modifie par contre fortement l’état acido-basique de la matière. La chaux hydratée
est en effet une base forte, qui se neutralise sous l’action du gaz carbonique : le PH de Ca
(OH)2 est de 12,5, et tombe à 8-7 pour le CaCO3. Ce phénomène entraîne vers le bas le PH de
l’ensemble du béton, qui, en dessous de la valeur de 9, n’assure plus la passivation des
armatures métalliques.
163
Bruxelles : tour de l’église St Augustin avant restauration.
Du fait de la faible porosité ouverte du béton (entre 10 et 20%) la carbonatation est
relativement lente. Elle progresse rapidement à proximité de la surface pour ralentir ensuite :
la migration possible du gaz carbonique y devient de plus en plus difficile.
Cette migration est en outre bloquée par la présence d’eau : un béton plongé en permanence
dans l’eau ne subit pas le phénomène de carbonatation. On observe que les surfaces
régulièrement battues par la pluie subissent moins le phénomène que les surfaces protégées de
la pluie.
Dans un béton exposé à l’air, on observe donc la progression d’un « front de carbonatation »,
partant des surfaces exposées à l’air et caractérisée par une brusque élévation du PH à la
transition entre le béton affecté et le béton sain.
164
Lorsque le front de carbonatation atteint ou dépasse le niveau des armatures, celle-ci peuvent
s’oxyder.
L’oxyde de fer étant particulièrement expansif, la rouille peut provoquer la fissuration du
béton de surface et à terme l’éclatement de celui-ci.
• La corrosion de l’acier :
Le fer se corrode en milieu aqueux, au contact de l’oxygène. La première étape de la
corrosion de l’acier est une réaction électrochimique de type :
Fe → Fe++ + 2 eAccompagnée d’une réaction de neutralisation des électrons :
H2O + 1/2O2 + 2 e- → 2OHLe fer précipite dès lors sous la forme d’hydroxyde ferreux Fe(OH)2, qui s’oxyde ensuite en
oxydes ferriques hydratés : la goethite (FeO.OH) et la limonite FeO(OH)nH2O.
Ces oxydes cristallisent dans le système orthorhombique et peuvent former une couche solide
qui protège le métal en ralentissant la vitesse de corrosion.
-
Dans un milieu fortement alcalin (PH > 9), la précipitation de la goethite empêche la
réaction de continuer et protège le métal contre toute corrosion ultérieure : le métal est
passivé.
165
-
Lorsque le milieu perd son alcalinité, la corrosion peut se poursuivre par dissolution
de la couche d’oxyde, qui se transforme en limonite amorphe (FeO(OH)nH2O ou
Fe2O3.nH2O). La limonite amorphe est très expansive, ce qui entraîne la fissuration du
béton et favorise la pénétration de l’eau. Le volume de la rouille peut atteindre 10 à 20
fois le volume de l’acier initial.
-
Les oxydes -hématite Fe2O3 et magnétite Fe3O4- cristallisent respectivement dans les
systèmes rhomboédrique et cubique, et ne sont pas expansifs
Il faut rappeler que la corrosion du fer ne peut avoir lieu qu’en présence d’une eau chronique.
La corrosion n’est pas un phénomène instantané. La durée de l’exposition du métal à l’eau
dépend essentiellement du caractère acide de l’eau et de l’alliage du métal. Certains aciers
fortement alliés se corrodent très rapidement, alors que d’autres, placés dans les mêmes
conditions, ne se corrodent jamais (acier « inox »)
Ce phénomène est connu de longue date : c’est pour des raisons de durabilité qu’Eiffel
préférait construire ses ouvrages en fer puddlé plutôt qu’en acier. Certaines fontes de fer
nécessitent une exposition très longue avant de se corroder de manière significative. C’est ce
qui explique que les plaques d’égout ne rouillent pas : la pluie ne dure jamais assez
longtemps. L’on a même produit avec succès des tuiles en fonte, qui se sont révélées d’une
durabilité exemplaire !
La corrosion peut être également accélérée ou ralentie par le potentiel électrique auquel est
soumise la pièce de fer.
Le diagramme de Pourbaix ci-dessous, donne les activités des espèces ioniques en solution,
10-6 mol / l en fonction du PH du mélange et de son potentiel électrique.
2
166
B ) La chloruration.
Les chlorures (NaCl, CaCl2) ont une action corrosive sur les armatures. Ils peuvent, même en
l’absence de carbonatation, provoquer la rouille expansive de l’acier en contact avec l’eau, et
entraîner la destruction du béton d’enrobage.
Les chlorures peuvent avoir principalement deux origines :
-
l’adjonction de CaCl2 lors de la mise en œuvre du béton, de manière à accélérer la
prise ou éviter les effets du gel. Cette « technique » n’est plus appliquée, mais elle a
pu
l’être dans des bâtiments anciens.
-
le sel de déverglaçage des routes qui peut entraîner, par percolation, des dégâts aux
ouvrages d’arts (pont, viaducs…) ou aux structures en contact avec la circulation
automobile (parking à étages…).
C ) Mauvaise mise en œuvre :
La dégradation dénaturée du béton peut également provenir d’une mauvaise mise en œuvre,
notamment :
167
- Mauvais mélange E / C :
- Mauvaise qualité du ciment :
Le ciment peut être de mauvaise qualité et contenir des teneurs parfois élevées de CaO et de
MgO.
