CEFEDEM Bretagne – Pays de la Loire Mémoire Quelles sont les conditions de permanence d'un instrument de musique ? À travers un exemple: la harpe celtique Nom : Müller Formation : cursus double diplôme Prénom : Soazic Année complémentaire Diplôme d'Etat Promotion : 2010 2011 Professeur de Musique Session : juin 2011 Spécialité : Harpe Référent: Armel Morgant Sommaire Avis au lecteur Introduction ….................................................................................................p 3 I - L'aspect historique ….................................................................................p 4 1) Un peu d'histoire .............................................................................. p 4 2) Un exemple d'évolution: la renaissance de la harpe celtique .…...... p 6 II - L'aspect organologique ….........................................................................p 7 1) Des évolutions organologiques ......................................................... p 7 2) Lutherie …......................................................................................... p 10 III - L'aspect sociologique …...........................................................................p 11 1) Le premier concours international de harpe celtique ….................... p 11 2) La fonctionnalité de la musique ….................................................... p 13 IV - L'enseignement ….....................................................................................p 14 V - Le langage musical ….................................................................................p 15 1) Zoom sur une pièce: Rumeurs de Francis Miroglio …...................... p 16 2) Des pratiques musicales liées au répertoire ….................................. p 17 VI - Le rapport entre tradition et création …................................................p 19 1) La tradition ….................................................................................... p 19 2) La création …..................................................................................... p 21 3) Vers la création : flash sur Kristen Noguès ….................................. p 22 VII - L'adaptation …........................................................................................p 24 Conclusion …....................................................................................................p 26 Bibliographie …...............................................................................................p 27 Lexique .............................................................................................................p 29 Annexes ............................................................................................................p 30 Avis au lecteurs Certains mots de ce mémoire sont en breton. Ils apparaissent dans le texte en italiques : Gwerzioù*, bagadoù*... L'astérisque renvoie à la traduction et/ou à la définition du mot que l'on trouve dans le lexique par ordre alphabétique à partir de la page 29. Introduction La musique accompagne la vie des hommes dans toutes les civilisations depuis toujours. On peut se demander comment les instruments traversent le temps, quelles sont les conditions de leur permanence ? Pourquoi certains instruments disparaissent totalement et d'autres poursuivent leur évolution ? De quelle manière les instruments s'adaptent à leur époque, sortent de leur fonction première et continuent d'accompagner la vie des hommes ? En se penchant sur différents aspects, historique, organologique, sociologique, l'enseignement, le langage musical, le rapport entre la tradition et la création, on peut se demander comment la harpe celtique occupe sa place dans le paysage musical d'aujourd'hui et pourquoi elle continue d'exister. Différents facteurs entrent en jeu dans ces questionnements et l'on tentera d'apporter des éléments de réponse. 3 I - L'aspect historique 1) Un peu d'histoire L'arc musical découvert dans le désert de Kalahari en Afrique du Sud en 1936, se compose d'une corde tendue entre les deux extrémités d'un arc. La mise en vibration de la corde se fait soit indirectement par le raclement du bois de l'arc, soit par un souffle sur une plume d'oiseau dans le tuyau de laquelle passe la corde, soit directement par percussion, pincement, frottement de la corde. En effectuant des fouilles, les archéologues ont retrouvé dans la nécropole de Thèbes, des harpes remontant au XVIIIème siècle avant Jésus-Christ. La harpe retrouvée à Ur et conservée au musée de Bagdad a 5000 ans d'existence. Par les fouilles, on a retrouvé des harpes datant aussi d'avant Jésus-Christ a Sumer, en Chaldée, Palestine, Chine, Perse, Inde, Égypte, Grèce, Rome, Écosse. La harpe était un instrument sacré qui permettait aux prêtres et prêtresses de communiquer avec les Dieux et de célébrer le culte. En Égypte, trois siècles avant Jésus-Christ, ces instruments étaient de tailles diverses et au nombre de cordes variables. Selon leur taille on jouait debout ou assis sur les talons. La harpe est un instrument qui a traversé les siècles et les continents. On peut se demander pourquoi ? Il semble que le voyage soit propice à l'apparition d'un instrument dans un pays, une culture. Par l'échange entre les peuples, qui passe entre autre par la musique ou différents modes d'expressions musicales, certains instruments naissent, se développent, évoluent, ce qui est sans doute un gage de leur existence au cours de l'histoire et du temps qui passe. Les débuts de la harpe européenne sont délicats à saisir. D'origine orientale, sa forme évolue avant de se fixer. Des harpes ont été exhumées en Écosse à Wooley, de même forme que celle découverte à Ur en Mésopotamie. Ce modèle est dénommé «Clarsach». Les anciens Égyptiens l'auraient importée en Irlande en y venant exploiter des mines d'étain. Puis la harpe arrive au Pays de Galles et en Écosse par les Celtes Irlandais. Au Moyen Âge, la petite harpe médiévale faisait fureur, c'était l'instrument de prédilection de la noblesse en Grande-Bretagne en France où sous Charlemagne, les bardes et troubadours fleurissent. En 1350 en Irlande, l'Evêque Saint-Patrick en jouait. La harpe est restée 4 d'ailleurs l'emblème national du pays. Par la venue de missionnaires irlandais sur notre continent, la harpe à pénétré en Bretagne. Les Bretons, une population qui voyageait, s'initièrent à la musique dans leurs voyages et rapportèrent en Bretagne ces instruments. La harpe était petite et portative, elle comportait au maximum 15 cordes fixées et accordées avant de jouer avec une poignée appelée clé. Ce type de harpe médiévale se jouait de la main droite avec le bout du doigt lorsque les cordes étaient en boyau, et de la main gauche avec les ongles lorsque les cordes étaient en cuivre. On utilisait des doigtés selon le principe des doigts forts ou faibles. Pendant plusieurs siècles, la forme, les dimensions et le nombre de cordes n'obéissent à aucune règle. Un large essor s'amorce pour la harpe dès le XIV ème siècle. Avec la musique monodique, les compositeurs l'emploient largement. En Espagne, l'école de harpe est florissante et apporte une série d'améliorations techniques grâce aux recherches des luthiers. En Italie, son éclat est véritable et les harpistes nombreux. Vers le XVIème siècle, des voyageurs apportent en Italie la harpe double irlandaise (parfois trois rangées de cordes) ayant des possibilités chromatiques et sonores inconnues jusque-là. D’une façon générale, sculptée dans un tronc de saule, montée d’épaisses cordes