sous la direction de giuseppe cecere, mireille loubet, samuela pagani Les mystiques juives, chrétiennes et musulmanes dans l’Égypte médiévale (viie-xvie siècles) Interculturalités et contextes historiques Actes du colloque organisé à l’Ifao, 22-24 novembre 2010 INSTITUT FRANÇAIS D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE RAPH 35 – 2013 Yvan Koenig D’Évagre le Pontique à Jean Cassien Aspects de la transmission de l’expérience monastique égyptienne à l’Occident Situation d’Évagre le Pontique Lorsqu’Évagre le Pontique 1 arrive en Égypte en 383 pour y mener une vie monastique, il est déjà détenteur d’une solide formation. Il a été à l’école des plus grands théologiens de son époque : Basile de Césarée et Grégoire de Nazianze qui l’a élevé au diaconat et qu’il a accompagné à Constantinople (379). Il a séjourné en Palestine auprès de Rufin et de Mélanie, grands lecteurs d’Origène et des Cappadociens, qui l’orienteront vers l’Égypte. À Alexandrie, Évagre a sans doute rencontré Didyme l’Aveugle, puis il gagna les sites de Nitrie à une cinquantaine de kilomètres d’Alexandrie et finira par se rendre aux Kellia vers 385. Évagre y passera les dernières années de sa vie et y composera la totalité de l’œuvre qui nous est parvenue de lui. Il fut très influencé par le grand Macaire qui avait connu saint Antoine et qui vivait à Scété qu’il avait fondé et par un autre Macaire, Macaire l’Alexandrin qui était le père spirituel et le prêtre des Kellia. Il rejoindra le groupe de moines lettrés des Kellia que l’on appelait les « longs frères », le plus connu d’entre eux était Ammonios et leur aîné, Dioscore, deviendra l’évêque de la ville dont dépendait le désert de Nitrie (Hermopolis Parva). C’est aussi à cette communauté que s’agrégea Pallade, l’auteur de l’Histoire Lausiaque 2, quand il arriva aux Kellia en 390. Tous ces moines sont des lecteurs fervents de la Bible et d’Origène, ils sont en relation avec Mélanie et Rufin avec lesquels Évagre sera en correspondance ; progressivement Évagre va acquérir une influence déterminante sur ce groupe ; il va devenir un maître spirituel développant un enseignement fondé sur l’exégèse de Notes pages 33-36 17 y va n k o e n i g l’Écriture à la suite d’Origène. Cependant les thèses origénistes ne seront pas évoquées directement dans l’œuvre ascétique d’Évagre, car celui-ci considérait qu’elles ne devaient être révélées qu’aux moines avancés, pour lesquelles il va écrire son œuvre spéculative. Celle-ci ne nous est plus conservée en grec mais dans d’autres langues et en particulier en syriaque. Les conceptions du christianisme de l’époque La doctrine ascétique d’Évagre s’articule autour de deux conceptions qui sont celles du christianisme de l’époque : d’une part une compréhension de l’incarnation comme étant un rétablissement de la relation entre Dieu et la nature humaine et d’autre part un dynamisme interne à l’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. L’image est un acquis propre à la nature humaine ; en revanche la ressemblance, c’est précisément ce qu’il faut acquérir. La divinisation de l’homme est donc le but de l’incarnation, c’est ce qu’Athanase, à la suite d’Irénée, ne cesse de répéter : « Le Fils de Dieu est devenu homme, afin que nous devenions dieu en lui 3 » ou encore dans son traité Sur l’Incarnation : « Car il s’est lui-même fait homme, pour que nous soyons faits dieu 4. » Il ne s’agit pas bien sûr d’une divinisation selon la nature, mais d’une participation par grâce à la nature divine. Le dynamisme de la nature humaine « à l’image et à la ressemblance de Dieu » peut se déployer en raison de l’incarnation du Christ, car, comme le déclare déjà Irénée de Lyon, lorsque le Logos devint visible par son incarnation, il a montré que l’homme était vraiment son image 5. C’est dès lors par nature que l’homme est image du Verbe. Il a été créé à « l’image de l’image », cette image étant le Logos et les hommes sont destinés à « reproduire l’image du Fils » comme le dit saint Paul 6, le Fils étant pour Évagre « connaissance essentielle du Père ». Par le péché d’Adam, l’homme n’a pas perdu cette potentialité, cette image, pas plus qu’il ne pouvait perdre sa nature, en revanche sa ressemblance en a été affectée 7. L’incarnation rétablit la possibilité d’une ressemblance avec Dieu. Pour les Pères d’Alexandrie 8, 18 d ’ é va g r e l e p o n t i q u e à j e a n c a s s i e n ce qui en l’homme est créé à l’image de Dieu, c’est l’intellect (le noûs), la partie immatérielle de l’âme, et lorsque « l’âme se débarrasse de toute la souillure du péché répandu en elle, et ne garde dans sa pureté que la ressemblance de l’image, alors sans doute, quand cette image est illuminée, elle y contemple comme dans un miroir le Verbe, image du Père, et en lui contemple le Père dont le Sauveur est l’image 9 ». Ainsi, lorsque l’intellect est purifié des passions qui l’assaillent, il peut se tourner vers le Logos, à l’image duquel il a été créé et réaliser ainsi la vocation de l’homme, en participant par grâce à la nature divine. Pour Évagre ce qui importe, c’est moins le fait que l’intellect soit immatériel, que le fait qu’il soit susceptible de recevoir cette ressemblance. La conception dominante de l’âme chez les Pères est celle de l’époque : l’âme est composée de « parties » ou mieux de « puissances » ; la puissance désirante ou concupiscible est à l’origine de la croissance et de la reproduction, elle caractérise le règne végétal. La puissance irascible donne aux êtres, leur ardeur et leur imagination, elle caractérise les animaux. Enfin au sommet de la pyramide se situe l’homme qui est le seul à posséder une