I. GENERALITES
1. Définition
La tomodensitométrie (TDM) est la méthode d’imagerie per-
mettant d’obtenir des coupes transversales reconstruites à
partir des mesures des coefficients d’atténuation du faisceau
de rayons X dans le volume considéré.
2. Terminologie
Différents synonymes existent :
- Scanographie, terme officiel
- Scanner, terme d’usage
- TDM (tomodensitométrie), terme d’usage
- CAT (computerized - assisted - tomography) : obsolète
- CT – scan, dénomination anglaise
Définitions
- to scan = mesurer, examiner, sonder, balayer.
- Scanner spiralé ou hélicoïdal traduisent le même type
d’acquisition ; il est préférable d’utiliser le terme
« hélice » (une corde qui s’enroule autour d’un cylindre),
plus précis qu’une « spirale » (corde qui s’enroule autour
d’un cône).
- Scanographie multibarrette, multicoupe (sans trait d’union
ni de « s » au singulier) et volumique correspondent à une
acquisition hélicoïdale produisant plusieurs coupes par
rotation du statif grâce à un nouveau système de détection.
3. Historique
a) Du scanner
- 1886 : W. Rœntgen (prix Nobel 1901) découvre les rayons
X: (la fameuse main de Madame Rœntgen)
- 1917 : Radon établit les principes mathématiques.
- 1956 : Travaux de Bracewell (radioastronomie).
- 1972 : Hounsfield (prix Nobel 1979): 1er scanographe
industriel EMI (études financées grâce aux bénéfices du
groupe des Beatles)
- 1974 : Ledley et Schellinger : 1er scanner corps entier.
- 1992 : Kalender : acquisition hélicoïdale (TDM mono-
barrette)
- 1998 : TDM multibarrette à 4 canaux de détection
- 2002 : TDM multibarrette à 16 canaux de détection
- après 2005 : scanner avec capteurs plans permettant la
couverture de tout un volume en une seule rotation (équi-
valent de plus de 200 barrettes)
b) Du post-traitement
Les améliorations de l’informatique et de la qualité des exa-
mens ont permis le développement de post-traitements (trai-
tements sur console après que le patient ait quitté la table
d’examen) de plus en plus sophistiqués :
3D surfacique : premier mode de représentation tridimen-
sionnelle, abandonné en raison des trop nombreux arte-
facts. Seuls sont retenus dans l’image les voxels dont la
densité est supérieure à un seuil déterminé. L’échelle de
gris sert à simuler les ombres des structures en fonction
d’une source de lumière virtuelle (Figure 1).
MPR (multiplanar reconstruction): reconstructions multi-
planaires de qualité identique à celle des coupes natives
avec les scanners multicoupes volumiques (16 rangées de
détecteurs) (Figure 2).
Progrès en Urologie (2003), 13, 783-794
Chapitre VI
Tomodensitométrie
J. Hubert, J.L. Descotes, A.Blum
783
Figure 1 : Représen-
tation 3D surfacique
d’une greffe de rein
en fosse iliaque gau-
che
VIDEO
VIDEO
Figure 2 : Représenta-
tion en MPR (tumeur
du rein droit avec
thrombuse de la veine
cave
MIP (maximum intensity projection) : image de projec-
tion du volume sur un plan. Sur le trajet de chaque fais-
ceau traversant ce volume il n’est retenu que le voxel dont
la densité est la plus élevée (intérêt pour visualiser les cal-
cifications pariétales des vaisseaux opacifiés) (Figure 3).
MPVR (multiplanar view reconstrution) : MIP sur une
tranche d’intérêt d’épaisseur réduite (le MIP standard sur
tout le volume n’est plus utilisé au scanner en raison des
multiples superpositions entre l’os et les structures vascu-
laires et est remplacé par le MPVR) (Figure 4).
•VRT(volume rendering technique): technique de rendu
volumique, plus récent, qui prend en compte l’ensemble
des informations du volume étudié, procure une informa-
tion tridimensionnelle en tenant compte de la densité et de
la topographie des différentes structures et en jouant sur
différents paramètres et notamment sur la transparence,
l’intensité lumineuse, la couleur.
