Musique de Cour
arabo-turque
Création pour le éâtre de la Ville de Paris
(28 janvier 2006)
“Depuis plus de dix ans, le éâtre de la Ville de Paris m’invite
à présenter chacun de mes nouveaux concerts. A cette occasion,
j’ai créé, avec l’ensemble Al-Kindî, le 28 janvier 2006, ce nouveau
programme : “Musique arabo-turque de l’Empire ottoman”.
Jusqu’à présent, j’ai puisé principalement mon répertoire dans la
tradition orale arabe citadine de la Syrie, de l’Egypte, de l’Irak et
de la Tunisie, dont la transmission fut assurée par les grands chan-
teurs avec lesquels nous avons longtemps collaboré : Sabri Mou-
dallal, Sheikh Hamza Chakour, Sheikh Ahmed Habboush, Adib
Daiykh, Omar Sarmini, Hussein Al ‘Azami et Lotfi Bouchnak.
Aujourd’hui, le timbre de l’Ensemble Al-Kîndi est arrivé à maturité
grâce à certains choix esthétiques et surtout grâce à la présence de
mes amis, Ziad Kadi Amin au ney, Adel Shams El Din au riqq,
Mohamed Qâdri Dalal au oud.
Les instruments à cordes européens (violon, alto, violoncelle,
contrebasse) ont été intégrés relativement récemment dans les en-
sembles orientaux, au point d’acquérir une position dominante,
voire écrasante. J’ai toujours veillé à les supprimer autant que
possible, car ils sont conçus pour interpréter notre musique po-
lyphonique. Leur introduction est à mon sens entachée d’un pé-
ché originel, celui d’un complexe absurde vis-à-vis de l’Orchestre
symphonique. Sans parler, bien sûr, de l’incompatibilité absolue
du langage « maqamien » avec le tempérament égal du piano, de la
guitare ou autres instruments à vent occidentaux. Il y a, en revan-
che, pertinence à introduire des instruments voisins dans « l’arbre
phylogénétique » des musiques savantes monodiques de l’Orient, à
savoir les instruments issus des traditions arabe, grecque, turque,
persane, azérie... Il ne faut pas oublier qu’ont circulé, de siècle en
siècle, de Cour en Cour, dans les vastes empires musulmans, des
musiciens raffinés ignorant les frontières linguistiques. Ils étaient
capables de jongler avec les diversités microtonales du langage mo-
dal, le maqâm, et rythmiques, le usul.
Après tant de disques produits et tant de tournées effectuées de
par le monde, j’ai senti que mon approche esthétique et méthodo-
logique avait porté ses fruits et qu’il était important d’aborder de
nouveaux horizons. Cette création est probablement ma première
expérience véritablement syncrétique et l’amorce d’un change-
ment de perspective de l’Ensemble Al-Kîndi depuis sa création
en 1983.
Hormis la tradition orale dont le vecteur principal est la confrérie
soufie, les transcriptions arabes dont on dispose sont souvent dé-
fectueuses et ne remontent guère au-delà de la fin du XIXe siècle.
Dans ma fièvre épistémologique et faisant fi des ostracismes inter-
culturels, j’ai entrepris l’étude des sources ottomanes avec deux
manuscrits du XVIIe siècle d’Istanbul : le premier, rédigé vers
1650 en notation occidentale par le joueur de santour Ali Oufqi
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