Effets zootechniques et immunitaires de la consommation d`aliment

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2004. Journées Recherche Porcine, 36, 301-308.
Effets zootechniques et immunitaires de la consommation
d’aliment naturellement contaminé par du déoxynivalénol (DON)
chez le porc en phase de croissance ou de finition
Philippe PINTON (1), Eric ROYER (2), Francesc ACCENSI (1), Daniela MARIN (1), Jean-François GUELFI (3),
Nathalie BOURGÈS-ABELLA (3), Robert GRANIER (5), François GROSJEAN (4) et Isabelle P. OSWALD (1)
(1) INRA-Unité de Pharmacologie-Toxicologie, 180 chemin de Tournefeuille, 31931 Toulouse cedex 9
(2) ITP, Pôle Techniques d’élevage, 34 boulevard de la Gare, 31500 Toulouse
(3) Ecole Nationale Vétérinaire, 23 chemin des Capelles, 31076 Toulouse cedex 3
(4) Arvalis - Institut du végétal, 27 rue de la Vistule, 75013 Paris
(5) Avec la collaboration technique des personnels ITP de la Station d’Expérimentation Nationale Porcine,
Les Cabrières, 12200 Villefranche de Rouergue
Effets zootechniques et immunitaires de la consommation d’aliment naturellement contaminé
par du déoxynivalénol (DON) chez le porc en phase de croissance ou de finition
Un essai a été conduit sur 3 groupes de 48 porcs afin d’étudier les effets sur la croissance et la réponse immunitaire de
la consommation d’aliment contaminé par 1600 µg/kg de DON reçu en phase de croissance (traitement T2) ou en
phase de finition (traitement T3). Un groupe contrôle a été constitué avec des animaux recevant un aliment non contaminé (traitement T1). En phase de croissance, la consommation d’aliment et la vitesse de croissance des animaux du traitement T2 sont supérieures à celle des traitements T1 et T3. En finition, les écarts de performances zootechniques entre les
traitements ne sont pas significatifs. L’hémogramme n’est pas affecté par la consommation de DON quelle que soit la
période. En revanche, les paramètres immunitaires des animaux ayant consommé du DON en phase de croissance
(traitement T2) sont significativement modifiés : augmentation de la prolifération lymphocytaire et de la concentration en
IgA, diminution de la concentration en IgG. Lorsque les animaux consomment de nouveau un aliment non contaminé en
finition (traitement T2), l’augmentation de la capacité de prolifération lymphocytaire persiste alors que les concentrations
en IgA et IgG retrouvent des valeurs basales. En phase de finition, la présence de DON dans l’aliment n’affecte pas les
paramètres immunitaires (traitement T3 versus T1).
En conclusion, le DON présent dans l’alimentation à une teneur moyenne pendant une longue phase affecte le système
immunitaire des porcs et les animaux en phase de croissance sont plus sensibles que les animaux en phase de finition.
Effects of feeding growing or finishing pigs with deoxynivalenol (DON) naturally contaminated
feed on growth performance and immunological status
A feeding trial with 3 groups of 48 growing pigs was conducted to determine the effects of feeding a naturally deoxynivalenol contaminated diet (1600 µg/kg DON) on performance and selected haematological and immunological parameters. Animal were fed with contaminated diet during the growing (T2 treatment) or the finishing (T3 treatment) period.
Another group (T1 treatment) receive non-contaminated feed. During the growing period, feed consumption and growth
rate were higher in the T2 treatment than in the two other treatments (T1 and T3). By contrast, during the finishing
period, no significant differences in the performance were observed between the different treatments. The haematological parameters exhibit no differences between the treatments neither in the growing nor in the finishing period. By
contrast, the immunological parameters were significantly altered in pigs fed with DON contaminated diet during the
growing period (T2 treatment): increased lymphocyte stimulation upon mitogenic stimulation, increased IgA serum
concentration and decrease IgG serum concentration. When the animals fed with contaminated diet during the growing
period return to non-contaminated diet during the finishing period (T2 treatment) the increase lymphocyte proliferation
persisted whereas the concentrations in IgA and IgG return to basal levels. In the finishing period, the presence of DON
in diet did not affect the immunological parameters (T3 versus T1 treatments). In conclusion, diet contaminated with low
level of DON affects the immune response of the pigs and the animals were more susceptible when they ingest DON
contaminated feed in the growing than in the finishing period.