Le VRT a été développé par la société PIXAR (George
Lucas) et les bénéfices ont permis de financer le 4evolet
de la Guerre des Etoiles…(Figure 5)
L’endoscopie virtuelle est une technique de représenta-
tion 3D qui simule une vue endoscopique [14]. Elle repo-
se sur le choix d’une densité qui définit la surface interne
de la structure représentée (Figure 6).
II. « ANATOMIE » D’UN SCANNER
L’évolution de la TDM est la conséquence des progrès consi-
dérables de l’informatique et de certaines évolutions techno-
logiques qui ont pu être appliqués aux nombreux constituants
d’un appareil scanographique :
1. Statif et table d’examen :
Le statif comporte
- la chaîne de rayons X : générateur - tube à rayons X –
détecteur, qui tourne autour du patient :
- un système de refroidissement du tube
- le système de repérage et de visée.
La table d’examen sur laquelle repose le patient circule à
l’intérieur de l’anneau du statif ; elle permet une avance pas
à pas (mode incrémental) ou continue (acquisition hélicoï-
dale).
L’ensemble est soumis à des contraintes techniques comme
le poids limite en porte à faux de la table à 200 kg, ou l’ou-
verture de l’anneau (diamètre 70 cm => limitation liée à la
corpulence du patient) (Figure 7).
2. Générateur :
- il fournit la haute tension au tube.
- il est actuellement toujours « embarqué », dans le statif,
tournant avec le tube.
- l’alimentation se fait par le biais de bagues collectrices
sur un anneau tournant frottant sur des charbons, au lieu
d’une alimentation par un cable haute tension fixe. Cette
évolution technologique importante a permis le dévelop-
pement de la rotation continue.
784
Figure 3 : Représentation en MIP
VIDEO
Figure 4 : Représentation en MPVR
VIDEO
Figure 5: Représentation en VRT
VIDEO
Figure 6 : Tumeur urothéliale pyélique droite explorée en TDM
volumique. Endoscopie virtuelle :
- vue depuis le fond du calice moyen (A)
- vue depuis l’uretère sous-jonctionnel (B)
VIDEO
A B
3. Tube à rayons X
- l’acquisition des données nécessite un tube à rayons X
couplé à un ensemble de détecteurs disposés en arc de cer-
cle. L’ensemble tube/détecteurs effectue de façon syn-
chrone un mouvement circulaire autour du patient.
- l’émission de rayons X résulte du flux d’électrons libérés
par la cathode et venant frapper l’anode.
- le rendement du tube à rayons X est particulièrement fai-
ble (1% rayons X, 99 % chaleur). C’est le domaine qui a
le moins progressé depuis les premiers appareils.
4. Filtration
Les rayons X émis ont des niveaux énergétiques variés
(rayonnement non monochromatique) ; les rayons de basse
énergie, qui ne traversent pas le corps humain, doivent être
supprimés par les filtres placés à la sortie du tube, aboutissant
à un «durcissement du faisceau».
5. Collimation
- la collimation primaire (entre le tube et le patient) déter-
mine la largeur du faisceau de rayons X et donc l’épais-
seur de coupes (1 à 10 mm).
- la collimation secondaire (entre le patient et les détecteurs)
a pour but de diminuer le rayonnement diffusé.
6. Détecteurs
Les détecteurs sont un des points clés de la qualité de l’ima-
ge et des performances d’un scanner. Ils évoluent très rapi-
dement sur le plan technique, un système devenant obsolète
en 2 – 3 ans.
Une barrette de détection est constituée de multiples cellules
de détection (près de 900 détecteurs sur le statif) placés côte
à côte en face du tube à rayons X sur un arc de cercle d’en-
viron 40°.
Actuellement il s’agit de détecteurs solides : cristaux de scin-
tillation, de rendement élevé.
Les scanners multibarrettes actuels utilisent simultanément
4, 8 ou 16 rangées de détecteurs. Les plus récents ont ainsi
des systèmes de détection atteignant 32 mm (largeur de
coupe explorée à chaque rotation du tube) (Figure 8).
7. Calculateurs - Informatique
Leur amélioration est responsable de l’importante évolution
des scanners au cours des dernières années; ils assurent :
- l’acquisition des données (données brutes):
contrôle du système, dialogue avec l’opérateur.
gestion des images.
