
62 Les différents types de médiation
déplacés et cela constitue un lien particulier avec la dimension d’espace et
de temps. L’aspect tangible de l’activité de création et de son objet est perçu
comme une «nouvelle réalité» susceptible d’initier une distanciation qui
amène le patient à considérer ses con its comme des objets séparés de lui.
Àtravers cette objectivation et cette distanciation, il devient possible pour le
patient de découvrir une plus juste image de lui-même, de restaurer les fonc-
tions défaillantes, de renforcer ou restructurer sa pensée et sa personnalité.
Le modelage fait directement appel au corps. Le modeleur touche directe-
ment la terre, sans objet intermédiaire, du moins dans un premier temps. L’enga-
gement corporel prend forme de différentes façons : frapper, percer, battre,
caresser, écraser, creuser, coller, lisser, rouler, couper, barboter, malaxer, pres-
ser, arracher. Toutes ces actions favorisent l’expression de tensions corporelles
et un certain relâchement émotionnel. Cette possibilité offerte par le mode-
lage de réveiller des émotions et des souvenirs en fait une sorte d’expérience
cathartique qui amène vers des mouvements parfois destructeurs mais aussi
uni cateurs, à la condition que l’art-thérapeute soit suf samment présent pour
accompagner ces résurgences affectives. Le geste du patient-modeleur peut
alors devenir signi ant et faire émerger différentes représentations.
Les excitations tactiles qui sont la conséquence du geste et de l’action
stimulent des associations qui sont assez spéci ques à la médiation mode-
lage quant à leurs contenus psychiques. Certains auteurs (Orbach et Galkin,
1997; Boivin, 1995) énumèrent les affects qui naissent spontanément du
contact physique avec l’argile: anxiété, dégoût, curiosité, colère, émotions
sexuelles, joie, culpabilité. Des sentiments de dédain, de honte et de culpa-
bilité peuvent aussi émerger devant certaines productions «organiques»
créées spontanément. En n, l’argile est une façon privilégiée d’accéder à une
forme de régression, qui constitue une phase nécessaire à tout acte créateur.
Dans un atelier de psychothérapie à médiation modelage, il n’est pas
donné de consigne ou d’orientation quant au choix du sujet, ce qui favorise
l’élaboration d’un projet personnel. Avec le modelage, le patient est sus-
ceptible d’entrer dans une dynamique particulière de la forme immobile, cir-
conscrite dans un volume, qui oriente vers des sensations, vers des émotions
et éventuellement vers un processus de pensée.
Le volume
Avec l’apparition des premiers volumes, la présence de la personne commence
à se déployer dans l’espace de l’atelier. Au fur et à mesure que la forme se
dégage de la matière, une actualisation de soi-même, fût-elle in me, se fait
jour. Le corps s’engage dans une pantomime de mains qui tournent autour de
la forme en gestation, nissant par négocier sa place dans l’espace pour que
puisse apparaître l’imprévu qui peut par ailleurs provoquer un grand boule-
versement chez le patient. Il importe alors de l’aider à accepter ce paradoxe
de la création, par la poursuite du travail, par un mouvement ininterrompu
de faire, défaire et refaire, qui est rendu possible grâce à la plasticité et la
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