Introduction………………………………………………………………………...…………p2 I. La tradition comique en Italie……………………………………….……………p3 a) La commedia dell’arte………………………………………………………..p3 b) Théâtre dialectal et autres influences.…………………….…………………..p3 II. Les premiers films comiques en Italie…………………………………..…….….p4 a) La comica finale…………………………………………………….….…….p4 b) Un comique plus élaboré…………………………………………..……..…..p4 III. Un comique réaliste……..………………………………………….…………….p5 a) Le comique verbal…………………………………………………………….p5 b) La censure……………………………………………………...……………..p5 c) Le souci de réalisme…………………………………………………………..p6 IV. L’affirmation d’un genre………………………………………………..….……..p7 a) b) c) d) e) V. La comédie « à l’italienne »……………………………………………………..p11 a) b) c) d) VI. L’influence du néoréalisme………………...…………………...…………….p7 Le détachement du néoréalisme………………………………...…………….p7 Une comédie sociale….……………………………………………...……….p8 L’influence des acteurs ………………………………………………………p9 Le Pigeon : un film charnière………………………………….…………….p10 L’introspection par la comédie et changement des mœurs……………….... p11 Le film à sketches……………………………………………………...……p12 Divorce à l’italienne…………………………………………………..……..p12 La comédie satirique…………………..…………………………………….p13 La poursuite d’un discours satirique…………………………….………………p14 a) L’argent de la vieille………………………………………………...………p14 b) Un humour toujours plus grinçant……………..…………………...……….p15 Conclusion…………………………………………………………………………..………p16 1 INTRODUCTION La comédie est un des genres de prédilection du cinéma italien. C’est un genre qui a prouvé qu’il était capable de représenter les différents aspects de la vie d’un peuple, le recours au rire permet de dénoncer une réalité sociale. La comédie italienne s’est formée progressivement avant d’atteindre son âge d’or dans les années 60, on peut voir différentes mutations au cours des décennies précédentes. Cela est du au fait qu’il s’agit d’un genre qui a toujours dépendu de la situation sociale de chaque époque. Ainsi, on peut voir la présence majoritaire de comédies simplement divertissantes et sans message politique pendant les années 30 où résignait la censure, puis à partir des années 40 et en période de néoréalisme la comédie a été un moyen de décrire la misère et les conséquences de la guerre Dans les années 50 la comédie a continué dans cette tendance tout en dénonçant la dégradation progressive des mœurs et après le boom économique des années 60, la comédie italienne s’est définitivement affirmée pour devenir la comédie « à l’italienne », c'est-à-dire un genre précis et à part entière. On peut voir alors que la comédie italienne fonctionne comme un moyen d’investigation visà-vis de la réalité du pays et de sa situation social. Le rire est utilisé pour dresser le portrait d’une société, le propre de la comédie italienne étant de décrire par le rire des situations parfois dramatiques. Il s’agit avant tout d’un cinéma qui est le miroir de sa société et qui a une réelle influence sur elle, le scénariste Age note « Le cinéma a poussé les Italiens dans certaines direction. Le rire est une arme contre le pouvoir, on le sait depuis Aristophane et Molière. Le rire laisse toujours quelques traces parce qu’il montre qu’il existe des failles. Les comédies italiennes ont eu un certain poids dans la vie sociale de l’Italie ». C’est par l’humour que les Italiens cherchent à déchiffrer la réalité et voir les travers et la situation dans laquelle se trouve la société. La situation sociale étant constamment liée à l’évolution de la comédie italienne, j’ai donc choisi de voir chronologiquement comment ce genre s’est constitué pour atteindre son ultime mutation, nous verrons donc dans un premiers temps quelles sont les origines avant de nous pencher sur les premiers films comiques des années 20-30, puis nous nous intéresseront à l’influence du néoréalisme avant de traiter des années 50-60-70 où ce genre a connu son âge d’or. Nous nous attarderons sur des exemples de films qui ont marqué une étape importante dans l’histoire de ce genre. 2 I. La tradition comique en Italie a) La commedia dell’arte La comédie italienne au cinéma est née de plusieurs traditions théâtrales dont la plus ancienne est la commedia dell’arte. Tous les cinéastes ont reconnu son influence tant elle est évidente. La commedia dell’arte qui est née en Italie au XVIème est basée d’abord sur l’improvisation : les troupes ne jouaient pas un texte déjà écrit mais elles improvisaient tout en gardant la structure de la pièce. Chaque soir, les acteurs faisaient appel à l’improvisation en fonction du public devant lequel ils jouaient, en fonction de l’actualité, des nouvelles trouvailles, etc. C’est un théâtre populaire avec des personnages très stéréotypés ; l’utilisation des masques est là pour caractériser les différents personnages types qui représentent et caricaturent les membres de la société de l’époque : le domestique (Arlequin), l’avare (Pantalon), le docteur, etc. Les intrigues sont directement inspirées de la réalité de l’époque ce qui permettait de faire naitre une contestation de l’ordre établi à travers une critique de la société qui passait par le rire. La comédie italienne au cinéma par la suite a suivi cette idée en faisant des films dans l’esprit de la commedia dell’arte. La capacité à mêler le comique à la revendication sociale, à traiter de manière drôle et grotesque des situations parfois dramatique est une caractéristique de la comédie italienne. A ce sujet, Mario Monicelli note « Les héros de la commedia dell’arte