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"Un Benelux européen " dans Le Soir (14 mai 1955)
Légende: Le 14 mai 1955, l'économiste belge Louis Ameye examine les avantages et les inconvénients des
propositions de relance européenne basées sur l'expérience de l'Union économique Benelux et plaide pour la
réalisation d'une union douanière ou d'un marché commun général en Europe.
Source: Le Soir. 14.05.1955, n° 133. Bruxelles. "Un Benelux européen ", auteur:Ameye, Louis , p. 1-5.
Copyright: (c) Rossel & Cie SA - LE SOIR, Bruxelles, 2004
Le présent article est reproduit avec l'autorisation l'Editeur, tous droits réservés. Toute utilisation ultérieure
doit faire l'objet d'une autorisation spécifique de la société de gestion Copiepresse [email protected]
URL: http://www.cvce.eu/obj/un_benelux_europeen_dans_le_soir_14_mai_1955-fr703234d2-e0cf-43de-b333-b3fab78f1bf0.html
Date de dernière mise à jour: 05/11/2015
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Un Benelux européen ?
Depuis quelques mois, les thèmes européens se sont assez sensiblement modifiés. Est-ce sous l'action des
événements internationaux qui ont mis l’accent sur des problèmes extra-européens ? Est-ce plutôt sous
l'influence de l’Union de l'Europe occidentale qui est beaucoup plus atlantique que strictement européenne ?
Il serait difficile de le dire. Il n'en demeure pas moins que, du point de vue politique, les idées européennes
sont, aujourd'hui, beaucoup plus largement ouvertes vers l'extérieur. Du point de vue économique, le rejet
d'une formule limitée aux six pays du plan Schuman nous a fait entrer dans une période d'indécision qui n'est
pas près de se terminer.
Les problèmes de l'économie européenne n'en demeurent pas moins ce qu'ils étaient. Si, apparemment, nous
avons atteint un certain équilibre et si nous connaissons, en Europe, un état de prospérité tel que nous n'en
avons pas connu depuis la guerre, aucun des problèmes structurels de l’économie européenne n'a cependant
été résolu. Nos marchés nationaux sont toujours strictement compartimentés, les monnaies européennes ont
fait des progrès sur le chemin de la convertibilité, mais demeurent, pour une large part, inconvertibles et,
enfin, le marché commun, qui aurait pu donner à l'Europe des entreprises d'une taille plus grande et d'une
productivité plus élevée, n'existe que pour le charbon et l'acier.
Dès lors, il n'est pas étonnant que des propositions nouvelles voient le jour en vue d'atteindre ces objectifs
permanents d'une économie européenne.
Parmi ces propositions, il en est deux qui ont été faites récemment et qui, pour des raisons évidentes,
méritent de retenir particulièrement l'attention.
La première de ces propositions tend à élargir Benelux et à y faire adhérer d'autres pays de l'Europe
occidentale.
La seconde proposition porte essentiellement sur une réduction progressive des droits de douane dans le
commerce intra-européen.
Que peut-on penser à l'heure actuelle de ces deux propositions et dans quelle mesure peuvent-elles donner
lieu à une action utile ?
Élargir Benelux
La proposition qui vise à élargir Benelux part d'un excellent principe. Dès le moment où on a rejeté la
formule d'une intégration spécialisée par secteurs du type de la CECA, il est naturel que l'on se tourne vers
la formule globale qui porte sur toutes les branches de l’économie par la réduction ou la disparition des
entraves aux échanges. L'Union Benelux est basée sur ce principe et, pour atteindre ses objectifs, il n'a fallu
ni le recours à une autorité supranationale ni aucun abandon de souveraineté nationale. Benelux n'est même
pas une fédération économique, c'est beaucoup plus simplement une union douanière qui cherche à se
transformer en union économique.
On pourrait appliquer la même formule à d'autres pays européens. Par contre, il paraît dangereux de vouloir
élargir Benelux. Car l'adhésion de pays voisins qui sont tous d'une importance économique nettement
supérieures à la nôtre, ferait sans doute très rapidement éclater Benelux lui-même.
On ne peut oublier, en effet, que Benelux est l'œuvre de trois pays qui ont bien des choses en commun ou, si
l'on préfère, de deux entités économiques, l'Union économique belge-luxembourgeoise et la Hollande qui,
pour toutes sortes de raisons, peuvent, malgré des différences superficielles, prendre une position commune
dans un certain nombre de problèmes économiques, commerciaux et monétaires.
