eux types de brûlures chimiques
peuvent affecter la cornée : brûlure
par un acide ou par une base (enca-
dré 1). Ces dernières sont les plus
fréquemment rencontrées. Toute
brûlure constitue une urgence ophtalmologique
en raison des lésions extra-oculaires, mais sur-
tout intra-oculaires, qu’elle peut engendrer.
Symptômes cliniques
Les symptômes cliniques lors de brûlure de la
cornée sont d’apparition brutale :
- blépharospasme, photophobie ;
- rougeur oculaire, hyperhémie conjonctivale,
nécrose sclérale et/ou conjonctivale ;
- œdème cornéen, ulcère pouvant évoluer rapi-
dement jusqu’à la descemétocèle ;
- uvéite antérieure.
Pathogénie
- Au contact d’un acide, les protéines de la cor-
née précipitent rapidement et forment une bar-
rière physique protectrice qui ralentit la diffu-
sion de l’acide dans les lames profondes de la
cornée. En outre, les tissus ont en eux-mêmes
une action de neutralisation de l’acide. Les
ulcères de cornée sont donc en général super-
ficiels et les structures intra-oculaires conser-
vent leur intégrité.
- Les bases pénètrent rapidement dans les lames
cornéennes. Elles se combinent aux lipides mem-
branaires, désorganisent les cellules et détrui-
Photo 2. Bulldog anglais : greffe conjonctivale
libre en utilisant la conjonctive saine de l’œil
adelphe. Très bon résultat final : globe
préservé et aspect esthétique satisfaisant.
Cliché V. Meunier
Le Point Vétérinaire / N°212 / Janvier-Février 2001 /
2
se former /CONDUITE À TENIR /
par Valérie Meunier
Article reçu en décembre 2000
D
Photo 1. Projection de ciment dans l’œil
d’un bulldog anglais âgé de cinq mois. Évolution
en large descemétocèle après une semaine,
malgré un traitement rapide et adapté.
Noter l’aspect pâle des conjonctives (ischémie
et nécrose), la lyse cornéenne intense
et le cercle périkératique.
Cliché V. Meunier
Photo 3. Jack Russell âgé de quatre mois
ayant reçu du Destop®dans l'œil droit :
lyse stomale toujours active après 17 jours
de traitement. Uvéite associée.
Cliché V. Meunier
Brûlures chimiques
de la cornée chez
les carnivores domestiques
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!Les bases les plus
communes :
- les savons (bases faibles) ;
- la soude des produits pour
déboucher les éviers,
la lessive (NaOH, KOH)
et la chaux (CaO) présents
dans le ciment, le plâtre,
le bagigeon ;
- lammoniaque et lhydroxyde
de magnésium présents
dans les feux dartifice et les
explosifs.
!Les acides :
- les produits dentretien
de la maison à base dacide ;
- les shampoings destinés
à lhomme.
Bases et acides
les plus
fréquemment
incriminés
dans les brûlures
oculaires
Encadré 1.
sent le collagène et les kératocytes. Ce phéno-
mène entraîne un afflux de polynucléaires neu-
trophiles qui favorisent la dégradation stromale
par leur action protéolytique intense et qui ren-
forcent la lyse cornéenne (libération de collagé-
nases par les cellules lésées et les polynucléaires
neutrophiles). Ces réactions en chaîne peuvent
se poursuivre pendant plusieurs jours, détruire
totalement la cornée et causer des lésions irré-
versibles dans la chambre antérieure (glaucome
par destruction du trabéculum, uvéite antérieure,
cataracte). L’intensité des lésions dépend du
degré d’alcalinité du produit (photos 1, 3 et 5) et
de sa présentation (liquide, paillettes, etc.).
Traitement
• Le premier geste doit être le rinçage prolongé
de la cornée, mais aussi des culs-de-sac conjonc-
tivaux.
- S’il a été témoin de l’accident, le propriétaire
doit rincer immédiatement à grande eau l’œil
atteint avant de venir au plus vite consulter. À
défaut d’autres liquides adaptés, l’eau du robi-
net suffit en première intention à éliminer la
majorité du toxique.
- Au cabinet ou à la clinique vétérinaire, le rin-
çage doit être long (parfois pendant plus de 20
minutes dans les cas graves), sous anesthésie
générale si nécessaire, avec une solution saline
stérile. Ne pas oublier de rincer sous la mem-
brane nictitante et les culs-de-sac conjonctivaux
!