sont toujours des désespérés, des pauvres diables qui se battent contre la vie, contre le monde, contre la faim, la misère, la maladie, la violence. Cependant, tout cela est transformé en rire, est transmué en raillerie, en élément de moquerie plus que de rire à gorge déployée. Cette démarche appartient à une tradition très italienne que j’ai toujours défendue (…) Chez tous les grands comiques, il y a une rage intérieure qui se résout en drôlerie, en raillerie. Cela donne une base à la comédie italienne » (cf.Le cinéma italien, Jean A. Glili). On note aussi que cette volonté d’améliorer sans cesse le comique avec l’ajout de nouvelles répliques ou tirades à chaque représentation (qui était possible étant donné que les comédiens n’étaient pas dépendant d’un texte et devaient donc improviser chaque soir) a aussi été récupérée par le cinéma comique italien, que ce soit au moment du tournage ou du doublage où de nouvelles répliques sont ajoutées ou modifiées par rapport au scénario original. b) Le théâtre dialectal et autres influences Parmi les autres influences dont le cinéma comique italien prend sa source se trouve le théâtre dialectal qui va fournir dès l’époque du muet certains de ses acteurs et scénaristes, des pièces vont être également adaptées pour l’écran (surtout avec l’arrivée du parlant). Mais l’héritage du théâtre dialectal au cinéma vient surtout du fait que le cinéma a gardé le même esprit profondément italien. Dans Histoire du théâtre italien, Philippe Van Tieghem écrit « Le théâtre dialectal, presque uniquement comique, même s’il suscite l’émotion, est peut-être ce qu’il y a de plus 3 spécifiquement italien au cours du XIXème siècle. Populaire, collant à la réalité quotidienne, ce théâtre donne une impression d’authenticité assez exceptionnelle ». Le cinéma a récupéré du théâtre dialectal cette dramaturgie qui mêle l’émotion à un comique intense, et comme nous l’avons fait remarquer pour la commedia dell’arte, il y a une volonté de coller à la réalité quotidienne. Les spectacles populaires de la fin du XIXème, le cirque, le café-concert et le théâtre de variété ont également joué un rôle important dans la constitution du cinéma comique en Italie. II. Les premiers films italiens comiques a) La comica finale Le comique est présent dès les débuts du cinéma italien. Fregoli, un des pionniers du cinéma comique, enregistre ses numéros (principalement des transformations) crées d’abord pour la scène et réalise entre 1897 et 1899 plus d’une vingtaine de petits films. A la fin de chaque programme (que ce soit pour les films documentaires ou pour les films de fictions) est projetée une bande comique de quelques minutes intitulée « la comica finale ». Ces premiers films comiques naissent vers 1905 et font appel à des artistes du cirque ou de la scène comme Ferdinand Guillaume. Le succès de ces films amène une multiplication de la production, les films comiques deviennent rapidement indispensables pour le public. C’est à cette époque qu’André Deed crée le personnage de Cretinetti (en 1909) dont le succès va à nouveau provoquer une multiplication des films comiques en Italie, d’autres personnages comiques vont apparaitre comme Robinet, Fricot ou Gigetta. André Deed qui a travaillé avec Méliès, est un des fondateurs du cinéma comique car tout en utilisant ses talents qu’il a développés sur scène, il est conscient des capacités du cinéma comme le rythme accéléré, d’où le fait que l’on trouve souvent dans ses films des coursespoursuite dont l’aspect est proprement cinématographique. Contrairement à Cretinetti, Polidor (l’autre grand comique du cinéma burlesque italien de cette époque) se concentre sur un comique plus mordant notamment en tournant en ridicule les comportements de la bourgeoisie italienne. b) Un comique plus élaboré Mais la concurrence américaine et surtout l’incapacité de renouvellement amènent une lassitude de la part du public. Passée de mode, la comica finale disparait aux alentours de 1915. Cela a pour effet de voir petit à petit naitre un autre genre de comédie avec des scénarios et des personnages plus travaillés, on passe alors d’un comique purement burlesque à un comique plus subtil. On note à cet effet la réalisation en 1913 du film de Luigi Maggi Le Mariage de Figaro qui se distingue par son rythme narratif et son intrigue élaborée. A la fin des années 10, le burlesque fait place à la comédie sophistiquée dont le chef de fil est Lucio D’Ambra, un romancier et critique de théâtre qui s’est par la suite intéressé au cinéma 4 et a réalisé plusieurs comédies (toutes perdues aujourd’hui) dont la plus célèbre Il re, le torri, gli alfieri (Le Roi, les Tours, les Fous, 1916) connut un succès phénoménal en Italie. Mais là aussi ce genre s’épuise au cours des années 20, ces comédies sophistiquées s’adressant à un public parfois trop raffiné voire élitiste, ce qui ne correspond pas aux attentes croissantes du public de l’époque. Il faut aussi souligner le fait qu’au sein du muet, ce genre de comédie montre ses limites et c’est l’apparition du parlant qui lui donnera la possibilité de retrouver un rythme. III. Un comique réaliste a) Le comique verbal La parole constitue un élément essentiel du genre comique en Italie qui est un pays de grande tradition verbale ; l’arrivée du parlant ne pouvait donc que donner un nouveau souffle au cinéma comique. Le parlant est favorable à Ettore Petrolini, humoriste issu du théâtre et dont le comique est avant tout basé sur des