Pour en savoir plus
Le travail dans l’univers concentrationnaire nazi, dossier pour le CNRD 2007, Musée de la Résistance
nationale, 2006, téléchargeable sur le site du MRN (www.musee-resistance.com/cnrd)
2 – Un système pensé pour désorienter et briser l’homme
L’encadrement des camps, pour surveiller, réprimer et punir
Pour faire fonctionner les camps, les autorités SS s’inspirent pour l’essentiel de ce qui a été mis en place
pour les camps ouverts sous l’autorité de l’KL. Une double hiérarchie encadre les détenus, celle des SS et
celle des chargés de fonctions, même si la seconde et étroitement soumise à la volonté de la première.
La hiérarchie des SS est imposée par le RSHA. Dans les camps principaux, le Lagerkommandant a sous ses
ordres le Lagerführer, qui dirige le camp de détention (partie où sont les détenus), assistés de
l‘Arbeitdienstsführer (qui gère les affectations des détenus dans les Kommandos de travail), de Rapport-
führer (qui contrôlent les effectifs, notamment lors des appels) et de Blockführer (qui sont chacun chargé
d’une baraque). Viennent ensuite quelques centaines ou milliers de gardiens SS, affectés à la surveillance et
à la garde statiques du camp ou qui accompagnent les détenus lorsqu’ils se rendent au travail dans les
Kommandos. Ces SS-Totenkopf (distingués par un insigne portant une tête de mort) sont formés à obéir aux
ordres et à appliquer avec la plus grande rigueur le règlement. Leur niveau d’éducation est le plus souvent
sommaire et leur comportement envers les détenus est constamment brutal, soit qu’ils frappent ou tirent
soit qu’ils donnent l’ordre à d’autres de le faire.
L’encadrement SS doit faire face à un problème de recrutement durant la guerre. La mobilisation de tous
les Allemands en mesure de combattre entraîne l’intégration dans la SS de Volksdeutschen (Allemands non
originaires du Reich), de plus en plus nombreux. Les camps de concentration sont dont gardés par des
« Allemands » originaires de Pologne, de Hongrie, de Roumanie, etc. mais aussi par des Waffen-SS ou par
des soldats de la Wehrmacht qui ont revêtu l’uniforme SS. Dans les dernières semaines, dans le chaos de la
fin du système concentrationnaire, les déportés seront parfois placés sous la surveillance de membres des
Jeunesses hitlériennes ou de civils trop âgés pour avoir été intégrés dans l’Armée. Les plus fanatisés
constituent encore une menace pour les détenus qui ont survécu jusque-là.
La seconde hiérarchie qui encadre les déportés est issue de leur rang. Selon une pratique établie dans les
camps d’avant-guerre, les SS délèguent une partie de leur autorité à des détenus repérés pour leur capacité
à se faire respecter, d’abord par le recours à la force, dans sa forme la plus violente. La hiérarchie SS est
doublée par la hiérarchie des détenus chargés de fonction. Le Lagerältester (le « doyen du camp », dont les
compétences s’étendent sur le camp de détention) est chargé de l’administration et a sous ses ordres les
Blockälteste (chefs de Block), les Stubenälteste (chefs de chambrée) et les Stubendienst (chargés de
l’entretien des locaux). La pression qui s’exerce sur ces détenteurs d’une partie du pouvoir délégué par les
SS les incite à se montrer intraitables et brutaux pour obtenir dans les délais les plus courts l’application de
ce qu’ils pensent être attendu de ceux dont ils dépendent. Comment respecter des règles d’hygiène
élémentaires quand la priorité est de bien faire les lits sans s’inquiéter de la vermine qui y grouille ?
Comment faire passer tous les hommes d’une baraque aux lavabos en un minimum de temps alors que la
dysenterie chronique nécessiterait que chacun prennent le temps de bien se laver ? Ce mode de
fonctionnement a forcément des effets contreproductifs, mais l’essentiel est de sauver les apparences.
La clique des Kapos, à qui sont confiées les missions de basses œuvres, est soumise aux mêmes
impératifs. Ne disposant pas le plus souvent d’autre qualification que le fait de savoir aboyer des ordres et
de frapper à coup de schlague sur les détenus, les Kapos savent que leur petit pouvoir – du point de vue
des SS, mais immense du point de vue des détenus – peut leur être enlevé sans motif autre que l’envie d’un
SS de le faire. C’est pourquoi les Kapos entretiennent sciemment le règne de l’arbitraire, suscitant un
climat d’inquiétude permanent et favorisant un certain chaos qui justifie leur utilité et leur permet de
montrer leur aptitude à rétablir l’ordre.
La mise au travail des déportés dans le cadre de la Guerre totale se traduit par une modification de
l’encadrement. Les détenus doivent devenir productifs. C’est pourquoi les déportés se retrouvent
subordonnés à des civils dans les usines ou sur les chantiers où ils sont dorénavant affectés. Ces ingénieurs