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JEHAN ALAIN, L'ŒUVRE D'ORGUE ET LES LITANIES
Par Valérie Bossu Ragis, Professeur Agrégé, Collège P. Eluard Montreuil.
BIOGRAPHIE
Jehan Alain naît à Saint-Germain-en-Laye le 3 février 1911. Il est l'aîné d'une famille de musiciens : son père, Albert Alain (1880-1971) est organiste,
compositeur et facteur d'orgue passionné ; sa sœur Marie-Odile (1914-1937) pianiste et soprano pour qui il composera quelques œuvres, son frère Olivier
(1918-1994), compositeur, musicologue et critique, et Marie-Claire (1926), célèbre organiste. Jehan Alain, comme son frère et ses sœurs, est initié au
piano, à l'orgue, au solfège et à l'harmonie par son père, qui lui transmet son goût du timbre et de la facture d'orgue lorsqu’il l’aide à harmoniser l'orgue
familial. Jehan aime les sonorités fines et délicates, les proportions humaines de cet instrument, par opposition aux imposantes orgues post-romantiques
encore en vogue vers 1930.
Organiste précoce, Jehan Alain est imprégné, tout petit, du chant liturgique, et est amené dès l'âge de onze ans à assurer les débuts de l'office du
dimanche à la place de son père qui est organiste dans plusieurs paroisses à la fois.
Armé de dons musicaux indiscutables, il entre au Conservatoire de Paris dès 1929, obtient en 1933 ses Premiers Prix d'Harmonie chez André Bloch,
et de Fugue chez Georges Caussade. Cette scolarité est souvent interrompue par une santé fragile et le besoin de donner de nombreux cours particuliers
pour vivre, et nourrir sa femme et ses trois enfants. En 1934, il entre en classe d'Orgue chez Marcel Dupré il obtient son Premier Prix en 1939. Il
n'obtient en revanche aucune récompense en Composition chez Paul Dukas puis Roger Ducasse. Cependant, en 1936, l'Association des Amis de l'Orgue
honore sa Suite pour orgue en lui attribuant le Prix de Composition, ses concurrents étant alors André Fleury et Gaston Litaize.
Jehan Alain est très doué pour l'improvisation et les arrangements de dernière minute. Cette faculté, très appréciée pour un organiste, lui permet de
s'adapter à un instrument unique dès qu'il entre dans un nouvel édifice. Il fait également preuve d'ingéniosité, d'astuces pour réparer à la hâte un tuyau à
l'aide d'un morceau de carton !On ne s'étonne donc pas de ses brillantes performances dans l'improvisation à l'orgue, pour lesquelles il jongle avec aisance
entre les changements de claviers, les tirages des registres et les motifs qui se dégagent entre ses doigts.
Jehan Alain aime entreprendre de nombreux travaux : non seulement c'est un musicien très complet (orgue, piano, improvisation, accompagnement
d'offices religieux, écriture, composition, professeur d'instrument et d'écriture, auteur de transcriptions...), mais il s'adonne à la poésie et au dessin avec
esprit et talent. Son sens artistique est très développé ; mais c'est aussi un homme très sportif qui apprécie la montagne, la bicyclette et la moto.
Boute-en-train, amuseur et acrobate, comme le signale Marie-Louise Girod-Parrot dans un entretien qu’elle nous a accordé, Jehan Alain cherche à
faire rire son entourage, par ses dessins, certes, mais aussi quelquefois par ses bouffonneries. Ses dons de caricaturiste révèlent une personne pleine
d'esprit, maniant humour et ironie, seules choses qui, dit-il, « rendent la vie supportable aux êtres sensibles ».
Il illustre souvent ses pièces de citations ou de dessins. Bernard Gavoty nous dit : « Guère de titre sans épigraphe, nulle page de musique qui n'ait sa
résonance dans telle phrase des lettres. Jehan veut nous donner en partage sa vision du monde ».
Il ne parle pas souvent de sa foi mais Jehan Alain est pourtant profondément croyant. Ses œuvres témoignent d'une prière contemplative et d'une
profession de foi constamment renouvelée. Ses Litanies, ses Chorals, dont le Choral cistercien inspiré de l'abbaye de Valloires, son Postlude pour l'office
de Complies, ses Variations sur l'hymne Lucis Creator semblent affirmer une ferveur chrétienne ardente.
Marié depuis 1935 à Madeleine Payan qui il dédie sa Suite pour Orgue, composée de 1934 à 1936) il devient père de trois enfants qu'il n'a qu'à
peine le temps de connaître. Il meurt pendant une bataille près de Saumur le 20 juin 1940.
Si l'homme est secret (« Il ne se livrait pas, mais il fallait fouiller pour le découvrir »), le musicien brillant, le pédagogue attentif, le chrétien fidèle,
Jehan Alain possède un esprit fin qui illustre sa vie de dessins humoristiques. Mais c'est avant tout un être curieux, d'une curiosité débordante envers la vie.