de cuivre, elle donne une longue résonance et peut aussi faire preuve de délicatesse et de clarté dans les aigus, grâce à l’ancienne technique de jeu avec les ongles. Monteverdi fait usage de ce type de harpe en 1607 dans Orfeo. Ce système révolutionnaire explique l'intérêt suscité auprès des compositeurs irlandais, espagnols, italiens, des XVIème et XVIIème siècles, mais ces harpes étaient difficiles à jouer, avec des cordes trop rapprochées et trop minces et allaient disparaître bientôt, réduisant les exécutants à la petite harpe diatonique. Les instruments actuels ont connus quelques évolutions mais sont proches des instruments du XVIIIème à aujourd'hui. Des instruments qui voyagent, des pratiques musicales qui se diversifient influent sur la pérennité des instruments. On rencontre ainsi l'arrivée d'un instrument sur un nouveau continent, dans un nouveau pays, au cours de l'histoire, dans une nouvelle culture musicale. Ce sont de nouvelles possibilités qui se déploient: des compositeurs s'y intéressent, des musiciens pratiquent, l'instrument entre dans une nouvelle culture et son histoire se tisse au fur et à mesure du temps, garantissant ainsi sa permanence. 5 2) Un exemple d'évolution : la renaissance de la harpe celtique C'est au début du XXème siècle que la petite harpe (telenn en breton) de type irlandais, rencontre un succès grandissant aussi bien dans les milieux régionalistes que dans les cérémonies druidiques. L'engouement est important et plusieurs facteurs s'intéressent à cette harpe. Gildas Jaffrenou, fils du barde Taldir élabore en 1946 une harpe d'après un plan conçu par le luthier Dolmetch : la harpe 1 dite du souverain Brian Boru (empereur d'Irlande en 1002), conservée au Trinity College de Dublin en Irlande, constitue à cet égard le modèle de référence puisqu'il est considéré comme le plus ancien. C'est à Paris le 28 novembre 1953, à la maison de la Bretagne que le public peut écouter pour la première fois un nouveau prototype d'instrument conçu par Jord Cochevelou*. « En 2003, les cinquante ans de la renaissance de la harpe celtique ont été célébrés en Bretagne. Cette commémoration a pour origine ce concert donné à Paris en novembre 1953 par un certain Alain Cochevelou, plus connu aujourd'hui sous le nom d'Alan Stivell. Un nouvel instrument fait alors une entrée officielle dans l'univers de la musique bretonne des temps modernes. Dans le même élan, la harpe dite celtique se diffuse dans les milieux celtisants parisiens, sous l'impulsion d'Erwanez Galbrun* d'une part et de l'ensemble de harpes la Telenn Bleimor d'autre part. La pratique de la harpe celtique se démocratise, accompagnée de raison plus prosaïques: c'est un instrument plus léger, donc plus facilement transportable, d'un coût moins important que celui de la grande harpe. Cette manifestation parisienne fut le premier acte d'une histoire qui allait dépasser le cercle des musiciens bretons et intéresser aussi bien le monde classique que celui du jazz »2. Dans la mouvance d'un courant qui prône un retour aux racines, la musique bretonne rencontre un vif succès et accompagne en cela la renaissance de la harpe celtique. Par ailleurs, l'instrument semble moins élitiste que la harpe à pédales et les gens vont oser davantage se tourner vers elle. On peut ajouter également que la mouvance de la recherche ergonomique, très présente dans les années 1960 dans l'habitat et le mobilier, s'est déclinée dans l'environnement des individus et les instruments ont également suivi la tendance. Ainsi, on voit apparaître des modèles de harpes plus petites, avec des cordes plus rapprochées, ce qui facilitent l'apprentissage des jeunes enfants par exemple. ____________________ 1 Harpe « Brian Boru », Trinity College Library Printed by Jonh Hinde Ltd., Cabinteely, Dublin 18, Ireland, annexe N°1 page 30. 2 Armel Morgant, article de AR MEN N°140, Mai/Juin 2004. 6 En ce sens, l'histoire de cet instrument, ponctuée d'événements marquants, a contribué à sa pérennisation et son évolution. Toutefois, il est curieux de constater la disparition de certains instruments malgré une histoire pourtant riche. On peut se demander alors si le facteur historique est si déterminant dans les conditions de permanence d'un instrument ? C'est peut-être le cas, mais ce n'est sans doute pas le seul. Par ailleurs, on peut constater qu'une histoire longuement ancrée dans le temps (sur plusieurs siècles) favorise la continuité de l'existence de certains instruments, comme c'est le cas pour la harpe. II - L'aspect organologique Un instrument qui évolue dans sa facture instrumentale et son organologie pérennise davantage son existence à travers les siècles. Les différentes modifications apportées au cours du temps permettent ainsi de développer les possibilités instrumentales, intégrant des innovations mécaniques ou technologiques par exemple ou permettant aussi une meilleure ergonomie. L'aspect organologique entre-t-il dans les conditions de permanence d'un instrument ? 1) Des évolutions organologiques Intéressons-nous à l'évolution de la harpe, à ses améliorations successives majeures qui relèvent des dates suivantes et qui lui ont permis un développement, un essor et un intérêt constants : - La harpe à crochets Vers 1660, des facteurs tyroliens imaginent de changer la tension de certaines cordes au moyen d’un crochet actionné par la main de l’exécutant. Ce système modifiait le son d’une seule corde sans que les répliques d’octave soient altérées. C’est le principe actuel des palettes sur la harpe celtique. - La harpe à crochets et à pédales Vers 1720, un facteur de harpes du nom de Hochbruckher trouve le moyen de mettre les crochets en mouvement par le jeu de sept pédales placées à la base de l’instrument et reliées aux crochets par une mécanique à l’intérieur de la colonne. Chaque pédale peut être abaissée d’un cran. 7 C'est l'apparition de la harpe3 à simple mouvement qui deviendra plus tard la future grande harpe. - La harpe à double mouvement Vers 1881, Sébastien Erard pense alors que chaque pédale peut avoir deux crans d’arrêt à la base de la harpe. Cela permet d'obtenir pour chaque note trois hauteurs de sons possibles: la note bémol, la note naturelle (bécarre) et la note dièse. C'est pour cette raison qu'elle se nomme harpe4 à double mouvement et possède au maximum 47 cordes. C'est la grande harpe actuelle. - La harpe chromatique sans pédale Inventée par Gustave Lion en 1894, cette harpe5 à cordes croisées possède 78 cordes fixées parallèlement en deux rangées sur la table, les « blanches » sont placées du côté gauche et les « noires » du côté droit. Grâce à ce second jeu de cordes transversales, tous les demi-tons chromatiques peuvent être réalisés sans mécanisme. Toutefois, son emploi peu commode lui fera préférer par les interprètes la harpe à double mouvement d'autant plus que cette harpe chromatique ne permet pas un des effets les plus appréciés à l'époque: le glissando. - La harpe automatique En 2005, Jean-Marie Panterne étudie un bloc de commande automatique de pédales de harpe, une idée qui lui vient lors d'un dîner avec la harpiste Anja Linder, devenue paraplégique suite à un accident. Il s'agit d'un système électromécanique de passage des pédales selon un schéma programmé et automatiquement exécuté par une machine. Le modèle définitif à présent disponible, est un système électropneumatique alimenté par un compresseur. Ce nouveau système permet d'une part l'utilisation d'une harpe pour des combinaisons complexes de pédales dans la musique contemporaine ou le jazz et d'autre part, une utilisation industrielle pour tester la mécanique ou les cordes de harpes lors du passage de pédales. ___________________________________ 3 Harpe simple mouvement, extrait du livre La harpe de Marcel Tournier, éditions Henry Lemoine, annexe N°2 page 31. 