juin 2012 la baule
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découverte20
Karine Massonnie : « Ces peuples vivent
depuis toujours sur leurs terres ancestrales. »
Une guérandaise nous fait partager sa passion pour les peuples
premiers et les cultures autochtones
La Baule+ : 4XHOOHHVWODGpÀ-
nition des peuples premiers ?
S’agit-il de ceux qui vivent
au XXIème siècle comme au
début de notre ère ?
.DULQH 0DVVRQQLH Ce sont
des peuples qui essaient de
maintenir leur vie tradition-
nelle. Les peuples premiers
sont toujours les premiers
habitants des territoires sur
lesquels ils vivent.
Cela n’a donc rien à voir avec
la pauvreté...
Absolument pas. On peut
aussi parler de peuples pri-
mitifs, ce qui est un terme
assez péjoratif,. Ce sont des
indigènes ou des autoch-
tones, selon les endroits.
Ces peuples vivent depuis
toujours sur leurs terres an-
cestrales. Ce sont aussi ces
hommes, comme les abori-
gènes ou les amérindiens, qui
tentent de maintenir leur vie
ancestrale et leur lien ances-
tral avec la nature.
Vous avez reçu Dominique
Rankin à Guérande : qui est-
il ?
C’est un grand chef hérédi-
taire du Canada, de la famille
algonquine. Ce n’est pas du
tout son nom algonquin, qui
est Kapiteotak, ce qui signi-
ÀH ©O·HQIDQW TXH O·RQ HQWHQG
pleurer de loin». Dominique
Rankin est un nom donné
par l’homme blanc. Il est
chef héréditaire algonquin
et homme médecine. Dans
les nations amérindiennes,
tout le monde naît homme
ou femme médecine. Ce sont
ceux qui ont des connais-
sances particulières avec la
nature et qui sont capables
de guérir, au sens de prendre
soin de son âme, de son
corps et de son esprit. Tout
le monde peut être homme
ou femme médecine, mais
certains développent cette
pratique de manière plus ou
moins forte. Dans sa lignée
de sang, ils étaient fortement
reconnus dans cette pratique.
Il vient de publier un livre,
intitulé «On nous appelle les
sauvages», et c’est le premier
livre écrit par un haut repré-
sentant des nations autoch-
tones.
Quand on parle de «sau-
vages» dans notre vie quoti-
dienne, on évoque des gens qui
se comportent mal, qui n’ont
aucune éducation et qui sont
en dehors de nos codes. Dans
ce contexte, ce ne sont pas
des sauvages, mais des per-
sonnes d’une autre civili-
sation. Mais cela reste une
civilisation...
Lorsque les hommes blancs
sont arrivés, la première
chose qu’ils ont pu voir, ce
sont des hommes nus qui
vivaient de chasse et de
cueillette. Pour eux, c’étaient
des sauvages, puisqu’ils
n’avaient pas les codes que
nous avons développés.
A l’origine, on les appelait
les sauvages. Aujourd’hui,
quand on les entend vou-
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rester à l’état sauvage, c’est
toute cette dignité qu’ils es-
saient de défendre.
Chez ces sauvages, il y a un
respect de la vie, du malade
ou de la personne âgée que
nous avons oublié...
C’est l’objectif des actions
que je mène : permettre à
chacun de retrouver de telles
valeurs et ce lien respec-
tueux à l’égard de la nature.
La connaissance de soi et le
respect de l’autre sont ces
valeurs défendues par nos
ancêtres.
chez les
Himbas, en
Namibie, les
femmes n’ont
pas le droit de
toucher l’eau
Pourquoi avoir cherché à
vivre comme eux lorsque
vous êtes allée à leur ren-
contre ?
Non, je n’ai pas cherché à
vivre comme eux. Je me suis
nourrie de leur civilisation,
de leur philosophie, de leur
sagesse et de leurs pratiques.
Mais je suis aussi restée qui
je suis... Je n’ai pas cherché à
mettre leurs vêtements, par
exemple. J’ai vécu comme
eux, j’ai énormément appris,
mais je suis restée avec mes
traditions et ma culture. C’est
du partage de culture, plutôt
que de l’oubli de soi. Cela
m’amène aussi à me poser
de nombreuses questions :
jusqu’où je vais avec eux,
jusqu’où je reste moi... Par
exemple, chez les Himbas, en
Namibie, les femmes n’ont
pas le droit de toucher l’eau.
Seuls les hommes ont le droit
de le faire. Eh bien, lorsque
nous allions nous promener
dans le désert, il y a certains
endroits où il y avait de l’eau
et je me suis demandé si je
pouvais aller me baigner ou
non. Finalement, j’ai décidé
de rester qui j’étais, avec ma
culture, et je suis allée me
baigner...
Mais comment ces femmes
font-elles pour se la-
ver, puisqu’elles n’ont pas le
droit de toucher l’eau ?
Il y a une hutte spéciale pour
les rituels d’hygiène. Elles
font brûler des herbes et
elles se recouvrent les par-
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se mettant au-dessus de ces
herbes incandescentes : c’est
comme un sauna naturel et,
entre l’évaporation et l’odeur
de ces plantes, c’est un vrai
sauna biologique.
Dans certains pays, vous
voyez bien qu’il y a une dif-
férence entre l’homme blanc
et l’autochtone, ne serait-ce
que lorsqu’il s’agit de boire
de l’eau, puisque le corps
des Africains est immunisé
contre de nombreux élé-
ments... Nos corps d’occi-
dentaux peuvent-ils encore
s’adapter à ce mode de vie ?
Oui, à l’inverse, ils sont d’au-
tant plus faibles lorsqu’on
leur amène des médicaments
qui les détruisent. Tout est
Karine Massonnie est consultante
internationale en développement humain
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développement durable et au rapprochement
interculturel entre les cultures autochtones
et non autochtones, modernes et ancestrales,
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Elle a reçu au centre culturel Athanor, le
15 mai dernier, Dominique Rankin, chef
héréditaire amérindien algonquin du Canada,
mondialement reconnu pour porter la parole
GHVSHXSOHVSUHPLHUV.DULQH0DVVRQQLH
organise régulièrement des conférences sur
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Elle organise également des ateliers
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l’environnement et au patrimoine, des missions
culturelles et des séjours Autochtones
auprès des communautés indigènes pour des
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Dans l’entretien qu’elle nous a accordé, elle
nous fait partager sa passion pour les peuples
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