32 SPECTRA ANALYSE 250 Juin - Juillet - Août 2006
TECHNOLOGIE APPLIQUÉE
DOSSIER PHOTONIQUE
Découverte
Michel FAUPEL, Héloïse DUC1
1Formatis - 48e Herrenstrasse - 4123 allschwil - Suisse – E-Mail : mfaupel1@hotmail.com
Photonique appliquée
aux sciences du vivant,
une introduction
RÉSUMÉ
On entend par biophotonique l’application de l’optique-photonique aux sciences du vivant
dans leur ensemble. Les outils issus de la biophotonique permettent non seulement une
meilleure compréhension des phénomènes biologiques, notamment des maladies, mais off rent
également de nouvelles voies de traitement et de recherche thérapeutique. Les quelques
exemples, non exhaustifs, présentés dans cette courte revue permettent de juger de l’impact
déjà très concret de la biophotonique sur l’analyse, le diagnostic et la thérapie.
MOTS CLÉS
Biophotonique, biopuce, diagnostic, imagerie, microscopie, photonique, thérapie, microscopie
Photonics applied to life sciences, a short review
SUMMARY
The term Biophotonics means the application of optics-photonics to the fi eld of life sciences. Tools steming from
biophotonics allow not only a better understanding of biological mechanisms, in particular of diseases, but also
offer new ways to treat and to discover innovative therapeutics. The few examples presented in this short review
allow one to evaluate the already tangible impact of biophotonics on analysis, diagnostics and therapy.
KEYWORDS
Biophotonics, biochip, diagnostic, imaging, photonics, therapy, microscopy
I – Science et rayonnement
au crépuscule du XIXe siècle
Le 8 novembre 1895, les rayons X sont découverts.
Leur mise en évidence est le fruit des recherches de
Wilhelm Conrad Rœntgen. Quelques jours avant sa
découverte Roentgen commence à s’intéresser aux
eff ets produits par le passage d’un courant électrique
dans des gaz rares, il entoure de carton noir le tube
à rayons cathodiques sur lequel il eff ectue ses recher-
ches et peut alors observer distinctement l’apparition
d’une fl uorescence sur la plaque de platinocyanure de
baryum placée par hasard en face du tube. Le scienti-
que nomme ces rayons « X » comme l’inconnue des
mathématiques...
Tout comme la lumière visible, les rayons X sont un
rayonnement de type électromagnétique, leur lon-
gueur d’onde est comprise entre 1.10-3 et 10 nm.
Les rayons X traversent la matière quand celle-ci,
placée entre l’ampoule et l’écran, na pas trop de con-
sistance. Ils ont également la propriété de noircir les
plaques photographiques qu’ils atteignent. Cette pro-
priété a rapidement trouvé une application remarqua-
ble, la radiologie. De fait, Roentgen réalisa la première
radiographie de l’histoire en prenant pour « sujet » la
main de son épouse, un cliché qui devait rapidement
faire le tour du monde. Pour ses travaux, Roentgen
obtiendra le Prix Nobel de Physique six ans après sa
découverte. Particulièrement féconde, l’année 1895
devait être marquée par une autre découverte essen-
tielle, celle de la radioactivité par Henri Becquerel. Là
encore, la découverte doit beaucoup au hasard. Après
avoir mis en contact une plaque photographique avec
des sels d’uranium, le physicien s’aperçoit que le sup-
port se trouve impressionné même en absence de lu-
mière. Les sels d’uranium apparaissent donc à l’origine
d’un rayonnement... Mais si le phénomène commence
à être appréhendé, il faudra attendre les travaux de
Marie Curie pour qu’il soit désigné sous le nom de
radioactivité. Poursuivant cette voie de recherche les
Technologie appliquée
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SPECTRA ANALYSE 250 Juin - Juillet - Août 2006
Photonique appliquée aux sciences du vivant, une introduction
époux Curie isolent le radium et le polonium en 1898.
Et, en 1903, la découverte de la radioactivité naturelle
est récompensée par le prix Nobel de physique dé-
cerné conjointement aux époux Curie et à Henri Bec-
querel. Par la suite, un second prix Nobel, de chimie
cette fois, récompensera les recherches de Marie Cu-
rie relatives à l’isolement du Radium et du Polonium.