4 Harpe double mouvement extrait du livre La harpe de Marcel Tournier éditions Henry Lemoine, annexe N°3 page 32. 5 Harpe chromatique extrait du livre La harpe de Marcel Tournier éditions Henry Lemoine, annexe N°4 page 33. 8 C'est là un exemple d'évolution organologique représentatif des conditions de permanence de l'existence d'un instrument, qui ouvre sur de nouveaux horizons. En effet, si l'on peut désormais passer des pédales d'une certaine manière jusqu'ici impossible, cela diversifie et augmente les possibilités instrumentales. De ce fait, c'est une voie ouverte à la composition ou à la création, favorisant ainsi la recherche musicale, la naissance de nouveaux répertoires, le développement d'une pratique instrumentale. - La harpe électrique Dès les années 1970 avec Alan Stivell, l’épanouissement de la vague « folk rock » rend l’amplification de la harpe indispensable notamment lors des concerts. L’utilisation de micros extérieurs ne permettant pas de limiter la prise de son à la harpe seule, une harpe électrique avec des micros intégrés à la base de chaque corde voit le jour au début des années 1980. Cette harpe sans caisse de résonance est muette si elle n’est pas amplifiée. Inventée par la société de fabrication Camac, elle est appelée « solid-body » en raison de son absence de corps sonore. Elle présente cependant les mêmes caractéristiques techniques que la harpe celtique acoustique. - La harpe électro acoustique Présentée en 1990 au Congrès Mondial de la harpe à Paris et inventée de nouveau par Camac (aujourd'hui proposée par d'autres luthiers tels que Salvi, ou Lyon & Healy) « The Blue » est une harpe électrique et acoustique. Elle offre trois possibilités de jeu : - sans amplification, elle peut être jouée comme une harpe acoustique. - légèrement ou fortement amplifiée, elle permet de jouer en solo, au sein d’une formation ou d’un orchestre. - couplée à un équipement électroacoustique, elle permet de programmer de nombreux effets. Un instrument qui rencontre peu d'évolutions organologiques au cours de son existence est-il condamné pour autant à disparaître ? Il apparaît clairement que les différentes modifications apportées à la facture instrumentale facilitent son évolution et son adaptation. Il est également certain qu'un instrument qui s'adapte à son époque, à la modernité de son temps, a plus de chances d'évoluer et de perdurer au cours des années. Tout le domaine de l'amplification par exemple 9 ouvre la voie aux nouvelles technologies, aux musiques actuelles. C'est ainsi qu'un instrument n'est plus forcément cantonné à un répertoire d'origine, à une pratique mais propose une diversification et une richesse dans son utilisation. On peut alors penser que la vie d'un instrument est conditionnée par le renouvellement possible qu'il propose. 2) Lutherie Les années 1970 sont celles de l'efflorescence du folk, ce qui a pour conséquence notoire un regain d'intérêt pour les instruments de lutherie traditionnelle de toute origine. Ateliers et stages d'initiation se multiplient alors, mais tout cela reste ponctuel et ne peut en aucune façon répondre à la forte demande qui se manifeste dans le domaine de la harpe. Il apparait clairement que la pratique de la harpe celtique ne peut vraiment prendre son essor qu'à partir du moment où l'ère de la fabrication en série va succéder à l'époque de l'artisanat. C'est ainsi qu'après la maison Martin et Georges Cochevelou, premiers fabricants de harpes, la firme Camac va s'implanter en 1972 sous l'impulsion de Joël Garnier. La forte demande en la matière va l'inciter à améliorer la fabrication de l'instrument. Au fil des années, la production s'amplifie et les modèles de harpes proposés se diversifient. Les évolutions technologiques et maintenant les nouvelles technologies, ainsi qu'une recherche encouragée par des artistes qui demandent de nouveaux instruments (par exemple la harpe6 en plexiglas de conception italienne utilisée par Alan Stivell en 1998 pour une tournée de concerts) permettent l'évolution, la transformation, la mutation d'un instrument, la naissance de ces autres comme par exemple la harpe électrique ou automatique évoquées précédemment. En témoigne par exemple la fabrication de harpes celtiques depuis 2006 dans des bois exotiques tels que le zebrano ou le kevazingo pour certains modèles, accompagné d'une recherche de son et de timbre avec un travail sur la matière des cordes par exemple. Outre le métal, le nylon ou le boyau, des prototypes existent avec des cordes alliance, un alliage avec du boyau et des matières synthétiques. ___________________________ 6 Harpe en plexiglas (d' Alan Stivell) extrait de la revue Ar Men N°140, Mai/Juin 2004, annexe N°5 page 34. 10 Cet intérêt du son motivé à la fois par les interprètes, les luthiers, les compositeurs, favorise le développement d'un instrument et sa transformation. Le savoir-faire des luthiers est primordial car ce sont eux qui donnent naissance à un instrument. Se pose alors la question de la transmission de leur savoir. III - L'aspect sociologique Depuis toujours, la musique fait partie intégrante de la culture des civilisations. Son évolution va de pair avec la vie des hommes. Qu'elle soit fonctionnelle, de divertissement ou plus tard commercialisée, la musique se rattache à une dimension sociologique. On peut se demander alors dans quelle mesure l'aspect sociologique accompagne la disparition ou l'évolution de certaines musiques, de certains instruments ou de certaines pratiques musicales ? Il est indéniable que le facteur sociologique influe sur l'existence et la vie des instruments. Si l'homme propose un espace de diffusion par exemple (concerts, spectacles, concours, festivals, etc...) cela contribue à promouvoir l'existence d'un instrument. 1) Le premier concours international de harpe celtique Les 22 et 23 mai 2004 a eu lieu dans les locaux du Conservatoire National de Région de Nantes, la première édition du Concours international de harpe celtique Jakez François, baptisé du nom de l’actuel Président Directeur Général de la firme Camac, l’une des plus importantes manufactures de harpes installée à Mouzeil en Loire-Atlantique. Jakez François figure éclectique dans le monde de la harpe joue aussi bien sur harpe celtique qu'au sein d'un ensemble de jazz sur harpe à pédales. Voici comment il définit l’esprit du concours qu’il vient de créer : « J’ai voulu ce premier concours international pour découvrir et récompenser de jeunes harpistes qui, par leur exigence et leur talent, démontreront que la harpe celtique est un instrument à part entière, au-delà de l’image folklorique et de l'usage pédagogique dans lesquels elle est si souvent cantonnée »7. _______________________________ 7 Propos de Jakez François, recueillis sur la plaquette de présentation du concours. 