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1 L’ETHIQUE PROFESSIONNELLE, QUELLE FINALITE : MIEUX VOIR OU MIEUX ETRE
VU ?
1.1 QU’ENTENDRE PAR ETHIQUE PROFESSIONNELLE ?
A l’origine de cet essai, un paradoxe, une question personnelle qui ne cesse de m’interloquer.
En effet, réfléchir sur la place de l’éthique dans le milieu professionnel souligne que l’éthique
professionnelle apparaît comme un nouveau défi à l’entreprise et à ses managers, alors qu’en réalité
elle est censée être son socle même. Le propos n’est donc pas d’interroger la légitimité d’une
« éthique des affaires », puisque l’on part du postulat que l’éthique des affaires n’est pas un oxymore,
puisqu’en effet si conflit de valeurs il y a, le dilemme semble être réglé par ce qu’affirme Comte-
Sponville « c’est précisément parce qu’il n’y a pas de morale dans l’entreprise qu’il doit y avoir de la
morale dans l’entreprise (…) c’est parce que l’entreprise n’en a pas que les individus qui y travaillent
ou la dirigent se doivent d’en avoir une »
. Si Comte-Sponville parle de morale, les entreprises
s’inscrivent plutôt dans la tendance actuelle à parler plus proprement d’éthique, mais alors qu’elle est
la nuance ?
L’éthique se différencie de la morale en ce que la morale n’intègre pas les contraintes de la
situation, la morale est donc binaire, elle se préoccupe de ce qui est bon ou mal, en fonction des
principes qu’elle a érigés. L’éthique au contraire n’a de sens que dans une situation : c’est une
disposition individuelle à agir selon les vertus pour rechercher la bonne décision dans un contexte
donné. De ces nuances émerge le concept d’éthique professionnelle comme une éthique de
l’urgence, en effet, la réflexion éthique a souvent pour objets des cas embarrassants, des dilemmes
difficiles à trancher. Pour autant, cette éthique professionnelle de l’immédiat doit à la fois reposer sur
une dimension morale collective (il ne s’agit d’ignorer les principes moraux universels) et sur une
dimension éthique plus personnelle (quelle décision dois-je prendre dans le cas auquel je suis
confronté). La réflexion éthique permet alors de déterminer les valeurs qui constituent des raisons
d’agir acceptables par l’ensemble de l’entreprise, et par extension, de la société.
Ainsi, l’éthique d’entreprise est une éthique-en-contextes, une éthique appliquée
quotidiennement au travail, c’est-à-dire une éthique des hommes pris individuellement et
collectivement en tant que travailleurs dans leurs activités et comportements professionnels de
production ou service. Par conséquent, l’éthique devient de plus en plus une compétence
professionnelle, indispensable dans le but d’accomplir le paradigme dont parle Paul Ricœur dans sa
définition de l’éthique en tant que « la vie bonne, avec et pour les autres, dans des institutions
justes »
.
1.2 L’ETHIQUE D’ENTREPRISE, UN BESOIN REEL OU PASSAGER ?
La crise que connaissent nos sociétés se doit d’être interrogée comme une opportunité de
réflexion sur son fonctionnement et ses enjeux. L’actualité d’une éthique des affaires en souligne la
préoccupation de tout en chacun devant de nombreuses dérives et scandales. Mais justement, parler
autant d’éthique professionnelle de nos jours, n’est-ce pas également révéler nos doutes quant à son
efficacité et son pouvoir dans le milieu des affaires ?
Force est de constater que les entreprises se sont dotées de démarches éthiques pour faire
face à des erreurs et des scandales, notamment de corruption. Le management éthique s’est
d’ailleurs instauré pour répondre à des changements de paradigmes professionnels en constante
Comte-Sponville, Le capitalisme est-il moral ?
Paul Ricoeur, Soi-même comme un autre