50 adsp n° 67 juin 2009
Activités physiques ou sportives & santé
subite chez les personnes porteuses d’une
coronaropathie latente cependant que celui-ci
augmente à l’exercice chez les sujets ayant une
cardiopathie qui prédispose à la mort subite.
Le mécanisme exact causant la mort subite
chez les patients porteurs d’une pathologie
coronaire n’est pas parfaitement connu. On
retrouve des plaques athéromateuses avec
des signes de rupture ou de thrombose dans
95 % des morts subites d’origine cardiaque
dans la population générale, alors que cette
proportion est plus faible lorsqu’il s’agit d’une
mort subite d’origine ischémique ou par
spasme coronaire mais survenant à l’exercice.
Il y a plusieurs mécanismes par lesquels
l’activité physique intense peut précipiter
l’ischémie myocardique (sourance métabo-
lique du cœur sans infarctus) chez les athlètes
porteurs de pathologies coronaires. L’élé-
vation initiale de la pression artérielle peut
accélérer la ssuration d’une plaque athéro-
mateuse jusque-là moyennement sténosante,
entraînant une thrombose occlusive. D’autre
part, une plaque athéromateuse non occlusive
peut majorer une ischémie en déséquilibrant
la balance entre la demande myocardique en
oxygène et son apport, pouvant conduire
à un infarctus du myocarde. Enfin, une
ischémie myocardique peut résulter d’un
spasme coronaire, le plus souvent au niveau
de lésions athéromateuses. Il en résulte une
baisse immédiate du débit cardiaque et du
débit cérébral avec perte de conscience. Enn,
il peut s’agir d’une brillation ventriculaire
(disparition des contractions coordonnées
des ventricules) induite sur un myocarde
particulièrement sensible.
À côté des pathologies coronaires latentes,
il y a de nombreuses autres pathologies
cardiaques susceptibles d’entraîner des morts
subites. Les sujets porteurs de cardiomyopa-
thies hypertrophiques (maladies génétiques
entraînant un épaississement important
localisé ou dius de la paroi du ventricule
gauche et une réduction du volume de la
cavité ventriculaire gauche) présentent un
risque accru de mort subite durant l’exercice
dès avant 40 ans. Dans le cadre des valvulo-
pathies (atteintes des valves cardiaques), la
sténose aortique (rétrécissement de la valve
aortique) peut entraîner une mort subite,
dans les formes où la sténose entraîne une
intolérance patente à l’exercice. Chez ces
patients, il convient de réduire l’activité
physique. Lors de myocardites (inammation
des tuniques musculaires du cœur), il est
recommandé d’arrêter l’exercice physique au
moins pendant deux semaines après retour à
l’apyrexie (disparition de la èvre), disparition
des myalgies (douleurs musculaires) et des
arthralgies (douleurs articulaires). D’autres
pathologies cardiaques sont susceptibles
d’entraîner des morts subites, quoique plus
rarement : anomalies d’origine et de trajet
des artères coronaires, rupture aortique dans
le cadre d’un syndrome de Marfan (maladie
héréditaire du tissu conjonctif avec risque
accru de dissection de la paroi aortique),
prolapsus valvulaire mitral (bombement
de la valve mitrale par dégénérescence de
son tissu trop souple). D’autres pathologies
cardio-vasculaires, bien que jugées compa-
tibles avec une pratique sportive surveillée,
peuvent cependant entraîner une mort subite :
rétrécissement aortique congénital, certaines
cardiomyopathies dilatées (dégénérescence
du tissu cardiaque avec dilatation des cavités
ventriculaires), les péricardites aiguës (inam-
mation du péricarde)…
Les causes de mort subite en relation avec le
sport et survenant préférentiellement chez les
sujets jeunes ont été étudiées de façon essen-
tiellement rétrospective. Les séries nord-améri-
caines dont nous disposons font ainsi état
d’une incidence de l’ordre de 1sur100 000
[22]. La seule étude prospective importante
est celle de Corrado en 2003 [8] faisant état
d’une incidence de 2,3 sur 100 000 dans la
région de Vénétie en Italie du Nord. Aucune
étude française de cette envergure n’a été
réalisée à ce jour, à notre connaissance. L’étude
italienne réalisée sur une cohorte d’adultes
jeunes et d’adolescents s’élevant à 1 386 600
individus couvre une très large période de
vingt et un ans, de 1979 à 1999. Elle permet
d’isoler 112 800 athlètes de compétition,
dont 80 % d’hommes. Dans cette popu-
lation totale, 300 cas de morts subites sont
recensés, correspondant à une incidence
générale de 1 sur 100 000. Parmi les athlètes,
on déplore 55 décès, soit une incidence de
2,3 sur 100 000 par an, contre 245 décès
chez les non-athlètes, soit une incidence de
0,9 sur 100 000 par an seulement. Le risque
relatif de mort subite chez les athlètes est donc
de 2,5 par rapport aux non-athlètes, sans
diérence entre les hommes et les femmes.