11 Pour ce concours, les candidats venaient d'un peu partout en France, de Mulhouse, d' Aix-en-Provence ou de Bretagne mais également du Pays de Galles, d'Écosse voire d'Italie. L'organisation en deux tours a permis de proposer : - le premier tour avec un morceau imposé et un programme libre devant comporter un morceau d’esthétique contemporaine ainsi qu’un morceau traditionnel − le deuxième tour avec un morceau imposé et un programme libre. L'originalité de ce concours réside dans la proposition de répertoire pour cet instrument qu'est la harpe celtique, souvent en équilibre entre musique traditionnelle et musique savante. Ici, c'est la réunion des deux en quelque sorte. À la différence d'un concours exclusivement classique, ou à l'inverse de musique traditionnelle, celui-ci a demandé aux interprètes d'aborder ces différents répertoires. Des candidats préparent un programme, des professeurs travaillent avec leurs élèves, des partenaires s'associent, un public cosmopolite (amateurs, professionnels, élèves, professeurs) vient écouter. Ce type d'événement encourage la découverte, pousse à la recherche (répertoires variés, transcriptions, compositions) et propose une possibilité d'existence importante à un instrument comme la harpe celtique. Le premier prix de ce concours offre des prestations dans de grands festivals : le World Harp Congress à Dublin, le Symposium européen de la Harpe de Lyon, le Edinburgh International Harp Festival, les Journées de la Harpe d’Arles, le Festival Interceltique de Lorient ainsi que les Keltische Tage am Bodensee. C'est une ouverture sur une diffusion internationale et donc une chance de divulguer, faire connaître un instrument. Un interprète entre en contact avec un public, c'est un échange, un partage et c'est aussi sans doute une condition qui entre en jeu dans la permanence d'un instrument. En 2009 pour la deuxième édition de ce concours, Jakez François a souhaité lui donner une nouvelle dimension en intégrant au programme l'interprétation d'une pièce spécialement composée pour le concours : « de cordes et d'archets », une œuvre commandée au compositeur Pierick Houdy8. ________________________________ 8 Photographie de Pierick Houdy extrait de la revue Résonnances N°28 octobre novembre décembre 1993, annexe N°6 page 34. 12 La pièce est unique dans cette formation : quatuor à cordes et harpe celtique. L'écriture pour la harpe celtique est diversifiée, à la fois mélodique, harmonique et polyphonique dans une forme se rapprochant du concerto. Un concours qui encourage la participation et la recherche de répertoire, une diffusion musicale, la commande d'une pièce auprès d'un compositeur, une tournée de concerts pour le premier prix, tout cela crée un espace important où cet instrument qu'est la harpe celtique peut évoluer. Dans ce contexte qui est loin d'être le seul exemple, on peut donc s'apercevoir que l'aspect sociologique entretient les conditions d'existence d'un instrument: des interprètes pour jouer, un public pour écouter, des partenaires pour diffuser, une dimension internationale. 2) La fonctionnalité de la musique Il est intéressant de considérer la fonction de la musique. Cet aspect est lié à la dimension sociologique. Selon les époques les cultures ou les modes de vie, on distingue ainsi de la musique de recueillement ou de prière, de la musique de danse, de la musique militaire, de la musique de salon, … etc. Bien souvent, cette pratique musicale qui accompagne un moment de la vie des hommes est attachée à la pratique d'un instrument. Si le recueillement se dirige plutôt vers l'aspect religieux avec une littérature musicale, il va de soi que l'on va jouer et rencontrer cette musique au cours d'une messe par exemple et entendre l'orgue. On peut noter cependant un culte catholique pratiquant en diminution, et de moins en mois souvent d'orgue dans les messes. Est-ce pour autant un signe de disparition ? Les orgues demeurent car ils se détachent de leur fonction religieuse pour entrer dans une fonction de distraction (concerts par exemple). Aussi, des événements de la vie sociale favorisent une pratique musicale et donc une pratique instrumentale. Il est normal cependant que ces pratiques évoluent comme la société évolue elle-même. Certaines fonctions disparaissent (les chants de marins par exemple pour accompagner les manœuvres sur les bateaux) laissant la place à de nouvelles possibilités. Vers quelles nouvelles fonctions la musique va-elle se diriger ? Il est peut-être encore trop tôt pour le définir à présent, car il y a un aspect temporel indéniable, mais tant que la musique accompagnera la vie des hommes, peu importe de quelle manière finalement, des instruments continueront 13 d'exister. Si certaines fonctions disparaissent ou se raréfient, il y a des chances pour que les instruments qui les accompagnent disparaissent ou se raréfient également. En ce sens, l'aspect sociologique entre en compte dans les conditions d'existence ou de disparition des instruments. IV- L'enseignement Il y a de grandes chances qu'un instrument continue d'exister s'il est enseigné. En effet, la transmission est garante d'une pratique musicale qui, certes évoluera dans le temps, mais sera présente. La pédagogie évolue également mais elle permet la transmission d'une technique instrumentale, d'un langage musical, de répertoires, tous les savoirs et savoir-faire de générations en générations. En ce qui concerne la harpe celtique, l'on rencontre plusieurs types d'enseignements. Après l'engouement suscité dans les années 1970 toujours par Alan Stivell, la harpe celtique va s'implanter dix ans après dans les écoles de musique françaises d'abord comme instrument pour débutants, puis dans les années 1990 comme instrument de premier et second cycles, et enfin plus récemment comme instrument ayant un cursus complet jusqu'au DEM (Diplôme de Études Musicales). L'enseignement de Denise Mégevand (élève de Lily Laskine) harpiste sur grande harpe, sera déterminant d'autant plus qu'elle écrit et harmonise un répertoire spécifique, inspiré entre autres du Barzaz Breizh*. Elle sera le premier professeur d'un ensemble qui permettra à de jeunes harpistes de se révéler (Madeleine Buffando, Brigitte Géraud, Mariannig Larc'hantec, Kristen Noguès). On peut parler d'une école à propos de cet ensemble, la Telenn Bleimor directement issue, pour ce qui est du jeu et de la technique, de la grande tradition classique française. Une certaine partie des artistes des nouvelles générations entreprendront d'ailleurs de s'en affranchir dans les années 1980. On se rappelle alors que les harpistes irlandais de l'ancien temps pinçaient les cordes avec leurs ongles. On voit donc Katrien Delavier ou Violaine Mayor essayer de mettre au point une technique permettant l'emploi des ongles autant dans leur jeu personnel que dans leur enseignement. D'autres se sont tournés vers un apprentissage oral, issu de la culture traditionnelle (Dominig Bouchaud à Quimper, Gwénola Ropartz à Carhaix). Présente dans les conservatoires comme dans de nombreuses 14 structures associatives, la harpe celtique est largement aujourd'hui enseignée. Notons que ceux qui la pratiquent peuvent désormais passer le diplôme d'État de musique traditionnelle, institué depuis les années 1990 par le ministère de la culture. La harpe à initié les compositeurs étrangers au monde breton et celtique en général. On pense par exemple à Bernard Andrès, harpe solo de l'orchestre philharmonique de Radio France, à qui l'on doit plusieurs recueils de petites pièces pédagogiques et souvent jouées. Jean-Marc Dia Succari, compositeur français d'origine syrienne s'est intéressé à la harpe celtique dans des compositions comme Sur l'étang, L'arbre aux oranges ou encore la chanson de Diana. Thérèse Brenet et Ton-That Tiet sont de ceux grâce à qui l'instrument a vraisemblablement pu faire son entrée dans le monde de la musique contemporaine. La harpe celtique est donc aujourd'hui conjointement enseignée avec son homologue la