- la reconstruction des images (images natives).
- le traitement des images (post-traitement):
reconstruction dans les différents plans.
3 D.
L’amélioration du post-traitement de l’image a permis les
apparitions successives de différentes images scanogra-
phiques :
- MIP (Maximum Intensity Projection),
- MPVR (Multi Planar View Reconstruction),
- endoscopie virtuelle
- VRT (Volume Rendering Technique).
Ces techniques qui viennent s’ajouter aux MPR (Multi Pla-
nar Reconstruction) et aux 3D surfaciques, exploitent au
mieux les données de l’acquisition hélicoïdale
8. Stockage
Il a également énormément progressé; il comporte deux
modes :
- le stockage transitoire (short-term memory), destiné à
conserver
les données brutes (qui contiennent toute l’information
numérique), en format DICOM 3
les données image (après choix du filtre de reconstruc-
tion, de l’épaisseur de coupe et de l’incrément).
il se fait sur disque dur (stock = 3000 à 10000 images).
- le stockage à long terme (archive memory) se fait sur :
disque optonumérique
disque magnéto-optique
785
Figure 7 : Statif du scanner Figure 8 : Chaîne d’acquisition TDM
tube à RX
collimation
primaire
collimation
secondaire
détecteurs ordinateur console
vidéo
CD ROM (ROM = Read Only Memory)
ou mieux maintenant, sur PACS (Picture Archiving and
Communication Systems).
9. Visualisation
la visualisation des images bénéficie également des progrès
du numérique avec :
- écrans haute dénifition (consoles informatiques)
- sortie vidéo (magnétoscope VHS ou S-VHS) pour les ima-
ges dynamiques, de moins en moins utilisée au profit de
ordinateur PC muni de Viewer Dicom ( fourni sur le CD
par le radiologue ou par un Viewer spécifique comme
«e.film»)
ou grâce à un système de visualisation multimédia
(comme MPEG 4).
- la reprographie argentique, technique des films radiolo-
giques connue par des générations de médecins, est main-
tenant en voie de disparition
10. Gestion de l’information
Le film laser reste encore aujourd’hui le support principal.
Cependant la multiplicité des images (un scanner abdominal
comporte parfois sur les nouvelles machines plus de 1000
images) rend impossible sur le plan économique et sur le
plan de la gestion du temps le transfert systématique de tou-
tes ces images au clinicien («So many images and so little
time!»).
De plus, le film laser n’est pas adapté à la transmission
d’examens complexes (dynamiques …). Le radiologue doit
éditer une sélection des images les plus pertinentes. Malheu-
reusement, les images transmises sont souvent sélectionnées
de façon automatique (une sur deux, trois ou quatre) alors
qu’il serait souhaitable que ces images pertinentes soient
sélectionnées par des radiologues informés du contexte cli-
nique et des besoins de l’urologue.
La TDM est en passe de devenir un examen opérateur-dépen-
dant si les cliniciens n’ont accès qu’à ces images plus ou
moins bien sélectionnées.
Il est donc indispensable de conserver l’ensemble de l’exa-
men dans le service de radiologie (sur film, support numé-
rique ou idéalement dans un PACS), pour des raisons médi-
co-légales, mais également pour pouvoir retrouver les ima-
ges manquantes.
La transmission des images 3D peut se faire sous forme
dynamique au format DICOM 3 (succession d’images avec
une fréquence prédéfinie) ou simplement et à faible coût
grâce à des fichiers vidéo enregistrés sur cassette VHS ou
mieux sur CD-Rom.
Le développement des PACS et des réseaux devraient per-
mettre de simplifier le problème en permettant la transmis-
sion directe des images sur la console du clinicien (cf chapi-
tre PACS).
III. PRINCIPES DE L’ACQUISITION D’UNE
IMAGE AU SCANNER
1. Création des images
Les faisceaux de rayons X traversant un objet subissent une
atténuation par absorption et diffusion qui dépend de la com-
position atomique du tissu et de l’énergie des rayons X inci-
dents.
La mesure des densités des tissus biologiques se fait à partir
de l’absorption du faisceau de rayons X.
