Suite de l’IPBES Biodiversité : comment la déforestation et la disparition des grands vertébrés affectent la capacité de stockage du CO2 car ils jouent le rôle de disperseurs de graines d’essences des grands arbres Suite à l’étude du Dr Mauro Galetti, la FRB considère que : Le changement climatique n’est pas qu’une affaire de carbone Plus que jamais, la parution des deux premières évaluations de l’IPBES révèle l’interconnexion entre les grands enjeux environnementaux que sont le réchauffement climatique et la perte de biodiversité. Un point renforcé par une récente étude de l’Université de Sao Paulo (Brésil) sur le rôle que jouent les grands vertébrés, comme le tapir ou les atèles, dans la dispersion des graines permettant à la forêt amazonienne de se régénérer. La déforestation, source majeure d’émissions de carbone, mais également la chasse et le braconnage qui menacent 19% des vertébrés des forêts tropicales, entraînent la disparition de ces espèces. Les scientifiques ont démontré que la disparition des vertébrés disperseurs entraîne le remplacement d’essences à bois dense par des essences moins hautes et moins denses, dont la dissémination des graines est essentiellement abiotique (la pollinisation animale qui fait l’objet de la première évaluation IPBES n’étant qu’une forme de reproduction végétale parmi d’autres, telles l’anémochorie, la dispersion par le vent). Or, ces arbres ont une capacité de stockage de carbone pouvant aller jusqu’à moins 20% par rapport aux essences à bois plus dense. Alors que la reforestation et l’afforestation font l’objet de politiques d’atténuation climatique ambitieuses (voir par exemple le Défi de Bonn), les travaux scientifiques montrent que la composition de la forêt et la diversité de ses essences jouent un rôle important dans sa capacité à stocker le carbone. La composition actuelle des forêts mondiales leur permettrait d’absorber plus de 25% des émissions humaines de carbone, mais la faune joue donc un rôle pivôt dans l’équilibre fragile des écosystèmes forestiers et de leur capacité à fournir ce service de régulation climatique. L’exemple des vertébrés disperseurs de la forêt atlantique brésilienne illustre l’extrême complexité des interactions entre biodiversité et climat, qui demanderont des efforts de recherche importants afin d’être comprises puis modélisées et utilisées dans des scénarios reflétant au mieux les facteurs de changement de la biodiversité, du déclin de la biodiversité animale au déclin de la diversité des essences forestières… Publication Defaunation affects carbon storage in tropical forests Agnès Hallosserie Secrétaire scientifique aux interfaces internationales Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité Résumé de l’étude : Carbon storage is widely acknowledged as one of the most valuable forest ecosystem services. Deforestation, logging, fragmentation, fire, and climate change have significant effects on tropical carbon stocks; however, an elusive and yet undetected decrease in carbon storage may be due to defaunation of large seed dispersers. Many large tropical trees with sizeable contributions to carbon stock rely on large vertebrates for seed dispersal and regeneration, however many of these frugivores are threatened by hunting, illegal trade, and habitat loss. We used a large data set on tree species composition and abundance, seed, fruit, and carbon-related traits, and plant-animal interactions to estimate the loss of carbon storage capacity of tropical forests in defaunated scenarios. By simulating the local extinction of trees that depend on large frugivores in 31 Atlantic Forest communities, we found that defaunation has the potential to significantly erode carbon storage even when only a small proportion of large-seeded trees are extirpated. Although intergovernmental policies to reduce carbon emissions and reforestation programs have been mostly focused on deforestation, our results demonstrate that defaunation, and the loss of key ecological interactions, also poses a serious risk for the maintenance of tropical forest carbon storage. http://www.parismatch.com/Actu/Environnement/Les-singes-luttent-contre-le-rechauffement-climatique941175 Les singes luttent contre le réchauffement climatique Au Brésil, un singe araignée surpris en plein goûter Sergio Moraes / Reuters En consommant les fruits de certains arbres, les animaux frugivores dispersent les graines des feuillus, espèces très gourmandes en CO2 et contribuent à la régénération des forêts. Mais beaucoup sont menacés par la chasse, le commerce illicite et la perte de leur habitat. Avec leur diminution, tout un équilibre est rompu. Les activités humaines, comme la déforestation, provoque l’extinction de certaines espèces 100 fois plus rapidement que les processus naturels. La chasse menace 19% de tous les vertébrés des forêts tropicales. Pourtant, leur rôle est essentiel. Une équipe de scientifiques provenant du Brésil, du Royaume-Uni, de Finlande et d’Espagne a recueilli, dans la forêt Atlantique en Amérique du Sud, des données de plus 2 000 espèces d’arbres et 813 types d’animaux. A lire aussi:Le scénario du réchauffement climatique en ville En étudiant les fruits, les graines, leurs abondances, les relations entre plantes et animaux et la perte de capacité de stockage de carbone, ils se sont rendus compte à quel point les frugivores étaient importants dans le processus de canalisation du carbone.« La plupart des arbres feuillus produisent de gros fruits, consommés exclusivement par les grands animaux fortement menacées partout par le braconnage, la fragmentation des forêts, des maladies ou des incendies. Ces arbres sont différents car ils absorbent plus de carbone que les autres » explique Mauro Galetti, un des auteurs de l’étude, biologiste à l’Université Estadual Paulista à Sao Paulo. La défaunation peut réduire les capacités de stockage de CO2 des forêts de 5 à 20%. Les forêts avec un mélange varié de semences et d’animaux frugivores sont donc celles stockant le plus de carbone car les plus gros animaux peuvent disperser les lourdes graines des feuillus. Lorsque ces animaux disparaissent, ce sont les résineux, avec moins de capacité de stockage de carbone qui se développent. Et lorsqu’on sait que 40% du CO2 est stocké par les forêts tropicales, il serait urgent d’agir.