harpe à pédales. D'un point de vue pédagogique, elle reste en équilibre entre un enseignement classique (musique savante, technique instrumentale, répertoire écrit) et un enseignement issu des musiques traditionnelles, se tournant davantage vers l'un ou l'autre ou se partageant à la fois entre les deux. Ce qui semble certain, peu importe le type d'enseignement (oral, écrit) ou la pédagogie, c'est que la transmission de savoirs et savoir-faire permet à un instrument de poursuivre son existence. Pour enseigner, il est nécessaire de travailler avec des élèves et pour trouver des élèves, il faut susciter la vocation. D'où la nécessité de la diffusion. Logiquement, s'il n'y a plus d'enseignement il y a des chances pour qu'un instrument commence à disparaître. Par ailleurs une pratique simplement cantonnée à un seul enseignement ne suffit sans doute pas à la pérennisation d'un instrument. Une diffusion, un partage de la musique va de pair avec une pratique musicale. V - Le langage musical Lorsque des compositeurs s'intéressent à un instrument et proposent des œuvres dans un langage musical marquant leur temps, un répertoire se forme et se renouvelle, ce qui entre en compte parmi les facteurs conditionnant la permanence d'un instrument. On citera par exemple Paganini qui en son temps a révolutionné 15 la pratique du violon, et ouvert la voie à son développement ou encore Berlioz qui intégra la harpe à l'orchestre. Penchons nous sur une pièce contemporaine pour harpe celtique : « Rumeurs » de Francis Miroglio afin de soulever la question du langage musical dans les conditions de permanence d'un instrument. 1) Zoom sur une pièce: Rumeurs de Francis Miroglio Francis Miroglio est un compositeur français né en 1924. Il termine ses études au Conservatoire de Paris dans la classe de composition de Darius Milhaud et suit les cours d'été de Darmstadt. Il obtient en 1960 le prix de composition de la Fondation Gaudeamus et en 1961 le prix de composition de la Biennale de Paris. Il pratique la musique élécto-acoustique au début des années 1960 qu'il abandonne en 1973. Bien qu'il ne fut jamais un strict sérialiste, sa musique à tendance postsérielle est orientée vers la forme ouverte et l'aléatoire qui reste toutefois encadré. En collaboration avec des plasticiens comme Alexander Calder ou Joan Miro, il élabore des œuvres intégrant des composantes sonores et visuelles. Une attirance fondamentale pour la mobilité est la marque indélébile de son travail musical. En 1978, Francis Miroglio écrit «Rumeurs»9 pour harpe celtique à la demande de Fabrice Pierre (dédicataire) pour le concours de l'école nationale de musique de Créteil. Cette œuvre est destinée à familiariser les élèves avec l'écriture contemporaine. Elle présente un traitement musical autour de lignes qui engendre une polyphonie, avec quelques modes de jeu à cet effet: sons percussifs avec le doigt frappant la table d'harmonie, entrechoquement des cordes, tremolando de la clé entre les cordes, jeu près la table ou près des chevilles, cluster avec les paumes. Les traits rapides sont écrits avec le graphisme habituel du compositeur. Un accord spécifique de la harpe celtique est requis. Le langage de cette pièce propose d'aborder des problématiques intéressantes d'interprétation tant pour l'interprète instrumentiste que pour le travail autour de l'instrument lui-même. Par exemple, la première harmonique rend de façon explicite ce qui est contenu dans la première résonance : ____________________ 9 Partition Rumeurs de Miroglio page1,2,3, annexe N°7 page 35, 36, 37 16 l'interruption brusque et instantanée de la rumeur, sa suspension, puis cela devient une sorte de brisure, un mur contre lequel la rumeur se heurte. La pièce offre la possibilité d'utiliser des chromatismes superposés (octaves diminuées annexe N°7 page 35, 1ère page de Rumeurs systèmes 5 et 6 main gauche) dans une échelle modale plus élargie qu'avec la harpe à pédales. Le jeu près de la table (annexe N°7 page 36, 2ème page de Rumeurs, système 3) recherche une sonorité proche de celle d'un luth ou d'une guitare tandis que le jeu près des chevilles offre une plus grande résonance. Il y a là tout un travail de textures sonores à effectuer, une recherche de timbre (superpositions, nuances). La forme nait de la transformation progressive d'une idée thématique donnée dans son état le plus simple au début. Le compositeur procède ici par des engendrements successifs. On ne parlera pas de thème au sens strict, mais plutôt d'un principe musical dont la première représentation est significative de ces caractères essentiels sans en être la réduction ultime. La longue cellule en valeurs rapides et régulières crée par les résonances, un halo harmonique. Cette cellule donne un sentiment de précision par le jeu des valeurs régulières, teintée d'ambiguïté du fait des résonances. L'interprète cherchera à rendre un climat d'étrangeté : des silences expressifs, des dynamiques contrastées. Les groupes de notes s'enchaînent comme autant de rumeurs qui se perturbent les unes les autres. Ces quelques points succincts d'analyse laissent entrevoir la grande richesse du travail d'interprétation lié au langage musical. La pièce propose d'explorer la finesse de sonorité de la harpe celtique (par exemple le trémolo annexe N° 7 page 37, 3ème page de Rumeurs) que l'on peut rapprocher ici avec la harpe éolienne. Cet exemple de pièce contemporaine fait figure d'innovation et de renouvellement pour la harpe celtique. Cet instrument finalement récent sous sa forme actuelle, offre une palette sonore et des possibilités variées. Toutefois son répertoire en musique savante dans une esthétique contemporaine est encore peu développé. Cela laisse la place à l'émergence de nouvelles compositions tandis que le répertoire de l'instrument se diversifie. 2) Des pratiques musicales liées au répertoire D'une recherche sur le langage va découler la création d'œuvres, de pièces. Pour la harpe celtique, il est vrai que le répertoire est encore assez peu développé. Il est bien sûr intéressant de se pencher sur les dernières compositions, mais 17 également de travailler dans le domaine des musiques anciennes par exemple. Un travail d'appropriation de répertoire, de transcriptions, d'arrangements, de technique instrumentale spécifique (ornementation, prise de cordes, improvisation, travail du timbre, du tempérament...) est une porte ouverte à la recréation. En effet, certaines questions se posent lorsque l'on transcrit pour harpe celtique une pièce jouée à l'époque sur une harpe chromatique à triple rangées de cordes (par exemple une suite espagnole, fantasia après Diego Ortiz, Tratado de glosas, Rome 1553). Va-t-on essayer de se rapprocher du son et du timbre de ces instruments anciens ou au contraire tenter de créer avec les instruments d'aujourd'hui un son « nouveau » ? On peut penser qu'il est bon de considérer les deux aspects : à la fois chercher un parallèle avec les instruments anciens mais envisager également la modernité de ceux d'aujourd'hui et prendre en compte ce qu'ils peuvent apporter dans ce travail. Adapter du répertoire ancien sur un instrument d'aujourd'hui est-il intéressant, pourquoi ? Dans quel but : renouveler le répertoire ou conserver et entretenir un répertoire ancien ? Adapter ce répertoire avec quelles problématiques d'esthétique ? Si différents éléments de réponses peuvent se trouver dans ces questionnements, il est certain qu'une pratique musicale d' écritures et langages divers, favorise la permanence d'un instrument. L'existence d'un