répliques incisives et sur son mode d’expression. Un des exemples les plus significatifs est Nerone (Néron, 1930) d’Alessandro Blasetti où Petrolini se moque des pratiques oratoires de l’empereur romain dans un film très satirique visant le régime fasciste de Mussolini. L’acteur napolitain Raffaele Viviani est l’autre grande figure comique du cinéma italien du début des années 30. Outre le fait qu’il s’agit d’un comique parlant, Viviani ouvre une nouvelle voix au cinéma italien en 1932 avec La tavola dei poveri qui malgré ses aspects comiques traite du chômage et de la misère. Petrolini et Viviani contribuent ainsi à la création d’un nouveau comique parlant satirique qui colle à une réalité sociale. b) La censure Mais le comique satirique ne peut vraiment exister au cours des années 30 en raison de la censure qui favorise les films de divertissement où le décor politique est inexistant. Ainsi, de 1930 à 1943 (date de la chute de Mussolini), le cinéma italien est dominé par des films sentimentaux qui mêlent le comique au mélodrame sans aborder la situation politique. Le talent de certains acteurs permet de faire fonctionner ces comédies sentimentales déconnectées de la réalité et au scénario souvent improbable. Ces films marquent les débuts de Vittorio De Sica qui est issu lui aussi du théâtre de variété et qui fait ses débuts au cinéma en 1932. De Sica s’inspire des certains modèles américains tout en gardant une personnalité qui lui est propre. Il participe pendant les années 30 à deux films de Mario Camerini qui sont en marge avec la production de l’époque : I signor Max (Monsieur Max, 1937) et I grandi magazzini (Les grands magasins, 1939). Le premier film sous ses apparences légères cache une critique de l’aristocratie ; le second traite de l’injustice du pouvoir hiérarchique avec le récit d’une jeune fille soumise au chantage de son chef. La présence de Vittorio De Sica et de la vedette de l’époque Assia Noris permet d’atténuer le propos et d’échapper à la censure. 5 Pour échapper à l’interdit, certains cinéastes décident de déplacer l’intrigue dans un pays étranger comme par exemple dans Le sorprese del divorzio (Les surprises du divorce, 1939) où le fait que l’histoire se passe à Paris permet d’aborder la question du divorce. Certains humoristes comme Achille Campanile ou Cesare Zavattini contournent la censure par le biais d’un humour absurde, un « nonsense » permettant de contester le régime totalitaire. c) Le souci de réalisme Parmi la grande production de divertissements inoffensifs satisfaisant le régime, quelques films arrivent donc à évoquer une Italie proche de la réalité. Cette tendance va s’accentuer à partir du début des années 40 où l’on va voir des films entretenir de plus en plus de rapports avec la réalité. C’est ce que l’on voit dès les débuts au cinéma du grand comique Toto dans Fermo con le mani en 1937 où Toto tient le rôle d’un vagabond évoluant dans un monde de misère où règne la pauvreté. Avec l’arrivée au cinéma en 1942 de l’acteur Aldo Fabrizi a lieu un tournant dans la comédie populaire italienne avec des films comme Avanti c’è posto (Avancez, il y a de la place, 1942), ou Campo de’ fiori (Place des Fleurs, 1943) de Mario Boonnard. Il y a dans ces comédies une forte volonté de jouer dans des lieux réels avec des acteurs non maquillés parlant le langage de la rue. Le souci de réalisme de Fabrizi, de restituer « l’air du temps » annonce le néoréalisme. Avec l’arrivée du néoréalisme qui est dominé par des cinéastes comme Rossellini, De Sica, Visconti, De Santis ou Lattuada, le public devient plus exigeant et désire désormais voir des personnages en qui il peut se reconnaitre, des personnages affrontant des situations que chaque spectateur a connues depuis le début de la guerre. Cette attente du public se traduit par le succès de deux films de Carlo Borghesio Come persi la guerre (Sept ans de malheur, 1947) et L’eroe della strada (Le Héros de la rue, 1948) où le comédien Macario joue un italien modeste devant partir à la guerre pendant 7 ans avant de devoir être confronté au chômage dans les années d’après guerre. Ces deux films écrits par Steno et Monicelli (qui étaient à l’époque encore des scénaristes débutants) sont parcourus d’amertume et reflètent la situation sociale de l’Italie d’après guerre. Cette amertume est également présente dans Sotto il sole di Roma (Sous le soleil de Rome, 1948) de Castellani qui est parcouru par des moments comiques mais qui contient aussi des moments dramatiques. Cependant, la comédie italienne à cette période évolue aussi vers un optimisme grandissant comme c’est le cas dans Due soldi di speranza (Deux sous d’espoir, 1951) toujours de Castellani (palme d’or à Cannes en 52), dont l’issue est cette fois heureuse. On peut dire que les comédies de la deuxième moitié des années 40 contiennent une analyse sociale qui s’épanouira dans les décennies suivantes. 