Le CaO s’hydrate rapidement, le MgO très lentement. Tout deux provoquent, par hydratation,
des gonflements importants dans un ouvrage qui a déjà fait prise.
- Impuretés contenues dans les agrégats :
-
Sulfates (gypse, anhydrite ou pyrite) qui provoquent une expansion (sel de Candlot).
L’eau de gâchage peut également contenir des sulfates.
-
Matières organiques : perturbent la prise et le durcissement ; diminuent également
l’adhérence entre la pâte de CP et les agrégats.
-
Roches réactives : certaines pierres de silice colloïdale ou microscristalline, telles que
opale, calcédoine,… provoquent une expansion tardive en réagissant avec les alcalis
du ciment. Il y a formation de verre soluble qui, sous forme gélatineuse, migre dans la
masse du béton. Sous l’effet de pressions internes d’origine osmotique, le béton
gonfle, se fissure et perd toute cohésion.
-
Certains verres : plots, carreaux,… sont aussi réactifs. Les surfaces de verre peuvent
être protégées par une membrane étanche.
- Mauvais compactage
- Mauvaise position des armatures
168
Glossaire de minéralogie et de chimie
Anglésite
PbSO4
Akermanite
2CaO.Mg7O.2SiO2
Alcalis
K2O, Na2O, CaO
Alcool éthylique
CH3CH2OH
Alite R
3CaO.SiO2 rhomboédrique
Alite M
3CaO.SiO2 monoclinique
Alite T
3CaO.SiO2 triclinique
Aluminate
RAlOx
Alumine
Al2O3
Alun
KAl(H4SO6)2.8H2O
Ammoniac
NH3
Ammoniaque
NH4OH
Ammonium
NH4+
Anhydrite
CaSO4
Arcanite
K2SO4
Argile
xAl2O3.ySiO2.zFe2O3.nH2O, particules < 4 µm
Bassanite
CaSO4.1/2 H2O
Bélite α
2CAO.SiO2 triclinique
Bélite α
2CAO.SiO2 monoclinique
Bélite β
2CAO.SiO2 monoclinique
Bélite γ
2 CAO.SiO2 orthorhombique
Boehmite
AlO(OH)
Borax
Na2B4O7.10H2O
Brownmillérite
4CaO.Al2O3.FeO3
Brucite
Mg(OH)2
Calcite
CaCO3
Carbonate
R.CO3
Célite
3CaO.Al2O3
Céruse
2PbCO3.Pb(OH)2
Cérusite
PbCO3
Chaux
CaO
Chaux hydratée
Ca(OH)2
Chlorure
R.Cl
Chrysocolle
CuSiO3.nH2O
Cristobalite
SiO2 quadratique
Diaspore
Al(OH)3 orthorhombique
Dittmarite
MgNH4PO4H2O
Dolomite
CaMg(CO3)2
Epsomite
MgSO4.7H2O
Ettringite
3CaO.Al2O3.3CaSO4.32H2O
169
Gehlénite
2CaO.Al2O3.SiO2
Gibbsite
Al(OH)3 monoclinique
Goslarite
ZnSO4.7H2O
Gypse
CaSO4.2H2O
Halite
NaCl
Halloysite
Al4Si4O10(OH)8.4H2O
Hopeïte
Zn3(PO4)2.4H2O
Hydromagnésite
MgO.3MgCO3.4H2O
Hydrosodalite
Na2O.2SiO2Al2O3.nH2O
Illite
KAl3Si3O10(OH)2
Kaolin
Al2Si2O5(OH)4
Kaolinite
Al2Si2O5(OH))4 ou Al2O3.2SiO2.2H2O
Kiesérite
MgSO4.H2O
Kernite
Na2B4O7.4H2O
Litharge
PbO
Magnésie
MgO ou Mg(OH)2
Magnésite
MgCO3
Merwinite
3CaO.MgO.2SiO2
Montmorillonite
NaMgAl5Si12O30(OH)6
Natron
Na2CO3
Opale
SiO2.nH2O
Périclase
MgO
Phosphate
R.HnPO4
Phosphorique (acide)
H3PO4
Portlandite
Ca(OH)2
Potasse
K2O-KOH
Potasse (carbonatée)
K2CO3
Propanol
CH3-CH2-CH2OH, ou CH3-CHOH-CH3
Pyromorphite
Pb5P3O12.Cl
Quartz
SiO2 rhomboédrique
Rankinite
3CaO.2SiO2
Sable
SiO2 , grains > 62 µm
Schertélite
Mg(NH4)2(HPO4)2.4H2O
Silicate
RSiOx
Silice
SiO2
Silt
SiO2 , xAl2O3.yAl2O3.zFe2O3.nH2O , 4 µm < particules < 62 µm
Soude
Na2O, Na(OH)
Smithsonite
ZnCO3
Sphalérite (blende)
ZnS
Sulfate
R.SO4
Struvite
MgNH4PO4.6H2O
Sylvite
KCl
Tetrachlorure
R.Cl4
170
Thénardite
Na2SO4
Tobermorite α
n CaO.2SiO2.mH2O
0,5 < n < 1
Tobermorite β
n CaO.2SiO2.mH2O
1 < n < 1,5
Tobermorite γ
n CaO.2SiO2.mH2O 1,5 < n < 2
Tridymite
SiO2 monoclinique
Turquoise
CuAl6P4O16(OH)84H2O
Wollastonite
CaO.SiO2
Zincite
ZnO
171
Table des matières
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