Les causes cardio-vasculaires de ces morts
subites arrivent largement en tête, avec une
incidence de 2,1 pour 100 000 par an pour
les athlètes contre 0,7 sur 100 000 seulement
pour les non-athlètes. Parmi ces causes de
mort subite d’origine cardio-vasculaire,
l’athéromatose coronaire est de loin l’af-
fection la plus fréquente, aussi bien chez les
athlètes que chez les non-athlètes, et touche
les individus les plus âgés de la cohorte. Les
myocardiopathies arythmogènes du ventricule
droit (maladies du muscle ventriculaire
droit par transformation fibro-graisseuse
pouvant entraîner des troubles du rythme
graves à l’eort) arrivent en deuxième place
et touchent les athlètes cinq ans plus tôt que
les non-athlètes. Cette aection est en concur-
rence avec la myocardiopathie hypertrophique
obstructive en termes de fréquence, chez les
non-athlètes. Il semble important d’insister
sur le fait que le dépistage de masse des sujets
jeunes porteurs de myocardiopathies aryth-
mogènes du ventricule droit est beaucoup plus
délicat, en particulier dans les populations où
cette aection est peu répandue (incidence
de 1 sur 10 000 en France), que le dépistage
des myocardiopathies hypertrophiques
obstructives, qui représentent habituellement
une « évidence » échographique qui permet
d’éloigner de toute compétition sportive les
sujets à risque alors que les signes échogra-
phiques des myocardiopathies arythmogènes
du ventricule droit débutantes sont discrets et
diciles à identier. La très grande fréquence
de ces aections dans cette série correspond
probablement à un biais de recrutement par
rapport aux séries nord-américaines en raison
de l’incidence élevée bien connue de cette
aection en Italie du Nord dans la plaine
du Pô. Quoi qu’il en soit, dans cette série,
le risque relatif représenté par la myocar-
diopathie arythmogène du ventricule droit
est de 5,4 chez les athlètes par rapport aux
non-athlètes. Viennent ensuite, par ordre
de fréquence décroissante des morts subites,
les cardiopathies ischémiques silencieuses,
les anomalies de naissance des coronaires,
le prolapsus valvulaire mitral et les myocar-
dites aiguës. Le sexe masculin apparaît dans
cette étude comme un facteur de risque plus
important de mort subite, en relation avec
la pratique sportive. La plus grande intensité
des sports pratiqués par les hommes par
rapport aux femmes semble responsable de
cette diérence. La pratique sportive n’est pas
en soi une cause de mortalité accrue, mais
représente le phénomène révélateur chez les
sujets porteurs d’une cardiopathie sous-jacente
prédisposant à des arythmies (troubles du
rythme cardiaque) ou à des désamorçages
cardiaques au cours des exercices physiques
intenses ou prolongés.
La nécessité de dépister les risques
chez les personnes pratiquant un sport
Deux questions se posent alors : l’exercice
augmente-t-il le risque de mort subite ?