ciblées sur le tourisme (la fréquentation hôtelière, etc.); soit l’objet d’un volet spéci-
fique dans un ensemble d’interrogations comportementales et d’aspirations sur dif-
férents sujets (l’enquête sur les conditions de vie du CREDOC, etc.); soit intégrées
dans une enquête dont l’objet principal n’est pas le tourisme (l’enquête emploi du
temps de l’INSEE, etc.) ; soit focalisées sur des pratiques spécifiques (les enquêtes
sur les pratiques culturelles du ministère de la Culture, etc.)4». Le tourisme ne trou-
ve pour l’instant sa place que dans des recherches sur la mondialisation5: la problé-
matique du « développement durable » pose la question de l’accueil de millions de
vacanciers sur les territoires nationaux. La «littérature grise » (rapports de consul-
tants, expertises pour l’Unesco, etc.) y reste prédominante6. Finalement, le tourisme
s’apparente moins à un objet de recherche qu’à un «label politique7».
Tourisme et développement économique
Depuis les années 1960, les recherches qui ont fait du tourisme leur objet d’étude
principal s’inscrivent dans le contexte de l’aménagement du territoire et d’une recherche
contractuelle en pleine expansion8, largement financée par des organismes publics
tels que le Comité d’organisation des recherches appliquées sur le développement
économique et social (CORDES)9. Ainsi, plusieurs études sur l’aménagement régio-
nal, comme celle dirigée par Jean Cuisenier, sont financées par des organismes
publics10. Mais ce sont surtout les géographes qui, dans une perspective essentielle-
ment « descriptive », vont chercher à produire des typologies, à définir une méthode
de dénombrement des touristes, à évaluer leurs dépenses, à mesurer ces flux migra-
toires spécifiques et à classer les «stations touristiques»11. Selon Georges Cazes, le
« souci problématique n’a jamais été très exigeant, [il s’agit] plutôt d’une extension
progressive du champ de recherche avec l’annexion de nouveaux thèmes12 ».
Si ces travaux s’élargissent au cours des années 1980 à des analyses « mondiali-
sées » sur le rapport entre le tourisme et les sociétés locales13, le touriste reste le plus
souvent considéré comme un « acteur économique » dont il faut « mesurer » les acti-
vités. Peu à peu, des chercheurs issus principalement de l’anthropologie et de la sémio-
logie vont s’intéresser aux questions de l’imaginaire touristique, des représentations,
de la découverte de soi et d’autrui14. Ces problématiques prolongent en fait les
Bertrand Réau et Franck Poupeau – L’enchantement du monde touristique
6
4. Françoise Potier, Josette Sicsic, Vincent
Kaufmann, Synthèse des connaissances sur
les vacances et les temps libres des familles,
des enfants et des jeunes, Dossiers d’études
de la CNAF, no 61, octobre 2004, p. 6.
5. Autrepart, revue de sciences sociales
au Sud, « Tourisme culturel, réseaux et
recompositions sociales», 40, décembre
2006 (IRD éditions, Armand Colin).
6. Yves Winkin, « Le touriste et son double.
Éléments pour une anthropologie de
l’enchantement», Miroirs maghrébins: itiné-
raires de soi et paysages de rencontre,
CNRS éditions, 1998, p. 133-134.
7. Louis Pinto, « La gestion d’un label
politique : la consommation », Actes de la
recherche en sciences sociales, 91-92,
mars 1992, p. 3-19.
8. René Baretje, «L’évaluation des recettes
touristiques dans les Alpes du Sud : une
approche méthodologique régionale »,
Communication au congrès de l’Association
internationale des experts scientifiques du
tourisme, 1963 ; Georges Cazes, « Le
tourisme à Luchon et dans le Luchonnais »,
Cahiers de l’Association Marc Bloch de
Toulouse, Études géographiques, 1, 1964.
9. Michel Marié, Les Terres et les mots,
Paris, Méridiens Klincksieck, 1989.
10. Jean Cuisenier (dir.), « Étude sur les
indicateurs des flux touristiques », Rapport
d’étude pour le compte de la Mission inter-
ministérielle pour l’aménagement touris-
tique du Languedoc-Roussillon, Centre de
sociologie européenne, École pratique des
hautes études, juin 1966.
11. Entretien avec Rémy Knafou (2
septembre 2005), professeur de géogra-
phie à l’université de Paris 7, qui a soutenu
sa thèse de doctorat d’État en 1978 sur
les stations de sports d’hiver.
12. Courrier électronique de Georges
Cazes, professeur de géographie à l’uni-
versité Paris I, 23 août 2005.
13. Marie-Françoise Lanfant, “Tourism in
the process of internationalisation”,
International Social Science Journal, 32,
1980, p. 14-43; Michel Picard, « “Tourisme
culturel” et “culture touristique” : rite et
divertissement dans les arts du spectacle
à Bali », thèse d’histoire, EHESS, 1984.