Parole sans frontière©2003, 5 rue Grandidier 67000 Strasbourg
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apportent autant de réponses neuves à la question du "comment vivre ?", au
problème de l'émergence de l'individualité. La préhistoire du concept
anthropologique de la culture se joue sur le terrain du relativisme, de la
critique des traditions, de ce qui paraissait acquis, justement..
Deux conditions sont nécessaires à la "dénaturalisation" de l'existence
humaine sur le plan mental :
- la vie urbaine, la ville commerciale (qui n'est plus simplement place
forte ou lieu du culte), point de convergence pour les Grecs mais
aussi point de jonction avec les autres civilisations, non grecques,
- la vie politique plus spécifiquement grecque, élément de
différenciation face aux Barbares, source de problèmes, de conflits,
occasion de réflexions.
La ville comme milieu artificiel, oikos typiquement humain est
thématisée comme cité, c'est-à-dire permet la prise de conscience de l'auto-
organisation de la société, de son "institution imaginaire", comme dirait
Castoriadis. Il n'est pas inutile de rappeler que cette découverte de la culture
(avant sa conceptualisation) va de pair chez les sophistes et les socratiques
avec une intense réflexion sur le langage.
Cette distinction philosophique sera reprise au siècle des Lumières
comme distinction anthropologique, à partir d'une interrogation renouvelée
sur la nature humaine, l'homme naturel, l'état de nature, le droit naturel, à la
suite de la déchristianisation, de la laïcisation rationaliste à la recherche de
fondements, interrogation qui fera découvrir, paradoxalement... la culture.
Cependant, le culturalisme anthropologique se construit aussi en rupture
avec cette traduction philosophique, rupture qui s'appuie sur une étude qui se
veut positive des sociétés différentes, malgré la tentation (et les tentatives)
permanente des constructions théoriques, des fictions génétiques (dont Freud
n'a pas l'exclusive). Cette rupture se fera aussi contre les centres d'intérêt
majeurs du XIXè siècle philosophique, celui de la naissance des sciences de
l'homme : à savoir l'histoire et la société (en l'occurrence, les sociétés
occidentales avec leur dynamique économique, politique, "spirituelle",
comme disaient les Allemands).
Il faudra, au tournant du siècle, le décentrement ethnologique - lié à la
colonisation, aux dernières explorations, aux premiers ethnocides, notamment
aux USA - pour construire ce concept général de la culture, c'est-à-dire le
détour par l'étude positive (méticuleuse, pointilliste : l'ethno-graphie, la mise
en friche des peuples !) des sociétés "primitives", qui ne sont plus