Conférence de presse du 22 juin 2015 / Texte d’allocution Restaurer la confiance entamée en prenant les mesures politiques qui s’imposent La ruée sur les bonus, qui s’est répandue dans le paysage des entreprises suisses, a fortement entamée la confiance que de grandes parties de la population accordaient à l'économie. Même si l’indignation a diminué et les taux d’augmentation de ces supersalaires s’avèrent un peu moindres, le ressentiment reste, lui aussi, largement répandu. L’adhésion à l’initiative contre les rémunérations abusives et à l’initiative contre l'immigration de masse ont été des coups de semonce. Des facteurs importants de la réussite de la Suisse se trouvent ainsi menacés, si les responsables politiques ne prennent pas de mesures politiques pour rétablir la confiance. Martin Flügel, Président de Travail.Suisse Depuis plus de 10 ans, Travail.Suisse analyse l’évolution de l’écart salarial dans des entreprises suisses sélectionnées. Le résultat de cette observation à long terme peut être qualifié, au mieux, de mitigé. Il est vrai qu’une certaine accalmie s’est installée tout en haut, pour les salaires les plus élevés. Dans l’ensemble, cependant, les taux d’augmentation restent aussi considérables qu’auparavant et très éloignés de la réalité de la vie des simples travailleurs en Suisse. Perte de confiance dans l’économie C’est précisément ce découplage dans l’évolution des salaires des hautes sphères qui a contribué à entamer massivement la confiance dans l’économie et, par là même, la compréhension envers les revendications de l’économie. Il s’agit d’un changement fondamental de la Suisse, dont les conséquences ne sont guère évaluables, comme à l’accoutumée. L'adoption de l’initiative contre les rémunérations abusives et encore plus, celle de l’initiative contre l’immigration de masse ont pourtant montré que les conséquences politiques sont imprévisibles et peuvent s’avérer très importantes. Effet pervers de l’initiative contre les rémunérations abusives La première réponse politique aux salaires exorbitants des managers, à savoir l'initiative contre les rémunérations abusives, ne règlera sûrement pas le problème. Même si, selon un sondage publié récemment, la moitié de la population pense que les actionnaires doivent décider librement des salaires du management. Dans le même temps, presque trois quarts des personnes interrogées souhaitent un plafonnement des salaires. Et c'est précisément ce que l'initiative contre les rémunérations abusives ne fera pas, comme le montre les observations faites jusque-là. L’effet le plus important de l’initiative, ou de l’ORAb, a été jusque-là une évolution et une augmentation des possibilités de contournement, pervertissant la pensée de base d’une rémunération à long terme basée sur une performance effective. Les nouvelles prestations d’entrée détruisent l’effet à long terme, parce que des prétentions sont accordées avant que les résultats à long terme ne soient connus. L'accord préalable largement répandu, autant sur la partie variable que sur la partie fixe des salaires des managers, rend, quant à lui, impossible l’établissement des salaires en fonction des performances, car même ces bonus, qui pourtant dépendent des performances, sont décidés à l’avance. Ces développements montrent que le renforcement des droits des actionnaires ne suffira pas à rétablir la confiance. Au contraire : Avec ce mépris très répandu de la volonté du peuple, qui souhaitait obtenir une limitation des salaires et la souhaite d’ailleurs toujours, c'est bien la perte de confiance qui va s’accentuer. Il faut donc trouver de nouvelles idées. Les chefs font le gros dos face au malaise politique Il y a un an, Travail.Suisse présentait, comme nouvelle idée, une revendication pour plus de transparence fiscale et une contribution de solidarité pour les très hauts revenus. L’idée de base était la suivante : La démonstration de l’utilité social des très hauts salaires des managers pourrait, éventuellement, contrecarrer la colère contre ces mêmes salaires et donc participer à rétablir la confiance. Nous avons poursuivi la revendication pour plus de transparence fiscale de deux manières. D’abord, le Conseiller national et vice-président de Travail.Suisse, Jacques André Maire, a déposé une intervention correspondante, sur laquelle il