302
INTRODUCTION
Dans les conditions climatiques et techniques de production
que l’on rencontre en France, le blé représente un substrat
potentiellement favorable au développement de moisissures
du genre Fusarium qui peuvent produire des mycotoxines. La
fusariotoxine la plus souvent détectée est le déoxynivalénol
(DON) que l’on rencontre à des concentrations généralement
inférieures à 750 µg/kg (BAKAN et al, 1998 ; GROSJEAN
et NIQUET, 1999 ; DGAL, 2001) mais qui peuvent atteindre
4000 à 5000 µg/kg.
Le porc est exposé à la contamination par le DON en raison
de la nature des matières premières qui constituent son alimentation et il apparaît plus sensible que les volailles et les
ruminants (ROTTER et al, 1996). A des concentrations élevées (15 à 20 000 µg/kg), le DON provoque refus alimentaire et vomissements. Aux faibles concentrations, plusieurs
études réalisées sur des porcelets ou sur des porcs en croissance ont montré que le DON peut altérer la consommation
alimentaire et le système immunitaire (ROTTER et al, 1996 ;
D’MELLO et al, 1999 ; SWAMY et al, 2002). Plusieurs essais
montrent que chez le porc l’indice de consommation n’est
affecté qu’à partir de 3000 µg/kg (D’MELLO et al, 1999 ;
GROSJEAN et al, 2003a). L’effet sur la réponse immunitaire
a été mis en évidence par l’augmentation de la concentration sérique en immunoglobulines de classe A (GROSJEAN
et al, 2002 ; SWAMY et al, 2002) mais aussi par l’augmentation de la prolifération des lymphocytes après stimulation
in vitro par un agent mitogène (ØVERNES et al, 1997 ;
GROSJEAN et al, 2002).
Les résultats de la bibliographie montrent qu’il existe une
variabilité certaine dans la réponse des animaux à la
consommation d’aliment contaminé par le DON tant au
niveau des paramètres zootechniques (GROSJEAN et al,
2003a ; D’MELLO et al, 1999) que de la réponse immunitaire (BERGSJØ et al, 1993 ; ØVERNES et al, 1997). Par
ailleurs, la comparaison des résultats des différentes études
est rendue difficile par le fait que selon les essais, les animaux reçoivent une alimentation contaminée par le DON à
des âges différents, en post-sevrage (SWAMY et al, 2002 ;
GROSJEAN et al, 2003b) et /ou en engraissement (BERGSJØ et al, 1993 ; ØVERNES et al, 1997) selon des régimes
et des protocoles différents.
Cet essai, réalisé chez le porc charcutier, avait pour objectif
de comparer les impacts de la consommation d’aliment à
base de blé et contaminé par environ 1600 µg/kg de DON
pendant les phases de croissance et de finition sur les paramètres zootechniques et la réponse immunitaire des animaux.
1. MATÉRIEL ET MÉTHODES
1.1. Composition et caractéristiques des blés et
des aliments
Deux lots de blé (sain ou fusarié) ont été sélectionnés par
ARVALIS-Institut du végétal. L’analyse de la composition en
mycotoxines du blé fusarié a montré une contamination en
DON de 2038 µg/kg et en zéaralénone de 227 µg/kg. La
présence d’autres trichothécènes de type A ou B ou d’ochratoxine n’a pas été détectée. Deux aliments expérimentaux de
type croissance ont été fabriqués à la station ITP de
Villefranche (12) à partir de ces lots de blé (sain ou fusarié),
de tourteau de soja, d’acides aminés industriels, de complémentation minérale. Afin d’augmenter les chances d’évaluer
les effets éventuels des toxines, les aliments ont été formulés
avec des teneurs en blé élevées. Compte tenu de l’humidité
importante du blé fusarié (17,3 %), la concentration énergétique est proche de 9,8 MJ EN par kg brut pour l’aliment
sain et de 9,4 MJ EN pour l’aliment fusarié. Par kg de matière sèche, la concentration énergétique est identique et atteint
11,2 MJ EN. Les deux formules ont un taux de lysine digestible de 0,9 g par MJ EN et les rapports entre les autres
acides aminés et la lysine sont identiques (tableau 1).