6 IV.L’affirmation d’un genre a) L’influence du néoréalisme Comme nous l’avons vu, tous les films italiens ont subi l’influence du néoréalisme qui les a enrichis, grâce au néoréalisme la comédie italienne a retrouvé la voie du traitement par l’humour des problèmes de la société. C’est ce que déclare Alberto Sordi à propos des comédies des années 50 : « Il s’agissait de refléter la réalité de notre vie, même à la manière du néoréalisme, mais au lieu d’être dramatique, d’être sérieux, c’était comique » (Jean Gili, Le cinéma italien 2). C’est une période de grande activité créatrice ; l’industrie du cinéma italien a été reconstruite et chaque année est produit une centaine de longs métrages dont une grande partie est constituée de comédies. C’est aussi lors des années 50 que le genre va s’approfondir notamment avec les comédies réalisées par Monicelli et Steno mettant en vedette Toto, alors au sommet de sa popularité, qui abordent par l’humour les problèmes du chômage, du sous-emploi, le manque de logements, la délinquance. A ce sujet, Toto déclare « Je connais par cœur la misère, et la misère est le scénario du comique véritable. On ne peut pas faire rire si on ne connait pas bien la douleur, la faim, le froid, l’amour sans espoir, la méchanceté du public sans éducation (…). En somme, on ne peut pas être un véritable acteur comique sans avoir fait la guerre avec la vie » (Franca Faldini et Goffredo Fofi, Toto : l’uomo e la maschera). On peut citer des films comme Toto cerca casa (Toto cherche un appartement, 1949), Toto e i re di Roma (Toto et les rois de Rome, 1952), ou Guardi e ladri (Gendarmes et voleurs, 1951). b) Le détachement du néoréalisme On voit avec ces films qu’au début des années 50, les scénaristes désiraient faire des films moins austères qu’à l’époque du néoréalisme tout en gardant une forte revendication sociale. Dans la même mouvance est réalisé en 1952 par Alberto Lattuada Il cappotto (Le Manteau), une comédie s’inspirant de Gogol qui fait figure de farce cruelle décrivant l’existence médiocre d’un petit employé rêvant toute sa vie de pouvoir s’offrir un manteau qui le protegera du froid et qui lui donnera une certaine respectabilité sociale. Lorsqu’il parvient enfin à s’offrir le manteau tant désiré, on le lui vole et il en meurt ; son fantôme viendra alors hanter les personnes aisées de la société. Ce film montre bien le recours à l’ironie et au grotesque pour critiquer les injustices de la société. Un autre tournant dans l’évolution de la comédie de mœurs est effectué par les comédies de Luciano Emmer comme Domenica d’agosto (Dimanche d’août, 1950). Il s’agit d’une évolution dans la structure des films qui mettent en scène une multitude de personnages dont les destinées se croisent ou se développent parallèlement. Les histoires traitées de façon légère constituent une nouvelle approche de l’analyse sociale par la comédie où l’on découvre de nombreux personnages de conditions diverses. Dans Dimanche d’août, une partie des personnages se baignent à Ostie pendant que d’autres restent dans une ville désertée pendant les vacances d’été. Ces deux situations mises en parallèle donnent le portrait d’une société où sont confrontés ses différents membres. 7 c) Une comédie sociale En ce qui concerne les différences sociales, les comédies des années cinquante se passent majoritairement dans des villages ou des quartiers pauvres et rarement dans un milieu bourgeois. On retient par exemple la série des Don Camillo avec Fernandel qui est une chronique d’un village de la vallée du Pô, et la série des Pain, amour…où l’action se situe également dans un village. Luigi Comencini qui a réalisé les deux premiers volets de la série des Pain, amour explique ses intentions de confronter par ses personnages des milieux sociaux différents : « Avec Margadonna, nous voulions faire une comédie qui fasse découvrir au public les contrastes et les contradictions de la société italienne. L’histoire devait être celle de la rencontre entre un maréchal des carabiniers venu du Nord et la réalité d’un village pauvre du Midi, le tout développé avec un humour un peu noir et même avec des moments dramatiques » (Jean A.Gili, Luigi Comencini). Pane, amore e fantasia (Pain, amour et fantaisie, 1953) et Pane, amore e Gelosia (Pain, amour et jalousie, 1954) de Comencini furent un succès d’abord car le public y a aimé le charme de Vittorio De Sica et de Gina Lollobrigida, et la gaité générale de l’œuvre ; mais il faut donc souligner que là encore sous des apparences de simple divertissement, le but de Comencini est d’évoquer les différences sociales entre les villageois et le maréchal. Une nouvelle étape dans l’évolution de la comédie italienne apparait avec trois films signés Dino Risi : Poveri ma belli (Pauvres mais beaux, 1956), Belle ma povere (1957) et Poveri milionari (1958). Ces trois films décrivent une société en train de changer, on y trouve un dosage de légèreté, de drôlerie et de mélancolie, un mélange que Risi a toujours maitrisé parfaitement. Concernant l’évolution de la comédie italienne à cette époque, Risi explique : « Poveri ma belli, c’était un peu le néoréalisme adapté aux exigences de la nouvelle société, le bien-être commençait à se faire sentir en Italie. Le néoréalisme, avec toute sa fascinante tristesse, ne suffisait plus. La société changeait, le tissu social était en train de changer, avec la minière de vivre. Dans son petit domaine, Poveri ma belli représentait ce passage d’un mode de vie à un autre ». Cette évolution est également visible dans Gli innamorati (Les Amoureux, 1955) de Mauro Bolognini qui se situe dans la même veine que les comédies de Dino Risi avec spontanéité et une légèreté dans le traitement des petits incidents de la vie quotidienne ; cependant l’amertume y est également très présente. Sur un autre plan, l’évolution de la comédie italienne se fait aussi par la constitution d’une « famille » d’acteurs, de scénaristes et de metteurs en scène qui vont jouer pendant plusieurs années un rôle essentiel à la réussite du genre. 