Les travailleurs à risque particulier : le cas des implants médicaux

Scientific Committee on Radiation & Work Comité scientifique Rayonnement et santé
Les travailleurs à risque particulier : le cas des implants médicaux
1Leena Korpinen, 2Martine Souques
1Tampere University of Technology
2Service des Etudes Médicales d’EDF
Contexte
Avec l’avancée de la technologie médicale, une variété de nouveaux dispositifs ou soins
facilitant ou même entretenant les fonctions vitales de l’être humain est entrée sur le
marché. Ces dispositifs incluent les stimulateurs cardiaques (PMs), les cardioverters/
défibrillateurs implantables (ICDs), les pompes à insuline et les neurostimulateurs.
La Directive 2013/35/EU du Parlement Européen et du Conseil, sur les exigences minimales
vis-à-vis de la santé et de la sécurité au regard de l’exposition des travailleurs aux risques
résultant des agents physiques (champs électromagnétiques), inclut des exigences
minimales pour la protection des travailleurs par rapport aux risques pour leur santé et leur
sécurité résultant, ou vraisemblablement résultant, de l’exposition aux champs
électromagnétiques pendant leur travail. Selon la directive 2013/35/EU, quelques travailleurs
particuliers peuvent éprouver des problèmes d’interférence, qui font que les EMF peuvent
affecter le fonctionnement des dispositifs médicaux (par exemple les prothèses métalliques,
PMs et ICDs, les implants cochléaires et autres implants ou dispositifs médicaux portés sur
le corps). Il est possible que les problèmes d’interférence, particulièrement avec les PMs,
puissent survenir à des niveaux inférieurs aux ALs (niveaux d’action), qui sont 50 Hz) : (1)
pour les champs électriques : ALs bas 10 kV/m (rms), et ALs hauts 20 kV/m (rms) ; (2) pour
les champs magnétiques : ALs bas 1000 µT (rms) et ALs hauts 6000 µT (rms), ALs 18 mT
(rms) pour l’exposition des membres à un champ magnétique localisé. [1]
Exemples de dispositifs médicaux implantés actifs (AIMDs) et pompes à insuline
Les stimulateurs cardiaques (PMs) ont évolué depuis des dispositifs simples, à fréquence
fixe, jusqu’à des dispositifs qui peuvent être programmés individuellement. Le dispositif
permet au cœur des patients qui ont un rythme cardiaque lent (bradycardie) de fonctionner
normalement. Les stimulateurs cardiaques peuvent être soit à chambre unique, avec la
sonde de stimulation implantée soit dans l’oreillette soit dans le ventricule, soit des systèmes
à double chambre, avec une sonde implantée dans l’oreillette et une autre dans le ventricule.
Le système reconnait la fonction cardiaque et, si nécessaire, envoie une impulsion électrique
qui entraine la contraction du muscle cardiaque. La configuration de l’électrode peut être
unipolaire ou bipolaire. Dans le système unipolaire, la sonde comprend une électrode qui se
trouve dans le cœur en tant que cathode, alors que l’anode est le boîtier métallique du PMs
lui-même. Dans le système bipolaire, la sonde a deux électrodes très proches l’une de
l’autre, situées dans le cœur. Selon le PMs, la durée de vie de la source d’énergie est de 4 à
7 ans. Le boîtier du PMs est habituellement constitué de titane.
Les cardioverters/défibrillateurs implantables (ICDs) ont été inventés quelques 20 ans
après les stimulateurs cardiaques, et constituent un moyen efficace pour empêcher
l’arythmie ventriculaire aigue qui pourrait conduire à une mort subite du patient. Les
défibrillateurs internes sont en service depuis 1980. Ils peuvent reconnaitre un rythme
cardiaque mettant la vie en danger et lui répondre avec différentes sortes d’impulsions
électriques. Le but des ICDs est d’arrêter les tachycardies ventriculaires ou les fibrillations en
appliquant une impulsion de choc, et ainsi d’épargner la vie du patient. Les ICDs peuvent
aussi stimuler le cœur si le battement est trop lent. Le dispositif réagit aussi à la tachycardie
en délivrant une impulsion semblable à un léger coup afin de réaliser une cardioversion. Les
sondes des ICDS sont toujours dans une configuration bipolaire.
Les pompes à insulines : Un des dispositifs d’aide en continu les plus courants de nos
jours est la pompe à insuline, qui est sur le marché depuis plus de 25 ans. Le principe de
fonctionnement de la pompe à insuline est de délivrer de l’insuline via un petit tube et une
canule insérée sous la peau (appelé ensemble d’injection). Les pompes à insuline sont de
petits dispositifs portables qui fournissent les patients en insuline à action rapide à tout
moment. Les pompes à insuline peuvent être utilisées par des patients de tous âges ayant
du diabète de type 1 ou de type 2. Il est aussi possible d’incorporer une variété de logiciels
de pilotage de thérapie issus d’internet dans le fonctionnement de la pompe.
