En quoi le partage de la valeur ajoutée influe-t

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Introduction
Dans les années 1970, l’ancien Chancelier allemand Helmut Schmidt a
déclaré que « les profits d’aujourd’hui font les investissements de
demain… ». L’influence du partage de la valeur ajoutée sur l’investissement,
question déjà ancienne, demeure toujours d’actualité tant ce débat est
prégnant.
Le partage de la VA désigne la répartition de la richesse créée entre les
différents agents économiques ayant participé à la production : travailleurs
(salaires bruts), apporteurs de capitaux (intérêts pour les banques, diviwww.annabac.com
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dendes pour les actionnaires) et administrations publiques ayant fourni des
services non marchands utilisés par les entreprises (impôts sur la production). L’investissement correspond aux dépenses en biens d’équipement
durable réalisées sur le territoire en un an. Cet agrégat, y compris les achats
immobiliers et de logiciels, plus les dépenses en prospection minière et
pétrolière est nommé Formation brute de capital fixe (FBCF).
On peut alors se demander comment l’évolution du partage de la
richesse créée peut agir sur l’investissement.
Une répartition plus favorable aux apporteurs de capitaux devrait, en
théorie, stimuler l’investissement ; cependant, la baisse de la part des
salaires dans la VA, liée à cette nouvelle répartition peut aussi avoir des
effets sur l’investissement.
1. Un partage de la richesse créée, plus favorable
aux entreprises, peut stimuler l’investissement…
A. Un partage de la VA en faveur des entreprises est positif
pour l’investissement…
a) Une corrélation positive entre taux de marge
et taux d’investissement…
Dans le document 2, au niveau de la zone euro, un partage de la VA très
favorable aux entreprises, compris entre 39 et 41 %, est accompagné d’un
effort d’investissement soutenu oscillant entre 20 et 22 %. De même, en
France, l’évolution du taux de marge et celle du taux d’investissement sont
grossièrement parallèles, montrant une relation positive entre ces deux
indicateurs.
b) … mettant en relief le lien entre partage de la VA
et autofinancement des investissements.
Un partage de la VA favorable aux entreprises leur permet de financer
leurs investissements en large partie par leur propre épargne, donc de
moins dépendre de financeurs extérieurs (banques, autres actionnaires …).
Ainsi, l’Allemagne a un taux d’autofinancement en moyenne plus élevé
(document 5). Le financement de l’investissement y repose davantage sur
l’épargne brute des entreprises, ce qui explique la politique allemande de
recherche d’un partage de la VA plus favorable aux entreprises.
B. … sous certaines conditions cependant.
a) Un partage de la VA favorable aux entreprises
n’entraîne pas toujours un investissement élevé.
Avec un taux de marge plus faible, de 34 à 35 % contre 36 à 40 %, la
France connaît un taux d’investissement plus élevé que l’Allemagne, surtout
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après 2001, avec des valeurs de 18,5 % à 21 % contre 17 à 18 %. Un
partage de la VA plus favorable aux entreprises ne garantit donc pas un
effort d’investissement plus élevé. De même, en Allemagne, le redressement
spectaculaire du taux de marge à partir de 2000 (+ 3,5 points) s’accompagne d’une baisse tendancielle du taux d’investissement (– 2,5 points).
b) Disposer de capacités d’autofinancement n’implique pas plus
d’investissement.
Si les entreprises conservent une épargne brute (EB) élevée, celle-ci ne
sera pas dirigée forcément vers l’investissement. D’une part, actionnaires et
apporteurs de capitaux peuvent se servir au passage et venir limiter l’EB.
D’autre part, l’EB peut être affectée vers des placements. En effet, si la profitabilité d’un investissement est négative, c’est-à-dire si la rentabilité
économique de l’investissement (EBE rapporté au capital investi) est inférieure au rendement moyen d’un actif financier, l’entreprise a davantage
intérêt à placer ses liquidités qu’à investir.
2. … la part des salariés doit cependant être maintenue
à un niveau assez élevé pour assurer des débouchés
aux entreprises.
A. Les salaires versés ouvrent des débouchés
pour les entreprises.
a) Les débouchés sont cruciaux pour la décision d’investir…
Le redressement du taux de marge des entreprises françaises dans les
années 1990, souligné dans le document 3, ne s’est pas accompagné d’une
reprise de l’investissement. Le document 4 indique la nécessité de débouchés justifiant l’augmentation des capacités de production. Or ceux-ci sont
contraints par l’insuffisance de la demande des ménages dans l’économie
française : les salaires des ménages ne progressent plus assez vite pour alimenter une consommation de masse fournissant des débouchés aux unités
de production.
b) … et la demande des ménages dépend largement de la part
des salaires dans la VA.
La part des salaires dans la VA permet de mesurer les revenus dont disposeront les ménages pour consommer. Si cette part se réduit, la demande
des ménages peut se gripper, diminuant ainsi le besoin d’investissement
des entreprises, puisqu’une augmentation des capacités de production
devient inutile. Un partage de la VA plus favorable aux entreprises peut
entraîner un ralentissement de l’investissement par asphyxie des débouchés
offerts par la demande domestique.
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B. Mais leur progression doit être maîtrisée dans le cadre
d’une économie ouverte.
a) Un partage de la VA trop favorable au travail a des effets directs
négatifs sur l’investissement…
L’augmentation des salaires qui permettrait d’atteindre un partage
optimal de la VA aurait des effets négatifs sur l’investissement. Les entreprises subissant une baisse de leurs profits ne pourraient plus autofinancer
leurs investissements. Ceux-ci seraient donc affectés, comme la situation
de la France entre 1975 et 1983 l’a montré. Pour financer leur investissement, les entreprises sont alors condamnées à emprunter massivement, et
cet endettement génère des frais financiers érodant la rentabilité des capitaux propres, donc découragent de nouveaux investisseurs.
b) … et n’est pas toujours favorable à l’investissement à plus long terme.
L’augmentation du coût du travail peut peser sur la compétitivité des
entreprises et réduire leurs exportations, donc leur production et les conduire
à baisser leur investissement, sans compter la perte de compétitivité induite
par le ralentissement de leur effort d’investissement provoquée par la baisse
de l’autofinancement. Enfin, le travail devenant plus coûteux pourrait être
remplacé par du capital (substitution capital/travail) surtout pour des emplois
peu qualifiés de l’industrie, d’où une contraction de l’emploi et des revenus,
donc de la demande des ménages et des débouchés pour les entreprises.
Conclusion
Les relations entre partage de la VA et investissement sont donc complexes.
D’une part, un partage de la richesse créée plus favorable aux entreprises peut
permettre une augmentation de l’investissement par la restauration de la capacité d’autofinancement, à condition que les profits soient utilisés prioritairement
pour financer les investissements. D’autre part, la part des salaires détermine le
niveau de vie des ménages, qui conditionne les débouchés internes pour les
entreprises, en fonction desquels leurs projets d’investissements seront effectués. Le partage de la VA doit à la fois permettre le financement des
investissements et la rémunération des apporteurs de capitaux, mais aussi le
maintien d’un niveau de vie des populations suffisant pour alimenter le marché
intérieur et l’utilisation des capacités de production des entreprises.
La question posée en filigrane est celle du comportement des propriétaires
de l’entreprise : s’ils siphonnent l’autofinancement pour gonfler leurs dividendes, les salariés n’ont plus les moyens de consommer et les débouchés se
restreignent ; les entreprises ne disposent plus des moyens de financement
interne de leurs investissements et ceux-ci se réduisent. La conjonction de ces
deux baisses ne peut alors que plonger l’économie dans la récession.
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