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Médias audiovisuels : contenu et concurrence
Atelier du 30 septembre 2008
L’atelier débutera par deux rappels. Le premier, présenté
par Jean-Bernard Blaise, concernera les fondamentaux juridi-
ques et le deuxième, traité par Laurent Benzoni, insistera sur
les fondamentaux économiques. Ensuite, nous aurons une
table ronde intitulée : « Quelle nouvelle donne concurrentielle
dans l’économie numérique ? ».
Trois éléments de réflexion nous paraissent particulièrement
importants pour la discussion.
Tout d’abord l’audiovisuel public connaît un changement
fondamental avec le retrait des chaînes publiques du marché
publicitaire. Ceci n’implique pas le fait que cette situation n’a
aucun impact économique sur le secteur privé. Les chaînes
publiques restent concurrentes des chaînes privées en ter-
mes d’audience et ont également un impact par l’acquisition
des droits de diffusion. Vous le savez, une réflexion est en
cours à Bruxelles sur la doctrine des aides d’Etat en matière
audiovisuelle. Aussi, les nouvelles modalités prévues pour le
financement de l’audiovisuel public en France confèrent une
importance particulière à la définition du contenu des mis-
sions de service public. Il est vrai que cette définition intéresse
aussi la mise en œuvre des règles de concurrence puisque le
contenu de service public peut entrer en ligne de compte dans
l’appréciation, par l’autorité de concurrence, des exclusivités
dont dispose un opérateur public.
Cela nous amène au deuxième sujet essentiel de réflexion :
celui des exclusivités. En effet, les exclusivités de diffusion sont
au cœur du modèle économique des opérateurs audiovisuels.
L’enjeu essentiel réside, bien entendu, dans les contenus pre-
miums qui sont les facteurs d’audience et les moteurs d’abon-
nements. L’exclusivité est ce qui fait la valeur du droit pour
le producteur du contenu et donc, son revenu. Les autorités
de concurrence ont émis très tôt un regard critique sur les
risques anticoncurrentiels des exclusivités, l’accumulation de
droits exclusifs pouvant entraîner un verrouillage du marché.
En outre, l’impossibilité d’accéder aux contenus premiums
peut constituer une barrière à l’entrée. Pour autant, il n’y a
pas eu, jusqu’à présent, d’interdiction en soi ou de percée
de ces exclusivités, mais plutôt une approche pragmatique
au cas par cas.
Les autorités de concurrence ont essentiellement exigé des
opérateurs qu’ils atténuent la portée des exclusivités sans aller
jusqu’à leur imposer un abandon pur et simple. Nous avons vu
que ces atténuations portaient essentiellement sur le champ
ou sur la durée de ces exclusivités. Cet atelier examinera no-
tamment dans quelles mesures le cadre classique de l’analyse
des exclusivités par les autorités de concurrence appelle des
reformulations à la lumière des évolutions les plus récentes du
marché telles que nous les avons évoquées précédemment.
Enfin, le troisième axe de réflexion n’est pas exhaustif. Il
concerne les nouveaux diffuseurs sur Internet comme les si-
tes de partage et d’échange. Nous pouvons nous demander
si l’analyse concurrentielle des exclusivités doit ménager une
place particulière à ces acteurs émergents. Il est vrai que leurs
coûts de diffusion sont différents de ceux de leurs diffuseurs
traditionnels. Devons-nous les considérer comme de nouveaux
Accueil
Virginie Beaumenier
sous-directrice de la concurrence, DGCCRF (1)
Je vous souhaite la bienvenue, au nom de la DGCCRF, pour
cette deuxième édition des ateliers de la concurrence 2008 et
vous prie d’excuser Bruno Parent, en déplacement avec le mi-
nistre aujourd’hui.
Je suis particulièrement contente de voir que vous êtes
nombreux aujourd’hui. L’audience est toujours importante,
mais l’on constate que le pouvoir d’attractivité de la télévision
et du cinéma reste inchangé, même si, nous le verrons ulté-
rieurement lors du débat, il existe d’autres opérateurs suscitant
une attractivité concurrente.
Je me contenterai de quelques mots introductifs pour sou-
ligner l’intérêt de ce sujet et je laisserai à Maître Vogel le soin
de faire la vraie introduction sur le fond.
Le sujet « Les médias audiovisuels : contenu et concurrence »
proposé par d’éminents membres du comité de pilotage des
ateliers, nous a paru particulièrement intéressant au regard
d’une actualité, si ce n’est brûlante, en tout cas renouvelée. Dire
que le monde de l’audiovisuel était simple auparavant et qu’il
est devenu complexe aujourd’hui, est sans doute une banalité,
mais je crois que cela recouvre quand même une certaine réalité.
Auparavant, les marchés, notamment télévisuels, étaient assez
simples. Ils proposaient la télévision gratuite ou la télévision à
péage, mais aujourd’hui, avec l’évolution technologique et,
notamment, les progrès de la convergence, nous voyons que
ces définitions sont quelque peu bouleversées.
En effet, nous constatons que les opérateurs de télécom-
munications portent un intérêt croissant au contenu audiovisuel
puisqu’ils y voient désormais, au moins pour certains d’entre
eux, un enjeu stratégique. Les modèles économiques ont sans
doute encore vocation à évoluer, mais nous voyons bien qu’il
existe maintenant une frontière assez floue entre les contenus
et les contenants ou les tuyaux qui amènent ces contenus.
L’autre facteur de changement essentiel est bien entendu
Internet puisque les contenus audiovisuels participent au
succès d’une nouvelle génération de blogs, de sites Internet,
de réseaux communautaires ou de réseaux de partage de vi-
déos. Tous ceux qui ont des adolescents dans leur entourage
comprendront tout à fait ce que signifie cette nouvelle forme
de concurrence intermodale (expression employée dans les
transports), car on remarque que cette jeune population zappe
énormément, qu’il s’agisse de la télévision ou d’Internet.
Evidemment, ces évolutions sont susceptibles d’entraîner
de nouvelles tensions pour l’accès au contenu attractif. Donc,
nous verrons si cela appelle de nouvelles approches, des adap-
tations de la pratique décisionnelle et des infléchissements de
jurisprudence des autorités de concurrence.
1 Virginie Beaumenier a été nommée rapporteur général
de l’Autorité de la concurrence par arrêté du 3 mars 2009