douleurs et sida - Douleurs Sans Frontières

publicité
DOULEURS ET SIDA
Discordance entre l'importance du problème et le petit nombre de
publications
Les patients infectés peuvent souffrir de douleur à n'importe quel
stade de la maladie mais la prévalence des manifestations
algiques augmente avec l'évolution de la maladie:
60 à 90% dans le cas de sida déclaré
40% des patients séropositifs bénéficient d'antalgiques
Vouloir vaincre la douleur n'est pas une démarche illusoire chez
les patients séropositifs
•Pourtant la douleurs chez ces patients est sous-estimée et
insuffisamment traitée :
- patients réticents à décrire leur douleur
- attention des médecins attirée par l'évolution de la maladie et
les complications vitales
- évolution de la prise en charge (de la demande de soutien à
la demande de réussite thérapeutique)
- étiologie des douleurs souvent multifactorielle
- pas de guidelines spécifiques
- maîtrise insuffisante du maniement et des indications des
antalgiques
- concomitance de troubles psychiatriques
- risques d'interactions médicamenteuses
- crainte d'utiliser des antalgiques majeurs dans certaines
circonstances (toxicomanie)
Cette prise en charge de la douleur pour être
optimale doit obéir à des règles: évaluation de la
douleur, prescription avec des algorythmes de
décisions thérapeutiques et surtout:
Î prise en charge multimodale impliquant
l'ensemble de l'équipe soignante et un travail en
réseau avec les consultations de la douleur, les
unités de soins palliatifs et les soins à domicile
CARACTERISTIQUES DE LA DOULEUR
DANS L'INFECTION A VIH
La douleur est un phénomène complexe et très fréquent : 2ème
cause d'hospitalisation après la fièvre
Fréquence des localisations douloureuses multiples:
- 31,3% des patients ont plus de 3 localisations moyenne de
2,7 par sujet
- le nombre de localisations douloureuses augmente avec
l'évolution
Maladie devenue chronique au prix d'effets indésirables
iatrogènes
Coexistence des causes :
le virus
les infection opportunistes
les tumeurs
l'origine iatrogène
l'atteinte simultanée de plusieurs organes
la cachexie
les douleurs liées au vécu de la maladie
Mécanismes générateurs divers:
excès de nociception par lésion tissulaire
douleurs de désafférentation ou neuropathiques par dysfonctionnement des
nerfs périphériques
douleurs mixtes
douleurs provoquées (actes invasifs, soins)
douleurs psychogènes
douleur morale
douleur sociale
douleur spirituelle
ANALYSE ET ETIOLOGIE DES
DOULEURS (1)
La douleur aiguë
symptôme "signal d'alarme",
parfois d'une urgence thérapeutique
- disparaît généralement après la mise en place d'un traitement
étiologique
- peut dans certains cas se transformer en douleur chronique
Localisations les plus fréquentes
Céphalées
Douleurs abdominales
Principales étiologies
- céphalées symptomatiques:
z- toxoplasmose cérébrale
z- méningites
z- encéphalites
z- lymphome malin non hodgkinien
- céphalées iatrogènes
- céphalée post-PL
- céphalées essentielles
z- migraine
z- céphalées de tension
- sinusites
- infections gastro-intestinales
- Kaposi ou lymphome
- affections hépato-biliaires
- adénopathies rétropéritonéales
- organomégalie
- syndrome occlusif (tumeurs)
- pancréatites
- douleurs ano-rectales (herpès, CMV,tumeurs)
- coliques néphrétiques iatrogènes
Douleurs thoraciques
Douleurs oropharyngées
-origine
pulmonaire : pneumocystose,
pneumopathies, pneumothorax, épanchements
liquidiens
-- origine cardiaque : péricardite
-- origine œsophagienne : candidose, infections
(CMV, herpès, VIH) ulcérations, tumeurs
-candidose
buccale- gingivite
-- parodontite, abcès dentaires
-- stomatite
-- aphtes buccaux idiopathiques ou iatrogènes
-- tumeurs (Kaposi, lymphomes)
ANALYSE ET ETIOLOGIE DES
DOULEURS (2)
La douleur chronique
-Elle se définit comme une douleur évoluant depuis plus de 3 à 6 mois
selon les auteurs
- Elle induit des perturbations somatiques et psychiques
- La douleur symptôme devient douleur maladie
On distingue 4 composantes interactives et
interdépendantes
- composante sensoridiscriminative : perception des caractéristiques