• L’utilisation d’agents neutralisants est encore
controversée. En effet, la réaction chimique qui
s’instaure peut causer des lésions supplémen-
taires par la chaleur qu’elle dégage. À titre indi-
catif, utilisation de bicarbonate de sodium 3 p.
cent (lors de brûlure par un acide) et d’acide
acétique 2 p. cent (lors de brûlure par une base).
• Une antibiothérapie topique (gentamicine,
association néomycine et polymyxine B) est ins-
taurée systématiquement. Une antibiothérapie
par voie générale (fluoroquinolones) est asso-
ciée en cas de perforation cornéenne.
• Les anticollagénases (collyre à base d’acétyl-
cystéine) sont utiles, surtout lors de brûlure par
base.
• Les protecteurs cornéens (gels lacrymaux)
permettent de protéger et de lubrifier la cornée.
• Un anti-inflammatoire non stéroïdien est
administré par voie générale, s’il existe une
uvéite antérieure.
• Les traitements chirurgicaux instaurés sont,
soit une tarsorraphie, soit la correction de la
descemétocèle (greffe conjonctivale : photos 2
et 4, greffe de collagène
(1)
).
Une énucléation peut être nécessaire si les tis-
sus intra-oculaires sont irrémédiablement lésés.
• La mise en place d’une collerette est conseillée
dans tous les cas.
Le rythme d’instillation des collyres est variable
en fonction de l’intensité des symptômes (toutes
les heures à trois fois par jour).
L’animal doit être revu très régulièrement (tous
les deux jours au début), s’il existe une suspicion
de brûlure par une base, afin de contrôler l’évo-
lution de la lésion cornéenne. Si la brûlure est
superficielle, un contrôle hebdomadaire suffit.
Il convient de pas oublier de contrôler la sécré-
tion lacrymale (test de Schirmer, normes :
> 15 chez le chien, > 10 chez le chat) une fois
l’urgence gérée, afin de déceler une éventuelle
kérato-conjonctivite sèche consécutive à une
destruction chimique des glandes lacrymales
ou de leurs conduits.
Conclusion
Le pronostic visuel dépend de la nature du
toxique, de son pH, de la quantité projetée et
de la rapidité des soins locaux. Devant toute
lésion d’apparition brutale et en l’absence de
commémoratifs précis, il convient de suspec-
ter une brûlure par une base et d’adopter la
conduite à tenir appropriée.
Photo 5. Vaste ulcère à collagénase chez
un chat adulte d'apparition brutale au retour
dune promenade. Suspicion de brûlure par une
base. Tarsorraphie, hospitalisation et traitement
topique intensif. Évolution favorable et retour
à la transparence cornéenne après deux mois.
Cliché V. Meunier
3
/ N°212 / Janvier-Février 2001 / Le Point Vétérinaire
(1) VetBioSyst®,
laboratoire Cook).
ATTENTION
• Il convient de pas oublier
de contrôler la sécrétion
lacrymale
(test de Schirmer).
!
Photo 4. Bulldog anglais : six mois
après la greffe.
Cliché V. Meunier
En savoir plus
Références
- Christmas R. Management of chemical burns
of the canine cornea. Can. Vet. J. 1991;32:608-12.
- Whitley RD et Gilger BC. Diseases of the
canine cornea and sclera. In: Gelatt KN.
Veterinary ophthalmology. Lippincott Williams
&Wilkins, Baltimore, 1999.
A lire également
- Beltran W, Clerc B. Les urgences oculaires
médicales. Point Vét. N°spécial Les urgences
chez les carnivores domestiques.1998;29:
123-128.
- Laforge H. Les ulcères de cornée. PMCAC.
1997;32:113-127.
- Régnier A. Etude clinique des ulcères de
cornée chez les carnivores domestiques. ENVT.
CES dophtalmologie vétérinaire. 1997.
- Schmidt-Morand D. Les urgences oculaires
chirurgicales. Point Vét. N°Spécial
Les urgences chez les carnivores
domestiques.1998;29:129-138.
Contact
!Valérie Meunier
Consultante en ophtalmologie
30, rue Fays
94300 Vincennes
Tél. : 01 43 98 21 07
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