De l`interprétariat dans le soin des patients allophones

Aurélie BONNEAUD
Mémoire présenté en vue de l’obtention du
Master 2 de Sociologie Appliquée au Développement Local
Année 2015 /2016
De l’interprétariat dans le soin
des patients allophones :
Réflexions autour de la formation, les enjeux de
professionnalisation et de reconnaissance
des interprétes en santé
Directeur de recherche : Bruno MILLY
Second lecteur : Gilles HERREROS
Directeur de stage : Nicolas CHAMBON
Université Lumière Lyon 2
« On qualifie l’étranger d’ingrat, dans la mesure où il refuse de reconnaître que le modèle
culturel qu’on lui propose lui procure asile et protection. Mais les gens qui le traitent ainsi ne
s’aperçoivent pas que, au cours de la phase de transition, l’étranger ne considère pas du tout
ce modèle comme un asile protecteur mais plutôt un labyrinthe dans lequel il a perdu tous de
sens de l’orientation. »
Alfred SCHÜTZ, L’étranger, 1944
Remerciements
Je tiens à remercier Bruno MILLY pour avoir accepté de guider ma recherche et de l’avoir
éclairé avec ses conseils toujours très précieux.
Je remercie Gilles HERREROS pour avoir accepté d’être membre de mon jury en tant que
deuxième lecteur et dont j’ai particulièrement apprécié les enseignements de master.
Je remercie Nicolas CHAMBON pour avoir été un directeur de stage toujours disponible et
attentif à ce que ma recherche se déroule dans les meilleures conditions.
Je remercie Halima ZEROUG-VIAL, Gwen LE GOFF et toute l’équipe de l’Orspere-Samdarra
pour m’avoir si bien accueillie en stage. Avec eux, j’ai passé des moments riches de partages
d’expériences, de réflexions interdisciplinaires mais aussi de convivialités.
Je souhaite remercier toutes les personnes qui ont accepté de m’accorder du temps pour me
rencontrer lors de mes entretiens et m’apporter leurs points de vue sur mes réflexions au fil de
mon travail de terrain.
Merci à Beatrice MAURINES pour son soutien durant cette année de master SADL. Je tiens à
adresser mes pensées les plus sincères à l’ensemble des étudiant-e-s de la promotion 2015-2016
du master SADL pour cette année de travail et d’amitié partagée.
A Lila, pour avoir si bien compris que sa maman avait « un vraiment gros devoir à faire ».
Sommaire
Remerciements ........................................................................................................................... 3
Sommaire ................................................................................................................................... 4
Préambule ................................................................................................................................... 5
Introduction .............................................................................................................................. 7
Partie 1 : Du contexte d’un débat public sur la professionnalisation, discours et pratiques
sur l’interprétariat dans le soin ............................................................................................. 21
1. L’interprétariat dans le soin, un métier peu (re)connu ? ................................................... 21
1.1. Typologie des interprètes en santé ......................................................................... 22
1.2. Interprétariat dans le soin et accueil du migrant .................................................... 26
2. Un recours qui ne fait pas évidence .................................................................................. 33
2.1. Des structures de soins aux pratiques hétérogènes .................................................... 35
2.2. Une action publique « labellisante » ...................................................................... 39
2.3. Un patient allophone ne participant pas aux débats publics .................................. 45
3. Une définition comparative ............................................................................................... 49
Partie 2 : De l’engagement dans une carrière d’interprète en santé, quels moments pour
« faire monde commun » ? .................................................................................................... 56
1. La carrière de l’interprète : d’une opportunité biographique à un « engagement » ...... 58
2. La formation comme espace d’échange des « ficelles du métier » ............................... 69
3. Quels moments pour faire « monde commun » ? .......................................................... 75
Partie 3 : La lutte pour la reconnaissance de l’interprétariat dans le soin : comment
permettre la coopération ? .................................................................................................... 84
1. Les enjeux de la lutte pour la reconnaissance : autonomie et coopération.................... 85
2. « Faire réseau » : quelle coordination ? ......................................................................... 89
2.1. Autour des actions de sensibilisation au recours à l’interprétariat en santé............... 90
2.2. L’Orspere-Samdarra comme lieu ressource pour « faire réseau » ............................. 93
3. Perspectives et points de vigilance ................................................................................ 94
Conclusion ............................................................................................................................... 96
Bibliographie ......................................................................................................................... 100
Annexes .................................................................................................................................. 106
Préambule
Colloque Interculturalité et soin le 20 novembre 2014, intervention de Gabriel URIBELARREA,
doctorant en sociologie et Aurélie BONNEAUD, assistante sociale, « Intercompréhension et
reconnaissance dans l’accompagnement aux soins des personnes sans domicile - l’exemple de
l’équipe mobile du Réseau Social Rue Hôpital ».
« Mr Scargo, 40 ans, est polonais et ne parle pas français même s’il comprend certains mots. Il
parle un peu l’anglais. Je ne parle pas le polonais. Nous communiquons dans un mélange de
français, d’anglais, d’écritures et de dessins. Il y a 4 mois, Mr Scargo s’est fracturé le poignet.
Après avoir écourté son séjour aux Lits Halte Soins Santé je l’avais orienté, il est reparti
dans la rue. Accompagné par une collègue du Samu Social, il a pu retirer son plâtre aux
urgences. Deux semaines plus tard, nous partons en maraude à sa recherche. Nous le retrouvons
à une station de tramway. Nous remarquons d’emblée l’aspect de son poignet : gonflé, tordu. Il
nous confirme que c’est douloureux et par des gestes nous fait comprendre que « ça le lance ».
Il a eu mal toute la nuit. Il précise qu’il n’est pas tombé. Nous commençons à lui expliquer qu’il
faut qu’il montre son poignet à un médecin. Il refuse catégoriquement. Nous commençons à
négocier en lui expliquant qu’il « ne peut pas rester comme ça, à avoir mal ». (…) Mr Scargo
me fait signe de la tête « non pas hôpital », « pas dormir hôpital ». Nous lui expliquons qu’il
ne sera pas contraint de rester dormir s’il ne le souhaite pas. « Hôpital not good, not good »,
lâche-t-il bruyamment en faisant des grands « non » de son bras encore valide. Essayant de
désamorcer la tension émanant de ce refus catégorique je lance : « I’m working in this hospital,
there’s good people too ». Il rit et acquiesce. Il acceptera finalement d’être accompagné aux
urgences. »
Avant de commencer cette recherche, l’interprétariat dans le soin n’était pas un domaine
totalement « étranger » pour moi. Dans ma pratique professionnelle d’assistante sociale, j’ai
travaillé auprès de personnes ne maîtrisant pas la langue française dans différentes situations et
suivant différentes missions (accompagnement aux soins de personnes « sans abris », aide au
récit dans la demande d’asile, entretien social, etc.). Il m’est arrivé d’accompagner des
personnes dans des consultations médicales et je me suis trouvée en position de « tiers », ayant
pour rôle d’expliquer le soin au patient et le « social » au médecin pour que celui-ci adapte le
soin aux conditions de vies du patient.
Au fil de ces expériences, j’ai pu rencontrer une diversité des formes d’interprétariat
possible (professionnels, personnels soignants bilingues, membre de la famille, compatriote au
téléphone, etc.) et mobiliser les différents outils de traduction informatique tradumed »,
« Google trad », etc.) dont j’ai toujours une des applications sur mon téléphone. J’ai aussi connu
les nombreuses « galères » de l’interprétariat par téléphone, que je mobilisais souvent dans les
situations d’urgences (mettre à l’abri une femme victime de violence conjugale, accueillir un
mineur isolé étranger, etc.).
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