MANAGEMENT ETHIQUE
LE MANAGE MENT-IL ?
Florence Mazeau
fV3gC
Ecole de commerce EMLYON Business School, Lyon.
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MANAGEMENT ETHIQUE
LE MANAGE MENT-IL ?
fV3gC
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ANGLE DAPPROCHE
A l’approche de l’entrée dans la vie active, bon nombres de questions effleurent les étudiants
que nous sommes aujourd’hui, et les décideurs de nos sociétés que nous serons demain. Le cadre de
cet essai sur le rôle de l’éthique professionnelle m’a permis de mettre par écrit les interrogations
soulevées par ma formation en école de commerce.
En effet, cette dernière nous inculque le très précieux triptyque savoir, savoir-faire et savoir-
être, afin de faire de nous des managers responsables à travers le monde. Mais à l’heure de multiples
bouleversements dans les différentes sphères de notre société économique, sociale,
environnementale et politique- il semble plus que jamais nécessaire de réfléchir sur ce savoir-être
qu’on nous propose, ce comportement responsable à travers ce qu’on appelle le management éthique
dans le milieu professionnel car ce dernier subit les brutales transformations induites par la crise
actuelle.
Dans une époque caractérisée par un effacement des repères, c’est dans une optique
modeste que je cherche à mettre en perspective ce vaste sujet qu’est le management éthique, tant
dans son contenu que par le prisme par lequel on nous l’inculque, puisque les écoles de commerce
sont souvent perçues comme oxymores de l’éthique, comme le souligne le célèbre pamphlet de
Florence Noiville « J’ai fait HEC et je m’en excuse », elle accuse les écoles de commerce d’avoir
déformé des générations d’étudiants dans leur pratique d’éthique appliquée au monde des affaires.
La démarche sera donc d’interroger la crise comme opportunité de questionnement radical sur
le management pour voir ce que peut être un leadership responsable et redonner à l’éthique toute sa
place dans le milieu professionnel, c’est-à-dire dans une entreprise dite humaniste, ce qui n’est pas
toujours le cas comme le laisse sous-entendre avec ironie ce titre de la revue Alternatives
Economiques « Quelques grammes d’éthique dans un monde de truands ».
RESUME
Après la crise financière et économique, va-t-on se trouver face à une crise du management ?
Si le management est l’art de rendre efficace une action collective, il est certain que la brutalité que la
crise actuelle implique va bouleverser les pratiques des entreprises en la matière.
Le présent essai s’interroge donc sur la notion d’éthique professionnelle pour essayer d’en
dégager sa pertinence malgré un effet de mode incontesté au sein d’un nouveau paradigme
professionnel. Enfin, une flexion sur le management éthique et son état actuel est entreprise afin de
cerner ses enjeux principaux.
SOURCES
Paul RICOEUR, P., « Éthique », dans M.
Canto-Sperber (dir.), Dictionnaire d’éthique et
de philosophie morale
Paul RICOEUR, Soi-même comme un autre -
Hans JONAS, Le principe Responsabilité : une
éthique pour la civilisation technologique
Maurice THEVENET, Manager dans la crise
Sa Sainteté le DALAI-LAMA et Laurens Van
Den MUYZENBERG, Ce que le bouddhisme
peut apporter aux managers
Jean-Philippe MELCHIOR, Le management du
social
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1 L’ETHIQUE PROFESSIONNELLE, QUELLE FINALITE : MIEUX VOIR OU MIEUX ETRE
VU ?
1.1 QUENTENDRE PAR ETHIQUE PROFESSIONNELLE ?
A l’origine de cet essai, un paradoxe, une question personnelle qui ne cesse de m’interloquer.
En effet, réfléchir sur la place de l’éthique dans le milieu professionnel souligne que l’éthique
professionnelle apparaît comme un nouveau défi à l’entreprise et à ses managers, alors qu’en réalité
elle est censée être son socle même. Le propos n’est donc pas d’interroger la légitimité d’une
« éthique des affaires », puisque l’on part du postulat que l’éthique des affaires n’est pas un oxymore,
puisqu’en effet si conflit de valeurs il y a, le dilemme semble être réglé par ce qu’affirme Comte-
Sponville « c’est précisément parce qu’il n’y a pas de morale dans l’entreprise qu’il doit y avoir de la
morale dans l’entreprise (…) c’est parce que l’entreprise n’en a pas que les individus qui y travaillent
ou la dirigent se doivent d’en avoir une »
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. Si Comte-Sponville parle de morale, les entreprises
s’inscrivent plutôt dans la tendance actuelle à parler plus proprement d’éthique, mais alors qu’elle est
la nuance ?
L’éthique se différencie de la morale en ce que la morale n’intègre pas les contraintes de la
situation, la morale est donc binaire, elle se préoccupe de ce qui est bon ou mal, en fonction des
principes qu’elle a érigés. L’éthique au contraire n’a de sens que dans une situation : c’est une
disposition individuelle à agir selon les vertus pour rechercher la bonne décision dans un contexte
donné. De ces nuances émerge le concept d’éthique professionnelle comme une éthique de
l’urgence, en effet, la réflexion éthique a souvent pour objets des cas embarrassants, des dilemmes
difficiles à trancher. Pour autant, cette éthique professionnelle de l’immédiat doit à la fois reposer sur
une dimension morale collective (il ne s’agit d’ignorer les principes moraux universels) et sur une
dimension éthique plus personnelle (quelle décision dois-je prendre dans le cas auquel je suis
confronté). La réflexion éthique permet alors de déterminer les valeurs qui constituent des raisons
d’agir acceptables par l’ensemble de l’entreprise, et par extension, de la société.