Tableau 1 - Caractéristiques des aliments
Valeurs de formulation
DON
Zéaralénone
Matière sèche
Matières azotées totales
Cellulose brute
Amidon
Matières grasses
Matières minérales
Lysine totale
Lysine digestible
ED kcal
EN MJ
Lys d / EN
Valeurs mesurées
DON
Zéaralénone
témoin
DON
0
0
872
175
27
473
15
54
9,98
9,05
3276
9,81
0,92
1590
177
840
168
27
443
15
51
9,76
8,84
3143
9,40
0,94
30
0
2000
157
en g pour 1000 g sauf mycotoxines en µg/kg.
1.2. Animaux et schéma expérimental
L’essai a eu lieu à la station de Villefranche sur une bande
de 144 animaux mâles et femelles de type (LW x LD) x P76,
conduits en sexes séparés de 27 kg à l’abattage. Les animaux ont été répartis en 8 cases de 6 et affectés à chacun
des 3 traitements (24 mâles castrés et 24 femelles). Trois traitements ont été comparés : T1 : aliment sain en croissance et
en finition, T2 : aliment fusarié en croissance et aliment sain
en finition, T3 : aliment sain en croissance et aliment fusarié
en finition. Les animaux ont été alimentés en soupe, avec une
distribution proche de l’ad libitum, en 13 repas par semaine.
Les rations ont été ajustées chaque jour à l’appétit des porcs,
de façon à limiter la présence de refus dans les auges lors
du repas suivant.
1.3. Variables mesurées
1.3.1. Paramètres zootechniques
Les animaux ont été pesés individuellement à la mise en lots
puis par quinzaine. Les quantités d’aliment et de refus ont
303
été notées quotidiennement par case. Après abattage, le
poids de carcasse chaud, les épaisseurs de gras et de muscle
ont été mesurés. La teneur en viande maigre a été estimée
selon l’équation TVM de 1997. Enfin, des notations d’ulcères
gastro-oesophagiens selon la grille de HENRY et BOURDON
(1969), ainsi que des notations de lésions pulmonaires (ITP,
1993) ont été effectuées.
2. RÉSULTATS
2.1. Résultats des analyses des aliments utilisés
Une bonne cohérence entre les valeurs formulées et les valeurs
analysées est constatée pour les deux aliments. Les analyses de
mycotoxines sur les aliments fabriqués confirment les teneurs
mesurées sur les différents lots de matières premières.
1.3.2. Paramètres hématologiques
Des prélèvements sanguins ont été réalisés à la veine jugulaire gauche dans des tubes contenant de l’EDTA sur 16 animaux mâles affectés à chacun des régimes à l’âge de
15 semaines (34 jours de traitement en phase de croissance)
et 23 semaines (44 jours de traitement en phase de finition).
La formule leucocytaire a été établie au microscope photonique sur cent globules blancs à partir d’un étalement de
sang coloré par la méthode de May Grünwald Giemsa. Les
autres constituants et paramètres de l’hémogramme (numérations des hématies, des leucocytes et des plaquettes, hématocrite, hémoglobinémie, volume globulaire moyen) ont été
obtenus à l’aide d’un compteur de type variation d’impédance, le MS9 (Melet Schloesing, Cergy-Pontoise, France).
2.2. Effets sur les paramètres zootechniques et
d’abattage
2.2.1. Consommation journalière
Pendant la phase de croissance, la distribution de l’aliment
fusarié aux animaux du traitement T2 se traduit par une
augmentation de 12 % en kg brut de la consommation journalière d’aliment par rapport aux animaux recevant l’aliment sain (traitements T1 et T3). Ceci, compte tenu de l’écart
des teneurs en matière sèche des aliments, correspond à une
amélioration significative de 7% de l’ingestion journalière
d’énergie par les animaux (figure 1).