donnera lui-même des informations. Ensuite, nous avons demandé directement aux 27 entreprises analysées, le montant de l’impôt sur le revenu payé, en 2014, par le CEO. Seize entreprises n’ont jusqu’à présent pas réagi. Onze entreprises ont répondu de manière sympathiques mais évasive. Aucune entreprise n'a donné un chiffre concret. Conclusion : Les gros revenus veulent à l’évidence faire le gros dos face au malaise politique, au lieu d'agir activement contre. Les responsables politiques doivent prendre des mesures pour rétablir la confiance L’impact de l’initiative contre les rémunérations abusives et le résultat du sondage de Travail.Suisse sur la transparence fiscale montrent que l’économie n’est pas prête à prendre de vraies mesures pour rétablir la confiance. La balle est donc dans le camp des responsables politiques. Ce qui est d’ailleurs plus pertinent, car l’évolution des salaires des managers n’est pas la seule responsable de cette perte de confiance. En conséquence, les mesures de rétablissement de la confiance ne peuvent pas non plus être appliquées uniquement à cet endroit-là. La politique doit, bien davantage, s’assurer que l’économie ne fasse pas que tirer profit de la place économique suisse, mais qu’elle fournisse aussi sa contribution à une large prospérité et à une qualité de vie élevée. Pour Travail.Suisse, trois revendications sont prioritaires pour y parvenir : Protéger les salaires et les emplois : Le peuple ne peut faire confiance à l’économie que si la peur de la perte de l’emploi et du dumping salarial n’est pas omniprésente. Pour ce faire, il faut un engagement clair des employeurs destiné aux travailleurs locaux, concernant la politique d'embauche et aussi la preuve qu’il sera mis en place, par exemple, avec une surveillance de l’embauche. Qui plus est, pour protéger les salaires, il est nécessaire d’installer une large couverture avec des salaires minima spécifiques, en fonction des branches et/ou selon les régions ainsi de renforcer les instruments pour son implantation. L’idée qu’en haut de l’échelle les salaires continuent gentiment de monter et qu’en bas de l’échelle, la pression sur les salaires et la peur des restructurations augmentent contribue, de manière essentielle, au malaise existant au sein de la population. Transparence fiscale et contribution de solidarité pour les très hauts revenus : Les interventions politiques effectuées jusque-là pour faire baisser les salaires ou pour augmenter leur acceptation n’ont donné aucun résultat. Il faut donc de nouvelles idées. Pour Travail.Suisse, la transparence fiscale et une contribution de solidarité pour les très hauts revenus reste la meilleure variante. La progression fiscale, qui s’arrête aujourd’hui à env. 750‘000 francs, pourrait en plus être déplafonnée. Même si cela paraît impensable aujourd’hui : Il y a dix ans, c’est la transparence des salaires qui n’était pas souhaitée et maintenant, elle fait partie de la norme. Mettre fin à la politique fiscale avantageuse pour les entreprises : La réforme sur l'imposition des entreprises (RIE III) prévoit une baisse radicale de l’imposition des entreprises. Si cette révision est appliquée, comme le Conseil fédéral le propose, les cantons vont perdre des milliards de recettes fiscales. Pourtant, les cantons doivent déjà économiser et diminuer les réductions des primes d’assurance-maladie ou les contributions à l’éducation et aux transports. Ce sont en premier lieu la classe moyenne et les travailleurs avec les bas revenus qui en souffrent. Cela ne contribue pas au rétablissement de la confiance dans l’économie, bien au contraire, le fossé entre des larges couches de la population et les entreprises se creuse encore davantage. Il faut mettre un terme à ce jeu sinistre. Après les échecs pratiques ou politiques de l’initiative contre les rémunérations abusives et l’initiative 1:12, des mesures efficaces sont désormais nécessaires pour préserver les facteurs de la réussite de la Suisse. L’orientation vers la performance, la modestie et la participation de tous à la prospérité économique ont fait de la Suisse un pays fort et ouvert. Les responsables politiques disposent d'une marge de manoeuvre pour mettre en place une répartition équitable. Ils doivent l'utiliser pour endiguer l’érosion de la prospérité et de la qualité de vie.