Un Benelux européen ?
Depuis quelques mois, les thèmes européens se sont assez sensiblement modifiés. Est-ce sous l'action des
événements internationaux qui ont mis l’accent sur des problèmes extra-européens ? Est-ce plutôt sous
l'influence de l’Union de l'Europe occidentale qui est beaucoup plus atlantique que strictement européenne ?
Il serait difficile de le dire. Il n'en demeure pas moins que, du point de vue politique, les idées européennes
sont, aujourd'hui, beaucoup plus largement ouvertes vers l'extérieur. Du point de vue économique, le rejet
d'une formule limitée aux six pays du plan Schuman nous a fait entrer dans une période d'indécision qui n'est
pas près de se terminer.
Les problèmes de l'économie européenne n'en demeurent pas moins ce qu'ils étaient. Si, apparemment, nous
avons atteint un certain équilibre et si nous connaissons, en Europe, un état de prospérité tel que nous n'en
avons pas connu depuis la guerre, aucun des problèmes structurels de l’économie européenne n'a cependant
été résolu. Nos marchés nationaux sont toujours strictement compartimentés, les monnaies européennes ont
fait des progrès sur le chemin de la convertibilité, mais demeurent, pour une large part, inconvertibles et,
enfin, le marché commun, qui aurait pu donner à l'Europe des entreprises d'une taille plus grande et d'une
productivité plus élevée, n'existe que pour le charbon et l'acier.
Dès lors, il n'est pas étonnant que des propositions nouvelles voient le jour en vue d'atteindre ces objectifs
permanents d'une économie européenne.
Parmi ces propositions, il en est deux qui ont été faites récemment et qui, pour des raisons évidentes,
méritent de retenir particulièrement l'attention.
La première de ces propositions tend à élargir Benelux et à y faire adhérer d'autres pays de l'Europe
occidentale.
La seconde proposition porte essentiellement sur une réduction progressive des droits de douane dans le
commerce intra-européen.
Que peut-on penser à l'heure actuelle de ces deux propositions et dans quelle mesure peuvent-elles donner
lieu à une action utile ?
Élargir Benelux
La proposition qui vise à élargir Benelux part d'un excellent principe. Dès le moment où on a rejeté la
formule d'une intégration spécialisée par secteurs du type de la CECA, il est naturel que l'on se tourne vers
la formule globale qui porte sur toutes les branches de l’économie par la réduction ou la disparition des
entraves aux échanges. L'Union Benelux est basée sur ce principe et, pour atteindre ses objectifs, il n'a fallu
ni le recours à une autorité supranationale ni aucun abandon de souveraineté nationale. Benelux n'est même
pas une fédération économique, c'est beaucoup plus simplement une union douanière qui cherche à se
transformer en union économique.
On pourrait appliquer la même formule à d'autres pays européens. Par contre, il paraît dangereux de vouloir
élargir Benelux. Car l'adhésion de pays voisins qui sont tous d'une importance économique nettement
supérieures à la nôtre, ferait sans doute très rapidement éclater Benelux lui-même.
On ne peut oublier, en effet, que Benelux est l'œuvre de trois pays qui ont bien des choses en commun ou, si
l'on préfère, de deux entités économiques, l'Union économique belge-luxembourgeoise et la Hollande qui,
pour toutes sortes de raisons, peuvent, malgré des différences superficielles, prendre une position commune
dans un certain nombre de problèmes économiques, commerciaux et monétaires.
C'est parce qu'il y avait à la base de Benelux un certain nombre d'éléments permanents de rapprochement
que des résultats favorables ont été obtenus malgré l'absence d'institutions communes.