14 Geneviève Koubi
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Jurisdoctoria
n° 9, 2013
1) Régulation. Au singulier, le terme de régulation ne peut être détaché des évolutions
de la pensée politique et des transformations de la pensée juridique9. Sur tous les
terrains exploités, la notion qui y est reliée échappe à la glose définitoire.
Gérard Timsit demande s’il s’agit « de parler de régulation au sens de ce mot
dans l’analyse cybernétique ou systémique » ; il estime que, dans ce cas, « il
faudrait […] se référer à l’ensemble des mécanismes qui permettent à une
organisation de maintenir la constance d’une fonction qu’elle aurait à assurer ». Il
poursuit en constatant l’énigme intrinsèque du terme : « S’agirait-il de régulation au
sens juridique du terme ? Elle désignerait, dans ce cas, une forme de réglementation,
dont le nom en français, simplement transposé du mot anglais regulation, renverrait à
un type de normes juridiques sur la nature desquelles l’on aurait à s’interroger pour
les distinguer des normes de la réglementation classique. Ou bien, cédant au
scepticisme et au découragement, et vérification faite de ce que le mot régulation ne
figure nulle part dans les dictionnaires ni les index […], faudrait-il conclure, avant
même tout commencement, que l’on a affaire à un non-sujet – parce que l’on a
affaire à un non-concept, et qu’il ne peut donc y avoir de rapport ni d’étude sur
quelque chose qui n’existe pas. La régulation existe pourtant : vous l’avez
rencontrée »10. Depuis ces observations, le mot régulation est entré dans les index des
ouvrages – même s’il hésite à s’introduire dans les dictionnaires des termes
juridiques. Au singulier et non au pluriel. Cette réception célèbre ses variations et ses
incertitudes, l’appellation suffisant à la démonstration. Or la régulation en elle-même
n’a pas de substance. Elle est politique, ou juridique, ou sociale, ou économique, ou
financière, ou bancaire, ou territoriale, ou internationale, etc11. Ou bien, elle est tout
à la fois politique, juridique, sociale, économique, financière, bancaire, territoriale,
internationale, etc.
Naviguant entre ces hyperboles qualifiantes, la régulation à propos de laquelle
épiloguent les juristes joue un rôle de dénominateur commun entre différentes
disciplines, les unes appartenant aux sciences sociales – de la sociologie au droit en
passant par la philosophie et l’économie –, les autres correspondant à l’extensibilité
9 M. MIAILLE (dir.), La régulation entre droit et politique, Paris, L’Harmattan, coll. Logiques juridiques, 1995,
271 p.
10 G. TIMSIT, « La régulation. La notion et le phénomène », RFAP, n° 109, 2004, pp. 5-11. Voir du même
auteur, « Les deux corps du droit. Essai sur la notion de régulation », RFAP, n° 78, 1996, pp. 375-394.
11 D’ailleurs, dans les entrées du vocabulaire officiel déterminées par la Commission nationale de
terminologie et de néologie, le mot « régulation » n’est relevé seul que dans le domaine des transports et est
recouvert par cette définition : « Activité d’affectation et de suivi des aéronefs exercée à la direction d’une
compagnie aérienne pour l’ensemble de sa flotte, en fonction des programmes d’exploitation, en matière
de contrôle de la circulation aérienne et sur chaque plateforme aéroportuaire pour les vols qui y arrivent
ou en partent ». Dans les autres domaines, qu’il s’agisse de biologie ou de sciences et techniques spatiales,
le mot est accompagné de qualificatif ou substantif.