Pour obtenir l’illumination, il est donc nécessaire d’avoir l’aide d’un autre agent. Ce peut être le
bruit d’un caillou sur le tronc d’un bambou, ou la vision d’une fleur qui éclot, ou toute autre
chose. Ainsi l’homme est-il aidé dans sa marche. »
Et de fait, j’ai vu des hommes, des femmes, joyeux, donnés à fond dans une vie communautaire
simple et exigeante, vie de travail et de méditation, vie extrêmement disciplinée et ritualisée,
extrêmement incarnée
Dans les monastères zen, je me suis sentie comme « propulsée » dans un ailleurs, et heureuse d’y
être, malgré un manque de sommeil, un travail manuel parfois dur, une nourriture sans goût,
(à mon goût). Bien que le cadre monastique reste semblable dans sa structure, « travail, prière,
obéissance », je vie presque sans repère, heure après heure, ce qui m’est demandé. Toute mon
attention est d’ailleurs requise, en dehors du travail manuel et du zazen, par le rituel des repas, des
déplacements, etc..
Vie dépouillée de tout bavardage, de toute surcharge d’objets, presque de tout échange verbal, si ce
n’est pour l’indispensable, vie où « on passe », intérieur, extérieur se succèdent sans cesse (hondo,
zendo..). Cela servirait-il à un pur formatage ? Non, j’en suis sûre, mais à un ancrage plus profond
dans la réalité telle quelle, ici et maintenant.
Rien d’autre.
Et cela devient très difficile de mettre des mots sur ce vécu sans le trahir : une simplification ?
Une unification ? Une prise de conscience d’avoir un corps habité ? Pour ne pas dire un corps
spirituel ? En tous cas je n’ai jamais voulu faire trop vite une relecture chrétienne de ce séjour en pays
monastique zen. Je désirais laisser le Christ se dire autrement…et laisser la vie bouddhiste me parler
d’elle. Voir vivre les moines et moniales, me laisser interrogée par leur énergie, leur concentration,
leur perfection du geste et de la parole : application totale (dans laquelle moi-même je n’étais jamais
tout à fait entrée), qui veut briser l’ego, ou, me semble-t-il, aide à se décoller de tout repli sur soi.
Mais, osons le dire, qui pourrait aussi provoquer une révolte de ce fameux ego, et l’effet de tant
d’effort aboutirait à l’opposé du but visé.
Si je ressors heureuse de l’expérience, est-ce que c’est par ce que j’ai vécu positivement cette
discipline qui donnerait moins de place à l’ego ?
Le dernier soir de notre séjour à Tenne-ji, « l’abbesse » nous a proposé un échange (avec traductrice
française) sur ce que nous avions vécu. A ma question « pourquoi tant de rituels et de vitesse dans
tout ce que vous faites ? », elle a répondu : « pour être UN ». Je lui ai dit que moine voulait dire
« UN ». Ensuite, parlant du zazen, elle m’a demandé si mon silence dans la prière avait changé depuis
que je le pratiquais, j’ai répondu « oui », spontanément. Et elle d’enchainer : « c’est le silence qui unit
bouddhistes et chrétiens ».
Tout est là, dans ces deux petites remarques : unification et silence. Paradoxalement une journée si
pleine d’attention au faire, à la praxis, permet d’être accordé à la réalité (il n’y en a qu’une, ou alors,
qu’est-elle ?) , et à travers le silence vécu dans les occupations ou le zazen, nous disons y vivre une
communion.
La chrétienne que je suis est intimement persuadée que le Christ se dit dans ce silence dont le sens
nous dépasse tous, infiniment et heureusement. La rencontre interreligieuse au niveau existentiel rend
heureux, car c’est plus qu’être côte à côte, ou pire « contre l’un et l’autre », c’est être avec, être
proche, nul ne peut nier que Jésus à réalisé cette proximité jusqu’à l’extrême.
Le Christ Lui-même est une Parole silencieuse qui ne se démontre pas, mais se manifeste à qui Il
veut, comme Il veut, quand Il veut. Son humilité touche à son paroxysme lorsqu’on peut recevoir sa
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