DÉPRESSION
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La publication des 33 évolutions majeures de la pensée
clinique en psychiatrie répondait à l’exigence de
savoir des psychiatres, jeunes et vieux, face aux
bouleversements de la psychiatrie, jusque dans le
langage et les conceptions.
Le terme de « dépression », toujours vivace, ne saurait constituer une évidence
trompeuse. Diagnostic complexe, une terminologie aussi profane pourrait en
obscurcir l’investigation. La dépression est considérée par l’OMS comme un
problème planétaire majeur de santé publique, entraînant des coûts sociaux et
individuels considérables en termes économiques et de qualité de vie.
Pourtant, le caractère « compréhensible » de ce mot, d’usage fortement
médiatisé, lui fait occuper la place de diagnostic fourre-tout, par exemple pour
parer aux multiples attaques contre le secret médical, professionnel, partagé,
remis au patient (ce qui est normal), à la Sécurité sociale, dans le dossier fourni
par le patient aux experts de toutes sortes (assurances…)…
La dépression en même temps devient technique. On en finit avec l’idée d’un
sentiment associé au confort et à l’oisiveté, à l’introspection excessive ou à l’in-
tellectualisme : mal du siècle si peu romantique quand les difficultés existen-
tielles ont envahi le champ de la médecine, en même temps que la définition
de la maladie reste la préoccupation majeure des médecins et des malades.
Dans une perspective anthropologique, certains considèrent les nouvelles
exigences de réussite comme un repérage important dans la définition de la
dépression, tandis qu’on tend à privilégier les causes extérieures au sujet
psychique, qu’elles soient organiques ou environnementales : à la fois « maladie
de la responsabilité dans laquelle le sentiment d’insuffisance domine celui de la
culpabilité » (Lecourt D, Dictionnaire de la pensée médicale. Paris, PUF, 2004),
pathologie de l’estime de soi et de la conception grandiose de soi-même, et à la
fois objet des recherches dites régulièrement « les plus prometteuses ».
Ainsi l’envahissement de la psychiatrie par les problèmes liés à la dépression
met-il en évidence différents aspects :
– ce n’est plus un autodiagnostic et elle n’est plus synonyme de « déprime » ;
– elle a pris, dans la psychiatrie hors-les-murs, le rôle majeur attribué aux
troubles psychotiques par la psychiatrie asilaire ;
– en même temps que les troubles psychiatriques tendent à être absorbés en
une psychose unique dépressive et schizophrénique ;
éditorial