
458 L. Boyer et al.
Tableau 2 Opinions et utilisation du dossier patient informatisé par les professionnels de santé (en pour cent de réponses
positives).
Médecins n= 10 Infirmiers n= 42 Autres n=8 pa
Opinion favorable sur le DPIP 100 59 88 0,02
Utilisation du DPIP 100 98 88 0,28
Impact sur la prise en charge 90 63 100 0,04
Impact sur l’organisation du service 90 70 63 0,34
Impact sur les relations entre les professionnels 50 52 38 0,74
Impact sur les relations entre les professionnels et les patients 40 50 14 0,20
aDegré de significativité.
conséquence une réduction du temps consacré aux soins
du patient. Les professionnels estimaient qu’ils passaient
quotidiennement en moyenne une heure de plus par jour à
remplir le dossier informatique que le dossier papier.
Cinquante-cinq pour cent des professionnels soulignaient
la modification des pratiques rédactionnelles. Vingt-six
personnes mettaient en avant de fac¸on très positive le
caractère synthétique, la lisibilité et la possibilité de
modifier ses notes après réflexion. Dix-neuf personnes consi-
déraient que le DPIP avait permis de «standardiser »et
d’«uniformiser »le remplissage du dossier, facilitant ainsi
sa lecture. Par exemple, le DPIP a eu un «effet positif »sur
le remplissage des transmissions ciblées par les infirmières.
En miroir, 15 personnes considéraient ces mêmes éléments
comme négatifs. Le principe général du support informa-
tique (tout ce qui est écrit est en ligne, plus de gens y
ont accès) pouvait être à l’origine d’un «style épuré », d’un
«choix plus réfléchi des mots », d’un «manque de sponta-
néité », d’une «perte d’information ». Les personnes ayant
une connaissance informatique «approfondie »avaient une
vision plus positive (85 %) que ceux ayant des connaissances
moins importantes ou nulles (68 et 33 % respectivement ;
p= 0,03).
Soixante-dix pour cent des personnes interviewées consi-
déraient que le DPIP avait un impact sur l’organisation du
service. Cet impact était plus souvent signalé au niveau
des urgences (92,3 %) que dans les services d’hospitalisation
complète (79,2 %) et les structures extrahospitalières
(71,2 %) (p= 0,02). Sept personnes déclaraient que le DPIP
avait nécessité plus de rigueur dans l’organisation du travail.
Trois éléments négatifs revenaient fréquemment. Première-
ment, la difficulté des visites en chambre et l’impossibilité
de saisir en temps réel des données au lit du patient
(absence de tablettes portables). Selon les personnes
interrogées, ces «tablettes »permettraient d’optimiser la
réactivité des équipes, d’éviter les saisies sur papier puis les
resaisies informatiques. Cette double saisie était à l’origine
d’erreurs de retranscription, d’une non-retranscription et
d’une augmentation importante de la charge de travail.
Deuxièmement, le manque de postes informatiques dans
le bureau de soins infirmiers nécessitait l’organisation d’un
relais sur les ordinateurs, ce qui était également à l’origine
d’une perte de temps. Enfin, les utilisateurs déclaraient
que le support informatique avait été à quelques reprises
indisponibles du fait des pannes du réseau informatique de
l’établissement ou d’erreurs techniques du logiciel.
Concernant les relations entre les professionnels, 50 %
des personnes interrogées pensaient que le DPIP avait un
impact important. Huit personnes ont constaté que le DPIP
avait créé de nouvelles relations entre les services ou entre
«les anciennes »et les «nouvelles »au sein d’un même ser-
vice. Les principaux éléments négatifs retrouvés étaient la
diminution du temps oral (9 personnes), la majoration du
stress lors de l’écriture d’une observation (4 personnes) du
fait d’une mauvaise maîtrise de l’outil (peur de perdre les
données, de ne pas enregistrer...) et parfois des tensions
entre les «pro »et les «anti-DPIP »(4 personnes).
Pour 43 % des personnes interrogées, le DPIP avait un
impact négatif sur les relations entre les professionnels
et les patients. Vingt-quatre personnes soulignaient leur
manque de disponibilité pour les patients et cinq trouvaient
que l’ordinateur pouvait introduire une certaine distance
entre eux et les patients. Cet impact était plus souvent
évoqué dans les services d’hospitalisation (64 %) qu’aux
urgences ou dans les services extrahospitaliers (31 et 29 %
respectivement ; p= 0,03).
Discussion
Cette étude qualitative montre qu’une grande partie des
professionnels de santé des services en psychiatrie utili-
saient le DPIP et en avaient une opinion plutôt favorable.
Ils reconnaissaient que celui-ci pouvait améliorer la qualité
de la prise en charge, la continuité des soins et la coor-
dination des acteurs avec cependant des restrictions, plus
souvent associées au discours infirmier, en ce qui concerne le
temps passé à remplir le dossier du fait du manque de maté-
riel ou de leur manque d’expérience en informatique et, par
conséquent, la réduction du temps consacré aux soins.
Les limites de notre étude sont inhérentes à la métho-
dologie utilisée, à savoir notre approche exploratoire,
qualitative et monocentrique. Sans pouvoir généraliser nos
résultats à l’ensemble des établissements psychiatriques
publics, elle ouvre des pistes de réflexion pour des travaux
ultérieurs. Les études qui ont tenté d’évaluer la «notoriété »
et l’utilisation des dossiers patients informatisés sont peu
nombreuses en psychiatrie, notamment en France. Une
revue des études sur l’informatisation en psychiatrie réa-
lisée sur une période de 30 ans, de 1966 à 2001, retrouvait
11 articles sur la mise en place d’un système informatique de
collecte de données cliniques et thérapeutiques, sans réelle
évaluation de leur utilisation [5]. L’étude de McDougall et
al. a porté sur la mise à disposition d’un système régional
d’information pour les soignants sur des patients souffrant
de pathologies mentales chroniques [16]. Comme dans notre