8 d) L’influence des acteurs Si on a vu l’importance de scénaristes et metteurs en scènes comme Monicelli, Comencini ou Dino Risi, il faut noter l’importance de comédiens comme Alberto Sordi, Marcello Mastroianni, Ugo Tognazzi, Nino Manfredi, et des actrices Gina Lollobrigida et Sophia Loren qui se montrent particulièrement à l’aise dans la comédie populaire. Alberto Sordi qui fait ses débuts au cinéma en 1938 trouve un rôle majeur en 1951 dans Mamma mi ache impressione ! (Maman quelle impression !) de Roberto Savarese où Sordi interprète un personnage timide lancé dans des aventures grotesques pour attirer l’attention d’une jeune fille. Fellini lui offre un rôle important en 1952 dans Lo sceicco bianco (Le Cheik blanc) puis en 1953 dans I Vitelloni. A partir de ce film, Sordi interprétera souvent le rôle d’un bourgeois arriviste comme le note Goffredo Fofi : « D’aventure en aventure nous retrouvons désormais Sordi dans un rôle précis : le petit-bourgeois romain de basse extraction, vil, pleurnichard, fils à maman, homme à femmes, sans trop d’envie de travailler, qui sait se faire bien voir du prêtre et du chef de bureau, parce que c’est le type qui s’arrange, et qu’il a une extraordinaire capacité et une vaste gamme d’attitudes hypocrites adaptées pour chaque occasion. C’est en somme le parfait tableau de défauts de la petite-bourgeoisie romaine et méridionale. Les Italiens s’y mirent, et y reconnaissent les traits les pires de leur caractère » (Goffedo Fofi, « La comédie du miracle », dans Positif n°60, avril-mai 1964). La comédie critiquant le milieu petit bourgeois est symbolisée par Sordi qui interprète à plusieurs reprises ce type de personnage comme dans L’arte di arrangiarsi (L’art de se débrouiller, 1955) de Luigi Zampa où il joue un arriviste traverse toutes les périodes de l’histoire italienne depuis le début du siècle jusqu’aux années cinquante en s’accommodant à tous les régimes : le socialisme, le fascisme, le communisme, etc. Marcello Mastroianni en revanche ne peut être résumé à un seul personnage tant il s’est montré à l’aise dans tous les registres dès ses débuts au cinéma. Il partage très tôt son travail entre les œuvres comiques et dramatiques. Après une prestation très remarquée dans Le Notti bianche (Les nuits blances, 1957) de Luchino Visconti, il figure l’année suivante dans Il soliti ignoti (Le Pigeon, 1958) de Mario Monicelli dans un registre complètement différent, ce qui montre une nouvelle fois son ambivalence. Au niveau de la comédie, il développe dans son jeu un rythme semblable à certains modèles de la comédie américaine comme Cary Grant. Pendant les années 50, il apparait notamment dans des comédies qui mettent en valeur l’indépendance grandissante de la femme (ce qui montre là aussi une évolution de la comédie des mœurs). La femme indépendante est symbolisée principalement par Sophia Loren notamment dans les comédies de Vittorio De Sica, mais également Gina Lollobrigida qui comme nous l’avons vu interprète un personnage féminin de premier plan dans la série des Pain, amour de Comencini, il n’est alors pas étonnant de voir que c’est Sophia Loren qui a assuré la relève en remplaçant Gina Lollobrigida dans le troisième volet intitulé Pane, amore, e… (Pain amour ainsi soit-il, 1955) réalisé par Dino Risi. 9 e) Le Pigeon : un film charnière Toutes ces évolutions se synthétisent en 1958 dans I soliti ignoti (Le Pigeon) de Monicelli qui annonce la naissance de la véritable comédie « à l’italienne » des années 60, c'est-à-dire l’affirmation d’un genre plus codifié qui n’hésite plus à traiter le drame de manière comique. C’est en cela qu’il s’agit d’un film charnière qui marque une étape de première importance dans l’histoire de la comédie italienne. Monicelli avoue que Le Pigeon se base sur des films de hold-up comme Du Rififi chez les hommes (1955) de Jules Dassin ou Asphalt Jungle (Quand la ville dort, 1950) de John Huston, sauf qu’ici les gangsters sont des minables, des marginaux dont l’entreprise de hold-up ne peut que rater. Le film est basé sur l’échec, il met en scènes des laissés-pour-compte dont la société ne peut offrir une insertion, la décision de voler de l’argent est une réaction de survie car ce sont des personnages vivant tous dans la pauvreté ; le personnage joué par Mastroianni par exemple accepte de participer au hold-up pour pouvoir nourrir son nourrisson. Cette pauvreté est ici décrite sans ambigüité, on voit des quartiers miséreux, des bidonvilles, une accentuation des disparités sociales. Les cambrioleurs ne sont pas des criminels mais des individus isolés soumis à la débrouillardise. C’est là où l’on voit une réelle évolution dans le genre car désormais le comique est constamment présent tout au long du film et en même temps l’engagement social est y plus grand, le décor n’est jamais caché, il y a une affirmation d’un genre qui assume totalement l’idée de traiter avec drôlerie des sujet noirs liée à la situation sociale. C’est ainsi que l’on peut voir dans le film une scène où un des personnages se fait écraser par un tram, la scène a fait beaucoup parler d’elle à l’époque car c’était la première fois que les auteurs introduisaient une mort violente dans un film comique. Une donne liée à la réussite du Pigeon est aussi son casting qui compte des acteurs comme Marcello Mastroianni, Claudia Cardinale (dans un de ses premiers films), Renato Salvatori, et surtout Toto et Vittorio Gassman qui fait ici ses débuts dans le registre comique. Le rôle de Toto est d’ailleurs assez symbolique car il souligne le glissement d’une époque à une autre : Toto joue un vieux cambrioleur qui enseigne à des débutants l’art d’ouvrir un coffre fort, on peut y voir un passage de témoin entre Toto et Gassman qui prendra la relève dans le monde de la comédie italienne. 