âme rationnelle. À ces puissances de l’âme s’ajoute le noûs, traduit par « intellect », qui est une faculté créée de l’âme permettant de saisir les réalités spirituelles. L’ascèse pour Évagre suppose une christologie implicite, car ce n’est que parce que le Christ a vaincu les passions que l’ascèse monastique a un sens, c’est donc une réinterprétation chrétienne qui se fonde sur une conception de l’homme et de son destin. Ce ne sont pas les efforts de l’homme qui sont dominants, mais bien la grâce divine qui, en agissant en communion avec les efforts de l’homme, en synergie, le transforme ; liberté et communion caractérisent l’ascèse chrétienne. La vie ascétique C’est un Dieu libre qui vient à la rencontre d’un homme libéré. La première phase en est un renoncement au monde et un isolement relatif ou hésychia. Désormais le moine est moins sollicité par les choses que par les pensées. La prière hésychaste se situe dans ce 19 y va n k o e n i g contexte, on peut dire qu’elle est au centre de cette spiritualité, le moine en progressant oriente sa prière vers la « prière pure » ou « sans représentation » dans laquelle Dieu se communique à l’homme ; elle caractérise la spiritualité orientale, tout en étant liée à une pratique ascétique. Ce passage du Christ au Logos dépend aussi d’une progression spirituelle qui transfigure le matériel et permet de saisir les réalités spirituelles. D’Évagre à Diadoque de Photicée, celle-ci évoluera en perdant son caractère origéniste. On y reviendra au cours de l’article. L’être humain doit en premier lieu se libérer des passions, qui sont les mouvements mauvais de l’âme humaine. La première phase de la vie ascétique ou « vie pratique » est avant tout une purification de la partie passionnée de l’âme, cette partie susceptible de passion étant le concupiscible et l’irascible. Cette lutte contre les passions mauvaises permet au moine d’acquérir un contrôle relatif de ses émotions, c’est ce qu’Évagre nommera « l’impassibilité », ou apatheia. Celle-ci est bien sûr partielle, et permet une coopération plus étroite avec la grâce divine ainsi qu’un développement de l’amour non passionné ou agapé, qui est aussi celui de Dieu. Pour Évagre, l’impassibilité et l’amour sont liés et introduisent directement à la deuxième phase de la vie spirituelle qu’il nomme « contemplation (theoria)» ou « connaissance (gnosis)». Cette participation progressive au plan de Dieu induit une modification du rapport aussi bien avec le monde qu’avec les autres. Il permet de voir dans la création les intentions de Dieu ou « raisons (logoi) » en premier lieu des êtres matériels, puis de s’élever vers les êtres spirituels dans un mouvement d’union de plus en plus étroite avec Dieu, c’est la « théologie » qui, loin d’être une activité discursive, est une participation à la connaissance essentielle de la Trinité. Ainsi le moine a une visée eschatologique et anticipe ici-bas un statut céleste dont il reçoit les arrhes. Ce mouvement de retour de la création vers Dieu était influencé par l’origénisme d’Évagre 10. Celui-ci était caractérisé par le fait qu’il admettait une double création. Les êtres ont d’abord été créés rationnels ou logikoi, puis une rupture est intervenue dans cette création, qu’Évagre appelait le mouvement, et ces êtres sont 20 d ’ é va g r e l e p o n t i q u e à j e a n c a s s i e n devenus matériels, à différents degrés, selon leur éloignement du divin, l’intellect devenant âme. Mais Dieu avait prévu cette chute et, par l’incarnation, les êtres peuvent rétablir leur statut originel, au travers d’une succession de mondes ou éons, c’est l’apocatastase origéniste. Si la tradition de l’Église va reprendre la lecture que fait Évagre de la vie chrétienne, elle en distinguera les spéculations sur les fins dernières. Situation de Jean Cassien Jean Cassien (360-435) 11 va recueillir cet héritage tout en le modifiant sur des points importants. Il est vraisemblablement d’origine roumaine et de culture latine, il a reçu aussi une culture soignée et connaît bien le grec. Après un séjour en Palestine, il se rendra en Égypte (380) en compagnie de son ami Germain et séjournera auprès d’Évagre, mais devra quitter l’Égypte à la suite de la première condamnation d’Évagre (399) qui eut lieu juste avant la mort de celui-ci (400). Il ne mentionnera jamais dans ses écrits Évagre ou Origène. Il se rendra alors à Constantinople auprès de Jean Chrysostome, puis, vers 405 et avant 419, séjournera à Rome auprès du pape pour défendre Jean Chrysostome (mort en 407) qui se heurte à diverses oppositions dont celle du patriarche d’Alexandrie Théophile. Il y restera une dizaine d’années. Plus tard, à la fin de sa vie, sollicité par le pape Léon, Cassien écrira un traité sur l’incarnation, qui fait de celui-ci non pas une œuvre occasionnelle, mais une récapitulation d’éléments épars dans toute son œuvre. Il s’en prendra surtout à ceux qui séparent l’humanité de la divinité du Christ. Quittant Rome, il se rendra à Marseille (419-435) où il fondera deux monastères. Son influence s’étendra rapidement et des personnalités religieuses, comme Castor d’Apt et Honorat fondateur de Lérins, le solliciteront pour qu’il écrive ses ouvrages monastiques. Ceux-ci se divisent en deux parties, la première, Les Institutions, sont consacrées à « l’homme extérieur » et s’adressent aux débutants engagés dans la « pratique » que Cassien appelle « scientia actualis », alors que Les Conférences sont destinées aux moines plus avancés et engagés dans la « contemplation ou 21 y va n k o e n i g connaissance » d’Évagre que Cassien nomme « scientia spiritalis ». Ainsi la démarche de