Ces travaux trouvent rapidement des applications
en chimie, en médecine et en biologie. De nouvelles
voies thérapeutiques, ainsi que l’imagerie biomédicale,
émergent pour s’imposer au fi l des décennies qui sui-
vent comme des progrès majeurs.
II – Photonique et biophotonique
Très rapidement l’utilisation des rayonnements qu’ils
soient de nature électromagnétique ou particulaire
a constitué un outil de choix dans des domaines
extrêmement variés comme notamment l’analyse
physico-chimique, l’analyse médicale ou encore la
biologie fondamentale. la photonique concerne la
création, l’utilisation et la détection de la lumière dans
le but de transmettre des informations. Son applica-
tion dans le domaine des sciences du vivant a donné
naissance à une nouvelle discipline : la biophotonique.
Aujourd’hui, en phase d’émergence la biophotonique
trouve ses principales applications dans le domaine de
l’imagerie tissulaire et cellulaire, le développement de
techniques d’analyse à fort parallélisme pour l’étude de
l’expression des gènes, la mise au point de nouveaux
matériaux aux propriétés optiques remarquables
comme, par exemple, des fl uorophores inorganiques
composés de nanocristaux (ou « quantum dots »), et
de nouvelles solutions thérapeutiques.
III- Les domaines d’application
1. Lanalyse en biologie
On trouve dans cet ensemble un vaste panel de tech-
niques de visualisation et d’imagerie dont les champs
d’application vont de l’organisme entier jusqu’aux or-
ganites voire aux molécules des cellules. Dans ce do-
maine le développement de nouvelles techniques de
microscopie optique joue un rôle fondamental. La
microscopie de fl uorescence à 2 photons ou micros-
copie biphotonique, constitue un outil de choix pour
sonder en profondeur des tissus biologiques. Reposant
sur l’excitation d’un chromophore par l’interaction si-
multanée de 2 (ou 3) photons, elle se révèle également
beaucoup moins « toxique » pour le matériel obser
et permet une étude précise de phénomènes dynami-
ques et l’analyse de cinétique in vivo. Autre technique
de pointe, la microscopie 3D à déconvolution permet
de contourner les limitations de la microscopie clas-
sique et d’obtenir des images de qualité supérieure
grâce à l’utilisation d’algorithmes de traitement de
l’image. Au niveau des organes et des tissus, les tech-
niques d’imagerie optique constituent aujourd’hui un
domaine en plein essor qui vient compléter la batterie
d’outils, rayons X, imagerie par résonance magnétique
(IRM),…, couramment employés par les spécialistes
de l’imagerie biomédicale. La complémentarité de ces
techniques est par ailleurs très bien illustrée par l’ima-
gerie du petit animal ( gure 1). Dans le domaine de
l’imagerie biomédicale les techniques de tomographie
par cohérence optique s’imposent comme une tech-
nologie non invasive particulièrement prometteuse.
Comparable à l’echographie, cette technique permet
de réaliser des images en coupes dans les tissus avec
une résolution spatiale remarquable, comprise dans
une fourchette de 1 à 10 μm, la profondeur des mesu-
res réalisées reste toutefois encore relativement limitée
de l’ordre de quelques millimètres. Une autre techni-
que récemment appliquée à l’analyse des tissus sus-
Figure 1
Coupes sagittales, IRM et scanner X, acquises ex vivo d’une souris adulte
femelle. a) tomodensitométrique (0,270 mm2 x 0,5 mm d’épaisseur).
b) IRM à 0,1 T (0,420 mm2 x 1mm d’épaisseur) c) photographie de la
section du cadavre (lame cérébrale). Travaux réalisés au Laboratoire de
Biomécanique, Service de Biophysique et Médecine Nucléaire (hôpital
de Hautepierre, Strasbourg) afi n de réaliser un atlas de corrélation
anatomique de la souris. 1.Narine supérieure ; 2. Lèvre supérieure ;
3. Incisive supérieure ; 4. Lèvre inférieure ; 5. Langue ; 6. Palais mou ;
7. Incisive inférieure ; 8. Glande parotide ; 9. Base du cœur ; 10. Paroi
antérieur (ventricule gauche) ; 11. Ventricule cardiaque gauche ; 12.
