comme relevant du palier immédiatement inférieur, à savoir les « stratégies » et les « pratiques », a luimême
vocation à être intégré dans le niveau supérieur des « cultures »15. A ce principe d’organisation hiérarchique
s’opposelaperspectivetypologiquedumodèlesociosémiotique.Entermesmétaphoriques,àl’imageverticalede
couchessuperposéessesubstituealorscelle,horizontale,d’unearticulationentrelescasesd’une«table»ou,en
termes plus sémiotiques, entre les postes d’un « carré » (en l’occurrence aménagé en forme d’ellipse). S’y
interdéfinissentquatrerégimesinteractionnelscorrespondantauxfigurestypesévoquéesplushaut:lesrégimes
dela«manipulation»,dela«programmation»,del’«ajustement»(àl’autre)etdel’«assentiment»(àl’aléa,à
l’accident).Setouchantbordàbordmaispouvantaussisechevaucher,ilssontcensésrecouvrirl’espacedusens
danssonentier.Etdanscecadre,cesontlescaractéristiquespropresàchacundesespacespartielsrésultantdela
différenciationentrecesrégimes,euxmêmesrégispardesprincipesdeconstructiondusensdistincts—principes
d’«intentionnalité»,de«régularité»,de«sensibilité»etd’«accidentalité»(àleurtourinterdéfinissurlabase
delacatégorieélémentaire«continuité»versus«discontinuité»)—quipermettentdedistinguer,parvoiede
conséquence,autantde«stylesdevie»16.
Pour reprendre deux des principaux points mis en avant plus haut, tandis que d’un côté, en termes de
sémiotiquetensive,les«formes»devie,localiséesàunétagedéterminéd’unepyramide,serattachent,depalier
enpalier,à«l’ensembledesstructuresdéfinissantunprojetdevie»,del’autrecôté,selonlepointdevuesocio
sémiotique,les«styles»devie,vuscommel’expressiond’organisationsstructurellessousjacentescorrespondant
auxgrandesunitésd’unetypologie,constituent,chacunprisunàun,une«déformationcohérente»detousles
autres.Onadoncaffaireàdeuxtypesdegrandeursfoncièrementdifférentes,dusimplefaitqu’ellessedessinent
etprennentplaceàl’intérieur(pourles«formes»)ouàlamarge(pourles«styles»)d’espacesthéoriqueseux
mêmestoutàfaitdifférentsquantàleursprincipesdeconstruction.
Cependant,malgrécesdifférencesentermesdeconstructionetdelocalisation,liéesàl’architecturedechacun
desdeuxmodèles,quandonchercheàvoirdeplusprèscequesontaujusteces«formes»ouces«styles»,il
paraîtbientôtévidentqu’onaaffaireàdesnotionsqui,sousdesétiquettesdifférentes,partagentàbiendeségards
unmêmeairdefamille(pourpuiserànotretour,demanièretoutaussisuperficielle,danslelexiquedelamême
vulgate philosophique). Comme si elles s’étaient formées à partir du même noyau. Et il n’y a là rien de très
étonnant. Car avant que les deux approches en question ne prennent tournure et ne se différencient l’une de
l’autre,quelquechosequileurresteraeffectivementcommun,dumoinsencequiconcernelesenjeuxconceptuels
dela querelle de mots qui nous occupe, avait déjàété façonné, plus discrètement, pas tout à fait surune autre
scènemaisaumilieud’autresdécorset,commeonvalevoir,parunautreacteurdelamêmetroupe.
Cela veut dire que notre troisième épisode, lui aussi, se divise en deux Actes. En gros, l’un s’est joué avant,
l’autreaprèsl’an 2000. Pour biencomprendrelesecond, que nous venonsd’évoquer,pourmieux apprécier les
conditionsdanslesquellesonyvoitsepréciserlestatut,sémiotiqueounon,decetobjetdénommétantôtforme,
tantôtstyle(devie),ilfauttenircomptedecequis’étaitpasséprécédemment,pendantlepremier.Ilconvientpar
conséquentdereveniruninstantenarrièrepourseleremémorer,oupourl’indiqueràceuxquin’yauraientpas
assisté.
*
En1995,JeanMarieFlochavaitpubliésonquatrièmelivre,Identitésvisuelles17,livremodestementconsacré,
commelesprécédents,àdes«objetsdesensconcrets»,etcomplémentairementaux«idéologiespublicitaires»
qui s’y greffent. « Mordre sur la réalité », refuser que la sémiotique puisse « n’être qu’une philosophie du
langage»étaitpourlui,confietildansl’Introduction,«uneexigenceintime».Pourcesraisonssansdoute,ce
livre,commelesprécédents,neretintguèrel’attentiondeceuxquesonauteurappelaitles«sémioticiensdehaut
vol».Ecritd’uneplumealerteetpresquefamilière,etdesurcroîtaussipeujargonnantequepossible,sontravail
avaitensommetoutcequ’ilfallaitpourêtreparavancejugé«trivial»danslecénacle,ouentoutcassansportée
parrapport auxdébatsthéoriquesdumoment. Lapreuve:hormisun trèsbrefpassaged’ordrespéculatif assez
obscur évoquant sous forme interrogative la possibilité d’intégrer dans un seul modèle, de type génératif, les
formesdevie(définies,selonlaperspectivetensive,entermesde«tempo»)etlesstylesdevie(envisagés,selon
l’optiquesociosémiotique,entermesrelationnelsetproxémiques)18,iln’yétaitnullepartquestion(niafortiori
faitusage)del’unenidel’autredecesnotions.
Et pourtant, si on relit cet ouvrage à présent, on constate que dans l’ordre d’idées dont relèvent ces deux
notions,ilmetenplace,pourlapremièrefoisdemanièreextensiveetvéritablementpalpable(biendavantageque
cen’étaitlecasdanslesprolégomènessibyllinsduséminairede1991etdanslamajeurepartiedudossierdela
RSSIquiyfitsuite),unmodèlethéoriqueimplicitedonttouteslesdimensionsréapparaîtrontbientôt,lesunes
principalementdans lecadrede ce quelathéorie tensiveallaitproposer danslemême ordred’idées,les autres
surtoutdanslecadredelasociosémiotique.Decepointdevue,onabienlàunlieuproblématiqueet,encesens,
surleplanconceptuel,un«objet»qu’onpeutconsidérercommeundeleursnoyauxcommuns.
Quelestildonc?Nousserionsbienenpeinedeledired’unmot.Car,bienqu’ils’agissed’unobjetdepensée
sémiotiquementonnepeutmieuxconstitué,ilal’inconvénient(àmoinsquecenesoitunavantage?—nousy
reviendrons)deresterunobjetsansnomou,cequirevientaumême,quipeutprendrecentnoms—maisquine
prendentoutcas,chezFloch,nilenomde«forme»niceluide«style»devie.S’iln’apasdedénomination
arrêtée, il a du moins, bien sûr, une définition. Mais cette définition est ellemême oblique, produite par
approchessuccessives,sousformed’approximationsconstammentreprises,sortesdemodulationsoùl’innovation
semêleàlarépétition.Encela,d’ailleurs,Flochprocèded’unemanièreprochedecelledesonhéros(oudeson
modèleépistémique?),lebricoleur,luiquines’enfermejamaisdansl’exécutiondeprogrammesprédéfinismais