Cassien se fonde moins sur une opposition rigide entre vie cénobitique et vie érémitique, que sur un passage des observances ascétiques extérieures, qui concernent les premières phases du combat monastique, pour ensuite se tourner vers les aspects les plus avancés de son enseignement comme la prière pure et ininterrompue qui relève de l’homme intérieur. Bien au contraire, une fascination irraisonnée pour la vie en solitaire, est pour lui un signe d’immaturité 12. L’enseignement de Jean Cassien Il va reprendre l’enseignement d’Évagre en écartant tout ce qui le sépare de la tradition de l’Église, c’est un principe fondamental qu’il exprime dès le début des Institutions : « Tout ce qui chez les serviteurs de Dieu, est retenu par un seul ou par une minorité, mais n’est pas possédé par tout le corps de la fraternité, tout cela est superflu ou prétentieux et doit pour cette raison être jugé mauvais et comme une manifestation de vanité plutôt que de vertu 13. » La tradition est pour lui un critère de discernement décisif et de continuité au sein des débats qui agitent les débuts du christianisme, en ce sens elle exprime une vision historienne et inspirée. Il intègre aussi bien la visée eschatologique que christologique d’Évagre tout en lui donnant une nouvelle interprétation plus compatible avec la tradition. Comme il le déclare dès sa première Conférence : « La fin de notre profession (mode de vie, ascèse) est le Royaume de Dieu ou Royaume des cieux ; mais notre but est la pureté du cœur sans laquelle il est impossible que personne n’atteigne cette fin 14. » Il simplifie le schéma d’Évagre qui faisait une distinction entre les deux Royaumes, et il remplace la notion d’« impassibilité » à résonance philosophique et qui était contestée par Jérôme 15, par celle, plus évangélique, de « pureté du cœur » qui fait référence aux Béatitudes : « Bienheureux les cœurs purs car ils verront Dieu 16. » Cette pureté doit être le terme de nos actions auquel il convient de rapporter les autres pratiques ascétiques, car « on gagne moins par un jeûne que l’on ne perd par un mouvement de colère » et donc 22 d ’ é va g r e l e p o n t i q u e à j e a n c a s s i e n « tout ce qui peut troubler la pureté et la paix de notre cœur doit être évité comme quelque chose de très nuisible, de quelque utilité ou nécessité qu’il paraisse par ailleurs 17 ». Les privations ascétiques ne sont pas un but en soi et les épreuves ascétiques ne sont rien, si l’on n’y associe pas l’amour dont parle saint Paul, cet amour pour Cassien est le fond même de la pureté du cœur 18 qui englobe aussi bien l’hésychia d’Évagre que l’agapé. Son enseignement s’articule sur un approfondissement de la méditation de l’Écriture, ce qui se traduit par un passage d’un sens littéral à un sens spirituel. Le fondement théologique de cette lecture est la compréhension de la double nature du Christ que le moine contemple progressivement dans la mesure où la purification de son cœur s’approfondit. Le texte de l’Écriture a le même statut, il est à la fois historique et spirituel ; en ce sens il est une médiation entre la fragilité humaine et le désir de communion avec Dieu. La création dans son ensemble ne trouve de sens que par rapport à Dieu : « Si rien n’est stable par soi-même, si rien n’est immuable, si rien n’est bon que Dieu seul, si nulle créature ne peut obtenir la béatitude de l’éternité et de l’immuabilité par sa nature propre, mais seulement par une participation de son Créateur et par grâce : toute bonté créée s’évanouit, comparée à la bonté du Créateur 19. » L’enseignement de Cassien s’inscrit dans une dynamique qui est aussi un approfondissement de la contemplation et de la prière en fonction du progrès dans la vie monastique. Cet approfondissement est aussi une simplification : un passage de la contemplation multiple du monde vers celle, unifiée, de Dieu 20. La création comme l’Écriture est un habit du Logos qui nous fournit ainsi des opportunités pour nous élever vers Dieu, en passant de la matérialité du sens littéral vers le spirituel, selon la purification de chacun. C’est la vertu de l’action qui réalise celle-ci et non la « vaine jactance 21 », pour lui la vie spirituelle est essentiellement « expérience et pratique ». La scientia actualis permet d’obtenir la contemplation et elle se comprend comme un renoncement, aux choses comme aux idées des choses car : « Il est impossible que l’âme occupée, même légèrement, des soins de ce monde mérite le don de la science 22. » 23 y va n k o e n i g La querelle «anthropomorphiste» À cet égard, une anecdote est significative ; elle est rapportée dans la Conférence X. Comme beaucoup de moines de Scété, l’Abba Sérapion interprétait le verset de la Genèse I, 26 « Dieu dit ‘ Faisons l’homme selon notre image et selon notre ressemblance. ’ » d’une façon littérale et pensait qu’il fallait se représenter Dieu sous une forme humaine. Cassien est particulièrement violent contre cet anthropomorphisme qui, pour lui, constitue un « grossier blasphème et un grave détriment pour la foi ­catholique23 ». Bien sûr, la conception de Cassien s’intègre dans sa christologie comme on vient de le voir et c’est aussi pour cette raison qu’il s’opposera à Nestorius dans son traité sur l’Incarnation du Seigneur, en lui reprochant de séparer la nature humaine du Christ de sa nature divine. Le problème était tout à fait réel au point qu’au vie siècle, le patriarche Timothée Ier de l’Église nestorienne ira jusqu’à déclarer, dans un synode réuni contre les mystiques, que l’humanité du Christ ellemême, si glorifiée qu’elle soit, ne peut voir sa divinité. La théologie nestorienne