qualitatives, d'intensité, de localisation et temporo-spatiales d'un message
douloureux
composante affectivo-émotionnelle : traduit le retentissement et le vécu
affectif (caractère spécifique "punitif", "mérité" ou "rédempteur" du sida)
composante cognitive : en fonction du capital socio-culturel et éducatif d'un
patient, la douleur a un sens spécifique
composante comportementale : ensemble des manifestations verbales ou
non, motrices, végétatives par lesquelles le patient exprime sa douleur
Les causes de la douleur chronique
sont nombreuses
Certaines étiologies évoluent sur un mode
chronique (terrain particulier)
- retard de cicatrisation de lésions cutanéomuqueuses
- résistance aux antibiotiques ou antifongiques
ANALYSE ET ETIOLOGIE DES
DOULEURS (3)
Les causes des douleurs nociceptives se
confondent souvent avec les causes des douleurs
aiguës, toutefois certaines douleurs sont
rapidement chronicisées
Etiologies :
douleurs musculaires :
-infectieuses ou tumorales
- vascularites
- rhabdomyolyses liées au VIH ou iatrogènes
(traitement ARV et traitement des complications des ARV)
iatrogènes (AZT, D4T…)
acidose lactique
cachexie
pathologies mitochondriales
douleurs articulaires :
- spondylarthropathies, enthésopathies
- syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter
- rhumatisme psoriasique
- arthropathie à VIH
-hémarthroses de l'hémophile
douleurs cutanées :
- escarres
- lésions de Kaposi
- zona
- les nouvelles complications de l'infection à VIH
- ostéonécrose aseptique de hanche
- ostéoporose précoce
- complications coronariennes
- gynécomasties
ANALYSE ET ETIOLOGIE DES DOULEURS (4)
Les causes des douleurs neuropathiques ou de désafférentation associées à
l'infection à VIH sont multiples et très fréquentes.
Etiologies
liées au VIH (cytokines) :
- polyradiculonévrite inflammatoire démyélinisante aiguë (phase précoce)
- polyradiculonévrite chronique
- myélites
liées aux dysfonctionnement immunitaire induits par le VIH (immunoallergique)
- vascularites
- myélopathies
liées à l'immunodépression et aux infections opportunistes
- CMV, VZV
- Maladie de Castleman (HHV8)
- Lymphomes
- Cancer du col de l'utérus
- Cancer de la marge anale
- Syndrome des antiphospholipides (thromboses)
- liées aux troubles métaboliques
- troubles de la glycorégulation (diabète type II)
- déficit hormonaux (testostérone, DHEA…)
- troubles sexuels, douleurs, impuissance
ANALYSE ET ETIOLOGIE DES DOULEURS (5)
- Liées aux traitements antirétroviraux cytopathies
mitochondriales
-Inhibiteurs nucléosidiques de la réverse transcriptase
AZT, DDI, DDC, D4T, 3TC
- IP : Ritonavir, Lopinavir, Amprénavir, Indinavir
- Cytotoxiques
- INH
- Dapsone
ANALYSE ET ETIOLOGIE DES DOULEURS (6)
Les douleurs psychogènes
Liées au vécu au quotidien du VIH :
- peur de la déchéance physique et psychique
- peur de la mort réactivée lors de chaque événement
somatique
- associées ou non à une pathologie psychiatrique
- angoisse somatisée
Les douleurs provoquées
Les douleurs liées aux actes invasifs :
- PBH, myélogramme, PL, endoscopies…
- mais aussi intolérance de gestes moins douloureux en raison
de leur répétition
- les douleurs en rapport avec les soins
Les douleurs morales, sociales et spirituelles
dès l'annonce de la séropositivité
- inquiétude, peur, angoisse, déstabilisation psychique,
ruptures pertes
- douleur d'une rupture par rapport au temps
- douleur d'une rupture de la sexualité
- douleur d'une rupture dans la relation au corps
- douleur d'une rupture avec l'entourage familial et social
sous traitement
- douleur liée aux modifications physiques (lipodystrophie)
- visibilité de la maladie
LES TRAITEMENTS ANTIRETROVIRAUX
Particularités : 3 situations de prescription
- patient séropositif connu : la séropositivité précède
la mise en place du traitement , permettant un temps
d'adaptation psychique
- primo-infection où la révélation du diagnostic de
séropositivité et la mise en place du traitement
antirétroviral sont simultanés
- traitement préventif des accidents d'exposition au
virus où la mise en place du traitement précède une
éventuelle séroconversion.