Ainsi, l’éthique d’entreprise est une éthique-en-contextes, une éthique appliquée
quotidiennement au travail, c’est-à-dire une éthique des hommes pris individuellement et
collectivement en tant que travailleurs dans leurs activités et comportements professionnels de
production ou service. Par conséquent, l’éthique devient de plus en plus une compétence
professionnelle, indispensable dans le but d’accomplir le paradigme dont parle Paul Ricœur dans sa
définition de l’éthique en tant que « la vie bonne, avec et pour les autres, dans des institutions
justes »
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.
1.2 L’ETHIQUE DENTREPRISE, UN BESOIN REEL OU PASSAGER ?
La crise que connaissent nos sociétés se doit d’être interrogée comme une opportunité de
réflexion sur son fonctionnement et ses enjeux. L’actualité d’une éthique des affaires en souligne la
préoccupation de tout en chacun devant de nombreuses dérives et scandales. Mais justement, parler
autant d’éthique professionnelle de nos jours, n’est-ce pas également révéler nos doutes quant à son
efficacité et son pouvoir dans le milieu des affaires ?
Force est de constater que les entreprises se sont dotées de démarches éthiques pour faire
face à des erreurs et des scandales, notamment de corruption. Le management éthique s’est
d’ailleurs instauré pour pondre à des changements de paradigmes professionnels en constante
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Comte-Sponville, Le capitalisme est-il moral ?
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Paul Ricoeur, Soi-même comme un autre
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évolution- entreprise virtuelle, les Technologies de l’Information et de la Communication, le télétravail,
etc.
L’éthique du travail, ou la responsabilité sociale, correspond donc à un el besoin en
profondeur des entreprises face à une perte de repères dans un monde dont ses possibilités nous
dépassent, comme le souligne Hans Jonas « l’éthique est là pour ordonner les actions et pour réguler
le pouvoir d’agir. Elle doit donc exister d’autant plus que les pouvoirs de l’agir qu’elle doit réguler sont
grands »
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, c’est-à-dire dans un environnement techno-professionnel toujours plus performant voire
angoissant.
1.3 ETHIQUE DENTREPRISE ET MANAGEMENT ETHIQUE : UNE QUESTION DE POSTURE ?
L’éthique d’entreprise peut donc avoir une finalité interne : elle répond à un besoin croissant
pour mieux anticiper les besoins de l’entreprise et des individus qui la composent. Elle permet ainsi de
« mieux voir », mais l’éthique des affaires et ses dérivés, tel que le management d’éthique, se doivent
d’être interrogés objectivement puisqu’en effet la finalité externe « mieux être vu »- pourrait
l’emporter sur le débat axiologique.
En cela le récent scandale d’Ikea concernant l’espionnage de ses salariés souligne que les
pratiques non éthiques sont parmi les faits les plus réprimandés par l’opinion publique. L’éthique
professionnelle est une attente tant de la part des employés que des clients et des concurrents. Le
management éthique est un critère d’attractivité principal pour les personnes entrant sur le marché qui
recherchent dorénavant une entreprise où il fait bon vivre.
Les entreprises ont donc tout intérêt à se parer d’éthique et elles le revendiquent
publiquement comme un critère de compétitivité. Les comités d’éthique d’entreprise fleurissent, les
entreprises se comparent, s’émulent ; l’éthique d’entreprise devenue composante de son ’identité joue
dorénavant en grande partie dans l’affrontement commercial des grands groupes. Ainsi, l’Oréal
revendique ses fondements dans le respect
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: respect du droit, de la personne humaine, du
consommateur et de l’environnement, alors que Danone accentue son système de valeurs sur
l’environnement interne
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à travers les vertus de l’ouverture, l’enthousiasme, l’humanisme et la
proximité.
L’éthique d’entreprise et ses procédés éthiques comme un management humain, sont alors
une volonté ontologique de se différencier des autres entreprises. D’où l’ironie de la célèbre
expression « Ethics pay » car l’éthique est une stratégie redoutable, un réel investissement si l’on peut
dire.
2 MANAGER DANS LA CRISE OU LA CRISE DU MANAGEMENT
2.1 MANAGER, CETTE MISSION HUMAINE, TROP HUMAINE
Le management éthique, si naturel et humain dans sa conception, n’est pas chose facile au
quotidien. Afin de mieux cerner son rôle clé en entreprise, il convient d’avoir une vision plutôt
holistique et d’en souligner les attentes sociétales.
En effet, il convient de rappeler qu’une entreprise éthique est celle qui produit de manière
légale et juste, qui respecte tant les normes occidentales que celles universelles. Or, s’arrêter à une
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Hans Jonas, Le principe Responsabilité : une éthique pour la civilisation technologique
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www.loreal.fr
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www.danone.fr
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