dans son souci de garantir la transcendance de Dieu veut la préserver de tout mélange avec le créé et le limité 24. Il n’est pas impossible, comme l’a suggéré A. Guillaumont 25, qu’en Égypte la querelle « anthropomorphiste » ait été déclenchée par la notion de « prière pure » d’Évagre et de ses partisans. Évagre expliquait en effet que tous les efforts du moine doivent tendre vers la « prière sans représentation ». La représentation mentale faisant obstacle à la contemplation de Dieu, il distingue entre les concepts qui génèrent des représentations dans l’intellect de ceux qui n’en génèrent pas 26. La position d’Évagre peut aussi être interprétée dans le cadre de la théologie de son temps. L’homme est créé à l’image de Dieu, c’est-à-dire à l’image du Fils. Cette image qu’est l’intellect se définit avant tout comme une capacité de réception de la monade trinitaire. Le baptême renouvelle cette image présente dans l’homme en l’inscrivant dans un processus tel qu’à la fin des temps nous serons à l’image du Fils qui est connaissance essentielle du Père. C’est par l’intermédiaire du Fils et de l’Esprit que nous pouvons connaître le Père. Cette théologie se situe dans la ligne de 24 d ’ é va g r e l e p o n t i q u e à j e a n c a s s i e n celle de saint Athanase qui considère que l’intellect purifié devient le miroir du Logos, à l’image duquel il a été créé, et que le Verbe étant image du Père, c’est le Père que l’intellect contemple par le biais de la « prière pure ». Comme l’a dit Irénée : « Le Fils est le visible du Père et le Père est l’invisible du Fils 27. » Les spirituels syro-orientaux, s’opposant au clergé officiel, insisteront beaucoup sur ce point, et iront même jusqu’à dire qu’il est impossible d’entrevoir le visage du Père, si ce n’est à travers le Christ. Ils s’appuieront en particulier sur un passage de saint Paul (2 Cor. 3.18 et 4.6) selon la traduction de la Peshitta qui parle de la transfiguration du visage du Christ glorifié, à l’intérieur du cœur 28. Les homélies macariennes exprimaient déjà une conception semblable : « De même que l’œil corporel, s’il est pur, voit nettement et sans cesse le soleil, ainsi l’intellect parfaitement purifié voit-il continuellement la gloire lumineuse du Christ, il est avec le Seigneur jour et nuit, de la même façon que le corps du Seigneur, uni à la divinité, est toujours avec le Saint-Esprit 29. » La prière Pour Évagre, dans la prière spirituelle, l’intellect à l’image du Fils dialogue avec le Père sans intermédiaire. C’est pourquoi il explique : « Celui qui prie en esprit et en vérité ne tire plus des créatures les louanges qu’il donne au Créateur, mais c’est de Dieu qu’il loue Dieu 30. » Cette prière « sans représentation » est aussi une prière dans la lumière : « Quand l’intellect est parvenu à la prière (troisième étape après la pratique et la contemplation), il est dans une lumière sans forme qui est appelée lieu de Dieu 31 », et « Si quelqu’un veut voir l’état de l’intellect, qu’il se prive de toutes les représentations et alors il le verra pareil au saphir ou à la couleur du ciel ; mais faire cela sans l’impassibilité est une chose impossible, car il a besoin de l’assistance de Dieu qui lui insuffle la lumière apparentée (τὸ συγγενὲς φῶς) 32 », cette lumière étant la lumière divine répandue sur l’intellect. C’était une expérience assez commune à Scété, et Évagre ira consulter Jean de Lycopolis (l’actuelle Assiout) le célèbre « voyant de la Thébaïde » pour l’interroger sur le sens de cette vision 33. On notera aussi que 25 y va n k o e n i g cette notion d’Évagre n’exclut pas toutes les représentations, mais uniquement celles qui n’ouvrent pas sur une transcendance. Il utilise d’ailleurs pour l’exprimer des expressions tirées de l’Écriture et surtout des théophanies de l’Exode ou de la vision d’Ézéchiel comme le « lieu de Dieu », ou le « pavement de saphir qui se trouve sous le trône de Dieu » qui renvoie à la théophanie d’Exode 24, 10 34. Cependant même si la mystique évagrienne est plus trinitaire que christologique, elle n’est pas dépourvue d’ambiguïté, elle peut recevoir une interprétation abstraite dans le sens d’une vacuité et le fait qu’il compare l’union finale des intellects avec Dieu, avec les eaux des rivières qui se jettent dans la mer va dans ce sens 35. Par contraste, celle de Cassien est profondément christologique, c’est une transfiguration de la personne et non son abolition, elle se fonde sur la vision du Christ transfiguré sur le Thabor. Il en a fait lui-même l’expérience, comme il le dira à la fin de sa vie : « Je vois un éclat indicible, une clarté inexprimable, je vois une splendeur insupportable à la faiblesse humaine et, au-delà de ce que peuvent soutenir des yeux mortels, la majesté de Dieu brillant d’un éclat incomparable 36. » Que l’imitation du Christ permette de transcender la nature humaine par grâce, afin de contempler la gloire divine du Christ, c’est là tout le sens de la scientia spiritalis, de la contemplation fondée sur la prière et la méditation spirituelle de l’Écriture. Il ne faut en aucun cas rester au niveau matériel qui était celui des idolâtres, mais par le Christ aller à la rencontre de la grâce divine. Il se fonde aussi sur le passage de saint Paul : « Si nous avons connu le Christ selon la chair, maintenant ce n’est plus ainsi que nous le connaissons 37. » Sérapion n’a pas dépassé l’actualis disciplina, la vie ascétique, il n’a pas vraiment rencontré le Christ. Pour Cassien cette rencontre se situe au-delà du matériel et au-delà du sens immédiat de l’Écriture, le progrès dans la vie ascétique s’accompagne d’un progrès tant dans la