3,0
1.3.3. Paramètres immunitaires
La concentration plasmatique en immunoglobulines et la prolifération des lymphocytes ont été mesurées à partir de sang
issu des 48 mêmes animaux prélevé sur héparine de sodium.
La concentration totale en immunoglobulines a été déterminée par ELISA dans les plasmas dilués au 1/4000e (IgA),
1/80000e (IgG) selon le protocole du fournisseur (Béthyl,
Interchim, Montluçon, France).
La capacité de prolifération des lymphocytes a été évaluée
après dilution du sang au 1/30e dans du DMEM en présence de 10 µg/mL de concanavaline A, un agent mitogène.
Après 48 h de culture, 0,5µCi de 3H-méthylthymidine par
puit ont été ajoutés. La prolifération lymphocytaire a été évaluée à l’issue de 24 heures de culture additionnelle par le
dosage en scintillation liquide de la radioactivité incorporée
dans les cellules et rapportée à la concentration en globules
blancs de chaque animal.
1.4. Statistiques
L’analyse de variance est effectuée à l’aide du logiciel
SAS. Elle inclut les effets traitement, sexe, groupe et l’interaction traitement – sexe pour les variables individuelles
(GMQ, TVM, rendement, G1, G2, M2, M6), et les effets
traitement, sexe, catégorie de poids et leurs interactions
pour les variables collectives par case (consommations
journalières et IC). Les comparaisons des moyennes sont
effectuées à l’aide du test de Tukey. Le test de chi2 est utilisé pour l’analyse des notations d’ulcères et de lésions pulmonaires.
Les résultats des paramètres hématologiques et immunitaires sont représentés par leur moyenne ± l’erreur standard. La comparaison des moyennes a été réalisée à l’aide
d’un test t de Student pour situation bilatérale au seuil de
risque a=5%.
2,5
kg 2,0
T1
T2
1,5
T3
1,0
0
14
28
42
56
jours
70
84
98
Figure 1 - Evolution des consommations journalières
(en kg à 87 % MS, réajustées sur 14 repas)
En finition, les animaux du traitement T2 ayant reçu l’aliment
fusarié en croissance alignent leur consommation sur celle
du traitement T1. Par contre, les animaux du traitement T3
augmentent rapidement leur consommation d’aliment. Ceci
se traduit, par rapport au traitement T1, par une différence
d’ingestion d’énergie de 8 % proche de la signification statistique (p = 0,07).
Sur l’ensemble de l’essai, les animaux témoins du traitement
T1 ont consommé une plus faible quantité d’énergie journalière que les animaux des traitements T2 et T3, mais les différences respectives de 2,5 % et 5 % ne sont pas significatives
(p = 0,11).
2.2.2. Vitesse de croissance
Pendant la phase de croissance, les gains de poids des animaux T2 recevant l’aliment fusarié atteignent 819 g par jour
contre 770 g pour les animaux des traitements T1 et T3 recevant l’aliment sain, soit une augmentation significative de
6 %. En phase de finition, aucune différence significative du
gain de croissance n’apparaît (p = 0,21) même si la croissance des porcs du traitement T2 est en retrait de celle des
304
Tableau 2 - Performances zootechniques et résultats d'abattage
Effectif initial
Effectif final
Poids initial, kg
Poids intermédiaire, kg
Période de croissance
Consommation, MJ EN/j
G.M.Q. g/j
I.C., MJ/j
Période de finition
Consommation, MJ EN/j
G.M.Q. g/j
I.C., MJ/j
Période totale
Consommation, MJ EN/j
G.M.Q. g/j
I.C., MJ/j
Abattage
Poids abattage, kg
Rendement, %
Teneur Viande Maigre
Epaisseur gras G1, mm
Epaisseur gras G2, mm