L'ŒUVRE D'ORGUE
À travers ses œuvres, Jehan Alain réussit à créer cette atmosphère onirique et personnelle qui lui est si particulière. L'œuvre du compositeur comprend
128 numéros (auxquels on peut ajouter les 16 pièces répertoriées après sa mort) dont 26 pièces pour orgue, les autres pièces étant pour piano, musique de
chambre et ensembles vocaux. On compte aussi huit transcriptions et onze pièces restant inachevées. Cinq pièces d'orgue ont été publiées de son vivant, les
Deux Chorals en 1938 et les Trois Pièces : Variations sur un thème de Clément Janequin, Le Jardin suspendu et Litanies en 1939. Il écrit tout cela en dix
ans, de 1929 à 1939, date à laquelle il est mobilisé. Le compositeur est donc un homme jeune (18 à 28 ans), ouvert à la vie, à la poésie, mais avant tout
épris de liberté. Si ce jeune musicien déborde de vie et d'activités multiples, sa musique, elle aussi, s'abreuve à différentes sources.
LES HÉRITAGES
1. Le chant grégorien, les références à la voix, les mélodies modales
La mélodie chez Jehan Alain est très nettement influencée par la musique vocale. En témoignent les nombreuses références à la voix dans les titres ou
les indications expressives, les lignes plainchantesques, ou les mélodies plus exotiques.
On retrouve plusieurs de ses œuvres « habitées » par un élan plainchantesque. Les Litanies (1937), Le Postlude pour l'office de Complies (1930) et le
Choral cistercien (1934) (tous deux composés à l'Abbaye de Valloires (Eure), qui fut un foyer d'inspiration pour Jehan Alain) utilisent une liberté
rythmique caractéristique du chant grégorien dont le compositeur s'inspire volontiers. Cette musique se définit par une liberté d'exécution rythmique, une
souplesse d'interprétation dans la notation, par un aspect mélismatique, une souplesse de la ligne mélodique, un langage modal très riche, et surtout un
caractère intimiste, une inspiration contemplative, une volonté de communion. Dans ses premières œuvres, Jehan Alain est attiré par les modes grégoriens
et les modes grecs, auxquels Maurice Emmanuel l’initie dans ses cours d'Histoire de la Musique au Conservatoire. Ses deux pièces écrites en 1935, les
Chorals dorien et phrygien, sont issues de la terminologie de son professeur, et non de la désignation médiévale. Marie-Claire Alain explique ce choix :
« (...) le fait que les deux pièces sont écrites dans un idiome moderne a donné lieu à de nombreuses contestations sur le choix des titres. La
caractéristique du Choral dorien est la "doristi" de Maurice Emmanuel, c'est-à-dire l'attirance descendante du demi-ton Fa-Mi dans l'échelle de Mi
(...) La caractéristique du Choral phrygien est l'intervalle La-Si bécarre dans le mode de (...). C'est une "prise de conscience" d'un système
modal propre à Jehan Alain, fondé sur l'extension des modes grecs ou grégoriens. »
Jehan Alain emprunte quelques mélodies et hymnes grégoriennes dans le Postlude pour l'office de Complies, où se succèdent l'antienne Miserere mihi
Domine, l'hymne Te lucis ante terminus, celle du Salva nos Domine vigilantes, et celle du répons In manus tuas Domine. Il utilise également une hymne
grégorienne dans les Variations sur l'hymne de Lucis Creator. Ce thème avait été donné aux élèves de la classe de Georges Caussade au Conservatoire de
Paris en 1932 ; Jehan l’adapta pour l'orgue dans ses Variations.
Mais il prend aussi comme élément d'inspiration des chansons populaires dans les Variations sur un thème de Janequin.
On remarque une utilisation fréquente de termes italiens, concernant le tempo, ses fluctuations, son rubato, et de nombreux termes faisant allusion au
chant, à la vocalité ; ces termes ont été choisis par le compositeur pour guider au mieux l'interprète. Tout comme pour les indications de tempo, certaines
indications ont été notées par sa sœur Marie-Claire, qui, pour servir l'œuvre du compositeur, a pris soin d'indiquer entre parenthèses ces références à la
voix.
Jehan Alain utilise le trait horizontal pour assouplir certains rythmes. Ce trait que l'on retrouve dans la notation grégorienne, s'inspire d'un besoin
purement vocal, celui de respirer, ou de laisser la musique respirer.
Outre l’héritage des modes grégoriens, le compositeur découvre, grâce à l'Exposition Coloniale de 1931, la richesse des modes exotiques, et les
possibilités qu'ils lui offrent. Martin Kaltenecker, qui parle de l'exotisme musical chez Debussy (1903, Une soirée de Grenade pour piano ; Pagode), Ravel
(1908, Ma Mère l'Oye, pour orchestre ; 1926 Chansons Madécasses), Stravinsky (1913, Poèmes de la lyrique japonaise), Roussel (1918, Padmâvati ;
1932, Poèmes chinois), puis Delage (Poèmes Hindous), précise : « Le mode, par sa faible directionnalité, institue un temps particulier, lequel détruit les
structures formelles classiques ». Cette citation semble directement concerner la plupart des œuvres de Jehan Alain. Le langage du compositeur est riche en
modes mélodiques, grecs, ecclésiastiques ou anciens, mais il visite aussi des modes plus hardis. Ainsi, la Fugue (JA57) présente un langage quasi
dodécaphonique par la présence des douze notes chromatiques dès l’exposition du sujet.