prière que dans la lecture de l’Écriture : « À mesure que, par cette étude, notre esprit se renouvelle, les Écritures commencent aussi à changer de face. Une compréhension plus mystérieuse nous en est donnée, dont la beauté grandit avec nos progrès 38. » 26 d ’ é va g r e l e p o n t i q u e à j e a n c a s s i e n C’est une rencontre avec le Christ transfiguré, en montant avec lui sur le Thabor : « Jésus ne laisse pas de se montrer aussi aux habitants des cités, des bourgs et des villages : j’entends à ceux qui s’adonnent aux œuvres de la vie ascétique ; mais non point dans le même éclat de gloire avec lequel il apparaît aux âmes assez fortes pour gravir avec lui sur les montagnes des vertus, comme Pierre, Jacques et Jean ; et tel qu’il apparut en effet à Moïse et parla au prophète Élie dans la solitude 39. » Il y a ici une certaine différence entre Évagre et Cassien. Évagre hésite à sortir de l’intellect, Cassien le transcende dans l’extase. On a pu trouver beaucoup de points communs entre Cassien et la tradition des Homélies macariennes et comparer la synthèse qu’il réalise entre Évagre et les Homélies macariennes avec celle de Diadoque de Photicée (vers 400-486). Contemporain de Cassien, celui-ci fut évêque de Photicée en Épire, il participa au Concile de Chalcédoine (451) et rédigea un important ouvrage pour des moines qu’il connaissait, les Chapitres gnostiques 40. Aux origines de la prière hésychaste Nous nous trouvons ici vraiment aux origines de la prière hésychaste, celle-ci se fonde essentiellement sur la scientia actualis et la « meditatio », c’est ainsi que Cassien traduit le mot grec « meleté ». Celle-ci est une « rumination » de l’Écriture ; elle est la suite logique de l’antirrhétique et de la prière monologique. L’antirrhétique étant une forme de prière qui consistait à utiliser un verset de l’Écriture spécifique pour riposter à l’attaque des pensées. Évagre avait ­composé un ouvrage rassemblant des versets de l’Écriture classés suivant les différentes pensées perturbatrices. La prière monologique s’inscrit parfaitement dans la problématique de la « prière pure ». Il s’agit de fixer l’intellect qui a tendance à vagabonder sur un verset de l’Écriture. C’était une pratique courante parmi les moines et déjà Ammonas disciple de saint Antoine, recommandait au moine de rester assis dans sa cellule en méditant continuellement la parole du publicain dans son cœur : « Aie pitié de moi, pécheur 41 ! » 27 y va n k o e n i g Cela permet aussi de prier tout en travaillant et de pouvoir répondre à l’injonction de saint Paul « Priez sans interruption 42 », qu’on peut ainsi concilier avec la nécessité de travailler qu’il ­recommande afin de n’être à charge de personne 43. Marc le Moine contemporain de Cassien utilisera l’expression de « prière monologique ». Cassien quant à lui, préconisant des prières « brèves mais fréquentes ; fréquentes, afin que nous puissions en priant Dieu plus souvent, adhérer constamment à lui ; brèves, pour éviter par ce moyen les traits dont le diable nous attaque et dont il s’efforce de nous accabler surtout au moment de la prière 44 », proposera la récitation du verset 2 du psaume 69 : « Deus in adiutorium meum intende : Domine, ad adiuuandum mihi festina 45 », « Mon Dieu venez à mon aide ; hâtez-vous Seigneur de me secourir. » Diadoque de Photicée suggérera quant à lui, la répétition du nom de Jésus, mettant cette pratique en relation avec la vision de la « lumière de l’intellect » : « L’intellect (noûs) réclame de nous d’une manière absolue, lorsque nous fermons toutes ses issues par le souvenir de Dieu, une œuvre qui doive satisfaire pleinement sa capacité d’exercice. Il faut donc lui donner le « Seigneur Jésus » comme la seule occupation pour arriver entièrement à ce but. En effet il est dit : « Personne ne peut dire Seigneur Jésus si ce n’est par l’Esprit Saint » (1 Cor. 12, 3). Cependant, que, sans cesse dans son cellier intérieur, il tienne son regard si étroitement fixé sur cette parole, qu’il ne s’en détourne pas vers des imaginations (phantasia). En effet, tous ceux qui méditent (meletôsin) sans cesse ce nom saint et glorieux dans la profondeur de leur cœur deviennent aussi, un jour, capables de voir la lumière de leur intellect. Car, si ce nom est retenu par la pensée avec un soin étroit, il consume toutes les souillures qui peuvent surnager dans l’âme 46… » Désormais toute la spiritualité de l’Église orientale s’inscrira dans cette problématique et au sixième siècle Dorothée de Gaza enseignera à son fils spirituel Dosithée la répétition de la formule : « Seigneur Jésus Christ, prends pitié de moi » et « Fils de Dieu, aidemoi 47 », établissant ainsi la tradition de la « prière de Jésus » dont 28 d ’ é va g r e l e p o n t i q u e à j e a n c a s s i e n on a retrouvé une inscription en copte, contemporaine des débuts de l’islam en Égypte, sur le site même des Kellia (entre le milieu du viie et le milieu du viiie siècle) 48. Plusieurs textes coptes datés du premier siècle de la domination arabe font allusion à cette pratique en l’attribuant au grand Macaire 49. Cette prière permet de faire l’expérience de la « prière pure » qui transcende à la fois les images et le langage, selon l’apophtegme de saint Antoine : « La prière n’est point parfaite, où le moine a conscience de soi et connaît qu’il prie 50. » La prière hésychaste suppose au « au-delà de la prière », qui n’est plus limitée par une image mais par une vision avec les « yeux du cœur » ; voir Dieu pour Cassien, c’est aussi participer à la circulation d’amour qui s’exprime entre le Père et le Fils 51, comme saint Jean l’énonce dans la Prière