Epaisseur muscle M2, mm
Note ulcères (sur 7)
Note pneumonie (sur 28)
1
témoin
témoin
48
44
26,7
63,6 b
Traitements
2
DON
témoin
48
47
26,7
66,0 a
3
témoin
DON
48
41
26,7
63,6 b
18,35 b
770 a
23,8
19,66 a
819 b
24,0
23,52
779
30,0 b
Sexe
ETR (1)
Stat. (2)
72
69
26,6
63,0
3,6
T**, S***, C**
19,42
815
23,9
18,16
758
23,7
0,36
74
0,9
T***, S***, C**, TxC*
T**, S***
ns
25,44
774
32,3 a
25,80
786
32,4
22,48
746
30,0
1,7
100
1,0
S**
S*
T*, S**
21,78
778
28,0
22,29
772
28,5
22,91
798
28,4
20,62
752
27,3
0,89
72
0,9
S***
S***
S*
110,6
78,3
62,7
15,7
12,5
59,0
1,8
0,8
110,3
78,0
61,9
16,6
13,4
57,3
1,9
0,7
111,3
78,1
61,7
16,4
13,5
57,3
1,8
0,6
109,9
78,1
63,0
15,6
12,4
59,1
1,7
0,8
0,01
2,29
3,00
3,07
4,68
TxS*
S**
ns
S*
S*
ns
ns
Castrés
Femelles
72
63
26,8
65,9
18,37 b
770 a
23,6
23,45
745
31,4 a
21,22
776
27,2
110,8
78,0
62,5
15,7
12,9
58,3
1,8
0,6
(1)
Ecart type résiduel.
T: traitement, S : sexe, C : catégorie de poids; * : p<0,05, ** : p<0,01, *** : p<0,001 ; ns : non significatif.
Les moyennes des traitements pour un même critère auxquelles sont attribuées des lettres différentes sont significativement différentes entre elles
au seuil de 5 %.
(2)
animaux des traitements T1 et T3. Sur l’ensemble de la
phase d’engraissement, les GMQ sont très proches entre les
trois traitements appliqués (tableau 2).
entre les animaux des différents groupes expérimentaux.
L’examen des poumons sur 132 porcs lors de l’abattage
montre une note lésionnelle faible pour l’ensemble des traitements et non différente selon le traitement (tableau 2).
2.2.3. Indice de consommation
2.3. Effets sur les paramètres hématologiques
En croissance, l’indice de consommation exprimé en kg brut
est plus élevé pour les loges recevant l’aliment fusarié dont la
concentration est moindre, alors que l’indice de consommation énergétique ne présente logiquement pas d’écart entre
les trois traitements. En finition, les porcs du traitement T3,
malgré une consommation d’énergie plus élevée, ont un gain
de croissance identique à celui des porcs T1. L’efficacité alimentaire est donc significativement moins bonne pour le traitement T3 que pour le traitement T1 ; le traitement T2 étant
intermédiaire. Calculé sur la totalité de l’engraissement, l’IC
énergétique n’est pas différent entre traitements (tableau 2).
2.2.4. Paramètres d’abattage
Aucune différence significative n’apparaît entre les traitements, qu’il s’agisse du rendement, de la teneur en viande
maigre (TVM), ou des épaisseurs de gras et de muscle. La
fréquence et la gravité des ulcères notés à l’abattage sur
129 estomacs, sont globalement faibles et sans différence
Les résultats des hémogrammes montrent que les nombres de
globules rouges (GR) et de globules blancs (GB) ne sont pas
modifiés par l’exposition au DON ni par l’âge des animaux
(tableau 3). De même l’ingestion de la mycotoxine n’a pas
d’effet sur la formule sanguine. Quelle que soit la phase de
traitement, la consommation de DON n’a pas d’effet sur le
volume globulaire moyen (VGM), l’hématocrite (Ht), la
teneur corpusculaire moyenne en hémoglobine (TCMH), la
concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine
(CCMH) et la concentration en hémoglobine (Hb). On observe par contre une diminution du nombre de plaquettes (Plt)
qui affecte à la fois les animaux du groupe ayant reçu un
aliment contaminé par le DON et ceux du groupe contrôle.