instrument étant liée à celle de sa pratique et de ses répertoires. Un instrument jouant un répertoire unique aurait sans doute moins de chance de poursuivre son évolution. D'ailleurs, la diversité de répertoires, d'esthétiques et d'époques multiplient les possibilités de pratiques musicales et instrumentales. Que ce soit à travers des compositions, des transcriptions, des arrangements, tous ces supports laissent la place à l'existence d'un instrument. Plus la diversité est importante, plus l'instrument aura des chances de poursuivre son évolution, et donc de durer. Il en va de même pour l'approche des musiques traditionnelles. Cette musique est avant tout fonctionnelle : un chant raconte une histoire, une danse sert à faire danser, il faut donc respecter ses appuis, ses temps forts, son tempo, sa durée... Cela demande au musicien qui joue de connaître les pas de la danse mais aussi d'avoir une connaissance du contexte social et culturel dans lesquels s'est élaborée cette musique. Cela interroge par ailleurs sur la question de trouver des lieux et des moments adéquats pour jouer cette musique. Le bon musicien sera celui qui saura trouver son répertoire, respecter le style de son aire culturelle tout 18 en ayant un jeu personnel. Dans le cas de la harpe, du fait que ni en Bretagne ni en Irlande une pratique traditionnelle n'a pu se maintenir jusqu'à nous (alors que pour la harpe classique une tradition française est reconnue dans le monde entier existant depuis le XVIIIème siècle, de Mme de Genlis à Isabelle Moretti, en passant par François Joseph Naderman, Henriette Renié ou encore Pierre Jamet) il faut alors réinventer une façon de jouer, trouver une technique convaincante et efficace pour ce répertoire. VI - Le rapport entre tradition et création C'est une réflexion qui interroge le sens même de l'instrumentarium. Les instruments ne sont plus cantonnés uniquement à leur historique mais sont-ils des voies pour la création ? Intéressons nous à cette question par l'exemple de la harpe celtique présente à la fois en musique traditionnelle mais s'ouvrant également vers de nouvelles possibilités de créations musicales. 1) La tradition Lorsque l'on parle de musique traditionnelle bretonne, il faut distinguer celle de la pratique d'aujourd'hui et celle d'une tradition passée. Elle n'est donc pas semblable aujourd'hui à ce qu'elle était au début du siècle dernier, du fait d'un changement de société et de modes de vie. La musique traditionnelle est pensée comme un patrimoine propre à une région, à une communauté. Elle est l'expression d'une population en lien avec un contexte sociologique. La musique bretonne évoque une aire géographique10 partagée en deux grandes régions linguistiques (la haute Bretagne où l'on parle le gallo, et la basse Bretagne où l'on parle le breton). Par leur langue, ces deux régions de la Bretagne ont véhiculé des traditions et des cultures différentes. On distingue dans la tradition musicale des danses, des pratiques instrumentales et des chants propres à chaque terroir. Certains éléments communs aux musiques traditionnelles sont identifiables, à savoir : - la transmission orale : les mélodies sont apprises d'oreille, par imprégnation et mimétisme ___________________________ 10 Ère géographique de la Bretagne, annexe N°8 page 38. 19 - la présence du chant qui est primordial et se trouve être la source d'inspiration de la musique instrumentale - des rythmes ou accents associés à des danses - la primauté de la mélodie sur l'accompagnement - l'importance de l'ornementation instrumentale qui cherche souvent à imiter le chant - la variation de la mélodie - des musiques liées à des fonctions La musique bretonne a connu tout au long du XXème siècle d'importantes mutations. Son adaptation à la société moderne a permis d'élargir son espace de diffusion. Suite à la première guerre mondiale, marquant une véritable rupture dans le mode de vie paysan, elle a vécu un véritable renouveau dans la seconde moitié du XXème siècle. Parmi les nouveautés on peut mentionner : - l'apparition des bagadoù* en 1947 - l'intégration d'instruments nouveaux comme la harpe celtique, la cornemuse écossaise, la guitare, des instruments amplifiés, des percussions - la création de structures spécialisées (War'leur*, Dastum*, Kan ar bolb*, La Bouèze*) À cette époque, l'éclatement de l'ère géographique a fait qu'il y a eu également un éclatement des repères. Appartenir à une culture forte, revendiquer son appartenance ou s'approprier une culture est apparu comme essentiel. Définir précisément le terme tradition, n'est pas simple. On peut dans un premier temps se référer à la définition proposée par le dictionnaire. Le terme traditionnel y est défini ainsi : « ce qui est fondé sur la tradition, d'un usage ancien et familier et qui survient avec régularité. Il dérive de tradition, du latin traditio, action de transmettre, livraison, transmission, enseignement »11. La problématique d'une définition du mot tradition vient souvent de l'opposition entre tradition et évolution. Cette distinction fait appel à toute une série de contrastes entre le passé et le présent. Mais faut-il penser la tradition et le changement comme antinomique ? La notion de tradition telle qu'elle est le plus __________ 11 Dictionnaire Le petit Robert, 2006. 20 fréquemment employée en ethnologie s'inscrit dans une représentation culturelle du temps et de l'histoire. Cette notion fait appel à un ensemble de références dans un contexte global, aussi bien culturel, social, historique, géographique, voire politique. Pour Gérard Lenclud, ethnologue : « la tradition serait un fait de permanence du passé dans le présent, une survivance à l'œuvre, le lègue encore vivant d'une époque pourtant globalement révolue. Soit quelque chose d'ancien, supposé être conservé au moins relativement inchangé et qui, pour certaines raisons et selon certaines modalités feraient l'objet d'un transfert dans un contexte de neuf. La tradition serait de l'ancien persistant dans du nouveau »12. Pour identifier cette musique, le critère organologique n'est plus une priorité comme elle était à une époque de l'ancienne société traditionnelle. Les paramètres à prendre en compte se situent lors de l'interprétation. Ce sont les codes de l'esthétique à connaître d'où découle la notion de styles qui fait que l'on reconnaît une musique. La tradition fait partie d'un système de pensée, une certaine continuité dans le temps. Cette continuité est le fait d'une transmission. Les évolutions sont toujours possibles, et les conditions de pratique et d'écoute sont susceptibles de se transformer. La tradition se change, se modèle au fur et à mesure du temps et ouvre de nouveaux horizons vers la création. Les arts traditionnels sont liés à leur milieu ambiant, ils évoluent avec lui. Ils reflètent un moment donné la réalité d'une société dans son présent. N'est-ce pas l'essence même de la tradition ? La démarche de respect de la tradition et celle de la modernisation, notamment par des influences comme le métissage, ne semblent-elles pas contradictoires ? L'influence est une action qu'une chose exerce sur une autre chose. Tout individu et tout groupe vivent dans un environnement, un milieu. L'environnement agit sur l'homme, sur sa façon de penser, de produire, de réagir, de créer, de se projeter, de s'exprimer. 2) La création « La création, c'est aller vers quelque chose qui n'existe pas encore. C'est une nouvelle fabrication, conception, élaboration, invention »13. ______________________ 12 Gérard Lenclud, article sur les notions de tradition et de société traditionnelle et ethnologie, Terrain, revue d'ethnologie d'Europe N°9, Octobre 1987. 