transférés, imprimés sur du coton. Son activité professionnelle est, entre autres, tendue vers l’intégration des
étrangers en situation irrégulière, plus particulièrement les victimes de traumatisme psychique à la suite de conflits
militaires ou civils. Le désordre ou l'ordre subjectif qui semble régner sur son bureau est fait de strates plus ou
moins tuilées où apparaissent feuilles de maladies, livres, petite horloge tournée vers le médecin (le temps et sa
gestion sont des éléments essentiels de la relation thérapeutique), tandis qu'aux murs s'affichent articles de
journaux, textes plus administratifs et que les rayons de sa bibliothèque sont également saturés de livres. L'extérieur
filtré par le regard, les goûts, l'engagement du thérapeute, son monde intérieur, imaginaire, symbolique : tout cela,
toute cette présence humaine d'écriture et de lectures, ce monde-là nourrit aussi sa pratique.
Un psychiatre libéral assez hors du commun
Original, ce psychiatre libéral, ce psychiatre de ville, qui dans un entretien réalisé par Olivier Pierre au Festival
international de cinéma de Marseille en juillet 2015, précise que ses revenus sont à 80% assurés par le tiers-payant
(61 € est, par ailleurs, l'unique tarif de consultation mentionné dans le film), que son cabinet est le premier (le seul) à
être sans rendez-vous (ce qui induit sans doute une gestion acrobatique de la salle d'attente dont nous ne verrons
rien). L’atypisme du Dr Federmann, qui considère que l’exercice libéral de la médecine entre dans le cadre du
service public, s'articule également à sa pratique en action où s'entendent tutoiement et vouvoiement (accord
préalable avec le patient ? Liberté ? Aide au soin ?) comme des registres de langue différents d'un moment à l'autre
pendant un même entretien (adaptation au langage du patient ? Volonté, par ces décalages, d'être plus explicite,
plus direct, plus percutant ? Provoquer une prise de conscience, une réaction ? Convoquer un brin d'humour
salvateur entre les pleurs et la peur ? Une mise à distance ?) Son écoute se fonde sur une dynamique de
l'interaction où le psychiatre rebondit et interroge pour aller plus loin, chercher ensemble, creuser ou dévier, trouver
un compromis, pour avancer avec le patient, trouver si ce n'est une solution définitive du moins une issue, une voie
de sortie aux situations vécues comme inextricables, « un chemin qui va nous permettre de continuer à rester droit
jusqu’au bout, jusqu’à la mort ». Le pragmatisme est constitutif de l'éthique de ce psychiatre, ce "médecin
accompagnant" selon ses propres dires, qui s'emploie avec conviction et énergie à dénouer, à assouplir l'emprise
des maladies mentales, à dédramatiser et/ou à pointer la gravité d'un épisode de la vie, à encourager par la parole
ou le geste, à mettre en place dialogue et compromis (pour le recours à une hospitalisation, par exemple), à faire
confiance aux prescriptions des patients au moment de la rédaction de l'ordonnance, n'hésitant pas à écrire ou à
téléphoner à un confrère de l'hôpital pour avis, à adresser le patient à un praticien d'une psychothérapie spécifique.
Ce fonctionnement, qui met le psychiatre libéral dans une position de relai, de « compagnon de route », de maillon
dans une chaîne de compétences et de solidarité, y compris juridique, autour du soin et du patient, semble exclure
les barrières et les territoires et permet la complémentarité des prises en charge dans le but de soulager au mieux
selon un parcours ouvert au champ des possibilités. Georges Federmann est étonnant, inattendu ; tout au long du
film, il nous surprend par sa liberté de ton, d'action et de conseil. Les suggestions/propositions qu’il fait à ses
patients sont parfois loin, très loin d'être prises dans une norme, dans un "prêt-à-soigner", comme dans un « prêt-à-
penser » d’ailleurs. Insolites, souvent, elles s'adaptent, elles cherchent, elles travaillent avec la singularité de
chacun. L’art de Georges Federmann psychiatre, est assez extra-ordinaire.
Toujours dans l’entretien réalisé au FID en 2015, Georges Federmann, dit : « Je trouve que c’est un très beau film,
je suis fier d’en être l’accompagnateur. Je suis un psychiatre en fin de carrière, c’est une forme de testament. Ce
film était de l’ordre de la transmission ». sera une des mémoires de sa pratique. Souhaitons qu’
Le Divan du monde
il ait pu aussi tout au long de ses années d’exercice former de jeunes psychiatres, qu'il ait pu transmettre quelque
chose de cette singularité, de ce désir forcené et essentiel d'être aux côtés de ses patients ; d’être leur
« compagnon de route ».
Rappel
Le Divan du monde, de Swen de Pauw avec Georges Federmann, production Projectile, Seppia Film, Neon
Productions, 2015, 1 h 35 min.
Prix du GNCR (Groupement national des cinémas de recherche) au FID Marseille 2015.
Distribué en salles par Shellac.
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