MYRIAD La Cour Suprême des Etats-Unis revient sur p

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METHODE DE DIAGNOSTIC :
DIFFICULTE DE PROTECTION CONFIRMEE AUX
ETATS-UNIS
Paris, le 26 Novembre 2013
Par Frédérique FAIVRE PETIT
Associée,
Conseil en Propriété Industrielle,
REGIMBEAU
Le 30 octobre 2013, la District Court for the Northern District of California
(DCNDC) a invalidé un brevet concernant une méthode de diagnostic, dans la
droite ligne de la position prise par la Cour Suprême américaine dans la décision
Mayo v. Prometheus (« Prometheus ») en mars 2012, confirmant ainsi la difficulté
à protéger ce type d’invention aux Etats-Unis.
 Le brevet - L‘invention
Le brevet US 6,258,540 (« brevet ‘540 ») au nom de Isis Innovation Limited concernait une méthode
non-invasive de diagnostic prénatal consistant à rechercher, dans le sérum ou plasma d’une femme
enceinte, la présence d’ADN fœtal d’origine paternelle.
Il ne semble pas faire de doute que le breveté ait été le premier à démontrer la possibilité de
détecter la présence d’ADN fœtal dans le sang circulant de la mère et l’utilisation de cet ADN à des
fins diagnostiques.
Techniquement, cette méthode de diagnostic consistait à :

soit amplifier puis détecter l’acide nucléique fœtal d’origine paternelle (revendication 1) ;

soit éliminer toutes (ou presque toutes) les populations cellulaires nucléées ou anucléées de
l’échantillon sanguin, amplifier l’acide nucléique d’origine paternelle et soumettre l’acide
nucléique amplifié à un test visant à détecter l’acide nucléique fœtal d’origine paternelle
(revendication 24) ;
1

soit obtenir une fraction sans cellule de l’échantillon sanguin, amplifier l’acide nucléique
d’origine paternelle issu de cette fraction, analyser l’acide nucléique amplifier pour
détecter l’acide nucléique fœtal d’origine paternelle (revendication 25).
 Le contexte
A l’origine de cette décision, la société Ariosa Diagnostic Inc. (« Ariosa ») avait initié une action
tendant à faire reconnaitre que son propre test prénatal de diagnostic ne contrefaisait pas le brevet
‘540 dont une licence exclusive avait été concédée à la société Sequenom. Par retour, cette
dernière avait conclu à la contrefaçon d’Ariosa.
Avant de détailler plus avant cette affaire, il est important de préciser que
l’invention objet du brevet délivré en 2001 avait fait l’objet d’un premier
dépôt (dit « de priorité) en 1997. Dans le contexte technique et scientifique de
l’époque, la description du brevet ‘540 qualifia de « standard » les techniques
d’amplification d’acide nucléique et de « routine » les techniques de détection
de l’ADN fœtal dans le sérum ou le plasma maternel. Ces passages du brevet
seront soulignés par la DCNDC et le licencié du brevet ‘540 ne contestera pas l’existence de telles
techniques « bien connues à la date de l’invention ». Il semble que ceci ait largement nuit à
l’appréciation de la non-brevetabilité de l’invention.
Les parties se sont par ailleurs accordées à reconnaitre que ni l’ADN fœtal ni la découverte d’ADN
fœtal dans le plasma ou le sérum maternel n’était brevetable, en raison de ce que la présence
d’ADN fœtal dans le plasma ou le sérum maternel est un phénomène naturel.
 Les arguments
Le licencié, Sequenom, a défendu la brevetabilité de l’invention en développant les arguments
suivants:

bien que l’ADN fœtal ne fût pas brevetable, l’utilisation de l’ADN fœtal l’était,

la nouvelle utilisation d’un phénomène naturel était brevetable,

l’utilisation d’ADN fœtal était inventive car avant l’invention personne n’avait imaginé
détecter de l’ADN fœtal d’origine paternelle dans le plasma ou le sérum maternel.
En vain, il n’a pas été entendu par la DCNDC qui a invalidé le brevet ‘540 pour défaut d’utilité au
sens de l’article 101 de la loi américaine sur les brevets (35 USC 101).
Cette dernière a tout d’abord rappelé la teneur de décisions américaines ayant conclu aux rejets de
diverses inventions au motif qu’elles relevaient d’une loi de la nature, d’un phénomène naturel ou
d’une idée abstraite (35 USC 101).
2
Ce faisant, la DCNDC a fait de nombreuses références aux décisions Mayo v.
Prometheus (20 mars 2012) – [Lien vers notre article à ce sujet] - et Ass’n for
Molecular Pathology v. Myriad (13 juin 2013) – [Lien vers notre article à ce
sujet] -. Elle a notamment rappelé que la Cour Suprême (Prometheus) n’avait
jamais énoncé que toute utilisation d’un phénomène naturel était brevetable et que seule une
utilisation innovante ou inventive d’un tel phénomène pouvait prétendre à une protection par
brevet (Myriad).
Ainsi, la DCNDC est arrivée à la conclusion que :