La conception que Bernard Gavoty se fait de cette production procède plus d’un point de vue sensoriel que d’une démarche purement analytique :
« Plutôt que de disséquer les œuvres, je préfère en donner le goût et le représenter comme je l'ai connu, lorsqu'il les écrivait(...) attentif à ne pas
briser le fil d'une inspiration délicate, ne cessant de se référer à une décision infaillible, comme extérieure à lui-même, qui lui dictait le refus ou
l'acceptation de ses caprices, Jehan composait à la manière du poète. »
La musique ancienne : timbre et contrepoint
Jehan Alain est très sensible à la musique baroque pour sa liberté d'interprétation, ses registrations colorées, son sens de l'ornementation. Il rend
hommage à Louis Couperin dans le Prélude précédant la Fugue (JA57), dans lequel apparaissent des cadenzas non mesurées, et à la chanson populaire du
XVIe siècle dans les Variations sur un thème de Clément Janequin, grâce à un recueil de chant appartenant à la famille Alain. Jehan Alain a découvert
l'orgue du Petit Andelys (Eure), un instrument de 1674, sur lequel il jouera ces variations avec plaisir. Il admire tant cet instrument qu'il aide son père à
réharmoniser le Cornet décomposé du Positif de l'orgue familial dans cet esprit. Ces variations ressuscitent l'orgue baroque français et ses registrations.
Le père de Jehan Alain a réalisé un orgue de salon très particulier. Jehan s'inspire de cet orgue pour la registration de nombreuses pièces.
Son goût pour les orgues baroques françaises s'exprime dans les Variations sur un thème de Janequin. Mais de nombreuses autres pièces utilisent une
couleur du passé. Ainsi, le compositeur écrit le Choral de sa Suite avec une registration reprenant les sonorités rugueuses de l'orgue médiéval : Bourdon 8'
et Salicional 8', Flûtes et Prestant, toutes mutations simples et composées (Cornets et Pleins-jeux), Cromorne, Clarinette, Voix humaine ou Hautbois. De
même, la registration de la Première fantaisie évoque celle d'un Grand Jeu à la française : Fonds, Mixtures, Anches 8' et 4' sans 16', et l'Aria requiert des
Mutations allant jusqu'au Larigot.
La musique de Jehan Alain est finement imprégnée de subtilités d’écriture grâce auxquelles on apprécie l’agencement des thèmes, l’imbrication des
éléments entre eux.
On trouve de nombreux petits fugati, traités avec liberté, comme variante du thème, dans la Tierce en taille des Variations sur un thème de Janequin,
ou bien comme conclusion de ce fugato sur un triple canon, bel exemple d'écriture contrapuntique ; la seconde variation, thema fugatum des Variations sur
l'hymne de Lucis Creator, l'introduction de Grave ou la fin de Petite Pièce présentent également des fugati.
C’est parfois assez subitement que l’on entend lors d’un développement un canon se mêler au discours. Ainsi, dans le Premier Prélude Profane, la
main gauche fait entendre un canon de la main droite à la quinte diminuée et à une croche de distance. De même, dans l’Intermezzo, c’est le soprano et la
pédale qui forment un canon à la quarte et à la noire. On trouve de nombreuses imitations de motifs dans l’Aria.
Dans le Jardin Suspendu, le thème est traité de façon harmonique dans son exposition, puis de façon mélodique dans le développement, sur les
accords du thème. Dans les Variations sur un thème de Janequin, le discours contrapuntique à quatre voix, dont l’écriture témoigne d’un bel équilibre
sonore, est interrompu par un divertissement à deux voix, d’un ambitus restreint, reprenant un élément du thème. Dans Monodie, on retrouve cette
alternance entre le début homophone, avec une mélodie doublée aux deux mains, et un développement central harmonique plus dense.
Jehan Alain possède un sens de l’équilibre sonore, il veille à respecter l’intensité et la compréhension du discours. Mais il sait aussi s’éloigner d’une
écriture scolastique et s’affranchir de règles qui nuiraient trop à sa créativité.
Le debussysme de Jehan Alain, les modes, les accords enrichis
On connaît l’intérêt que porte Jehan Alain pour la musique de Debussy. Celui-ci a apporté à la musique tonale un sang neuf. Sa volonté de noyer le
ton, de débarrasser la musique de la prédominance tonale ne laissent pas insensible le jeune compositeur. Avec Debussy, il découvre bien sûr une
perception nouvelle du temps. Mais il se nourrit aussi d'enchaînements d'accords à la tierce, d'accords avec note ajoutée, d'enchaînements d'accords de
dominante, de successions de quintes, d'emploi d'échelles modales (gamme pentatonique par exemple), et de gammes par tons. Si ces procédés sont déjà
présents chez les romantiques, ils font encore partie du langage tonal. Or, avec Debussy, ils deviennent colorations de timbre gratuites, jeux de sonorités.