C'est parce qu'il y avait à la base de Benelux un certain nombre d'éléments permanents de rapprochement
que des résultats favorables ont été obtenus malgré l'absence d'institutions communes.
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Il en serait fort différemment si on cherchait à rallier autour de ce noyau central des entités économiques
beaucoup plus grandes et qui n'auraient pas les mêmes raisons d'adopter des points de vue semblables dans
les problèmes qu'une union économique ou même simplement douanière doit résoudre presque tous les
jours.
Le résultat le plus clair serait que nos trois pays seraient amenés à ralentir les progrès de leur union ou même
à revenir en arrière sur un certain nombre de résultats déjà acquis pour que les nouveaux membres de cette
union économique ou douanière puissent faire les mêmes concessions douanières, commerciales et
industrielles.
De plus, l'Union économique Benelux est jusqu'à présent largement centrée sur elle-même c'est-à-dire que
chacun des membres entretient un courant commercial extrêmement important avec les autres partenaires. Il
n'en serait probablement plus de même si Benelux était élargi et, pour prendre un exemple concret, si
l'Allemagne faisait partie de Benelux, il est vraisemblable que le commerce hollando-allemand deviendrait
infiniment plus important que le commerce hollando-belge. De même, si la France adhérait à cette union
douanière, il est vraisemblable que le commerce franco-belge prendrait une importance croissante et
dépasserait probablement le commerce entre notre pays et les Pays-Bas.
C'est dans ce sens que l'on peut penser que l'élargissement de Benelux à nos grands voisins signifierait
l'éclatement de ce même Benelux.
Réduire les droits de douane
Si tant est qu'il faut en arriver à appliquer le principe qui est à la base de Benelux, il faudrait alors élargir
considérablement le domaine dans lequel une union douanière tout d'abord, et ensuite une union économique
pourraient être réalisées.
On en vient ainsi à la seconde proposition qui paraît, à l'heure actuelle, à la fois plus réaliste et plus efficace.
Réduire les droits de douane d'une quotité annuelle déterminée est un pas que l’on peut tenter dans la
constitution d'un marché commun européen.
Bien sûr, il y aurait un certain nombre d'obstacles à résoudre.
Et tout d'abord, plusieurs grands pays européens ne sont pas libre-échangistes. Leur tradition est plutôt
protectionniste et cette tradition est renforcée par un ensemble de règles et de réglementations en vigueur
depuis la fin de la guerre.
Le second obstacle est d'ordre juridique. La plupart des pays européens ont consenti à un grand nombre
d'autres pays situés en dehors de l'Europe le bénéfice de la clause de la nation la plus favorisée. Cela signifie
qu'ils sont juridiquement tenus de faire à ces pays extra-européens les mêmes concessions douanières qu'ils
feraient à des pays européens. Le seul moyen de tourner cette dernière difficulté serait de considérer les pays
européens comme faisant partie d'une union douanière en formation. Dans ce cas, on pourrait faire, d'une
façon justifiée, exception à la clause à la nation la plus favorisée.
Où cette action pourrait-elle être le plus utilement menée ? Tout d'abord à l'Organisation européenne de
coopération économique qui a déjà réalisé des choses importantes dans la voie de la réduction des entraves
au commerce intra-européen.
Ensuite, à l'organisation connue sous le nom de GATT ou Organisation pour l'accord général sur le
commerce et les tarifs. C'est cette dernière organisation, plus internationale qu'européenne, qui devrait
reconnaître en droit la formation d'une union douanière européenne. Mais encore une fois, l'impulsion
devrait partir de l’OECE qui est aujourd'hui l'organisme le mieux placé et le seul habilité à pratiquer une
pareille politique.
L'abaissement progressif des droits de douane se concilie d'ailleurs fort bien avec toute autre méthode pour
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intensifier ou accélérer la formation d'un marché commun en Europe. En fait, elle se borne à supprimer des
obstacles à la constitution de ce marché; elle ne préjuge en rien ce qui peut être fait dans d'autres secteurs.
C'est pourquoi une pareille mesure paraît non seulement réalisable mais encore particulièrement efficace.
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