2.4. Effets sur la prolifération lymphocytaire
Les lymphocytes prélevés sur les animaux ayant ingéré une
nourriture contaminée par le DON durant la phase de crois-
305
Tableau 3 - Effet de la période d’exposition au DON sur l’hémogramme des porcs
croissance
Traitement
Aliment
Croissance
Finition
GB (109 /L)
GR (1012 /L)
VGM (fL)
Ht (%)
TCMH (pg)
CCMH (%)
Hb (g/dL)
Plt (109 /L)
Formule leucocytaire (%)
Neutrophiles
Lymphocytes
T1 & T3
Prélèvements réalisés à l’issue de la phase :
finition
T2
T1
T2
T3
témoin
19,4 ± 0,8
8,8 ± 0,1
39,9 ± 0,6
35,2 ± 0,6
13,9 ± 0,1
35,0± 0,2
12,5 ± 0,2
422,0 ± 19
DON
19,4 ± 1,3
8,7 ± 0,2
42,1 ± 0,7
36,6 ± 0,7
14,4 ± 0,3
34,6 ± 0,3
12,8 ± 0,2
381,7 ± 38
témoin
témoin
16,9± 1,1
8,8 ± 0,2
41,6 ± 0,5
36,8 ± 0,8
14,7 ± 0,2
35,3 ± 0,2
13,0 ± 0,3
330,1 ± 14
DON
témoin
16,2 ± 0,6
8,6 ± 0,2
42,4 ± 0,5
36,6 ± 0,8
15,2 ± 0,3
35,5 ± 0,3
13,0 ± 0,3
326,9 ± 18
témoin
DON
16,9 ± 0,7
9,0 ± 0,1
39,2 ± 2,4
37,0 ± 0,5
14,8 ± 0,1
35,3 ± 0,2
13,1 ± 0,2
348,4 ± 15
29,2 ± 4,0
63,0 ± 3,7
35,8 ± 7,2
56,8 ± 6,7
24,0 ± 1,0
66,2 ± 1,2
20,0 ± 1,2
71,2 ± 0,9
21,4 ± 1,3
69,4 ± 1,7
Tableau 4 - Effet de la période d’exposition au DON sur les paramètres immunitaires
Prélèvements réalisés
à l’issue de la phase de :
croissance
Traitement
T1 & T3
T2
Aliment
Croissance
témoin
DON
Finition
Prolifération lymphocytaire
2152 ± 193 3666 ± 408
(coups par min/106GB)
Concentration en IgA
(mg/mL)
1,08 ± 0,15
Concentration en IgG
(mg/mL)
Analyse statistique
en phase de :
croissance finition
T1
finition
T2
T3
témoin
témoin
DON
témoin
témoin
DON
2441 ± 600
3317 ± 348
2942 ± 440
p≤0,001
NS
1,39 ± 0,14
1,20 ± 0,11
1,22 ± 0,16
p=0,01
NS
30,06 ± 3,56 17,93 ± 1,33 22,36 ± 1,24 21,05 ± 2,16 25,16 ± 1,27
p=0,027
NS
1,85 ± 0,27
sance (traitement T2) ont une capacité de prolifération in
vitro significativement plus élevée (± 70 %, p = <0,001) que
celle des animaux ayant reçu l’aliment contrôle (traitement
T1 et T3). Cette élévation persiste même après retour à un
aliment contrôle (traitements T1 versus T2 en phase de finition). Pendant la phase de finition, à l’inverse, la présence
de DON dans l’aliment (traitement T3) n’affecte pas la capacité des lymphocytes à proliférer (tableau 4).
3. DISCUSSION
2.5. Effets sur la concentration en IgA et IgG
dans le plasma
L’utilisation d’un aliment pour porc charcutier contenant 1600
µg/kg de DON, obtenu par incorporation d’un fort taux de blé
naturellement contaminé, semble n’avoir pas eu d’effet négatif
sur la consommation journalière et le gain de croissance des
animaux. Au contraire, ces critères ont été améliorés significativement pour la phase de croissance, l’indice de consommation
étant maintenu. Ni la spécificité de la distribution à volonté en
soupe par rapport à celle en sec, ni les éléments sanitaires
n’apparaissent explicatifs des résultats obtenus.