Jehan Alain utilise des moyens similaires pour s'affranchir, lui-aussi, de l'utilisation de la gamme d'ut, « le tyran ut » selon Maurice Emmanuel !
Ainsi, la gamme par tons est présente dans le Choral extrait de la Suite. Dans le Jardin Suspendu, on trouve des quintes parallèles en ostinato, qui
créent un jeu de timbre voilé.
On trouve à nouveau des quintes parallèles dans le Scherzo de la Suite et dans la Première Fantaisie, avec une superposition de quintes parallèles au
pédalier et d’accords de sixte et quinte, différents des notes du pédalier, au manuel.
De même que Debussy, Jehan Alain aime les mélodies d’accords, aux sonorités riches, et faisant souvent onduler, tournoyer des accords entre eux. Il
procède de façon parallèle, comme dans la Petite Pièce, les accords de sixte et de quarte et sixte se succèdent de façon aérienne ; dans Deuils, ce sont
des accords massifs et parallèles ; dans l’Aria, les accords créent une souplesse et une fluidité.
C'est alors surtout à la couleur sonore et de timbre de chaque accord que Jehan Alain s'intéresse, plus qu'à la succession de ces accords. Ceux-ci sont
considérés comme une entité sonore, s'enchaînant et formant une mélodie d'accords. Les accords employés alors sont souvent fort simples (comme dans
Petite Pièce, Joies, Aria), mais leur enchaînement et les modulations subites créent de délicieuses subtilités (Introduction de la Suite pour orgue).
On a vu précédemment l’aspect mélodique de l’utilisation des modes, mais il est intéressant d’étudier son emploi dans un contexte de sons
simultanés.
Monodie esquisse un mode alternant un ton et un demi-ton, correspondant au second mode à transposition limitée de Messiæn. Jehan Alain utilise un
mode encore plus dépaysant dans la Deuxième Fantaisie par la superposition d’accords de Mi bémol majeur et de La majeur ou dans les Deux danses à
Agni Yavishta, où la main droite égrène des notes évoluant dans le tétracorde si - do # - ré - mi, alors que la main gauche joue sur des notes avec bémol, ce
qui crée un langage polymodal. Les Deux danses à Agni Yavishta procèdent de modes orientaux, mais aspirent également, étant dédiées au Dieu du Feu, à
pénétrer l'univers bouddhiste et à lui rendre hommage.
Il existe cependant des harmonies plus fouillées, des accords avec des frottements (octaves diminuées ou augmentées, notes ajoutées) qui brouillent
les harmonies les plus simples en un halo sonore nouveau et riche. Ainsi, dans la Première Fantaisie, les mains tiennent de larges accords de quatre sons
alors que le pédalier présente le thème sur des notes étrangères à ces accords.
Dans Climat on trouve des accords de sixte et quinte avec neuvième. Dans le Deuxième Prélude Profane, la main gauche et le pédalier forment des
accords chargés (jusqu’à six sons : septième diminuée avec neuvième ajoutée, accord avec neuvième, onzième et treizième), alors que la main droite joue
une mélodie évitant adroitement les notes de ces accords.
De même, certaines mélodies oscillent autour d'accords, en évitant de doubler les notes qu'ils font entendre, voire en s'arrêtant sur les dissonances. On
trouve ce procédé dans Aria, la main gauche joue un groupe d' accords tandis que la main droite s’attarde sur des notes formant anticipation, retard ou
note ajoutée. Dans Berceuse, on retrouve ce même mouvement de tierces sur deux notes tenues, imitant un cornement, incident bien connu des organistes.
On peut remarquer les quintes parallèles formées entre la main gauche et la note supérieure de la main droite. Dans Postlude, on trouve une alternance de
tierces majeures et mineures, puis de secondes majeures et mineures à la main gauche, sur lesquelles la main droite se greffe pour déclamer la mélodie
grégorienne.
La richesse des harmonies employées, faites d'échelles modales multiples, d'accords parallèles, d'enchaînements déroutants libère la musique de toute
contrainte tonale, et met en valeur la fluidité des mélodies aériennes et la mobilité du rythme. C'est au gré de ses découvertes qu'il nourrit ce qui donne à sa
musique tant de caractère.
LES DECOUVERTES
L'éclectisme des goûts musicaux du compositeur traduit sa curiosité d'esprit et son envie de s'ouvrir à d'autres traditions musicales.