l’ADN fœtal d’origine paternelle (il est ici curieusement question de l’ADN fœtal qui n’a
jamais été revendiqué en tant que tel dans le brevet ‘540) n’était pas brevetable (ce que ne
conteste d’ailleurs pas le licencié qui voit dans son invention une utilisation nouvelle et
inventive de l’ADN fœtal) au simple motif que les revendications comprennent des étapes
telles que cet ADN pourrait être détecté au moyen de méthodes existantes pour la
détection de l’ADN,

la détection d’ADN dans le sérum ou le plasma maternel est le résultat d’étapes combinées
ne relevant que d’une activité conventionnelle, de routine et bien connue.
La DCNDC ne semble toutefois pas tenir compte, dans son raisonnement, de la démarche inventive –
ou non – ayant conduit à l’invention du brevet ‘540, en ce qu’elle résulterait d’une approche
originale en recherchant de l’ADN d’origine paternelle dans le sérum ou le plasma maternel. En
cela, elle ne répond pas aux arguments du licencié.
Enfin, la DCNDC ajoute un autre argument à son raisonnement : celui du risque de préempter une
loi de la nature, un phénomène naturel ou une idée abstraite.
Elle indique que 12 ans après la délivrance du brevet ‘540, le fait qu’aucune preuve n’ait été
apportée de l’existence d’une méthode alternative [de détection de l’ADN fœtal] commercialement
viable, était une conséquence de la portée large du brevet ‘540 et dénotait un risque important que
ce brevet pût préempter l’utilisation d’ADN fœtal, ainsi que, plus curieusement, l’ADN fœtal
d’origine paternelle en tant que phénomène naturel.
L’on comprend que faute d’alternative technique commercialement viable à l’objet de l’invention,
le brevet ‘540 est suspecté d’avoir bloqué le développement des méthodes (de l’époque) de
détection de l’ADN fœtal dans le sang de la mère et qu’à ce titre ledit brevet devait être considéré
comme non brevetable.
Est-ce là un nouveau test de brevetabilité qui pèsera sur les brevetés des années après la délivrance
de leur brevet ? Quid du test de diagnostic prénatal d’Ariosa dont cette dernière souhaitait – à
l’origine de cette affaire- faire reconnaitre qu’il ne constituait pas une contrefaçon du brevet ‘540 ?
N’était-ce pas une alternative commercialement viable à l’objet du brevet ‘540 ?
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Cette affaire n’est peut-être pas terminée. En effet, elle pourrait faire l’objet d’un « appel », ce
qui serait finalement souhaitable tant il semble que la DCNDC n’a pas abordé toutes les
problématiques que l’on aurait voulu voir discutées.
 Et maintenant ?
La question est tout de même de savoir si la jurisprudence américaine est en train de s’installer
dans le rejet de toute revendication de méthode de diagnostic, l’invention du brevet ‘540 étant très
différente de celle discutée dans Prometheus (méthode pour optimiser un traitement après avoir
déterminé la quantité d’un métabolite chez un patient).
Le risque semble grand en effet de voir invalider les brevets délivrés dans ce domaine qui sont ou
seront discutés devant les Cours américaines. Les demandes de brevet sont quant à elles fortement
discutées devant l’Office Américain des Brevets depuis Prometheus, et l’on note que certains
arguments développés et solutions proposées sont de moins en moins acceptés par les Examinateurs
Américains.
Comme précédemment mentionné, notamment à l’occasion de la décision Prometheus, nous devons
nous attacher encore et encore à décrire les méthodes de diagnostic -véritables inventions,
véritables solutions à de vraies problématiques, de façon la plus concrète et technique possible,
dans les textes de demandes de brevet non encore déposées. Nous devons faire en sorte qu’un
Examinateur Américain, et si possible un Juge Américain, ne réduise pas ces inventions, à une loi de
la nature, un phénomène naturel ou à une idée abstraite.
Frédérique FAIVRE PETIT ([email protected])
Associée
Conseil en Propriété Industrielle
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