sent le collagène et les kératocytes. Ce phéno-
mène entraîne un afflux de polynucléaires neu-
trophiles qui favorisent la dégradation stromale
par leur action protéolytique intense et qui ren-
forcent la lyse cornéenne (libération de collagé-
nases par les cellules lésées et les polynucléaires
neutrophiles). Ces réactions en chaîne peuvent
se poursuivre pendant plusieurs jours, détruire
totalement la cornée et causer des lésions irré-
versibles dans la chambre antérieure (glaucome
par destruction du trabéculum, uvéite antérieure,
cataracte). L’intensité des lésions dépend du
degré d’alcalinité du produit (photos 1, 3 et 5) et
de sa présentation (liquide, paillettes, etc.).
Traitement
• Le premier geste doit être le rinçage prolongé
de la cornée, mais aussi des culs-de-sac conjonc-
tivaux.
- S’il a été témoin de l’accident, le propriétaire
doit rincer immédiatement à grande eau l’œil
atteint avant de venir au plus vite consulter. À
défaut d’autres liquides adaptés, l’eau du robi-
net suffit en première intention à éliminer la
majorité du toxique.
- Au cabinet ou à la clinique vétérinaire, le rin-
çage doit être long (parfois pendant plus de 20
minutes dans les cas graves), sous anesthésie
générale si nécessaire, avec une solution saline
stérile. Ne pas oublier de rincer sous la mem-
brane nictitante et les culs-de-sac conjonctivaux
!
• L’utilisation d’agents neutralisants est encore
controversée. En effet, la réaction chimique qui
s’instaure peut causer des lésions supplémen-
taires par la chaleur qu’elle dégage. À titre indi-
catif, utilisation de bicarbonate de sodium 3 p.
cent (lors de brûlure par un acide) et d’acide
acétique 2 p. cent (lors de brûlure par une base).
• Une antibiothérapie topique (gentamicine,
association néomycine et polymyxine B) est ins-
taurée systématiquement. Une antibiothérapie
par voie générale (fluoroquinolones) est asso-
ciée en cas de perforation cornéenne.
• Les anticollagénases (collyre à base d’acétyl-
cystéine) sont utiles, surtout lors de brûlure par
base.
• Les protecteurs cornéens (gels lacrymaux)
permettent de protéger et de lubrifier la cornée.
• Un anti-inflammatoire non stéroïdien est
administré par voie générale, s’il existe une
uvéite antérieure.
• Les traitements chirurgicaux instaurés sont,
soit une tarsorraphie, soit la correction de la
descemétocèle (greffe conjonctivale : photos 2
et 4, greffe de collagène
(1)
).
Une énucléation peut être nécessaire si les tis-
sus intra-oculaires sont irrémédiablement lésés.
• La mise en place d’une collerette est conseillée
dans tous les cas.
Le rythme d’instillation des collyres est variable
en fonction de l’intensité des symptômes (toutes
les heures à trois fois par jour).
L’animal doit être revu très régulièrement (tous
les deux jours au début), s’il existe une suspicion
de brûlure par une base, afin de contrôler l’évo-
lution de la lésion cornéenne. Si la brûlure est
superficielle, un contrôle hebdomadaire suffit.
Il convient de pas oublier de contrôler la sécré-
tion lacrymale (test de Schirmer, normes :
> 15 chez le chien, > 10 chez le chat) une fois
l’urgence gérée, afin de déceler une éventuelle
kérato-conjonctivite sèche consécutive à une
destruction chimique des glandes lacrymales
ou de leurs conduits.
Conclusion
Le pronostic visuel dépend de la nature du
toxique, de son pH, de la quantité projetée et
de la rapidité des soins locaux. Devant toute
lésion d’apparition brutale et en l’absence de
commémoratifs précis, il convient de suspec-
ter une brûlure par une base et d’adopter la
conduite à tenir appropriée. ■
Photo 5. Vaste ulcère à collagénase chez
un chat adulte d'apparition brutale au retour
d’une promenade. Suspicion de brûlure par une
base. Tarsorraphie, hospitalisation et traitement
topique intensif. Évolution favorable et retour
à la transparence cornéenne après deux mois.
Cliché V. Meunier
3
/ N°212 / Janvier-Février 2001 / Le Point Vétérinaire
(1) VetBioSyst®,
laboratoire Cook).
ATTENTION
• Il convient de pas oublier
de contrôler la sécrétion
lacrymale
(test de Schirmer).
!
Photo 4. Bulldog anglais : six mois
après la greffe.
Cliché V. Meunier
En savoir plus
Références
- Christmas R. Management of chemical burns
of the canine cornea. Can. Vet. J. 1991;32:608-12.
- Whitley RD et Gilger BC. Diseases of the
canine cornea and sclera. In: Gelatt KN.
Veterinary ophthalmology. Lippincott Williams
&Wilkins, Baltimore, 1999.
A lire également
- Beltran W, Clerc B. Les urgences oculaires
médicales. Point Vét. N°spécial “Les urgences
chez les carnivores domestiques”.1998;29:
123-128.
- Laforge H. Les ulcères de cornée. PMCAC.
1997;32:113-127.
- Régnier A. Etude clinique des ulcères de
cornée chez les carnivores domestiques. ENVT.
CES d’ophtalmologie vétérinaire. 1997.
- Schmidt-Morand D. Les urgences oculaires
chirurgicales. Point Vét. N°Spécial
“Les urgences chez les carnivores
domestiques”.1998;29:129-138.
Contact
!Valérie Meunier
Consultante en ophtalmologie
30, rue Fays
94300 Vincennes
Tél. : 01 43 98 21 07