L'exotisme
Jehan Alain a assisté à l'Exposition Coloniale de 1931 qui rassemble tous les comptoirs, protectorats et colonies françaises de par le monde. C’est un
choc pour lui que d'être confronté à des rythmes d'une telle vigueur, à des échelles modales d'une telle richesse, à des instruments inconnus et des timbres
inouïs. Il est fasciné par les musiques des pavillons des comptoirs français de l'Inde, et retourne maintes fois à l'exposition pour écouter les musiciens et
regarder les spectacles de danse. Denise Launay raconte le « choc comparable à celui qu'a éprouvé, lors de l'Exposition de 1889, son compatriote Claude-
Achille Debussy. Quarante-trois ans après Claude de France, Jehan Alain est à son tour envoûté par la musique de l’Orient. »
Les rythmes obsessionnels des danses de l'Inde, du Maroc, les intervalles mélodiques augmentés, les échelles modales exotiques, les instruments au
timbre dépaysant, le jeu d'allure nonchalante et improvisée, tous ces paramètres qui évoquent un exotisme musicaltouchent le compositeur, lui permettant
d’accéder au sentiment de liberté dont il rêve. On trouve ce dépaysement dans certaines pièces (la Deuxième fantaisie, les Deux danses à Agni Yavishta, -
dieu du feu - ces « pièces concises, figées comme des bonzes en prière ») à propos desquelles Jehan avoue à Bernard Gavoty un penchant pour les
« ambiances exotiques et orientales » :
« Le 27 mars 1940, alors qu'il entend des flamencos, de la musique marocaine qui le "rendent fou", Jehan Alain dit : "S'il y a en moi une fibre
musicale, c'est celle de cette musique... Il me semblait entendre parler ma langue natale... Quel obscur atavisme a pu me modeler la cervelle ?... Je
ne m'étonne plus qu'Olivier, de Rabat il est en ce moment, m'écrive qu'il entend les Arabes chanter des phrases entières de ma Deuxième
fantaisie pour orgue..." »
De même, suite à l'audition des Deux Danses à Agni Yavishta et de la Suite monodique, il confie à son ami : « Ce n'est pas possible, (...) j'ai du sang
de lama ou de bonze dans les veines. »
L’envoûtement opéré par ces musiques se poursuit quand il découvre la rythmique du jazz.
2. Le jazz
Le goût de Jehan Alain pour les rythmes syncopés et autres subtilités rythmiques d'influence jazz se ressent dans la première des Trois Danses
(1937-1939), dont le thème de Joies est nettement swinguant et dans le Premier Prélude Profane (1933), où intervient une cellule rythmique syncopée. De
même dans le Lamento (1930), dont la pédale apparaît à contretemps. Le compositeur confie à Bernard Gavoty son attachement pour ce style de musique :
« Le jazz, qui m'attire, bien que je le redoute, m'a appris certaines équivoques rythmiques qui traduisent bien ma pensée. »
La diversité des attirances musicales de Jehan Alain, son éclectisme, sont le signe d'une curiosité, d'une ouverture au monde. L'effort qu'il fournit
porte essentiellement sur la fixation écrite de musiques dont l'origine et le mode de transmission sont très souvent la tradition orale ; pour ce faire, Jehan
Alain dispose d'outils de notation musicale dont il déplore la pauvreté. C'est ainsi qu'il déclare :
« On a trop insisté sur l'orthographe musicale, évidemment primordiale. (...) La musique est faite pour traduire les états d'âme d'une heure, d’un
instant (...) Donc mobilité, même relative. Ne pas essayer de traduire un sentiment unique, fût-ce même un sentiment éternel. »
Son esprit aventurier, son côté inventif et bricoleur incitent également Jehan Alain à faire ses propres découvertes et à créer de nouvelles sonorités.
Les innovations timbriques
Jehan Alain explore sans cesse les possibilités de l'instrument, cherche à exploiter les combinaisons les plus fines, ou à isoler les éléments les plus
caractéristiques. Ainsi, on trouve souvent des registrations qui sortent des conventions.
La coupure de pédale (possibilité de registrations différentes entre les notes graves et les notes aiguës du pédalier) de l'orgue d'Albert Alain permet
des registrations particulières et inhabituelles, que Jehan Alain exploite dans plusieurs pièces comme l’Intermezzo, le Lamento.
Le compositeur aime certaines associations de timbres, comme dans la Deuxième fantaisie, Salicional 8' et Gros nasard, dans l'Aria, Bourdon 8' et
Quinte, dans le Jardin Suspendu, Flûte 4' et Gros nasard, puis Flûte 4' et Nasard. Dans Deuils, il ajoute des harmoniques à des anches, expliquant ce
mélange insolite par une note sur la partition. Il isole parfois certains jeux habituellement couplés à d'autres, comme la Flûte 2' solo dans l'Aria, le Nasard
seul dans le Jardin Suspendu, le Basson 16' solo au pédalier dans Joies, et la Soubasse 16' dans Ballade.
