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Guide des liants minéraux utilisés dans
la construction et la restauration
Introduction
Distinction entre la chimie minérale et la chimie organique
Au cours des deux premiers milliards d’années de l’existence de la terre, on ne trouve à sa
surface que des substances minérales. La terre est née de la condensation d’un mélange de
matière intergalactique et de matières issues de l’explosion d’une supernova. L’écorce
terrestre, plus légère que les matières profondes, est constituée à plus de 99 % d’éléments
oxydés (SiO2, Al2O3, Fe2O3, CaO, Na2O, K2O, …). La chimie qui régla la transformation de la
matière à la surface de la terre durant les deux premiers milliards d’années, est une chimie
purement « minérale ».
Les choses changent, il y a deux milliards et demi d’années, avec l’apparition de la vie,
rendue possible par l’abaissement de la température de la surface terrestre. Des bactéries et
des micro-algues s’attaquent aux matières contenant des oxydes de carbone et parviennent à
rompre, par photosynthèse, la liaison R-C-O au profit d’une liaison R-C-H2. Cette réaction
constitue la base de la chimie « organique », produite par des « organismes » (vivants). La
liaison CH est la clé du monde vivant : elle est à la base de la structure des protéines et de
pratiquement toutes les autres molécules qui constituent les cellules vivantes.
Dans le domaine qui nous occupe, il est très important de distinguer les liants qui relèvent du
monde minéral et ceux qui relèvent de la famille des composés organiques.
- Les liants minéraux sont généralement obtenus par traitement à haute température de
matière minérale, et font prise en présence d’eau. Le carbone ne s’y rencontre que sous la
forme oxydée de CO2 (carbonate).
- Les liants organiques sont synthétisés par des organismes vivants, ou par la science de
l’homme, au départ de matière minérale ou de matière organique préexistante. Leur mode
de prise est complexe, et le carbone s’y rencontre principalement sous la liaison CH.
Les liants ont, selon leur appartenance, des propriétés très différentes : les premiers sont
généralement poreux et capillaires, les seconds sont le plus souvent étanches et hydrophobes.
Les liants minéraux et organiques sont normalement compatibles avec tous les supports
minéraux ; les liants minéraux ne sont quasi jamais compatibles avec les supports organiques.
Cela signifie pratiquement qu’un support minéral ayant reçu un traitement organique ne
pourra plus recevoir le moindre traitement minéral avant l’enlèvement complet du traitement
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organique. Si cet enlèvement est impossible, il ne pourra plus recevoir que de nouveaux
traitements organiques, en gardant bien à l’esprit que les traitements organiques ne sont pas
toujours compatibles entre eux. La diversité croissante des produits de synthèse rend les
choses de plus en plus complexe, d’autant que certaines formules nouvelles s’écartent des
familles classiques. Les silanes SiH4, par exemple, ne répondent pas strictement à la définition
d’un produit organique mais en ont le comportement : le silane SiH4 est hydrophobe, alors
que la silice SiO2 est hydrophile. Le fait que de très nombreux liants sont aujourd’hui vendus
sous forme de mélange préparé, et non pas d’un produit pur, ne simplifie pas les choses.
Certains liants « minéraux » - et vendus comme tel, contiennent trop souvent une part
importante de matières organiques, dont la nature est rarement précisée, au nom de la
protection d’un quelconque secret de fabrication. La mise en œuvre de tels produits peut
rendre problématiques les interventions ultérieures.
Dans le cadre de travaux de restauration et d’entretien de bâtiments historiques, il faut
toujours privilégier les filières purement minérales, et éviter au maximum la mise en œuvre de
produits organiques – exception faite de l’utilisation d’huiles siccatives naturelles.
Tous les liants n’ont pas les mêmes propriétés, ils n’offrent pas tous les mêmes performances,
ne sont pas tous compatibles entre eux, et doivent donc être mis en œuvre à bon escient.
Le présent ouvrage souhaite faire le tour de la question. Il se limite à la description des liants
minéraux, qui font prise en milieu ambiant. Les liants faisant prise à haute température et / ou
sous haute pression (limon, silice fusibles, …) assurant la fabrication des briques, des grès
cérame, du verre, des pierres à meule artificielle, etc., ne seront pas décrits. Il n’abordera pas
non plus, sauf dans la partie historique, les matériaux produits industriellement à basse
température (pierre factice, bloc béton, béton cellulaire, éléments préfabriqués, …).
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Les liants minéraux
I. L’histoire des liants minéraux
1. L’ARGILE
Les mortiers et enduits mis en œuvre dans les temps les plus reculés, ne contenaient aucun
liant.
Dans la ville de Çatal Hüyük, en Turquie, le « plâtre » qui recouvre les murs, sols et plafonds
construits il y a 8000 ans, est de l’argile blanche trouvée sur place et appliquée telle quelle. Le
mortier des murs est constitué de terre mélangée à des cendres et à des débris d’ossements,
mais sans un quelconque liant qui permet d’augmenter la consolidation naturelle de l’argile
après séchage.
En Europe les constructeurs du Néolithique utilisent également l’argile crue pour recouvrir les
sols et les parois de leurs constructions, faites d’éléments de bois et de clayonnage, ou élevées
en pierres sèches. De la paille était généralement utilisée pour armer l’argile.
Dans nos régions, la technique du bois et du torchis connut son apogée au Moyen Age, pour
ensuite lentement décroître et disparaître totalement à l’avènement du 20e siècle.
L’argile a été récemment remise à l’honneur pour son exceptionnelle inertie thermique latente,
et sa capacité de réguler le climat intérieur des immeubles. Elle est aujourd’hui mise à
contribution pour la réalisation d’enduits intérieurs, ou la construction de « bâtiments en béton
d’argile ».
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2. La PIERRE RE-AGGLOMEREE
Au début des années 1980, le professeur français Davidovits, spécialiste en géopolymères
lançait l’idée que les pyramides d’Egypte auraient pu être construites partiellement à l’aide de
pierres artificielles, réalisées au départ d’une pierre naturelle désagrégée, et d’un liant naturel
résultant du mélange de natron, de « mafkat », de chaux et d’argile kaolinitique.
Nous n’entrerons pas dans le débat, sauf pour faire remarquer que cette hypothèse ne peut être
réfutée par la chimie : les ingrédients sont effectivement réactifs et étaient présents en
abondance dans l’Egypte ancienne. (Le développement chimique est fourni dans la partie II.)
La technique serait apparue lors de la construction du complexe de Saqqarah en 2650 avant
JC et aurait été par la suite perdue faute d’un approvisionnement suffisant de l’une des
matières premières, le « mafkat ».
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3. Le PLÂTRE
Les Egyptiens ont probablement été les premiers à utiliser le plâtre, obtenu par la cuisson du
gypse à 120°C. Ils s’en sont notamment servi pour le jointement des blocs de parement en
marbre de la pyramide de Chéops (2600 av. J.-C.).
La température de cuisson exceptionnellement basse explique sans doute la découverte du
plâtre comme liant.
Le plâtre a été mis en œuvre sans discontinuer de l’antiquité à nos jours, essentiellement
comme enduit intérieur ou extérieur (plâtre-chaux), mais aussi, en France, à partir du 17e
siècle, comme mortier pour monter les maçonneries de pierre les voûtes de briques. Le
marbre artificiel développé au 18e siècle en Allemagne (stucmarmor) et en Italie (scagliola)
est fait de plâtre, de colorants et de colle animale.
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