LES TRAITEMENTS ANTIRETROVIRAUX
Effets secondaires douloureux des antirétroviraux
PRODUITS
AZT (Rétrovir°)
Effets indésirables
- nausées, céphalées,myosites
- acidose lactique
-anémie, leuco-neutropénie
-stéatose hépatique
3TC (Epivir°)
I
N
T
I
- rash cutané, céphalées, troubles gastro-intestinaux, pancréatite
- neuropathie périphérique
- acidose lactique
- hépatotoxicité, neutropénie, anémie
D4T (Zerit°)
- troubles digestifs, neuropathies périphériques, acidose lactique
- cytolyse hépatique
DDI (Videx°)
- pancréatite, neuropathie, diarrhée, nausées, vomissements
- hyperuricémie
DDC (Hivid°)
I
N
N
T
I
- neuropathie périphérique, ulcérations buccales et oesophagiennes, aphtes
Abacavir (Ziagen°)
- hypersensibilité : fièvre,éruption cutanée, troubles gastro-intestinaux,
myalgies, arthralgies, hypotension
- céphalées, diarrhée, anorexie
Tenofovir (Viread°)
- troubles digestifs, flatulences,diarrhées
Névirapine (Viramune°)
- intolérance cutanée, fièvre, nausées, céphalées
- cytolyse hépatique
Efavirenz (Sustiva°)
- nausées, éruptions cutanées, cauchemars, céphalées, diarrhée, vertiges,
insomnie, troubles de l'attention, asthénie, gynécomastie
- cytolyse hépatique
Saquinavir (Invirase°)**
- troubles gastro-intestinaux, céphalées, vertiges, asthénie
- dyslipidémies, hyperglycémie, cytolyse hépatique
Ritonavir (Norvir°)
- troubles gastro-intestinaux, paresthésies péribuccales,
neuropathie sensitive, vertiges, somnolence, céphalées,
allergie, asthénie, érythème, prurit, lipodystrophies
- hématomes chez l'hémophile
- leuconeutropénie, cytolyse hépatique
- dyslipidémie, acidose lactique
Indinavir (Crixivan°)**
I
P
- lithiase urinaire, troubles gastro-intestinaux, asthénie,
céphalées, vertiges, prurit, rash, lipodystrophies,
gynécomasties
- cytolyse hépatique
Nelfinavir (Viracept°)
Saquinavir soft gel (Fortovase°)
Amprénavir (Agénérase°)**
- rash, allergie, diarrhée, douleurs abdominales
- troubles gastro-intestinaux, céphalées, vertiges, asthénie
- exanthèmes, paresthésies, céphalées, vomissements,
troubles digestifs, lipodystrophies
- dyslipidémie, acidose lactique
Lopinavir**/Ritonavir (Kaletra°)
- troubles digestifs, asthénie, éruptions, lipodystrophies
- dyslipidémie, acidose lactique
Atazanavir (Reyataz°)**
Fosamprénavir (Telzir°)**
I
F
- troubles digestifs, douleurs abdominales,
hyperbilirubinémie, céphalées
- exanthèmes, paresthésies, céphalées, vomissements,
troubles digestifs, lipodystrophies
- dyslipidémie, acidose lactique
Enfuvirtide (Fuzéon°)
- Douleurs ++ aux sites d'injection (s/cx2/j)
** devant ou pouvant être boosté par le Norvir
Aux effets secondaires des antirétroviraux se surajoutent les effets secondaires des antibiothérapies curatives ou préventives et des
traitements des effets secondaires eux-mêmes (dyslipidémies surtout)
LES TRAITEMENTS ANTIRETROVIRAUX
Interférences médicamenteuses antirétroviraux/antalgiques
Interactions avec de nombreuses molécules : certaines sont contre-indiquées, pour d'autres
les doses doivent être modifiées ou utilisées avec prudence
Analgésiques centraux, anesthésiques, substitution
- codéine et AZT
- méthadone (toutes les molécules)
- morphine : AZT, NNRTI, IP
- buprénorphine : IP, NNRTI
Analgésiques périphériques
- bien tolérés
Anti-inflammatoires
- surtout avec Norvir et Kaletra
Neuroleptiques
- assez bien tolérés sauf pimozide, clozapine
Hypnotiques
- triazolam : NNRTI et IP (contre-indiqué)
- prudence avec le phénobarbital
Tranquillisants
- alprazolam (NNRTI et IP) , midazolam IV contre-indiqué
- interactions benzodiazépines et NNRTI/IP
Antimigraineux
- dihydroergotamine, ergotamine contre-indiquées avec NNRTI et IP
TRAITEMENT ANTALGIQUE ET VIH
Le traitement analgésique présente certaines spécificités chez les
patients atteints par le VIH et notamment au stade de sida.
Même si les règles d'utilisation restent identiques dans leurs grandes
lignes à celles préconisées dans la douleur du cancer, on doit tenir
compte de la polymédication avec les risques d'interactions
médicamenteuses et de la sensibilité accrue des patients aux effets
secondaires.
Les médicaments d'action centrale doivent être utilisés avec
prudence en raison de la fréquence des troubles neuro-psychiatriques de
la maladie VIH.