Afin de comprendre la volonté de Jehan Alain en matière de registrations, il est utile de lire la préface des pièces pour orgues de Marie-Claire Alain :
« Enfin, je me suis attachée à normaliser, et parfois à simplifier les registrations lorsque leur complexité pouvait gêner l'exécution de l'œuvre
(Trois Danses, Fugue, Scherzo). La registration, chez Jehan Alain, était toujours expérimentale et la plupart du temps destinée à un orgue de salon
d'un type très spécial (celui de notre père Albert Alain). Pour donner une idée des rapports de sonorités voulus et les rendre accessibles à tous les
organistes, j'ai dû parfois opérer une sorte de transposition. Là aussi, je me suis efforcée de suggérer et non de trancher définitivement. »
« Il abominait les Bombardes et les grosses pédales de 16 pieds. Presque toutes ses œuvres finissent "en douceur", car il redoutait la facilité
des conclusions sur le Tutti. Manquant de mixtures sur la plupart des instruments qu'il lui était donné de jouer, il essayait de pallier cette carence
par des mélanges peu orthodoxes. Il avait prévu l'évolution de la facture d'orgue dans les années cinquante-soixante. Sa musique est écrite pour
l'orgue que nous avons maintenant et non pour celui dont il disposait, et dont il était rarement satisfait. »
Cette recherche des timbres adéquats, en puisant dans le passé, ou en testant des combinaisons de timbre inédites traduit le besoin de liberté de Jehan
Alain, présent dans la plupart des paramètres compositionnels.
UN BESOIN DE LIBERTE
Une conception très personnelle du temps, du rythme contribue, avec l'idée de mobilité sur le plan formel, à l'impression de liberté que procure sa
musique. C'est ainsi que Jeanne Raphaële et Olivier Alain peuvent écrire :
« La grande liberté rythmique de son style porte du reste surtout sur l'expressivité mouvante de certains rapports de durée, de tels
enchaînements ; si l'on pouvait parler de rubato à propos d'une œuvre aussi peu maniérée, il faudrait dire que celui de Jehan Alain est un "rubato
actif". »
1. Jeux rythmiques, fluctuation métrique
Le rythme est souvent l'élément principal, prétexte à variations ou bien présentant la répétition implacable du même schéma, comme l'alternance
régulière de la division des croches en 3 + 5 / 2 + 4 + 2 dans Litanies, les syncopes de Joies, les contretemps du Lamento, ou au contraire, prétexte à une
présentation nouvelle d'un thème unique comme dans la Première Fantaisie et dans l’Aria.
Jehan Alain utilise cette technique de la répétition dans Litanies, qui traduit aussi le caractère obsessionnel de la danse, dans ses Danses à Agni
Yavishta.
Marie-Claire Alain remarque, à propos des Trois Danses :
« La danse est l'expression humaine et musicale par excellence ; aussi, l'idée qui se dégage de ce triptyque est-elle celle de "rythme".
Rythmes complexes, torturés, qu'il avait lui-même le plus grand mal à noter. Je l'ai entendu se plaindre du fait que la notation musicale était
insuffisante pour traduire sa pensée. Une règle fondamentale pourra aider l'interprète : les rythmes complexes sont toujours des divisions à
l'intérieur d'une battue uniforme. Conserver l'idée de danse, avec ses temps réguliers, pendant toute l'œuvre. »
Les procédés rythmiques et métriques qu'utilise Jehan Alain sont multiples. De nombreuses fois, il franchit la frontière du monde cartésien pour
rejoindre celui de ses rêves, celui de ses Maîtres, celui de ses voyages dans le temps ou dans l'espace, se permettant des notations complexes, imprécises,
mais très souvent accompagnées d'indications, de notes explicatives, de conseils.
Cette mobilité rythmique prend sa source dans une constante fluctuation des tempi et de nombreux changements de mesure. Jehan Alain fuit toute
rigueur métronomique, multiplie les indications de tempo, affaiblissant ainsi le principe de la carrure. On peut noter toute l'importance de l'œuvre de
Debussy, que Jehan Alain apprécie beaucoup, dans le domaine des fréquents changements de mesure, et dans l'abolition de la carrure isochrone. Marie-
Claire Alain indique :
« Pour jouer fidèlement Jehan Alain, il faut être naturel avant tout (...). La musique est rythme et danse. Elle accélère dans l'émotion et
ralentit dans la méditation. Elle respire au rythme des battements du cœur, qui, faut-il le rappeler, ne sont pas toujours réguliers comme ceux d'un
métronome. »
La variété et la fréquence des indications métriques donnent une idée plus précise de la volonté de Jehan Alain. Une grande partie de ces indications
est destinée à assouplir le cadre rythmique, à inviter au rubato. On trouve aussi de fréquentes oppositions de tempi différents, et des éléments caractérisant
l'atmosphère à recréer. Il faut rappeler que certains termes ont été annotés par Marie-Claire Alain.