Les animaux ayant reçu l’aliment contaminé par le DON en
phase de croissance ont une concentration plasmatique en
IgA significativement augmentée (± 71 %, p = 0,01) et une
concentration en IgG significativement diminuée (± 40 %,
p = 0,027) par rapport aux animaux ayant reçu un aliment
contrôle. Lorsque ces animaux ont accès en phase de finition
à un aliment non contaminé, la concentration plasmatique
en IgA et IgG retourne à un niveau comparable à celui des
animaux ayant reçu l’aliment contrôle. L’étude de la concentration plasmatique en IgA et IgG réalisée à l’issue de la
phase de finition ne révèle aucun effet de la présence de
DON dans l’aliment (tableau 4).
Si une sous-consommation d’aliment par les animaux est
généralement rapportée par la bibliographie (ROTTER et al,
1996 ; D’MELLO et al, 1999 ; S.C.F., 1999 ; DÄNICKE,
2002), les effets apparaissent divers selon l’origine et le
niveau de contamination, l’espèce et l’âge des animaux.
Ainsi, dans une synthèse des essais publiés, notamment au
Canada, GROSJEAN et al (2002) indiquent qu’un aliment
fusarié à 4000 µg/kg de DON entraîne une consommation
des porcs variant de 80 % à 104 % de celle de l’aliment
témoin et un indice de consommation compris entre 90 et
110 % de celui de l’aliment témoin. A partir des résultats de
94 essais sur porcelets et porcs charcutiers, il ne semble pas
306
possible d’établir une correspondance entre la consommation des animaux et la concentration en DON lorsque celle-ci
est inférieure à 1000 µg/kg, mais une réduction de la
consommation d’aliment de 4 % est observée chaque fois
que la concentration en DON est augmentée de 1000 µg/kg
(DÄNICKE, 2002).
Néanmoins les résultats de la bibliographie doivent être utilisés avec prudence. En effet, le dosage du DON se caractérise par une mauvaise reproductibilité inter-laboratoires, ce
qui peut conduire à une quantification et à une interprétation
erronée de l’effet de la toxine (RAIMBAULT et al, 2002). En
outre, il convient de tenir compte de l’origine de la contamination. Plusieurs études ont utilisé du DON purifié, ou bien
des céréales qui pouvaient contenir d’autres mycotoxines
alors que le blé français ne semble concerné que par le
DON (LEUILLET, 2002 ; GROSJEAN et al, 2003a).
En post-sevrage, 6 essais conduits en France avec des aliments à base de blé et contenant des niveaux de DON compris entre 0 et 4400 µg/kg montrent que la consommation et
la croissance des porcelets sont réduites lorsque la contamination est supérieure à 1440 µg/kg (GROSJEAN et al,
2003a). A l’inverse pour de faibles doses inférieures à
900 µg/kg correspondant aux niveaux de contamination
habituellement rencontrés en France pour les blés, aucun
effet n’est observé sur les performances de croissance en
post-sevrage (GROSJEAN et al, 2003b).
Nos résultats obtenus sur les phases de croissance et de finition n’indiquent pas de dégradation des performances des
porcs charcutiers lors de la distribution en soupe de doses de
DON de l’ordre de 1600 µg/kg, ce qui apparaît en opposition avec les travaux antérieurs. Compte tenu du faible nombre
d’études permettant des comparaisons entre essais, il apparaît
indispensable que de nouvelles investigations soient effectuées
afin de confirmer ces données et avant toute généralisation
quant à une moindre incidence zootechnique de mêmes
niveaux de DON pour le porc charcutier que pour le porcelet.
La consommation d’aliment contenant 1600 µg/kg de DON
n’affecte pas les paramètres de l’hémogramme quelle que
soit la phase de contamination. Seul le nombre de plaquettes
diminue au cours de l’expérience sans relation avec la présence de DON dans l’aliment car cette diminution affecte à
la fois les groupes traités et contrôles. Le DON ne semble
affecter l’hémogramme qu’à des concentrations élevées. En
effet, la consommation de 3000 µg/kg de DON pendant
32 jours provoque une augmentation transitoire des globules
rouges et de l’hématocrite (PRELUSKY et al, 1994) tandis
que la consommation de 3500 µg/kg de DON pendant
12 semaines entraîne une diminution temporaire du volume
globulaire moyen (BERGSJØ et al, 1993).
