GOUVERNANCE 2
l’économique et du social, constituait une entrave à leur enrichissement, à
leur croissance économique et, par voie de conséquence, à la production
de richesses, signe fondamental au travers duquel pouvait, depuis plus de
deux siècles, s’évaluer le progrès général des sociétés humaines. Libérés
de toutes les formes de contraintes, de réglementations et des systèmes
idéologiques, les flux mondiaux de capitaux ne pouvaient qu’installer,
disait-on, les économies sur un sentier de croissance durable et stable, tout
en garantissant la maximisation des bénéfices à ceux qui y seraient, d’une
manière ou d’une autre, impliqués. L’économie financiarisée pouvait
fonctionner sur le mode du « enrichissez-vous », lancé autrefois par
Guizot.
Mais, l’économie mondiale s’est dérobée. Ces gigantesques flux de
capitaux qui animent depuis plus de vingt ans cette économie mondiale,
n’ont pas réduit les écarts de richesses entre les pôles industrialisés et les
autres régions du monde. Au contraire, ils les ont accentués. On a offert
au capitalisme des degrés de liberté supplémentaires pour surmonter une
crise de rentabilité dont il éprouve quelque difficulté à sortir, mais on a
dé-structuré des sociétés entières en les sommant d’intégrer cette
économie mondiale. Ces flux n’ont pas non plus installé les sociétés sur
un sentier de croissance stable et durable ni permis la baisse du nombre de
sans-emploi.
A pu surgir alors une première menace. Celle de la contestation, dont
on a vu qu’elle pouvait parfois intimider, mais intimider seulement, les
détenteurs de capitaux, les institutions internationales, les gouvernements.
Seattle 1999, Gênes 2001, Cancún 2003. Les grèves de l’automne 1995
en France ont même été perçues comme un, sinon le, point de départ de
cette contestation. Quoi que l’on pense de ce que l’on qualifie désormais
de « nouveaux mouvements sociaux », de leur absence de radicalité face à
la violence du capitalisme, il demeure que leur éclosion a provoqué une
peur chez les tenants de la globalisation financière. Les inégalités se
creusant, des réponses se forment et attisent la critique, et se traduisent
parfois en actes. Cette contestation figure depuis peu dans les
préoccupations relatives au devenir de la globalisation. Il suffit pour s’en
rendre compte de lire l’un des derniers rapports du Conseil d’Analyse
Économique, intitulé « Gouvernance mondiale », pour prendre la mesure
de l’inquiétude, voire de la peur, qui s’est emparée des experts placés
auprès du Premier Ministre de la France, les obligeant à intervenir et à
mobiliser leurs savoirs afin de proposer un ou des modes de
« gouvernance »2.
De manière pratiquement concomitante, une seconde menace s’est
révélée. La multiplication des faillites, des contre-performances, des
2 Lire P. Jacquet, J. Pisani-Ferry et L. Tubiana [2002], Gouvernance mondiale, Conseil
d’Analyse Économique, La Documentation française.