Dans de nombreuses pièces, dont Litanies, on ressent une nette impression de flux et de reflux rythmiques, l'accélération ou le ralentissement étant
souvent associés à un crescendo ou un decrescendo. Marie-Claire Alain précise à propos de Monodie : « Les barres de mesure ne sont que pour la
forme. L'interprète, assez curieux pour se lancer dans l'exécution de cette pièce, saura saisir l'esprit de totale liberté rythmique et expressive dans lequel
elle doit être jouée. »
Une souplesse rythmique est parfois obtenue grâce à des procédés précis. Ainsi, on note un décalage subtil entre la main droite et la main gauche dans
le Postlude pour l'office de Complies et dans Climat, ce qui crée un halo sonore.
L'allongement d'une note que Jehan Alain symbolise par un trait horizontal correspond à une volonté d'inégaliser des notes de mêmes durées, comme
au début de Deuils, dans les Variations sur un thème de Janequin, dans Jardin Suspendu ou dans Litanies, ou d'accentuer le repos sur une note, comme au
début de Petite Pièce. Dans les Variations sur un thème de Janequin, le récit de cornet et la tierce en taille doivent être joués avec souplesse, de façon à
moduler les notes de l'ornement.
On peut voir en cela soit un retour à la métrique libre du grégorien, soit la notation d'un rubato mesuré qui engendre des rythmes complexes et rejoint
alors la pratique des notes inégales des compositeurs français XVIIe et XVIIIe siècles.
Ce besoin de liberté au sein de la cellule rythmique, de l'allure métrique, et de la succession des tempi se confirme si l'on étudie les variations
rythmiques des thèmes qui entraînent l’étirement et la transformation des mélodies. Cette liberté rejaillit aussi dans la forme de ses œuvres.
La forme, la variation mélodique
Musicien français par excellence, Jehan Alain emploie très peu de formes préétablies, confirmant cette observation de Norbert Dufourcq :
« Musicien du Moyen-Age, de l'âge classique ou des temps modernes, l'artiste français se sent bridé par la forme fixe ; il délaisse la rigidité du
cadre, de même que les lois trop peu souples à régenter les notes. La forme pour lui doit se mouler sur la pensée. Ricercare, ordre ou suite, prélude,
récit... il y a lieu chaque fois de repenser, de recréer l'enveloppe(...) Ni la fugue, ni la sonate, ni le concerto ne répondent aux aspirations du
Français. Le développement scolastique au sens l'entendent Italiens puis Allemands n'a jamais été son fort : car la discipline à observer ne
laisse pas la place assez grande à la fantaisie. La formule, le langage conventionnel, l'esprit de système se situent aux antipodes de ses
préoccupations. »
Cette définition du musicien français correspond tout à fait à Jehan Alain. Son dédain des cadres tout faits, son goût et son don pour l'improvisation le
poussent à noter la musique au fur et à mesure, au gré de son inspiration. Bernard Gavoty écrit : « Pour lui, la forme est un prétexte qu'il faut réinventer
toujours et à laquelle il est dangereux d'accorder, surtout pour de petites pièces, une importance primordiale. »
Jehan Alain apprécie les œuvres de Debussy, qui libère la musique de la forme obligée au profit d'une liberté formelle. Debussy insiste sur le
renouvellement des formes et des sensations, veut « amener la musique à représenter d'aussi près que possible la vie même ». Pour lui, le développement
est le « laboratoire du vide ». De même, au lendemain de la première audition du Prélude à l'après-midi d'un faune (1894), Dukas, qui sera le professeur
de Composition de Jehan Alain (dont il reste cruellement non récompensé), écrit : « L'idée engendre la forme », affirmant ainsi le fondement de l'œuvre
debussyste, mais aussi de celle à venir de Jehan Alain.
On trouve bien sûr ça et une forme A-B-A' (Lamento, Ballade en mode Phrygien, Berceuse sur deux notes qui cornent). Il écrit plusieurs fugues
alors qu'il est en Classe de Fugue :
« En 1935, la Fugue pour Orgue (plus tard précédée d'un Prélude), dédiée "A mon cher maître Georges Caussade" est écrite à Argentière (...). Je
viens de faire le premier divertissement de ma fugue. C'est une petite fugue légère et claire comme la lumière ce matin. J'ai fait des modulations un
peu subites qui font penser au vent frais qui se colle sur votre nez... »
Il emploie aussi la forme de la Suite, dans laquelle il ne s’astreint à aucune forme obligée. L'Introduction, rajoutée ultérieurement, s'enchaîne aux
Variations, puis vient un Scherzo, traité avec fantaisie puisqu'il commence par le trio, et un Choral final.
La forme la plus appréciée du compositeur est sans doute la variation, qui n'a d'autre contrainte que celle de renouveler constamment ce qui a été
énoncé précédemment. Il l'emploie, on vient de le voir, comme seconde pièce de sa Suite, mais aussi pour exploiter un thème, comme dans ses Variations
sur l'hymne de Lucis Creator, l'hymne est suivi de deux variations ; et dans ses Variations sur un thème de Janequin, thème qui donne suite à quatre
variations. La Chacone, sous-titre du Jardin Suspendu, présente une autre forme de variation, celle sur une basse obstinée générant une mélodie d'accords.
