Session professionnelle 277 LA NOUVELLE CLASSIFICATION DES ACTES : QUELLES IMPLICATIONS ? J. Marty, Service d’anesthésie réanimation, Hôpital Beaujon, 92110 Clichy, France. La tarification des actes médicaux repose sur un système assez ancien dont les inconvénients se sont installés progressivement avec des effets insidieux modifiant l’équilibre de la pratique médicale. Cette tarification repose sur la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) dont la liste des actes est assez courte mais dont la composition a été le fait de strates successives au fur et à mesure de l’apparition de nouvelles techniques. Leur valorisation reposait sur une analyse d’expert avec un avis de la commission de nomenclature. Le résultat a été d’importantes distorsions tarifaires favorisant les nouveaux actes, ce qui peut être normal au début du fait de la difficulté de leur réalisation quand l’expérience des médecins était modérée ; des réajustements étaient évidemment nécessaires par la suite pour maintenir un équilibre valorisant réellement le travail médical dans chaque spécialité. Ces distorsions ont eu des effets pervers sur le choix des étudiants en médecine et des internes avec un attrait pour les spécialités les plus rémunératrices et un rejet relatif des autres. Or, en terme de santé publique, cette évolution est néfaste car certains actes médicaux pouvaient être pratiqués préférentiellement sans que l’adéquation offre-besoins des malades ait été évaluée. Déséquilibre démographique entre certaines spécialités, explosion du nombre de certains actes ont caractérisé l’évolution de la pratique médicale du fait, au moins en partie, de ces facteurs mécaniques et économiques. Par ailleurs, les modalités de remboursement des établissements avec des forfaits qui ne tenaient pas assez compte des besoins en personnel et en matériel pouvaient entraîner des biais de recrutement ou de fonctionnement. Au début des années 1980, un système de paiement à la pathologie a été élaboré, puis après de nombreuses années d’expérimentation a abouti au PMSI actuel. Les séjours dans les établissements de santé sont classés selon des catégories définissant la maladie qui a motivé l’admission. Cette liste regroupant les patients dans «des groupes homogènes de malades» permet de définir une valeur moyenne du coût et donc de comparer les établissements qui sont en dessus, en dessous ou au niveau de la moyenne. Les instigateurs du projet, calqué sur un système analogue mis en place aux Etats-Unis dans les années 1970, disposaient alors d’un instrument économique pour comparer les structures et permettre les dotations budgétaires. 278 MAPAR 2002 La mise en place du PMSI s’est accompagnée de la fabrication d’un catalogue des actes médicaux (CDAM) beaucoup plus détaillé que la NGAP. Malheureusement, en anesthésie, les outils proposés se sont révélés ésotériques et surtout ont limité l’acte d’anesthésie à la prise en charge peropératoire et à un passage au réveil «léger» ou «lourd». Il faut dire qu’au moment de l’élaboration du catalogue, le décret de 1994 n’était pas en place. Toutefois, la valorisation de l’acte anesthésique était, de facto, réduite et parcellaire. Enfin compte tenu des premières études de coût, la structure du programme informatique, le «groupeur», a privilégié l’acte chirurgical pour classer le séjour dans un groupe homogène de malade «chirurgical». Le problème de cette méthode, qui est en grande partie juste pour doter budgétairement un établissement, est d’induire des effets collatéraux négatifs. Tout d’abord, il y a une appropriation par certains des groupes homogènes de malades sous l’étiquette médicale ou chirurgicale comme étant un reflet de leur recrutement. Ensuite, l’activité médicale est corrélée par les responsables administratifs aux données du PMSI ce qui est vrai pour l’établissement, mais pas pour un service. Dans ce schéma, les séjours multiservices sont mal évalués et notamment la part de travail effectuée par chacun, ce qui a des incidences sur les structures et sur les attributions de personnel médical et non médical. Enfin bien que le PMSI n’ait pas eu pour objet de définir au sein de l’établissement les clés de répartition des budgets de service ou de structure, les directeurs ont tendance à pratiquer une répartition «prorata temporis» et également à minorer le rôle de certains services transversaux. Les conséquences négatives de la première version du PMSI et des modalités de groupage ont été signalées aux tutelles. Dans ce contexte, la refonte de la nomenclature à visée tarifaire qui s’imposait pour réduire les inégalités de rémunération s’est accompagnée d’un travail d’unification de la liste des actes médicaux aboutissant à la publication de la classification commune des actes médicaux (CCAM). A partir des libellés ainsi redéfinis, des experts ont, selon la méthode de hiérarchisation du travail des actes selon les composantes (durée, stress, compétence, technique, tec) définit par spécialité puis entre les diverses spécialités la valeur en point de travail de chaque acte. Toutes ces données ont été validées par la méthode de consensus du type Delphi, puis par optimisation sous contrainte. Le résultat est disponible sur le site de la CNAMTS (www.cnamts.fr). Les conséquences prévisibles sont une évolution du nombre des actes grâce au rééquilibrage et une meilleure valorisation de certaines spécialités au prix d’une régression modérée pour d’autres. Dans notre spécialité, il est clair que le cadre de prise en charge des patients a été défini avec plus de précision qu’auparavant (20 experts par panel). Ainsi, la consultation obligatoire a été évaluée ainsi que le travail en pré per et postopératoire pour chaque acte pour un patient «habituel» et tout cela dans la règle de l’art tel que définie par la SFAR (un médecin s’occupe de chaque patient). Lors de sa mise en application qui n’est pas effective mais qui sera progressive, on peut prévoir une amélioration des conditions de prise en charge du patient et une revalorisation de nombreux actes. Par ailleurs, les actes de certaines autres spécialités vont voir leur nombre se modifier et notamment se réduire. En conclusion, plus juste, la nouvelle nomenclature verra sans doute une modification des pratiques qui s’amélioreront grâce à une valorisation bien adaptée du travail fourni.