Les neurostimulateurs sont des dispositifs utilisés dans les traitements de
neuromodulation. Le dispositif dirige les fonctions du système nerveux à l’aide d’électrodes
implantées dans le corps. Cette technique peut être utilisée pour le traitement des douleurs
graves, par exemple. Le neurostimulateur est un dispositif similaire au stimulateur cardiaque.
Un exemple de neurostimulateur est le stimulateur de moelle épinière, qui peut être utilisé
dans les douleurs neuropathiques (nerfs endommagés) ou ischémique (manque d’oxygène)
si aucun autre traitement n’existe ou n’est efficace. Les patients utilisant le dispositif peuvent
ajuster l’intensité de la stimulation électrique sur la colonne vertébrale à l’aide d’une
télécommande. Le process d’implantation pour le dispositif inclut une période d’essai, suivie
par l’implantation finale du stimulateur. Différents types de stimulateurs ont aussi été
développés pour stimuler les structures cérébrales.
Les implants cochléaires existent depuis 1978. Ils sont utilisés pour fournir un niveau
d’audition aux personnes atteintes de surdité sévère ou profonde. Apprentissage et suivi
sont nécessaires après la mise en place de l’implant, et le cerveau a besoin d’une période
d’adaptation pour apprendre à identifier les informations reçues. L’information sonore reçue
par un dispositif installé derrière le pavillon auriculaire (partie extérieure) est traitée par un
microprocesseur inclus dans ce dispositif. Le signal électrique est envoyé à la cochlée par un
fil connecté à une antenne (placée sous la peau du sujet), qui transmet le signal aux
électrodes (jusqu’à 22) implantées dans le limaçon (portion intérieure).
Travailleurs avec des AIMDs et exposition aux EMF
L’interférence des EMF avec les PMs et ICDs a été étudiée, in vivo et in vitro, par exemple
en Finlande et en France [2-6]. Les essais sur les PMs (en Finlande) ont montré que le
champ électrique sous une ligne de tension 400 kV (6,7-7,5 kV/m) peut perturber un PM en
mode unipolaire, ce qui peut se produire pour des tâches sous les lignes 400 kV ou dans des
postes de transformation de 110 kV (ou plus). Cependant, le risque d’interférence n’est pas
considéré comme élevé, car seulement un PM, parmi les plusieurs PMs testés, a affiché une
perturbation majeure [2]. Pour le champ magnétique 50 Hz, les essais sur des PMs (en
France) ne révèlent pas d’interférence en dessous de 50 µT en mode unipolaire et en
dessous de 100 µT en mode bipolaire [4]. Pour les ICDs, les essais in vitro (en France) ne
révèlent pas d’interférence jusqu’à 3000 µT, mais 4 dispositifs seulement ont été testés [5].
Une méthodologie pour évaluer le risque de dysfonctionnement des PMs et ICDs avec
l’exposition professionnelle aux EMF a été développée à EDF pour aider le médecin du
travail à prendre une décision concernant l’aptitude au travail [6].
References
[1] European Parliament and Council of the European Union, “Directive 2013/35/EU of the
European Parliament and of the Council on the minimum health and safety requirements
regarding the exposure of workers to the risks arising from physical agents (electromagnetic
fields) (20th individual Directive within the meaning of Article 16(1) of Directive 89/391/EEC)
and repealing Directive 2004/40/EC,” Official Journal of the European Union, p. 21, 2013.
[2] L. Korpinen, H. Kuisti, J. Elovaara, and V. Virtanen, “Cardiac Pacemakers in Electric and
Magnetic Fields of 400-kV Power Lines,” Pacing Clin Electrophysiol, Feb 6 2012.
[3] L. Korpinen, H Kuisti, J. Elovaara, and V. Virtanen, “Implantable Cardioverter Defibrillators
in Electric and Magnetic Fields of 400 kV Power Lines” Pacing Clin Electrophysiol, Sep 13
2013.
[4] A. Trigano, O. Blandeau, M. Souques, JP. Gernez, I. Magne. Clinical study of
interferences with cardiac pacemakers by a magnetic field at power-line frequency. J Am Coll
Cadiol, 2005, 45 (6): 896-900.
[5] J. Katrib, M. Nadi, D. Kourtiche, I. Magne, P. Schmitt, M. Souques, et al. In vitro
assessment of the immunity of implantable cardioverter-defibrillators to magnetic fields of
50/60 Hz. Physiol Meas 2013;34(10):1281-92.
[6] M. Souques, I. Magne, and J. Lambrozo, “Implantable cardioverter defibrillator and 50-Hz
electric and magnetic fields exposure in the workplace,” Int Arch Occup Environ Health,
2011, 84:1-6.
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