du Christ lors de la Cène, « afin que tous soient Un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi 52 », ce que Cassien exprimera ainsi : Quand tout amour, cum omnis amor, tout désir omne desiderium, toute ardeur omne studium, tout effort, omnis conatus, toute notre pensée, omnis cogitatio nostra, tout ce que nous vivons, omne quod vivimus, tout ce que nous disons, quod loquimur, tout ce que nous respirons, quod spiramus, sera Dieu,deus erit, et quand cette unité, qui maintenant est celle du Père avec le Fils et du Fils avec le Père, aura été répandue dans notre perception et notre esprit, c’est-à-dire que, comme Il nous témoigne illaque unitas quae nunc est patris cum filio et filii cum patre in nostrum fuerit sensum mentemque transfusa, id est ut quemadmodum nos 29 y va n k o e n i g une tendresse (caritas) sincère, pure et indélébile, nous lui soyons liés en retour par une affection (dilectio) perpétuelle et immuable, ainsi nous serons pour ainsi dire accouplés à lui, en sorte que tout ce que nous respirons, tout ce que nous connaissons, tout ce que nous disons, soit Dieu. ille sincera pura atque indissolubili diligit caritate, nos quoque ei perpetua et inseparabili dilectione iungamur, ita scilicet eidem copulati, ut quidquid spiramus, quidquid intellegimus quidquid loquimur, deus sit. Cassien, Conférence X.7.2. 30 FORNICATION AVARICE CONCUPISCIBLE DÉSIR ACÉDIE ARDEUR 4 INTELLECT OU ESPRIT NOÛS RAISON RATIONNELLE LOGISTIKON ORGUEIL 2/ NOÉTIKÉ - CONTEMPLATION DES INCORPORELS - CONNAISSANCE DE DIEU 1/ PHYSIKÉ CONTEMPLATION DE LA NATURE VIE CONTEMPLATIVE (THÉORIA) VIE PRATIQUE (PRAKTIKÉ) THÉOLOGIA OU PRIÈRE PURE APATHEIA (IMPASSIBILITÉ) AGAPÉ (AMOUR) HÉSYCHIA (QUIÉTUDE) ÉTAPES DE LA VIE SPIRITUELLE LA VIE ASCÉTIQUE SELON ÉVAGRE LE PONTIQUE VAINE GLOIRE COLÈRE IRASCIBLE 3 TRISTESSE THYMIKON 2 GLOUTONNERIE PENSÉES LOGISMOI ÉPITHYMITIKON 1 PUISSANCES DE L’ÂME d ’ é va g r e l e p o n t i q u e à j e a n c a s s i e n 31 32 FORNICATION AVARICE CONCUPISCIBLE DÉSIR ACÉDIE ARDEUR 3 4 INTELLECT OU ESPRIT NOÛS (MENS) RAISON RATIONNELLE ORGUEIL VAINE GLOIRE COLÈRE IRASCIBLE LOGISTIKON TRISTESSE THYMIKON 2 GLOUTONNERIE PENSÉES LOGISMOI ÉPITHYMITIKON 1 PUISSANCES DE L’ÂME PRIÈRE DE FEU SCIENTIA SPIRITALIS (VIE CONTEMPLATIVE) SCIENTIA ACTUALIS (VIE PRATIQUE) LA VIE ASCÉTIQUE SELON JEAN CASSIEN HOMME INTÉRIEUR PURITAS CORDIS (PURETÉ DU CŒUR) HOMME EXTÉRIEUR ÉTAPES DE LA VIE SPIRITUELLE y va n k o e n i g notes 1. Sur Évagre le Pontique, nous disposons maintenant d’une excellente synthèse : Guillaumont, Un philosophe au désert. 2. C’est aussi la principale source de renseignements sur la vie d’Évagre. Pour une publication récente : Pallade d’Hélénopolis, Histoire Lausiaque, Introduction, traduction et notes du P. Nicolas Molinier. 3. Ad Adelph., 4. PG XXVI, col. 1077 a : « Γέγονε γὰρ ἄνθρωπος, ἵν’ἡμᾶς ἐν ἐαυτῷ θεοποιήσῃ ». 4. DI 54, 3. 5. Adv. Haer. V.XVI.2 ; coll. 1167-1168. 6. Rm 8, 29. 7. Gross, La divinisation du chrétien, p. 148-149. 8. Dès Clément d’Alexandrie, cf. Gross, La divinisation du chrétien, p. 161 sq. 9. Contre les païens 34, p. 164-165. 10. Il durcit souvent les positions d’Origène, pour celui-ci au départ les créatures étaient pourvues d’une « corporéité éthérée », alors qu’Évagre soutient l’incorporéité humaine originelle. 11. Excellente synthèse sur Jean Cassien : Stewart, Cassian the Monk. 12. Cf. Driver, John Cassian, p. 92-93 en particulier. 13. Institutions I, 2 (p. 41). 14. Conférence I.4 (p. 81). 15. Jérôme (331-420) dans sa polémique contre le pélagianisme assimilera sans doute de façon excessive l’apatheia (impassibilité) à la doctrine de l’impeccantia (absence de péché). Mais Pélage démontra que les deux concepts n’étaient pas équivalents. Voir : Kelly, Jerome, p. 314-315 et note 35. On peut noter aussi que Jérôme était partisan d’un ascétisme plus radical, de type syrien, que celui préconisé par Cassien. Celuici, indirectement marqué par les condamnations d’Évagre et de l’origénisme par ce même Jérôme, se devait donc de tenir compte de ce puissant adversaire potentiel. 16. Mt 5, 8. 17. Conférence I.7. 18. Conférence I.6.4. 19. Conférence XXIII.3.1-4. 20. Voir Conférence I.8, 2-8. 21. Conférence XIV.9.1. 22. Conférence XIV.9.3. 23. Conférence X.1. Pour une interprétation différente de cette querelle, voir Florovsky : « The Anthropomorphites in the Egyptian Desert», p. 154-159. Il considère que le point de vue de Cassien était origéniste, « the origenist character of this treatise is obvious » parce qu’il opposerait une contemplation de Jésus dans sa chair et dans son humilité, décrite comme une infirmité judaïque, à une contemplation spirituelle et désincarnée « Origenism tends toward a certain ‘de-christologisation’ of worship ». Cette résistance « populaire » s’opposant à une théologie savante et origéniste, « The ultimate mystery of Christian faith is indeed, in that ‘God was manifest in the flesh’». The truth of this crucial « manifestation » is in no way contradicted by that other truth that Christ « was received up into glory » (1 Tim. 3, 16). Toutefois on 33 y va n k o e n i g peut relever, d’une part, que l’origénisme de Cassien est loin d’être prouvé et que, d’autre part, toute la tradition reprendra la notion de « prière sans représentation ». La spiritualisation de la prière n’étant plus comprise de façon origéniste, comme aussi la notion de « sens spirituel ». L’affirmation que Dieu est de nature spirituelle (cf. Jn. 4, 24 : « pneuma ho Theos »), n’est pas propre à l’origénisme et de toute façon la querelle portait sur l’interprétation d’un verset de la Genèse et pas sur la nature du Christ. Voir