Paroi postérieure ; 13. Apex du cœur ; 14. Lobe hépatique médial
gauche ; 15. Lobe hépatique latéral gauche ; 16. Estomac ; 17. Peau ;
18. Tube digestif ; 19. Ampoule rectale ; 20. Vagin ; 21. Bulbe olfactif ;
22. Ventricule lateral gauche ; 23. Corps calleux ; 24. Thalamus ; 25.
Cervelet ; 26. Côte ; 27. Bronche ; 28 Poumon gauche ; 29. Diaphragme ;
30. Moelle épinière ; 31. Processe mamillaire du lobe hépatique caudal ;
32. Rate ; 33. Corps vertébral d’une vertèbre lombaire ; 34. Palais dur ;
35. Partie Basillaire de l’os occipital ; 36. Clavicule ; 37. Os nasal gauche ;
38. Os frontal gauche ; 39. Os pariétal gauche ; 40. Os intrapariétal ;
41. Ecaille occipitale ; 42. Atlas et axis ; 43. 1er côte ; 44. Articulation
vertébro-cosatale de la seconde côte ; 45. 1er vertèbre lombaire ; 46.
Canal médullaire ; 47. Processus épineux de la 7ème vertèbre lombaire ;
48. Espace intervertébral lombaire (7-8) ; 49. Corps vertébral de la
8ème vertèbre lombaire ; 50 Vertèbre caudale. Contact : Philippe.
choquet@chru-strasbourg.fr
REMERCIEMENTS
Cet article a
été réalisé dans
le cadre du
programme
Interreg IIIA
Rhenapho-
tonics. Nous
remercions les
réseaux Rhena-
photonics Al-
sace et Optics
Valley pour leur
soutien et leur
implication
dans le déve-
loppement de
la biophotoni-
que en France
et en Europe.
TECHNOLOGIE APPLIQUÉE
34 SPECTRA ANALYSE 250 Juin - Juillet - Août 2006
DOSSIER SPECTROMÉTRIE DE MASSE
cite également aujourd’hui de plus en plus d’intérêts :
la spectrométrie de masse ( gure 2). Sa capacité à
permettre l’analyse rapide de mélanges de composés
complexes la positionne avantageusement par rapport
à des techniques d’imagerie in vivo comme l’IRM ou la
tomographie par émission de positrons (TEP).
Dans le domaine des biopuces, puces à ADN, puces
à protéines, laboratoires sur puce, la photonique joue
un rôle majeur à plusieurs niveaux : le développement
de nouveaux matériaux supports aux propriétés op-
tiques améliorées, la mise au point de technique de
fabrication et l’amélioration de la détection des réac-
tions étudiées sur ces puces. Concernant la détection
sur les puces à ADN, la très grande majorité des systè-
mes aujourd’hui mis en œuvre implique le marquage
des molécules étudiées, le plus souvent au moyen d’un
uorophore. La détection de la réaction d’hybridation
est ensuite réalisée par une lecture optique de la sur-
face de la puce en imagerie de fl uorescence. Bien que
très éprouvée et caractérisée par une très grande sen-
sibilité cette approche rencontre un certain nombre de
limites. Létape de marquage alourdit le protocole et ne
permet pas un suivi en temps réel de la réaction et, par
ailleurs, seule une part minime du signal de fl uores-
cence se trouve eff ectivement mesurée en raison, no-
tamment, de l’absorption due au support, le plus sou-
vent en verre, sur lequel sont greff ées les sondes. Ces
types de problèmes suscitent aujourd’hui d’importants
eff orts de recherche dans les secteurs académiques et
privés. Dans le domaine de l’optique-photonique, ces
recherches se focalisent, par exemple, sur l’optimisa-
tion des propriétés optiques des substrats et la mise
au point de techniques de détection sans marquage.
