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RADICALISATION DU CLIMAT
Des villes menacées par les cataclysmes
Alors que les mégapoles et les métropoles occidentales brandissent fièrement leur “Plan Climat” et autres
prouesses techniques (barrières dans les détroits pour endiguer les ondes de tempêtes, etc.), l’Afrique, qualifiée
de continent de tous les dangers (sécheresse, montée des eaux et précipitations), n’affiche que des velléités de
changement et des projets flottants. Zoom sur ces villes africaines appelées à être davantage malmenées par le
réchauffement.
Avec 60% de la population urbaine d’Afrique subsaharienne vivant dans des bidonvilles, en proie à tous les
fléaux climatiques (pluies exceptionnelles, inondations, sécheresse extrême, montée des eaux) et ployant sous
le poids de la famine, du sous-développement et des conflits armés, le continent noir affiche une vulnérabilité
sans pareille.
Une vulnérabilité qui met à rude épreuve les grandes villes africaines dont très peu ont déjà pris des mesures
d’adaptation au changement climatique. Dans un hors série publié en décembre dernier, la revue Science et Vie
s’applique à expliquer, cartes, graphes et entretiens à l’appui, comment les effets du climat se feront ressentir
— différemment — à travers la planète. Mais au-delà du constat et la projection, ce sont les mesures déjà prises
par les pays développés qui sont intéressantes à plus d’un titre.
Car, pour la première fois, les questions relatives aux changements climatiques sont abordées via des
mégaprojets devant prémunir les grandes villes des dérèglements climatiques.
Car, leur emplacement géographique, voire stratégique — établies au bord de l’eau : mers, océans et fleuves ;
dans les deltas et sur les côtes — et le fait que depuis 2007, elles abritent la moitié de la population mondiale
augmentent leur vulnérabilité. Et encore plus celle des villes africaines les variations du climat sont
littéralement extrêmes, passant des sécheresses aux pluies torrentielles dont découlent inondations,
raréfaction des ressources hydriques et désertification, pour ne citer que ces fléaux aggravant les problèmes
économiques, démographiques et politiques.
VULNÉRABILITÉ
DES VILLES AFRICAINES
Une carte établie en juin 2009 par la société Maplecroft, spécialisée dans l’estimation des risques en tous
genres, met particulièrement en exergue la vulnérabilité des villes africaines “du nord au sud et d’est en ouest.
La plupart d’entre elles sont promises à des états d’alerte climatique”. Le dernier rapport du Groupement
intergouvernemental sur l’évolution du climat rendu public en 2007 corrobore cette prédiction en avançant que
le réchauffement climatique devrait radicaliser le climat africain. Une radicalisation néanmoins observée à
maintes reprises et plus particulièrement en septembre dernier à Ouagadougou, cité en exemple, il est
tombé en 10 heures 300 mm de pluie sur la ville. Ce qui représente la moitié des précipitations annuelles à
l’origine d’inondations jamais vues en 90 ans, est-il précisé ! Ces pluies torrentielles n’ont pas épargné d’autres
villes et capitales de l’Afrique de l’Ouest, causant également des inondations. Ce fut le cas à Dakar, Rosso
(Mauritanie), Conakry (Guinée), Freetown (Sierra Leone), Abidjan (Côte D’Ivoire) et Agadez au Niger. Les autres
grandes villes d’Afrique n’échapperont pas aux caprices du climat. Le manque d’eau inhérent aux successions
de périodes de sécheresse est appelé à s’accentuer. Pour les zones tropicales, il est prévu des pluies encore
plus violentes. À considérer ces scénarios, il faut en déduire qu’il sera question de déplacements massifs de
populations sans logis.
D’autant que comme cité plus haut, le seuil critique de la pauvreté étant atteint dans bon nombre de ces
centres urbains où les populations s’entassent dans les bidonvilles — souvent inondés car sans égouts ni réseau
d’eau — souvent en proie aux épidémies.
Ce fut le cas, en 2009, pour le Zimbabwe, le Botswana, le Mozambique et la Zambie. Mais deux autres détails
sont relevés — ces derniers concerne l’ensemble des villes d’Afrique, à l’exception peut-être de l’Afrique du Sud
—, ils sont liés à l’inexistence de systèmes d’évacuation des eaux pluviales mais encore à la précarité du
traitement des déchets ménagers : “Tous les quartiers des villes africaines ne sont pas équipés de systèmes
d’évacuation et ceux qui le sont ne sont pas plus à l’abri des inondations faute de système de collecte, les
ordures ménagères s’entassant et bouchant ces systèmes (…)” Cette parenthèse nous rappelle les inondations
de Bab El-Oued du 10 novembre 2001 survenues à cause de telles défaillances, entre autres. Ce qui fait
techniquement la vulnérabilité du continent noir, c’est son sous-développement qui se traduit, selon le
président du Giec, M. Rajendra Kumar Pachauri, par le manque d’expertise scientifique et le manque de
capacités à modéliser quantitativement et estimer la nature et l’étendue du changement climatique à venir.