aussi Florovsky, « Theophilus of Alexandria and Apa Aphou de Pemdje », p. 275310. Les deux articles sont reproduits dans le volume IV des “Collected Works” de Florovsky, Aspects of Church History, p. 89-96, et 97-129. On peut noter aussi que la tradition a parfaitement intégré les œuvres ascétiques d’Évagre en les situant dans une dynamique différente de celle d’Origène. De plus, l’attribution, à Origène comme à Évagre, d’une hostilité à la chair est fausse, tous les deux considéraient que le corps était précieux, car il est « à l’âme déchue ce que le collyre est aux yeux du malade ». Voir, en dernier lieu, Évagre le Pontique, Chapitres des disciples d’Évagre, et l’introduction de Paul Géhin, p. 49-50 « excellence de la nature » et Évagre : « Si tout le mal provient naturellement de la partie rationnelle, de la concupiscible et de l’irascible et s’il est possible d’user bien ou mal de ces facultés, il est évident que c’est par suite de l’usage contre nature de ces parties que les maux nous arrivent ; et s’il en est ainsi, rien de ce qui a été fait par Dieu n’est mauvais » KG III, 59. L’évolution de la tradition est loin d’être une continuité sans débats. Certains auteurs comme Alexandre Golizin et Andrei Orlov ont rapproché l’anthropomorphisme des moines de croyances attestées dans le judaïsme de l’époque, en particulier dans le Shi’ur Qomah, la mystique de la Merkabah et l’Apocalypse d’Enoch. Voir les textes du séminaire interdisciplinaire de l’université Marquette (Milwaukee, USA) : « Jewish Roots of Eastern Christian Mysticism ».Voir aussi : Lourie et Orloff, The Theophaneia School. 24. Voir Beulay « L’originalité de Jean Dalyatha », p. 142 et notes. 25. Guillaumont, Les ‘Kephalaia gnostica’, p. 66 ; Driver, John Cassian, p. 37 et note 38. 26. Ce sera aussi plus tard celle, entre autres, de Grégoire Palamas qui s’opposera à Barlaam précisément sur la question du corps. Car pour lui le Verbe s’est incarné « pour faire communier le corps à la divine immortalité… pour honorer la chair, cette chair mortelle même, afin que les esprits orgueilleux ne se considèrent pas et ne soient pas considérés comme dignes d’honneurs plus grands que l’homme, afin qu’ils ne se déifient pas par leur incorporalité et leur immortalité apparente ». Hom 16 et Meyendorff, Introduction à l’étude de Grégoire Palamas, p. 205. 27. Contr. Haer. IV.6.3-6. 28. « (1 Cor. 3 : 18) “Nous tous, la face découverte, voyons la gloire du Seigneur comme dans un miroir de gloire en gloire. Et nous sommes transformés en cette Image, selon l’action du Saint Esprit.” (2 Cor. 4 :6) Car Dieu qui a dit : “Que de l’obscurité brille la lumière”, Lui-même a brillé dans nos cœurs pour que nous soyons illuminés par la connaissance de la gloire de Dieu qui est sur le visage du Christ. » Voir Khayyat, « Le visage du Christ », p. 78. 29. Homélie 17.4, voir Deseille, Les homélies spirituelles de saint Macaire, p. 211-212. 30. De Oratione 59. 34 notes 31. Réflexions 20. 32. Réflexions 2. D’après la traduction de Guillaumont, Un philosophe au désert, p. 303. 33. Antirrhétique VI, 16. Pour les sources de ce récit voir aussi A. Guillaumont, Un philosophe au désert, p. 67 et notes, et p. 303. Il demanda à Jean : « Si c’est la nature de l’intellect qui est lumineuse et si cette lumière jaillit de lui-même, ou bien si c’est quelque chose d’autre, extérieur à lui, qui apparaît et qui l’illumine. » Jean répondit : « qu’il n’est pas au pouvoir de l’homme d’expliquer cela et, d’autre part, que l’intellect ne peut être illuminé pendant la prière sans la grâce de Dieu, sans être libéré des ennemis nombreux et amers qui s’appliquent à sa perte » ; ce sont bien sûr les démons qui président aux passions. 34. « Quand l’intellect se sera dépouillé du vieil homme et aura revêtu celui qui naît de la grâce, alors il verra aussi son propre état, pareil au saphir et à la couleur du ciel ; c’est cet état que l’Écriture nomme le lieu de Dieu, qui a été vu par les Anciens sur le mont Sinaï. » Pensées 39. Évagre utilise la Septante, mais au lieu de « firmament » (στερεώματος), il lit « la couleur (χρώματος) du ciel ». Pour atténuer l’expression ils virent le Dieu d’Israël, les traducteurs alexandrins y substituent l’expression : ils virent le lieu où se tenait le Dieu d’Israël, la substitution étant facilitée par le fait que le mot hébreu mâqôm « lieu », est couramment utilisé comme substitut au nom de Dieu. Sur tout cela, voir Guillaumont, Un philosophe au désert, p. 303-304. 35. Lettre à Mélanie, § 27 : « Si, en effet, cette mer sensible qui est une dans sa nature, dans sa couleur et dans sa saveur, quand se mêlent à elle de nombreux fleuves ayant des saveurs différentes, non seulement n’est pas changée selon leurs variétés, mais les change sans peine et complètement selon sa nature, sa couleur et sa saveur, combien plus la mer intelligible, infinie et immuable qu’est Dieu le Père, quand retourneront à Lui les intellects comme les torrents retournent à la mer, les changera-t-Il tous parfaitement en sa nature, sa couleur et sa saveur ! Et dès lors, ils ne sont plus nombreux, mais ils sont un dans une unité sans fin et sans distinction à cause de leur union et de leur mélange avec Lui. » Traduction de Guillaumont, Un philosophe au désert, p. 402. 36. DI III.6.3, p. 130. 37. 2 Corinthiens 5, 16. 38. Conférence XIV.11.1. 39. Conférence X.6.2. 40. Sur Diadoque de Photicée et son enseignement voir maintenant : Plested, The Macarian Legacy, p. 133-175. 41. Voir Apophtegmata Patrum, Ammonas 4, PG 65, 120 C. 42. 1 Thess. 5, 17 (adialeiptôs proseucheste). 43. Voir 1 Thess. 2, 9 et II Thess. 