Ce refus du cadre rigide, ce goût pour la liberté formelle s'ajoute à un penchant pour les rythmes fluctuants et les mélodies très fluides.
En étudiant les titres choisis, on peut voir que le goût de Jehan Alain pour la musique vocale est flagrant (Litanies, Berceuse, Aria, Monodie, Lamento,
Choral) ; mais on trouve aussi des pièces spécifiquement instrumentales (Prélude, Postlude, Intermezzo, Fugue, Fantaisie, Suite, Grave, Andante) et enfin
quelques pièces au titre équivoque et au fort pouvoir poétique, qui nous invitent à les croire descriptives (Climat, Jardin suspendu).
On connaît le goût du compositeur pour la variation. Jehan Alain possède également un penchant pour l'ornementation mélodique. « N'est-il pas
infiniment plus délicat de développer un thème mélodiquement, à la façon de Chopin, que de le développer en le superposant à lui-même ou à un autre,
suivant les canons habituels ? »
Ainsi, le Jardin Suspendu laisse libre cours à un développement mélodique, dans lequel interviennent des intervalles étirés et aériens. On observe de
nombreux chromatismes oscillant autour d’un intervalle-clé : la tierce, qu’elle soit majeure ou mineure, ascendante ou descendante, parfois étirée en
quarte, voire en sixte augmentée, réduite à une seconde ou à une succession de demi-tons.
L'ornementation apparaît dans les Variations sur un thème de Janequin, l’on retrouve les notes du thème agrémentées de notes de passage,
d'ornements doubles, et dans le Prélude précédant la Fugue, s’élancent des mouvements conjoints dynamiques, imitant l’ornementation de la musique
d’orgue française classique.
Le caractère principal de la mélodie, pour lequel on sent l'influence du domaine vocal sur le domaine instrumental, est d'épouser une ligne souple,
fluide, naturelle. Pour obtenir cette fluidité, cette souplesse, le compositeur se sert de nombreuses indications expressives et de nuances.
3. Les indications expressives, les nuances
Nombres d'indications métriques, expressives, de supports littéraires, caractéristiques à l'auteur, sont notés dans le but de nous faire découvrir
l'univers onirique de Jehan Alain :
« En tête des Variations de l'Introduction, Variations, Scherzo et Choral pour orgue, Jehan inscrit : "fluide". Revenant à cette notation, il la
commente d'un post-scriptum. : “Il faut que la musique coule comme l'eau d'une rivière. Foin des martelières et des écluses !” »
Cette remarque illustre bien le souci de précision du compositeur, qui veut souligner par des images le caractère de sa musique. Les titres les plus
évocateurs, les indications les plus visuelles sont autant d'aides que nous fournit l'auteur pour suivre ses traces.
Le Premier prélude profane est conclu par ces courtes phrases : « Après cette nuit encore une autre. Et après une autre, une autre encore... et après...
».
Le Deuxième prélude profane se termine sur : « Ils ont travaillé longtemps, sans relâche et sans espoir. Leurs mains sont devenues épaisses et
rugueuses. Alors, peu à peu, ils ont pénétré le grand rythme de la vie ».
La Première fantaisie est la seule pièce de Jehan Alain qui soit illustrée par un texte d'auteur, à savoir un quatrain de Omar Khayyam, extrait des
Rubaiyat. Cette œuvre avait déjà été remarquée par Oscar Wilde, qui y fait allusion dans Le portrait de Dorian Gray, en parlant comme d'« une
extraordinaire improvisation » Ce texte Les Rubayiat, très riche en images, engendre dans les esprits artistiques cette « extraordinaire improvisation », et
c'est sans doute bien ainsi qu'a naître la Première fantaisie sous les doigts de l'excellent improvisateur qu'est Jehan Alain. Dans une lettre à Bernard
Gavoty, le compositeur, parlant de ses pièces, souhaite « qu'on retrouvât en les jouant l'aisance souveraine de l'improvisation ».
De nombreuses nuances sont indiquées, destinées à l'usage de la pédale d'expression. On sait que l'orgue paternel disposait de deux pédales
d'expression, une pour le positif et une pour le récit. Jehan Alain indique souvent des nuances à faire d'un pied tandis que l'autre joue une partie au pédalier,
ce qui prouve son bon niveau d'exécution.
Jehan Alain, qui aime les sonorités fines, les fins discrètes, renonce au passage obligé sur le Tutti ; c'est le choix du rêve, de l'atmosphère feutrée qui
prédomine dans son œuvre.
Conclusion
Jehan Alain est un artiste aux dons multiples, une personne discrète, pourvue d'un esprit critique, d'un humour plein de finesse, débordant d'activités,
et formidablement curieux envers la vie.
Le refus de toute forme conventionnelle, l'attirance pour l'ostinato, la conception timbrique particulière, les lignes mélodiques aériennes, la souplesse
rythmique s'ajoutent à la diversité de langages inspirés d'époques et de lieux divers, et à la richesse harmonique pour évoquer et traduire l'univers onirique
du musicien.
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