10 V. La comédie « à l’italienne » a) L’introspection par la comédie et changements des mœurs Le tournant pris avec Le Pigeon se confirme dès le début des années 60, notamment avec une série de films qui n’hésitent pas à traiter avec un comique féroce des sujets liés à l’histoire de l’Italie. Ces comédies mettent en avant par l’humour l’absurdité de certaines situations auxquelles les Italiens ont été confrontés durant leur histoire. C’est ce que l’on voit dans Tutti a casa (La Grande Pagaille, 1960) de Luigi Comencini qui décrit les aventures en Italie d’un sous lieutenant (joué par Alberto Sordi) après l’armistice signé par le maréchal Badoglio. Comencini a recours à la fois au drame et à la farce pour montrer le grotesque de la situation où d’un jour à l’autre les Italien devinrent les ennemis des Allemands. La grande guerra (La grande guerre, 1959) de Monicelli qui décrit les pérégrinations de deux hommes ordinaires (Vittorio Gassman et Alberto Sordi) engagés malgré eux dans la guerre est un film semblable qui oscille entre le ton comique et dramatique, tout comme La marcia sur Roma (La marche sur Rome, 1962) de Risi qui traite de la montée du fascisme sur un ton comique où là encore on suit les mésaventures de deux camarades (Vittorio Gassman et Ugo Tognazzi) qui ont décidé de joindre le mouvement fasciste et qui se retrouvent rapidement dépassés par les événements. Ces films prouvent que dans l’introspection historique, la comédie permet de mettre en avant le ridicule de situations douloureuses, elle permet d’aller parfois plus au fond des choses. Le choix d’aborder différentes périodes de l’histoire montre que la comédie italienne est à ce stade prête à traiter de tous les sujets, même les plus tabous. Ces satires montrent aussi l’évolution d’un pays avec les changements de mœurs, notamment dans Una vita difficile (Une vie difficile, 1961) de Dino Risi, dont le récit allant des années de Résistance 1944-1945 au développement économique des années 50 montre le changement de mentalité et la progressive perte des anciens idéaux. Le changement de mentalité et la dégradation de mœurs est un des thèmes que Dino Risi a le mieux traité dans ses films comiques. Dans les années 60, l’Italie connait un boom économique qui a pour conséquence d’accentuer les différences de mentalité et de fortunes. Risi brosse le portrait de cette société dans deux films qui font la synthèse de la situation d’alors : Il sorpasso (La Fanfaron, 1962) et I Mostri (Les Monstres, 1963). Le Fanfaron montre l’Italie du boom économique à travers deux personnages : celui joué par Gassman représente l’Italie qui vie pleinement la mutation économique, c’est un viveur irresponsable qui ne pense qu’à s’amuser, qui roule en voiture de sport et profite de ses vacances sans se poser de questions. Le personnage interprété par Jean-Louis Trintignant représente au contraire une société figée, aristocratique, qui vise à conserver un ordre établi. Malgré ses apparences de légèreté, Le Fanfaron se termine brutalement (comme c’était le cas pour La grande guerre) avec la mort du personnage de Trintignant qui laisse Gassman désarmé et qui l’oblige à prendre conscience du danger que l’insouciance peut provoquer. 11 b) Le film à sketches Les Monstres est une comédie qui parait encore plus satirique. Le recours du film à sketches permet brosser différentes situations qui aboutissent au final à un tableau de la société italienne. Il aborde ainsi différents thèmes et plusieurs classes sociales sont présentées ; le film tourne en dérision à la fois la justice, l’Eglise, les intellectuels, les italiens moyens, etc. Les thèmes de l’hypocrisie, l’égoïsme, la misogynie ou la corruption sont abordés. Ainsi Les Monstres donne un message acerbe en mettant en scène des situations absurdes où lors d’un procès un témoin finit par devenir l’accusé, on trouve des démocrates corrompus, un homme trompant sa femme avec celle de son meilleur ami, des gens qui ne semblent s’intéresser qu’aux objets de consommation comme les voitures ou la télévision, etc. D’autres films à sketches ont dénoncé les travers de la société comme Signore e signori (Ces messieurs dames, 1966) de Pietro Germi qui malgré sa Palme d’Or fut hué à Cannes en raison de son humour jugé grossier et vulgaire. Le film se déroule en trois actes où l’on découvre une société décadente. Les trois histoires sont une attaque féroce contre l’hypocrisie bourgeoise, la morale de classe, la justice, l’Eglise, la corruption, notamment dans la dernière partie du film où des notables arrivent à étouffer un scandale en donnant de l’argent à l’Eglise. L’ironie et l’humour noir du film qui décrit des situations scandaleuses le rendent d’autant plus corrosif. c) Divorce à l’italienne Pietro Germi avait déjà abordé la comédie satirique avec Divorzio all’italiana (Divorce à l’italienne, 1962), un des films les plus importants de cette époque. Là encore, la comédie permet de traiter des sujets tabous (ici le divorce) et de montrer leurs absurdités. Dans un village sicilien, un aristocrate tombe amoureux d’une jeune fille qu’il rêve d’épouser. Ne pouvant divorcer de sa femme car la loi l’interdit, il