Dans ce dernier domaine les principales technologies
développées se fondent sur la mise en œuvre des on-
des évanescentes (résonance plasmonique de surface,
guide d’onde planaire) et exploitent la mesure de la va-
riation de l’indice de réfraction causée à la surface de
la puce par les phénomènes biologiques étudiés.
2. Outils thérapeutiques et diagnostics
Si la photonique constitue une discipline d’intérêt ma-
jeure pour la recherche fondamentale en biologie, elle
ouvre également la voie à la mise au point de disposi-
tif de diagnostic à visée biomédicale. Ainsi, à côté des
techniques d’imagerie précédemment évoqué, la pho-
tonique et l’optoélectronique joue également un rôle
essentiel dans le développement de biopuces destinées
à permettre un diagnostic rapide avec un minimum de
manipulation, réalisable au chevet du patient ou sur le
terrain.
Concernant le domaine de la thérapie, les deux ap-
plications majeures de la biophotonique s’appuient
sur l’utilisation des lasers médicaux et la photothéra-
pie dynamique. Aujourd’hui, les indications des lasers
dans le domaine médicale concernent une dizaine de
disciplines parmi lesquelles on retiendra principale-
ment l’ophtalmologie, la médecine dentaire, la derma-
tologie et la chirurgie esthétique. A côté de ces appli-
cations désormais classiques, on assiste également au
développement de l’utilisation de lasers de plus faible
puissance pour le diagnostic médical. Un des princi-
paux avantages de ce type d’approche repose bien évi-
demment sur la nature non ionisante du rayonnement
mis en œuvre. On citera parmi les applications ayant
déjà fait la démonstration clinique de leur intérêt la
mesure de l’oxygénation des tissus et la détection de
certaines tumeurs.
La photothérapie dynamique permet de détruire de
façon sélective des tissus malades. Elle repose sur l’ad-
ministration d’un composé photosensibilisant suscep-
tible de se concentrer au niveau des zones que le thé-
rapeute cherche à détruire. Lillumination de ces tissus
par un rayonnement de longueur d’onde adaptée au
spectre d’absorption de la substance photosensibili-
sante conduit à l’excitation de celle-ci puis à un trans-
fert d’énergie vers l’oxygène moléculaire environnant.
Il en résulte la formation d’espèces d’oxygène réactif
susceptibles de détruire les tissus malades. Cette ap-
proche thérapeutique trouve aujourd’hui ses princi-
pales applications en cancérologie, dermatologie et
ophtalmologie. Dans ce dernier domaine, elle peut
être utilisée pour le traitement de la forme exsudative
de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA).
V – Conclusions
Cette revue des applications de la photonique aux
domaines des sciences du vivant ne couvre qu’un très
petit nombre des diff érents champs technologiques
dans lesquels cette discipline a aujourd’hui sa place.
Une des caractéristiques les plus frappantes de la
biophotonique est certainement sa très grande trans-
versalité. Il s’agit d’une « discipline de convergence »
dans laquelle s’associent, l’optoélectronique, la micro-
électronique, les technologies de l’information et de la
communication,…, et la biologie. D’un côté, son dé-
veloppement nécessite la mise en commun du savoir
de communautés scientifi ques diverses et, de l’autre,
elle intervient dans un très large spectre d’applications
de l’analyse à la thérapie. Mais si la biophotonique est
très certainement appelée à jouer un rôle majeur dans
le domaine de la biologie fondamentale et de la bio-
médecine, elle trouve également de nombreuses ap-
plications dans d’autres domaines : l’agroalimentaire,
l’agronomie, l’environnement et même le stockage de
l’information. Un exemple : le développement de mé-
moires holographiques qui tirent parti de propriétés
de certaines protéines animales…une belle illustration
de l’intérêt d’associer la photonique à la biologie.
Figure 2
Biophotonique
et imagerie par
spectrometrique de
masse. Un laser vient
frapper un tissu, les
peptides résultants de ce
choc sont instantanément
analysés par spectrométrie
de masse et un logiciel
d’imagerie recompose
le positionnement sur le
tissu. Communication :
Michel Faupel, Tatiana
Rohner.
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