13 Dictionnaire Le petit Robert, 2006. 21 Un compositeur intègre le langage musical de son temps avant d'élaborer le sien. On reprend ce qui nous entoure, ce qui était là avant, on ne réinvente pas tout. C'est par ce jeu de re-production que les styles se mélangent. Dans le domaine de la musique populaire, plus souvent de manière spontanée et approximative, les emprunts s'entrecroisent jusqu'à perdre leurs messages et leurs formes d'origine au profit d'une construction nouvelle. Les cultures évoluent constamment, procédant par emprunt et invention. Aussi, dans cette évolution, la place d'un instrument de musique est déterminante. L'histoire confirme l'idée que les différents langages musicaux se transforment lorsque les cultures se côtoient. Aujourd'hui, les métissages entre les différentes musiques se multiplient, les nouvelles technologies occupent une place importante. Peu importe leur origine, les instruments deviennent une nouvelle voie pour la création. D'ailleurs, on peut penser que c'est un moyen favorisant la continuité de leur existence. En effet, si l'on se dirige vers la création par un instrument ou pour un instrument par exemple, cela propose un renouvellement et c'est donc une continuité d'existence. 3) Vers la création: flash sur Kristen Noguès Kristen Noguès14 née à Versailles 1952 et décédée en 2007 est une figure majeure illustrant bien le rapport de la tradition à la création. Harpiste et chanteuse, elle participe dans les années 1970 à la vie culturelle bretonne. Après avoir grandi, bercée par le rêve d'une Bretagne des arts à faire renaître, elle se passionne pour l'instrument et ce répertoire qui reste à inventer. Présente tant sur la scène bretonne que sur la scène internationale, Kristen Noguès s'investit pour le renouveau, la sauvegarde et le modernisme du patrimoine musical armoricain. Elle recevra l'enseignement de Denise Megevand (elle faisait partie de la Telenn de Bleimor) avant de revenir en Bretagne, où elle va s'initier au chant traditionnel (le Kan Ha Diskan* ou les Gwerzioù*). Elle participe ainsi à l'expérience Névénoé dès 1973 et s’engage communautairement ________________________ 14 Photographie de Kristen Noguès, extrait de la revue Musique Bretonne N°206 Janvier/Février 2008, annexe N°9 page 38. 22 dans une production et une diffusion de musique originale, contemporaine mais reliée à ses racines. Cet espace de production artistique breton regroupe sous l'impulsion de Gérard Delahaye et Patrick Ewen, un certain nombre de musiciens séduits par l'idée du " vivre et travailler au pays " prôné par Névénoé. Ses rencontres seront décisives dans son travail d'écriture, et vont l'inciter davantage à s'engager dans une esthétique moderne, contemporaine et originale. A la même époque, elle développe à la harpe celtique un jeu sensible et brillant, souvent souligné par sa voix. Intéressée par la musique traditionnelle de Bretagne, elle ne revendique pas moins sa passion pour Debussy, Ravel, Messiaen ainsi que pour les grandes figures du jazz, influences qui seront marquantes dans ses compositions. Elle reste imprégnée de son enseignement reçu par Denise Mégevand, qui cherchait à créer une musique bretonne modale s'appuyant sur les principes « harmonie bien tempérée ». De ce fait, elle a très tôt été en contact avec ces interrogations sur les modes et la création musicale. Très vite, elle explore des chemins nouveaux. En s'inspirant sans doute des open tuning que les guitaristes utilisent de plus en plus, elle se met à tester de nouveaux modes d'accordage pour la harpe celtique. Elle étend alors la tessiture de son instrument, utilise la totalité des notes sans se contenter de l'accord de départ. Sur un instrument limité par les modes, elle a su inventer un langage où se mêlent tradition bretonne, musique contemporaine et jazz. Sa préoccupation du son est constante. « Elle cherche à le sculpter, à obtenir un son sans l'attaque. Dans cet élan vers la création et une nouvelle modernité, elle travaille beaucoup avec le luthier Joel Garnier à l’élaboration d’une électroharpe (qui donnera naissance par la suite au modèle baby blue, harpe celtique électro acoustique) qu’elle sera la première à jouer et à développer dans de nombreux pays d’ Europe »15. Elle s’est produite avec des musiciens de jazz comme Henri Texier, John Surman, Jacques Pellen, Peter Gritz, JF Jenny-Clark, et les chanteurs bretons Denez Prigent, Yann-Fañch Kemener ou Melaine Favennec... « Elle compose à partir d'improvisations ou organise sa musique selon des techniques classiques. Son goût pour la simplicité harmonique lui permet de faire cohabiter sa musique avec beaucoup d'autres styles musicaux »16. Écritures aux couleurs modales, improvisations jazz, l'ensemble de son œuvre est un essai permanent, un pas vers _______________________ 15 Melaine Favenec, Musique Bretonne N°206, Janvier/Fevrier 2008. Gérard Alle, livret du disque Kristen Noguès Logodennig 1952/2007, L'Autre Distribution innacor 20078 INNA 20807. 16 23 la création, un affranchissement de la musique traditionnelle, tout en ayant certaines influences. Par son parcours, ses engagements, ses recherches, ses compositions, ses pratiques, ses démarches, elle a sans cesse exploré de nouvelles pistes, utilisant ainsi un instrument encore nouveau qu'est la harpe celtique. Elle illustre très bien l'équilibre entre la tradition et la création. On peut penser qu'une démarche artistique de création entre dans les conditions de permanence d'un instrument. En effet, autant de pratiques diversifiées, de recherches, d'événements, sont propres à l'utilisation d'un instrument et donc à son existence. VII – L'adaptation Il apparaît que certains instruments disparaissent tandis que d'autres continuent d'exister. Ce qui conditionne la permanence d'un instrument est complexe à définir précisément car cela est lié à l'homme, ses pratiques, sa sociologie, mais également au progrès rencontré au fil du temps, à la modernité. Différentes questions se posent. Des problèmes liés à l'acoustique, la fonctionnalité d'une musique liée au répertoire, parfois des complications techniques organologiques qui donnent des instruments trop difficiles à jouer peuvent laisser à penser qu'un instrument disparaîtra progressivement. Néanmoins et paradoxalement, des recherches dans le domaine de l'acoustique, de nouvelles fonctionnalités de la musique liée aux sociétés actuelles et des propositions organologiques permettant d'améliorer ou de produire de nouveaux instruments peuvent également favoriser l'évolution et la continuité de l'existence d'un instrument. La question se pose également pour les instruments anciens. De quelle nature est leur existence aujourd'hui et vers quel avenir se dirigent-ils ? On rencontre parfois un état d'esprit conservateur: on entretient et transmet une tradition, un langage, un répertoire une technique. Dans quel but et pour combien de temps ? Il y a sans doute un équilibre à chercher entre la transmission de « l'ancien » et ce que l'on en fait aujourd'hui. D'une manière, les instruments de musique sont vivants par l'usage que l'on en fait, les pratiques au cours desquelles on les utilise. Ils sont à la fois outils mais aussi moyens, supports d'expression. Qu'est-ce qui est le plus important : l'instrument lui-même ou l'utilisation que l'homme va en faire ? Si l'homme continue de s'exprimer par le biais d'un 24 instrument (qui