V. EVALUER LE CONTEXTE DE LA DÉPRESSION
S’agit-il d’un premier épisode ou d’une récurrence ? Dans ce cas pensez notamment à rechercher
untrouble bipolaire (antécédents de périodes d’augmentation d’énergie, d’hyperactivité, de
réduction du besoin de sommeil, d’augmentation de l’estime de soi
Repérez s’il y a d’ autres troubles psychiques associés on pensera notamment à des formes plus
spécifiques d’anxiété (attaques de panique avec agoraphobie) ou d’autres troubles apparentés comme
les troubles obsessionnels compulsifs ou des états de stress post traumatiques (tous ces troubles se
compliquent souvent de dépression). Il faut rechercher aussi une addiction associée.
Chez l’âgé, la dépression peut être en rapport avec des troubles cognitifs débutants. Mais attention
de ne pas se tromper car la dépression peut donner un tableau d’allure pseudo-démentielle,
notamment chez les personnes en institution et prendre une dépression pour une démence
débouchera alors sur une abstention thérapeutique très dommageable pour le patient.
Le domaine des troubles de la personnalité est assez complexe et on peut s’y perdre. Parfois c’est
la dépression qui accentue de façon caricaturale les caractéristiques de personnalité. Il est important
de repérer un trouble de personnalité borderline ou limite (devant les réactions émotionnelles
intenses, l’hypersensibilité et l’instabilité dans les relations interpersonnelles, les comportements auto-
dommageables, l’intolérance à la solitude) car la prise en soins est alors plus complexe.
Il est utile de repérer aussi s’il y a des évènements déclenchant ou des stress chronique et
d’apprécier la dynamique évolutive de ces éléments et de ces stress (le décès d’un proche c’est
irréversible ; un conflit conjugal quelque chose peut se travailler). L’évolution de la dépression sera
alors influencée par l’évolution du contexte.
Il est important d’apprécier la durée (au-delà des 2 semaines du seuil diagnostic) : une dépression
récente, surtout si elle est liée à un événement, est beaucoup plus susceptible d’évoluer
spontanément ou avec votre aide vers le mieux qu’une dépression plus ancienne.
Dans votre évaluation contextuelle il est important d’entendre l’avis du patient sur ce qui lui arrive et
les attentes qu’il peut avoir concernant votre aide.
VI. LA CONDUITE A TENIR INITIALE
La première chose est d’apprécier l’urgence. C’est d’abord celle du risque suicidaire, fortement
corrélé à la sévérité de la dépression, au degré de désespoir, à l’intensité de l’angoisse. Il faut
questionner le patient à ce sujet (cela ne lui donnera jamais des idées et s’il a des idées suicidaires
cela le rassurera de savoir que son médecin y pense et lui montre qu’il est possible d’en parler avec
lui). Si les idées suicidaires sont là, sont envahissantes et surtout si le contexte est compliqué
(isolement, abus de substances, antécédents personnels de tentative de suicide ou familiaux de
suicide) il faut hospitaliser ou en tout cas obtenir une évaluation psychiatrique au sein d’un service
d’urgence.
S’il n’y a pas urgence mais qu’il y a un tableau bien caractérisé ou s’il y a des antécédents personnels
de dépression (et dans ce cas-là il n’est peut-être pas utile d’attendre que le tableau s’aggrave),
laprescription d’un traitement antidépresseur doit être envisagée. Question complémentaire : le
patient doit-il être adressé au psychiatre ? Cela peut dépendre de l’avis du patient, de la facilité ou
pas d’en trouver un, mais il faudra y penser surtout s’il y a des comorbidités psychiatriques,
notamment un trouble de la personnalité ou si un trouble bipolaire peut être suspecté. Dans tous les
cas, que vous envisagiez de vous occuper du patient vous-même ou de l’orienter vers un psychiatre,
la qualité de votre relation thérapeutique avec votre patient est un élément important de la réussite
de gestion de cette étape initiale de la prise en soins.
Si le tableau est léger ou si vous avez l’intuition que tout cela pourrait changer rapidement parce que
la dépression est toute récente et qu’il y a des facteurs de stress susceptibles de s’améliorer
spontanément, vous pouvez très bien vous donner un délai de quelques jours ou une semaine
pourrevoir le patient. Les conseils pour gérer les facteurs de stress et des propositions d’activation