Car, selon le président du Giec, l’Afrique est déjà fragilisée et soumise à beaucoup de pression, comme la
malnutrition ou la famine, les faibles rendements agricoles et les crises politiques diverses. Ainsi, le changement
climatique ne fait qu’exacerber des situations existantes. “Nous prévoyons que d’ici à 2020, entre 75 et 250
millions d’Africains manqueront d’eau”, ajoute-t-il dans l’entretien accordé à S&V.
ABSENCE DE STRUCTURES MÉTÉOROLOGIQUES
Pour ce qui est de l’adaptation de l’Afrique au changement climatique et faute de haute technologie, M.
Rajendra Kumar Pachauri a expliqué que même le partenariat Nord et Sud est difficile à réaliser faute de
compétences locales et d’infrastructures nécessaires pour assurer la maintenance de ces technologies.
Contacté par nos soins en vue de mieux cerner cet aspect, le responsable du service climatologie à l’ONM, M.
Djamel Boucherf, a rappelé que pour le cas de l’Algérie, la situation est différente.
“En effet, beaucoup de pays d'Afrique n'ont pas des structures météorologiques (centres de recherche ou de
développement météorologique ou climatologique), pas de réseau météo dense et ancien (pas de longue séries
de plus de 100 ans ) et manquent de ressources humaines (les chercheurs). En revanche, d’autres, à l’instar de
l'Afrique du Sud ou encore de l'Algérie, sont mieux dotés.
Avec son réseau météo dense de plus de 400 points de mesure, son Centre régional météorologique et les
infrastructures, l’Institut hydrométéorologique de formation et de recherche (IHFR) d'Oran et le Centre de calcul
d'Alger avec son super calculateur qui sera réceptionné au mois de mars prochain (les premières observations
remontent à 1856) et ses ressources humaines (plus de 600 météorologues entre techniciens, ingénieurs et
magister), l’Algérie peut facilement faire de la modélisation climatique (projection climatique future, adaptation
et vulnérabilité). La coopération Nord et Sud est un plus vu qu’il n’est pas facile de modéliser le climat sans
recourir aux techniques de pointe. C’est cette coopération qu’il faut développer avec les autres pays du
continent qui n’en ont pas les moyens”, argue M. Boucherf.
Autre fait nouveau : le risque climatique pèse aujourd’hui davantage sur les villes. Pourquoi ? La réponse est
donnée par un classement des Nations unies qui révèle que 14 des 19 mégapoles du monde dépassant les 10
millions d’habitants sont des cités portuaires. Partant de ce principe, la vulnérabilité des villes s’en trouve
exacerbée du fait aussi de la mauvaise gestion urbaine dont souffrent les villes africaines.
C’est le cas de Casablanca, de Tunis et d’Alexandrie menacées par la montée des eaux. Si certaines mégapoles
de pays industrialisés se sont organisées en réseau on parle de l’Initiative “C40” qui regroupe les
représentants de 40 métropoles du monde comme Pékin, Istanbul ou Paris pour faire face et s’adapter au
changement climatique —, qu’en est-il pour ces cités ? Selon les experts, beaucoup de villes africaines sont
installées sur un littoral très bas, à quelques mètres seulement de la mer dont le niveau s’élèvera entre 0,8 et 2
mètres d’après les estimations des oécaonographes. “Les villes du delta du Nil, Alexandrie en tête, sont
menacées. Mais aussi Tunis, Casablanca et les mégapoles d’Afrique de l’Ouest”, est-il précisé. Cette hausse du
niveau des mers se répercutera sur la ville d’Alexandrie, plus exposée depuis quelques années aux tempêtes
qui aggravent, selon des chercheurs égyptiens, le problème de l’érosion côtière. Le plus inquiétant est que le
premier port d’Égypte (Alexandrie) perdra jusqu’à 30% de sa superficie et environ 67% de sa population devra
être relogée ! Et même si la municipalité de la ville en question dépense près de 220 millions d’euros pour
réalimenter les plages de sable et en construit des protections en béton, il est déploré que ces projets se font en
dehors de toute approche scientifique. Entre l’accentuation de la sécheresse et le risque accru des inondations,
Casablanca a ce qu’on appelle du pain sur la planche (drainage en amont, élargissement des canaux
d’évacuation…).
De plus, sa gestion côtière est loin d’être reluisante. “Pour ce qui est du cas d’Alger, les mesures prises
concernent les inondations et se traduisent par un programme anti-inondations élaboré par la wilaya d'Alger
pour tous les oueds (Kniss, Ouchaieh, etc.) de la capitale. C’est la Duch qui fera le suivi”, souligne un expert
international algérien chargé de la gestion des risques majeurs.
Pour Bab El-Oued, après les inondations de 2001, un plan de prévention a été mis en place. Par ailleurs, le
Journal officiel 71 comporte un décret sur la prévention des inondations, il incombera au ministère des
Ressources hydriques de s'en charger.
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