Notre étude montre que la capacité de prolifération des lymphocytes des animaux ayant consommé 1600 µg/kg de DON durant
la phase de croissance est significativement plus élevée que
celle des lymphocytes des animaux témoins. Cette élévation persiste après le retour à un aliment non-contaminé. Cette augmentation de la capacité de prolifération a été documentée chez
des animaux recevant 3900 µg/kg de DON pendant
2 semaines (GROSJEAN et al, 2002) ou 4700 µg/kg de toxine
pendant 9 semaines (ØVERNES et al, 1997). En revanche, 4
semaines de consommation de 5000 µg/kg de DON n’ont pas
montré d’effet sur la prolifération lymphocytaire (HARVEY et al,
1996). L’augmentation de la prolifération lymphocytaire témoigne
d’une atteinte du système immunitaire, mais les conséquences
physiopathologiques de cette altération restent à déterminer.
Une augmentation significative de la concentration plasmatique en IgA a été observée chez les animaux consommant
1600 µg/kg de DON en phase de croissance, aucun effet
n’étant observé en phase de finition. Ces résultats confirment
ceux obtenus sur des porcelets en post-sevrage consommant
3900 à 5000 µg/kg de DON (GROSJEAN et al, 2002 ;
SWAMY et al, 2002). En revanche, des concentrations de
toxine inférieures à 1000 µg/kg n’entraînent pas d’augmentation des IgA chez les porcelets en post-sevrage (GROSJEAN et
al, 2003a). Chez la souris, de nombreuses études montrent
que la présence de DON provoque une augmentation dose
dépendante de la concentration sérique en IgA liée à une production de cytokines impliquées dans la différenciation des
lymphocytes B sécrétant les IgA. Dans cette espèce, l’augmentation des IgA provoque une atteinte rénale (PESTKA, 2003).
Cet essai avait également pour objectif de comparer l’impact
de la consommation d’aliment contaminé par des concentrations moyennes en DON entre les phases de croissance et de
finition. Nos résultats indiquent un effet du DON sur la réponse immunitaire mais uniquement lorsque la mycotoxine est présente pendant la phase de croissance. Ces résultats sont à rapprocher de ceux obtenus avec des concentrations plus élevées
en DON. Ainsi une augmentation de la prolifération lymphocytaire, une altération de la réponse vaccinale (ØVERNES et
al, 1997) et un changement transitoire dans la concentration
en protéines sériques (ROTTER et al, 1995) ont été mis en évidence chez des porcelets nourris avec 4000 à 4700 µg/kg de
DON pendant la phase de croissance. Les publications analysant les effets du DON sur la phase de finition portent en fait
sur toute la phase d’engraissement et ne révèlent que peu d’altérations des paramètres hématologiques et immunitaires. Par
exemple, des concentrations de 3500 et 4000 µg/kg de DON
pendant toute la phase d’engraissement n’ont pas d’effet sur
les paramètres hématologiques et immunitaires mais entraînent
une diminution des protéines et de l’albumine sériques (BERGSJØ et al, 1992, 1993).
En conclusion, nous avons étudié spécifiquement la réponse
des porcs à l’ingestion d’aliment contaminé par 1600 µg/kg
de DON au cours des différentes phases de l’engraissement.
Nos résultats indiquent que la consommation par les animaux de concentrations moyennes de DON a un impact sur
leur système immunitaire tout particulièrement durant la
phase de croissance. Les animaux montrent une moins grande sensibilité durant la phase de finition.
REMERCIEMENTS
Les auteurs remercient l’ACTA pour sa participation financière à cette étude ainsi que Mlle Delphine RIVIERE pour sa collaboration technique. F. ACCENSI a bénéficié d’une bourse
OCDE.
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