L’image est reconstituée par calcul et représente la « tran-
che » du corps humain explorée (Figure 9).
a) Le spectre énergétique du rayonnement X
Il est caractérisé par son énergie moyenne et la largeur de son
spectre.
Trois niveaux d’énergie moyenne sont disponibles en cli-
nique :
- 80 kV, utilisé surtout en pédiatrie ou pour des comparai-
sons de densités avec les hautes énergies
- 120 kV, énergie moyenne, utilisée pour les patients minces
- 140 kV, qui améliorent le rapport signal/bruit et la qualité
de l’image chez les patients « épais », mais qui est plus
irradiant
b) Densité au scanner & unités Hounsfield
La densité (opacité) dépend de µ :
µ : coef d’absorption linéaire (cm-1). Pour un élément chi-
mique donné, il dépend de sa densité et varie en fonction de
l’énergie des photons incidents.
µ = 1/L. Log Io
I
La formule mathématique qui relie le coefficient d’atténua-
786
Figure 9 : Profils d’absorption
tion linéaire µxd’un corps donné (x) et son opacité en unités
Hounsfield (UH) est :
- Densité (UH) = 1000 . µx- µeau (UH = unités Houns-
field). µeau
Hounsfield a défini une échelle de densités où :
Eau = 0 UH
Air = - 1000 UH
Os = + 1000 UH
Les densités des principales structures anatomiques sont
situées sur cette échelle :
Graisse : - 150 à - 50 UH
Foie, Vaisseaux : + 40 UH à + 80 UH
Rein : + 30 à + 50 UH
Lithiases : + 100 à + 700 UH
Parenchymes après injection : + 200 UH
Les structures qui se rehaussent le plus au niveau abdominal
après injection sont le parenchyme rénal et surtout les cavi-
tés excréto-urinaires (ceci pouvant être gênant pour l’analyse
des cavités et du parenchyme car générateur d’artefacts)
(Figure 10).
La mesure des densités sur une image scanner est faite à la
console par le radiologue en plaçant le curseur sur n’importe
quelle structure étudiée.
Dans certaines spécialités ont été développés des logiciels
permettant la recherche automatisée de calcifications
(comme pour les clichés de mammographie).
c) Cinétique du bolus intra-veineux iodé dans un rein nor-
mal
Alors que les anciens scanners à acquisition incrémentale
peinaient à explorer la totalité d’un rein au cours d’une
apnée, les nouvelles machines multibarrettes peuvent main-
tenant, du fait de la rapidité d’acquisition, explorer de façon
sélective toute la hauteur du rein aux différentes étapes du
transit du bolus iodé : la particularité du parenchyme rénal
est sa prise de contraste en trois étapes à des temps successifs
mais très rapprochés [17] (Figure 11).
Les temps parenchymateux :
Le temps corticomédullaire survient généralement après 25
à 80 sec. Il correspond au passage du produit de contraste
dans les capillaires corticaux et les espaces péritubulaires.
Il peut durer plus longtemps en cas d’altération de la fonction
rénale (insuffisance rénale, obstruction de la voie excrétrice,
sténose de l’artère rénale) ou d’insuffisance cardiaque.
Le cortex rénal passe d’une densité de base de 30 – 40 UH
avant injection à 145 – 185 UH , alors que la médullaire ne
se rehausse que plus faiblement à 50 – 60 UH, ce qui entraî-
ne une différence de près de 100 UH entre le cortex et la
médullaire.
Le rehaussement des veines rénales est maximum lors de
cette phase.
Le temps néphrographique ou tubulaire débute vers la 85e
– 120e seconde après l’injection. Il correspond à la filtration
du produit de contraste par les glomérules et à son passage
dans l’anse de Henlé et les tubes collecteurs.
Durant cette phase, la médullaire se rehausse de la même
façon que le cortex à 120 – 170 UH.
C’est également le temps idéal pour rechercher un thrombus
de la VCI.
787
Figure 11 bis ®: Dessin Schvartz
Figure 10 : Principales densités en tomodensitométrie (unités
Hounsfield)
Figure 11: Acquisition rénale en 3DS au temps héroïque du scanner
spiralé monobarrette (amputation du pôle inférieur des reins, l’ac-
quisition de bas en haut ayant été faite alors que le PCI n’y était pas
encore parvenu)
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