Si l'utilisation des morphiniques ne pose généralement pas de
problèmes chez les anciens toxicomanes, elle peut être délicate chez les
toxicomanes actifs, notamment pour évaluer les posologies efficaces.
TRAITEMENT ANTALGIQUE ET VIH
• Le traitement analgésique présente certaines spécificités chez les patients
atteints par le VIH et notamment au stade de sida.
Même si les règles d'utilisation restent identiques dans leurs grandes lignes à
celles préconisées dans la douleur du cancer, on doit tenir compte de la
polymédication avec les risques d'interactions médicamenteuses et de la sensibilité
accrue des patients aux effets secondaires.
• Les médicaments d'action centrale doivent être utilisés avec prudence en raison
de la fréquence des troubles neuro-psychiatriques de la maladie VIH.
• Si l'utilisation des morphiniques ne pose généralement pas de problèmes chez
les anciens toxicomanes, elle peut être délicate chez les toxicomanes actifs,
notamment pour évaluer les posologies efficaces.
Particularité des toxicomanes actifs :
-choisir le médicament initial en fonction du type de douleur
-calculer la posologie initiale en fonction du niveau présumé
d'accoutumance aux morphiniques
- choisir une voie d'administration et une présentation réduisant les
risques de détournement d'utilisation et de toxicomanie
-négocier fermement les risques de demande d'escalade de doses
(traitements adjuvants)
- prescrire les morphiniques par cycles courts
TRAITEMENT DE LA DOULEUR
• En l'absence de recommandations officielles spécifiques à la prise en charge
de la douleur au cours de l'infection à VIH, il est préconisé d'appliquer les
mêmes recommandations de l'OMS que celles concernant la prise en charge
de la douloureux cancéreuse
Principes fondamentaux :
• Dans le contexte de l'infection à VIH, la stratégie thérapeutique repose sur :
- le traitement curatif spécifique des infections en cours
- la modification éventuelle du régime thérapeutique pour les douleurs
d'origine iatrogène en l'absence de traitement antalgique efficace
- la prise en charge globale, multidimentionnelle de la douleur
- l'utilisation adaptée des différents moyens de lutte contre la douleur
chez les patients infectés par le VIH
- l'emploi correct des analgésiques selon le schéma de l'OMS pour les
douleurs nociceptives en tenant compte des interférences
médicamenteuses
1.
Traitement antalgique et co-antalgique
médicamenteux
2.
Traitement étiologique
3.
Traitement non médicamenteux: méthodes non
invasives
Physiothérapie
Massages
Drainage lymphatique
Exercices de mobilisation ou immobilisation
Neurostimulation transcutanée
Thermothérapie
4.
Méthodes invasives
Techniques neuro-chirurgicales
Interruption des voies de la douleur
Techniques de neuro-stimulation
Blocs nerveux
5.
Soutien psychologique
6.
Thérapies comportementales
Hypnose
Biofeedback
relaxation
PRISE EN CHARGE DES AUTRES SYMPTÔMES
Dans l'infection à VIH de nombreux symptômes peuvent s'intriquer avec la
douleur et interférer avec elle.
Leur prise en charge est essentielle:
- anxiété, dépression
- asthénie, insomnie, anorexie, dénutrition et cachexie
- lipodystrophie ou lipoatrophie
- fièvre
- toux, dyspnée,
- prurit
- dysphagie, nausées, vomissements, diarrhée, constipation ….
D'autres symptômes sont liés aux traitements de la douleur:
- sécheresse buccale, nausées, vomissements, constipation
- somnolence, syndrome confusionnel
- troubles mictionnels
Enfin certains symptômes peuvent gêner l'évaluation et le traitement de la
douleur:
- cécité, syndrome démentiel
- syndrome de sevrage aux morphiniques
En conclusion
Même si la maladie sida régresse, le nombre de séropositif croît de
nouveau.
Parmi les nouveaux cas de sida, 57% ne connaissaient pas leur
séropositivité avant la maladie.
Qu'elle soit morale ou physique, la douleur fait partie intégrante du parcours
d'une personne atteinte par le VIH et ce dès l'annonce de la séropositivité.
L'infection à VIH est encore une maladie fatale avec son cortège de
souffrances, de cachexie, de dépendance, de douleurs spontanées requérant
des traitements adaptés, de besoin de soins palliatifs transitoires ou ultimes.
Le panel thérapeutique médicamenteux ou non dont nous disposons
actuellement doit, malgré les difficultés de maniement de certaines molécules,
pouvoir être utilisé quotidiennement, y compris dans les situations de grande
précarité ou en milieu carcéral.
Cette approche intégriste de la souffrance est de mieux en mieux
appréhendée mais elle ne peut se concevoir sans la collaboration de tous les
différents praticiens et de l'intégralité des équipes soignantes.
Téléchargement