est le médiateur entre la musique et l'homme) c'est une condition de pérennisation pour l'instrument. On assiste pourtant désormais à des pratiques musicales autour des nouvelles technologies. Parfois l'ordinateur ou la machine se substituent aux instrument. À l'heure des métissages divers et variés (mélange entre instruments acoustiques et musique assistée par ordinateur par exemple) estce un signe d'une disparition future? Il est intéressant de constater, selon la théorie de l'évolution de Darwin, que si l'homme est encore en vie aujourd'hui c'est qu'il a su s'adapter à son environnement, son temps. On peut pousser la comparaison avec les instruments de musique. Même si l'homme en détient leurs conditions de permanence par ses actions, il est certain que l'instrument qui saura s'adapter à son environnement, son contexte, son époque aura davantage de chances de traverser le temps. S'adapter peut prendre plusieurs formes: évoluer, se transformer, muter. Le fait que la musique et les instruments aient une fonction sociale suffisamment importante pour que ce qui les concerne soit noté et conservé les a fait entrer dans l'histoire et quitter leur préhistoire, rendant leur permanence relative indiscutable. Le fait d'envisager leur disparition reviendrait à envisager une perte absolue de l'être humain pour la musique et pour sa propre histoire, le conduisant donc à son élimination car l'évolution a besoin de mémoire. Ce serait le cas avec la harpe celtique et son identité celte, revendiquer son autonomie face à cette identité reviendrait-il à la mettre en péril ? 25 Conclusion Il apparaît clairement qu'il n'y a pas un seul facteur entrant en jeu dans les conditions de permanence d'un instrument de musique. En effet, il s'agit davantage d'un ensemble de facteurs liés à un contexte: − un historique important et étalé dans le temps − une évolution organologique qui perfectionne l'instrument au fur et à mesure des progrès techniques et technologiques − une dimension sociologique inhérente à une pratique musicale et instrumentale − l'apprentissage de l'instrument par transmission au sein d'un enseignement − l'apport d'un langage musical, la recherche musicale (composition, création) L'ensemble de ces facteurs semble entrer en considération dans ce questionnement : qu'est-ce qui fait qu'un instrument continue d'exister dans le temps ? La capacité de survivance de toute chose dépend de sa capacité d'adaptation dans l'univers où il évolue. Il semble que le destin d'un instrument ne se cantonne pas seulement à son histoire et sa géographie originelles, trouvant des applications en de nombreux styles musicaux et pratiques diversifiées, comme si l'instrument, indépendamment du mouvement de pensée qu'il avait fait naître, s'engageait sur sa propre voie. Ce qui est permanent est ce qui dure sans discontinuité ni changer. L'histoire ne peut toutefois pas aller contre l'évolutionnisme. Le foisonnement de toutes les connaissances accumulées autour des instruments (notations, planches de lutherie, photographies, disques...) les rendent indestructibles à l'échelle de l'histoire. Lorsque Jord Cochevelou veut « ressusciter » la harpe celtique, il pioche dans les anciens ouvrages, se référant à des modèles anciens. Un instrument pourra être délaissé pendant plusieurs générations, les traces sont tellement importantes qu'il pourra renaître de ses cendres dans une réalité autre mais avec la garantie de son intégrité. 26 Bibliographie Ouvrages : AUBERT Laurent, la musique de l'autre, Ateliers d'ethnomusicologie, Paris, 2001 BECKER Roland - LE GURUN Laure, la musique bretonne, Coop Breizh, Spézet, 1996. BOURS Etienne, le sens du son, musiques traditionnelles et expression populaire, Fayard, Millau, 2007 DELYN Christine, Clàirseach, la harpe irlandaise: aux origines de la harpe celtique, édition Hent Telenn Breizh, 1998 DUFOUR Éric, Qu'est-ce que la musique ?, chemins philosophiques, 2005 GLATTAUER Annie, Dictionnaire du répertoire de la harpe , CNRS édition GLATTAUER Annie, À l'origine de la harpe, Buchet/ Chastel, Pierre Zech, Paris, 1999 LE DENTU Odette, À propos de ...la harpe, Gérard Billaudot, 1984 TOURNIER Marcel, La harpe, Henry Lemoine & Cie Éditeurs, 1958 Revues : AR MEN N° 162, Janvier/Février 2008, Article : les harpes Camac par Armel Morgant AR MEN, N° 140, Mai/Juin 2004, Article : Harpe et Bretagne par Armel Morgant HARPSEASONS, hors série, Camac Harps MUSIQUE BRETONNE N° 206, Janvier/Février 2008, Article : par Kristen Noguès, p 22 TERRAIN, revue d'ethnologie d'Europe N°9 octobre 1987, Article : les notions de tradition et de société traditionnelle en ethnologie par Gérard Lenclud Discographie : Disque Telenn, l'anthologie de la harpe celtique volume 1, CD 951, Coop Breizh, 2004 Disque Telenn, l'anthologie de la harpe celtique volume 2, CD 976, Coop Breizh, 2008 Logodennig 1952/2007 – INNA 20807, Kristen Noguès, L'Autre Distribution innacor, 2008 27 The Harp of Ludovico, CDA66518, Andrew Lawrence-King baroque harpes, Hyperion, 1991 Sites internet : http://www.celticsons.com/artistes/biographies/nogues.htm http://www.durand-salabert-eschig.com/formcat/catalogues/miroglio_francis.pdf 28 Lexique * Bagadoù : Pluriel de bagad, ensemble de musique comprenant trois pupitres: bombarde, caisse claire, cornemuses. * Barzaz Breizh : Recueil de chants traditionnels dans la partie bretonnante de laBretagne au XIXème siècle. *Cochevelou Jord: (Jord Cochevelou, Jorj Cochevelou)(1889-1974), Traducteur, et, dans ses loisirs, musicien et (son violon d'ingres) luthier breton. Il est le père d'Alan Stivell et responsable (avec son fils) de la renaissance de la harpe celtique en Bretagne dans les années 1950. * Dastum : Signifie recueillir en breton, Dastum est une association qui s’est donnée pour mission le collectage, la sauvegarde et la diffusion du patrimoine oral de l’ensemble de la Bretagne. *Galbrun Erwanez : Personnage qui à publié des ouvrages en lien avec la danse bretonne. *Gwerzioù : Type de chant qui vient de la gwerz , mot breton du pluriel : gwerzioù signifiant « ballade », « complainte ») est un chant racontant une histoire, depuis l'anecdote jusqu'à l'épopée historique ou mythologique. Les gwerzioù illustrent des histoires majoritairement tragiques ou tristes. * Kan Ha Diskan : Chant et déchant *Kan ar bobl : Chant du peuple. *La Bouèze : L'Association La Bouèze recueille, transmet, développe et assure la promotion du patrimoine oral traditionnel de Haute-Bretagne. Elle propose diverses activités : musique, chant, danse, conte... http://www.laboueze.com *War'l Leur : War'l leur (war al leur signifie «sur le sol») est une confédération pour la danse bretonne. 29 Annexes Annexe N°1 : Harpe « Brian Boru », Trinity College Library Printed by Jonh Hinde Ltd., Cabinteely, Dublin 18, Ireland 30 Annexe N°2 : Harpe simple mouvement extrait du livre La harpe de Marcel Tournier éditions Henry Lemoine 31 Annexe N°3 : Harpe double mouvement extrait du livre La harpe de Marcel Tournier éditions Henry Lemoine 32 Annexe N°4 : Harpe chromatique extrait du livre La harpe de Marcel Tournier éditions Henry Lemoine 33 Annexe N°5 : Stivell et la harpe en plexiglas extrait de la revue Ar Men mai juin 2004 p 15 N°140 Annexe N°6 : Photographie de Pierick Houdy extrait de la revue Résonnaces N°28 octobre novembre décembre 1993 34 Annexe N° 7 : 35 Partition Rumeurs de Miroglio page 1,2,3 36 37 Annexe N°8 : Carte de Breatgne (www.kervaker.org) Annexe N°9 : Photographie de Kristen Noguès, extrait de la revue Musique Bretonne N°206 Janvier/Février 2008 38