Ces révolutions de l'information et des communications sont nées du codage de
l'information sous forme de paquets d'électrons (les « grains » d'électricité) ou de photons (les
« grains » de lumière) (quelques dizaines de milliers de chaque pour l'élément d'information,
le « bit »), et la capacité de manipuler et transmettre ces paquets d’électrons ou de photons de
manière de plus en plus efficace et économique.
On nous annonce une société passant de biens matériels à l'immatériel, la « société de
la connaissance ». Cela peut être discuté, mais du point de vue physique il est vrai que les
quantités portant l'information sont très petites : La plus grande bibliothèque du monde, celle
du Congrès à Washington, a vingt millions de volumes. Si on considère qu'un livre est
codable sur 50 millions de bits, il faut 1015 bits pour coder tous les livres1. Si on code chaque
bit par la présence ou l'absence de la charge électrique de 10 000 électrons, la bibliothèque est
portée par 1019 électrons, soit les électrons qui sont transportés dans un courant de 1 ampère
en une seconde ! À notre échelle de tous les jours, le codage de l'information nécessite
effectivement une quantité infime de matière. C’est pour cela que la manipulation en est facile
et efficace. La capacité de communiquer l’information, grâce aux télécommunications, n’est
pas en reste : une seule fibre optique, alimentée par des lasers à semi-conducteurs, transmet
aujourd'hui 3 1012 bits (3 terabits) par seconde. Il faut donc 300 s pour transmettre toute la
librairie du Congrès ! Pour prendre la réelle mesure de la révolution de l'information, il suffit
de considérer la quantité d'informations produites chaque année2 sous forme de livres et
journaux, images fixes ou animées (films), données sur CD-Rom ou disques magnétiques
(c'est ce dernier type d'archivage qui est le plus important) : 2 attobytes (1 byte = 8 bits)( dont
0,003 % seulement sous forme imprimée), soit 350 gigabytes par habitant de la terre !
Tout cela a été rendu possible par les progrès des composants et systèmes semi-
conducteurs, liés aux deux démarches simultanées d'intégration des éléments actifs sur un
même support, la « puce », et de miniaturisation. Une des immenses surprises aura été le
caractère « vertueux » de la miniaturisation : plus les composants sont petits, meilleur est leur
fonctionnement ! On a pu ainsi gagner en 35 ans simultanément plusieurs facteurs de 100
millions à 1 milliard, en termes de complexité des circuits, en réduction de coût (la puce de
plusieurs centaines de millions de transistors coûte le même prix qu'un transistor dans les
années 60), en fiabilité, en rendement de fabrication.
Ce type de progrès exponentiel ne peut pas continuer indéfiniment. Le problème des
limites physiques se pose de plusieurs manières : jusqu'où la miniaturisation peut-elle
continuer ? Combien d'atomes faut-il pour faire un transistor qui fonctionne encore ? Y-a-t-il
des matériaux autres que les semi-conducteurs qui permettraient d'aller au-delà des limites
physiques, ou bien encore existe-t-il d'autres moyens de coder l'information plus efficaces que
les électrons ou les photons ? Ce sont les questions que se pose aujourd'hui le physicien,
cherchant ainsi à "refonder" un domaine d'activité immense qu'il a contribué à créer.
Aux origines des révolutions de l'information et des communications : la
physique quantique des solides
1 La notation scientifique et les unités de longueur
Pour représenter des grandeurs extrêmes, on utilise la notation dite scientifique, comprenant le chiffre
10 et un exposant: ce chiffre en exposant signifie le nombre de zéros à mettre dans une notation normale après le
chiffre 1 : 103 = 1 000 ; 106 = 1 000 000. Si l'exposant est négatif, il faut prendre l'inverse du nombre avec le
même exposant positif : 10-3 = 1/103 = 1/1 000.
Les préfixes : Méga dénote la puissance +6, Giga la puissance +9, ainsi 20 Gigabit valent 20 milliards
de bits ; le préfixe Téra dénote la puissance +12, soit 1 000 Giga-- ; Petta la puissance +15, atto la puissance
+18.
-Unités de longueur : le micromètre (ou micron) = un millionième de mètre. On le note 10-6 m, symbole
µm (un cheveu a un diamètre de 100 µm). L’angström, symbole Å, vaut un dix millionième de millimètre, soit
10-10 m Il représente l'ordre de grandeur de la distance entre atomes dans les cristaux solides, typiquement 3 Å.
2 voir http://www.sims.berkeley.edu/how-much-info/index.html