3, 8. Sur cette question voir Guillaumont, « Le travail manuel », p. 118. 44. Institutions II.10.3 (p. 77). 45. Conférence X.10, SC 54, p. 85. 46. Diadoque de Photicee, Chapitres gnostiques § 59, voir SC 5 bis, p. 119. 47. Vie de Dosithée § 10, voir SC 92, p. 138-139. 48. Voir Guillaumont, « Une inscription copte sur la ‘prière de Jésus’ », p. 168-183. 35 y va n k o e n i g 49. Voir Guillaumont, « La prière de Jésus chez les moines d’Égypte », p. 127-133. 50. Conférence IX.31. 51. Conférence X.7. 52. Jn. 17, 21. 36 Table des matières Sylvie Denoix Préface........................................................................................... v Giuseppe Cecere, Mireille Loubet, Samuela Pagani Introduction.................................................................................. 1 I. La mystique comme catalyseur du renouveau au sein d’une culture religieuse Yvan Koenig D’Évagre le Pontique à Jean Cassien. Aspects de la transmission de l’expérience monastique égyptienne à l’Occident................................................................................. 17 Giuseppe Scattolin Ibn al-Fāriḍ and the Commentaries by al-Farghānī and by al-Tilmisānī.............................................. 37 Giuseppe Cecere Le charme discret de la Shādhiliyya ou l’insertion sociale d’Ibn ʿAṭā’ Allāh al-Iskandarī...................... 63 Édouard Robberechts Isaac Louria. La révolution kabbalistique aurait-elle ses racines en Égypte ?....... 95 Jonathan Garb The Psychological Turn in Sixteenth Century Kabbalah............. 109 471 les mystiques juives, chrétiennes et musulmanes II. Contacts et conflits : les aspects « destructeurs » de la relation à l’Autre Christian Boudignon La construction de l’image des juifs chez Sophrone de Jérusalem, dernier mystique grec d’Alexandrie............................................ 127 Audrey Dridi Pour qui coule le Nil ? Prophétie musulmane et mystique chrétienne concurrentes à l’époque mamelouke............................................................... 143 Richard McGregor Sufi Iconoclasm and the Problem of Comparative Religion....... 173 Giuseppe Cecere Se faire nourrir par les mécréants ? Soufisme et contact interreligieux dans les Laṭā’if al-minan d’Ibn ʿAṭā’ Allāh al-Iskandarī..................................................... 189 III. Situations de contact et créativité interculturelle III.1. Des croisements culturels effectifs Paul B. Fenton La pratique de la retraite spirituelle (khalwa) chez les judéo-soufis d’Égypte.................................................... 211 Mireille Loubet Les fondements de la voie piétiste dans l’Égypte médiévale. De la théorie à la pratique, d’après le Kitāb kifāyat al-ʿābidīn d’Abraham Maïmonide (1186-1237)............................................ 253 Dora Zsom Defying Death by Magic. The Circle of al-Shādhilī (Dā’irat al-Shādhilī)............................ 275 472 t a b l e d e s m at i è r e s III.2. Des évolutions parallèles Elisha Russ-Fishbane Physical Embodiment and Spiritual Rapture in Thirteenth-Century Sufi Mysticism....................................... 305 Maria chiara Giorda et Luca Patrizi Direction spirituelle dans le monachisme chrétien oriental et dans le soufisme..................................................................... 333 IV. Autorité spirituelle et recherche de l’hégémonie sociale Johannes den Heijer La transmission des récits sur les mystiques coptes (moines, ermites) et leurs rapports avec la société égyptienne à l’époque fatimide.......361 Naglaa Hamdi Dabee Boutros Le calife et le patriarche. Entre autorité politique et autorité de la mystique...................... 379 Nathan Hofer Mythical Identity Construction in Medieval Egyptian Sufism. Ibn ʿAṭā’ Allāh al-Iskandarī and Abraham Maimonides............. 393 V.Bibliographie V.1. Sources......................................................................................423 Histoire et géographie humaine de l’Égypte et du monde méditerranéen........................................................423 Judaïsme.................................................................................... 424 Christianisme..............................................................................427 Islam...........................................................................................430 V.2. Instruments de travail...............................................................437 Langues et littératures.................................................................437 Judaïsme.....................................................................................438 Christianisme..............................................................................438 Islam...........................................................................................438 473 les mystiques juives, chrétiennes et musulmanes V.3. Études.......................................................................................439 Questions de méthode................................................................439 Histoire et géographie humaine de l’Égypte et du monde méditerranéen........................................................441 Judaïsme.....................................................................................443 Christianisme............................................................................. 449 Islam...........................................................................................456 Transversalités.............................................................................463 Table des matières.................................................................. 471 474