décide de la pousser à l’adultère pour pouvoir la tuer et sauver son honneur. Germi évoque le débat qui agite la société italienne depuis des décennies sur l’absence du divorce dans la législation tout en mettant en avant l’absurdité des traditions où un meurtre pour sauver son honneur est mieux vu qu’un divorce. Le comique du film ne réside pas uniquement dans son scénario mais aussi dans le jeu de Marcello Mastroianni (dans un de ses meilleurs rôles) et dans les choix narratifs orignaux notamment le fait d’entendre la voice-over de l’avocat de Mastroianni alors que le crime n’a pas encore été commis, il s’agit en fait de ce que pense Mastroianni qui imagine son avocat le défendre. Divorce à l’italienne prouve une nouvelle fois que l’humour est un des meilleurs moyens de critiquer les mœurs, c’est ce que souligne Pietro Germi à propos de son film : « Au départ, j’avais pensé à un film dramatique : mais les aspects paradoxaux de ces histoires ne parvenaient pas à se fondre aux éléments tragiques (…) Ainsi, au fur et à mesure que progressait le scénario et que le film prenait forme, nous nous sommes aperçus qu’il n’était pas possible d’éviter que les éléments franchement comiques ne prennent le dessus sur les éléments dramatiques, aussi nous vint-il naturellement l’idée de choisir un ton grotesque, qui est vraiment le seul possible pour ces histoire incroyables de délits d’honneur. » (Orio Caldiron, Pietro Germi. Le cinéma frontalier). 12 d) La comédie satirique Germi comme nous l’avons vu avec Ces messieurs dames a continué après Divorce à l’italienne à réaliser des satires féroces notamment en 1963 avec Sedotta e anbandonata (Séduite et abandonnée) où le cinéaste traite par l’absurde d’une loi qui l’est autant car elle vise à annuler l’accusation de détournement de mineur s’il y a un mariage. Contrairement à des films qui alternent des séquences dramatiques et humoristiques, Séduite et abandonnée est racontée sur un mode grotesque du début à la fin, là encore pour insister sur l’absurdité des mœurs siciliennes. Ces films montrent que la comédie italienne se concentre alors davantage sur des satires sociales qui critiquent les mœurs et non sur des personnages opprimés vivant dans la misère. L’humour se montre de plus en plus cynique et les thèmes abordés sont également plus nombreux, ce qui parfois peut provoquer un scandale comme dans Il medico della mutua (Le médecin de la mutuelle, 1968) de Luigi Zampa où Sordi joue un médecin uniquement préoccupé par l’argent, le film déclencha un sérieux affrontement au Parlement. Le rôle des scénaristes est déterminant dans cette volonté de transformer le genre pour le faire aborder sans complexe tous les sujets, on peut citer notamment les collaborations entre Age et Scarpelli pour des films comme La grande guerre, La marche sur Rome, La grande pagaille ou encore L’armata Brancaleone (L’armée Brancaleone, 1966) réalisé par Monicelli, et également la collaboration entre Ruggero Maccari et Ettore Scola qui ont participé aux scénarios de films comme Le Fanfaron. Les acteurs jouent évidemment un rôle important dans l’évolution de la comédie italienne des années 60, c’est à cette période où Sordi, Gassman, Mastroianni, Tognazzi et Manfredi trouvent la consécration dans des rôles de personnages plus travaillés. Les actrices sont moins présentes mais on note que Sophia Loren continue à tourner des comédies, notamment le film à sketches Ieri, Oggi, Domani (Hier, aujourd’hui et demain, 1963) et Matrimonio all’italiana (Mariage à l’italienne, 1964), deux comédies réalisées par Vittorio De Sica où Loren donne la réplique à Marcello Mastroianni avec qui elle forme un couple dans deux nombreux films. La révélation de ces années est surtout Monica Vitti qui après avoir fait sa carrière chez Antonioni se reconvertie dans le registre comique où elle s’impose avec La ragazza con la pistola (La Fille au pistolet, 1968) de Monicelli. 13 VI. La poursuite du discours satirique La poursuite de ce discours avec des comédies fortement satiriques continue dans les années 70. Pietro Germi continue de s’attaquer au problème du divorce dans la législation italienne dans son dernier film, Alfredo, Alfredo (1972) avec Stefania Sandrelli et Dustin Hoffman qui s’inscrit donc dans la lignée de ses précédents films. Dino Risi donne un portrait cruel de l’Italie des années 70 dans In nome del popolo italiano (Au nom du peuple italien, 1972) où il dénonce par le grotesque la corruption qui règne dans le milieu politique. Risi continue par la comédie d’aborder différentes questions comme le célibat des prêtres dans La Moglie del prete (La femme du prêtre, 1971) ou le terrorisme dans Mordi e fuggi (Rapt à l’italienne, 1974), on remarque toute fois chez le cinéaste une évolution vers un comique moins mordant. a) L’argent de la vieille Comencini réalise un film satirique qui une nouvelle fois mêle des éléments comiques et dramatiques avec Lo Scopone scientifico (L’argent de la vieille, 1972), l’histoire d’une vieille américaine milliardaire (Bette Davis) dont la passion consister à jouer au « Scopone scientifico », jeu de cartes napolitain qui se joue à quatre personnes, deux contre deux. Elle fait équipe avec son chauffeur (Joseph Cotten) et défie un couple de prolétaires, Antonia (Silvana Mangano) et Peppino (Alberto Sordi), qui habite dans le bidonville situé non loin de la luxueuse villa où séjourne la vieille. Comencini a recours par la comédie à une analyse de la lutte