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L’Empire des steppes
L’Empire des steppes est immense. Il occupe toute la partie septentrionale de l’Asie, limité à l’ouest
par la Plaine hongroise, cul-de-sac des invasions, et le monde slave, au nord par la Taïga sibérienne,
au sud par la Mer Noire, la Steppe pontique et le Caucase, la Mer Caspienne, le Khârezm et la Mer
d’Aral, la Sogdiane et le fleuve Amou-Daria, les chaînes de l’Hindou-Kouch, du Pamir et du Tian-
Shan, et enfin le désert de Gobi jusqu’à l’Océan Pacifique.
Les peuples des steppes sont des Turcs à l’ouest, Mongols au centre et Djurtchets (ou Mandchous)
à l’est. La civilisation des steppes est la plus vaste, la moins peuplée, la plus incontrôlable. Elle
deviendra par ses invasions multidirectionnelles, et notamment à partir du Xème siècle, un
« connecteur » pour l’ensemble des civilisations asiatiques. Elle atteint son apogée entre le XIème
et le XIVème siècles avec l’Empire turc seldjoukide (XIème-XIIème siècles), puis l’Empire mongol
(XIIIème-XIVème siècles), celui-ci unifiant l’ensemble des civilisations asiatiques – hormis l’indienne,
l’Indochine et l’Insulinde, le Japon. C’est cet empire qui par son étendue, son esprit conquérant et
son universalisme, va unifier les vieilles civilisations asiatiques, ou du moins établir des relations
durables et créer ainsi les conditions du grand désenclavement du monde à partir de 1200.
Les peuples des steppes sont à la base des éleveurs nomades, excellents cavaliers, excellents
guerriers sauf dans les zones agricoles, urbanisées, montagneuses ou tropicales.
N’étant ni agriculteurs, ni urbanisés, ils sont en perpétuel mouvement, tributaires pour leur survie
des échanges avec les civilisations agricoles et urbaines du sud. L’intensité de ces échanges dépend
aussi de leur proximité géographique avec les autres civilisations. Par conséquent, contrairement à
l’Europe et au Moyen-Orient, les contacts entre l’Empire des steppes et le monde chinois sont
permanents car ces deux mondes sont beaucoup plus proches. Les relations entre ces deux
civilisations que tout oppose seront un problème récurrent pour la civilisation chinoise jusqu’au
XVIIIème siècle, c’est-à-dire jusqu’à la grande expansion des Qing et la soumission définitive des
« Barbares du nord ».
Les peuples des steppes ne peuvent survivre sans ces échanges. La Chine échange avec eux, en leur
achetant notamment du cuir et les chevaux dont elle a besoin pour ses armées. Mais la Chine
cherche avant toute chose à s’en protéger et à protéger la Route de la soie, d’où les grandes
murailles consolidées sous les Han (IIème siècle avant JC- IIème siècle après JC), prolongées vers
l’ouest sous les Tang (VIIème-Xème siècles), consolidées à nouveau sous les Ming (XIVème-XVIIème
siècles). L’évolution des relations sino-turques ou sino-mongoles dépendent avant tout de l’attitude
chinoise. Si la Chine se sentant menacée ferme ses frontières, les peuples des steppes doivent
attaquer pour assurer leur survie. Si au contraire la Chine s’ouvre au commerce et établit des
alliances, les peuples des steppes peuvent s’enhardir, conquérir les steppes du nord de la Chine et y
établir leurs royaumes, contraignant parfois même les Chinois à payer des tributs en échange de la
paix (Khitan, 1004 ; Tangut, 1044 ; Djurtchets, 1142) !
Le monde indien
Il englobe le sous-continent indien, les côtes africaine, indienne et malaise qui bordent l’Océan
Indien, une grande partie de l’Indochine et l’Insulinde. Le sous-continent indien est constitué de la
plaine Indo-Gangétique au nord, l’Hindoustan, du vaste plateau du Deccan au centre et du pays
dravidien au sud. L’Hindoustan bénéficie des eaux de la mousson – 11 mètres de précipitations au
Bengale – et des grands fleuves alimentés par les glaciers de l’Himalaya. C’est une terre
d’agriculture riche. Le système de la rizière irriguée fut probablement mis au point au Bengale, puis
le long des cours de l’Indus et du Gange, la terre portant deux, voire trois récoltes par an.
L’opposition entre d’une part l’Hindoustan et d’autre part, le Deccan et le Sud dravidien a en
grande partie structuré l’histoire indienne. La plaine du Nord est la zone privilégiée des dominations
impériales. La contrôler est relativement facile, tandis que le Deccan, plus compartimenté, est plus
difficile à conquérir et à tenir. Le pays dravidien, ouvert sur l’Océan Indien, est le principal relais de
la Route maritime des épices et donc, du grand commerce asiatique.