des classes, le cinéaste note à ce sujet : « Le film est une allégorie sur le pouvoir, la différence de classes sociales, la lutte, la façon de conduire la lutte ou de ne pas la conduire pour le sous-prolétariat ». Le film présente donc l’affrontement entre la puissance économique et le sous-développement : le prolétaire reçoit un peu de capital pour pouvoir commencer la partie, mais le pouvoir ayant des ressources financières inépuisables finit toujours par gagner. C’est ce que Comencini montre dans la scène du film où Antonia et Peppino gagnent de plus en plus d’argent et sont sur le point de remporter la partie, mais au dernier moment la milliardaire se ressaisie et reprend tout l’argent qu’elle a perdu. Le couple de prolétaire continu cependant d’affronter la vieille sans se rendre compte qu’il n’y pas d’issue et que cette entreprise est vouée à l’échec. Le cinéaste met en avant le manque de lucidité. Seule la fillette Cléopatra ne cherche pas à avoir l’argent de la vieille mais préfère la faire disparaitre en lui donnant un gâteau empoisonné, le message de Comencini est que les conflits de classes ne se résolvent pas par des compromis mais par des bouleversements radicaux. L’argent de la vieille est un exemple de ces films qui sous des apparences de divertissement contiennent une forte charge politique où tous les personnages ont un rôle symbolique (comme c’est le cas par ex pour La ferme des animaux de George Orwell). Comencini signe en 1979 une comédie visant à faire un commentaire des différentes classes de la société avec L’ingorgo (Le Grand Embouteillage) où à la manière d’un film à sketches, diverses situations sont mises en scène lors d’un embouteillage. Le film débute sur des aspects de comédie pour se finir sur le drame. 14 b) Un humour toujours plus grinçant Les films à sketches des années 70 apparaissent comme une sorte de bilan mis à jour par rapport à ce qui a été fait dans les années 60 en matière de comédie. Ainsi est réalisé en 1978 I nuovi mostri (Les nouveaux monstres) de Monicelli, Scola et Risi. Le film parait comme la synthèse de tous les travers de la société, tout est traité avec un humour très noir. Les nouveaux monstres reprend le principe des Monstres (on y retrouve Gassman et Tognazzi avec en plus Sordi et Ornella Muti), il dresse le portrait d’une société où tout semble être devenu possible, la moindre situation a un caractère inattendu : on y voit au fil des épisodes un homme aller manger tranquillement des spaghettis alors qu’il vient d’assister à un assassinat dans la rue, un homme affirme son amour filial à sa mère avant de l’enfermer dans un hospice, un citoyen respectable tue soudainement une autostoppeuse, etc. Avec un humour grinçant, Les nouveaux monstres décrit une société inquiétante sans réel point de repère. Monicelli, Risi et Comencini continuent à réaliser des comédies dans les années 70 mais peu de nouveaux cinéastes apparaissent dans les années 70 ce qui annonce un déclin du genre. L’exception vient de Ettore Scola qui réalise des comédies avec des objectifs politiques clairement perceptibles, notamment Drama della gelosia (Drame de la jalousie, 1970) avec Monica Vitti, Marcello Mastroianni et Giancarlo Giannini qui interprètent des personnages définis avec leurs caractéristiques, et Brutti, Sporchi e Cattivi (Affreux, sales et méchants, 1976 ) avec Nino Manfredi où Scola réalise une comédie corrosive en dépeignant la vie quotidiennes d’une famille vivant dans un bidonville romain. A propos des comédies satiriques Scola déclare : « Je crois de manière absolue au film populaire, populaire dans le sens qu’il investit directement le public, qu’il en interprète les idées et qu’il en continue le discours et les idées à l’intérieur du récit (…) L’humour a une composante indiscutable qui est de n’être jamais réactionnaire. L’humour est toujours contre quelque chose, il n’est jamais aimé par le pouvoir, par aucun type de pouvoir : il n’y a pas d’humour de gouvernement. L’humour a sa force de contestation propre. En ce sens, il est progressiste » (Jean A. Gili, Le cinéma italien 1). 15 CONCLUSION La comédie italienne après avoir connu son âge d’or n’arrive plus réellement à se renouveler et même Scola s’en éloigne pour tourner des films dramatiques comme C'eravamo tanto amati (Nous nous sommes tant aimés, 1974) ou Una Giornata particolare (Une journée particulière, 1977). La crise que connait le cinéma italien dans les années 80 amène le déclin net d’un genre qui dans son évolution a toujours été étroitement lié à la situation générale du cinéma même si Risi réalise encore des comédies et on note aussi à cette époque quelques nouvelles figures comme Nanni Moretti, Maurizio Nichetti ou Roberto Begnini Toujours est-il que la comédie italienne est un genre dont l’importance fut capitale dans l’histoire du cinéma italien car il a de permis jouer un rôle introspectif et de comprendre la réalité d’un pays, ainsi Mario Monicelli note « La comédie italienne a été le miroir du pays dans sa constante évolution. Plus que les autres activités culturelles, elle a servi à modifier la mentalité du citoyen italien, à faire tomber ses préventions, ses préjugés, ses tabous » (La Revue du Cinéma n°317, mai 1977). Ce fut un genre qui contrairement au néoréalisme a réussi à s’inscrire dans la durée puisque la production fut intense pendant trois décennies durant lesquelles l’Italie a connu un genre cinématographique dont les caractéristiques lui sont propres. 16