La lettre au théâtre

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Travailler en séquences
Proposition de séquence
La lettre au théâtre
Séquence proposée à partir d’extraits qui ne sont pas dans le manuel Français Première mais qui
peuvent correspondre à des lectures cursives :
• Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour, proverbe (1834), acte II, scène 1 (« Déjà levée,
cousine ?… Elles sortent »), acte II, scène 4, acte III, scène 2 (« Ô sainte Université de Paris ! »… fin
de la scène).
• Racine, Iphigénie en Aulide, tragédie, (1674) : acte I, scène 1 (v. 63-157), acte I, scènes 3 et 4
(v. 329-358), acte III, scène 5 (v. 897-927)
• Beaumarchais, La Mère coupable, drame en cinq actes, en prose, (1792) : acte II, scène 1, acte III,
scène 2 (« Quelques mots d’établissement… mais ma faiblesse a combattu. »), acte III, scènes 5 et 6.
Nous proposons de faire découvrir aux élèves l’intérêt du recours à la lettre
dans l’écriture théâtrale. Croisé avec « Théâtre : texte et représentation »,
l’objet d’étude « l’épistolaire » montre ainsi une fois encore son apport à une
réflexion sur les genres littéraires.
Objets d’étude
• L’épistolaire
• Théâtre : texte et représentation
Perspective dominante
• Étude des genres et des registres
Perspective complémentaire
complémentaire
• Histoire littéraire et culturelle
Objectifs
• Le genre épistolaire a fécondé le roman ; mais la lettre apparaît aussi dans
des romans qui ne sont pas épistolaires, comme document à valeur illustrative
ou relais passager d’un récit pris en charge par l’auteur. Il s’agit de faire sentir
qu’au théâtre, la lettre est objet, accessoire. Parfois simplement citée par les
personnages, elle peut être lue par eux sur scène : à la double énonciation, qui
fait du spectateur le destinataire de son contenu, s’ajoute l’intérêt pour l’intrigue,
qu’elle fait avancer.
Lectures cursives et prolongements
Cette séquence nous semble de nature à inciter les élèves à lire dans son intégralité
l’une ou l’autre pièce abordée dans des extraits : pour aller jusqu’au dénouement,
pour vérifier leurs hypothèses sur ce dernier, pour organiser un débat oral à partir
d’un thème (à titre d’exemple, à propos de Racine : le sacrifice antique ; à propos de
Musset : nature et religion, amour humain et amour de Dieu ; à propos de
Beaumarchais : le temps efface-t-il la faute ?)
TRAVAILLER EN SÉQUENCE 1
Déroulement de la séQ uence
Séance 1 Un billet au contenu non révélé
On ne badine pas avec l’amour, II, 1 – « Déjà levée, cousine ? … (Elles sortent) »
◗ Objectif : Montrer que l’écriture du billet fait partie de l’action (elle en découle) mais
que le spectateur, non informé sur le contenu, trouve son intérêt excité. Le contenu du
billet ne sera révélé qu’en II, 5 : Camille, piquée par l’indifférence de Perdican, lui avait
écrit par l’intermédiaire de dame Pluche en vue de l’explication de cette quatrième entrevue entre elle et Perdican.
Séance 2 Un billet au destinataire incertain
On ne badine pas avec l’amour, II, 4
◗ Objectif : Montrer que, le spectateur en sachant plus que les personnages, le billet se
prête à d’amusants malentendus. L’originalité de cette scène sur le plan dramatique
dépend entièrement de l’existence de la lettre et des difficultés de son transport. Quant
à Maître Blazius, tout en dénonçant sans fondement Camille au baron, il se révèle, dans
une atmosphère de fantaisie, à la fois mauvais conseiller et représentant de la morale
religieuse.
Séance 3 Une lettre qui manque son destinataire
On ne badine pas avec l’amour, III, 2
◗ Objectif : Montrer que l’auteur se sert de la lettre pour faire avancer l’action en se
jouant de ses personnages. Blazius, « en disgrâce complète pour avoir volé une bouteille », essaie d’intercepter une lettre de Camille, pour justifier ses accusations de correspondance secrète (cf. II, 4). Perdican le surprend, se saisit de la missive, la lit. Blessé
à vif dans son orgueil par ce qui y est dit de lui, il décide de donner un rendez-vous à
Camille pour courtiser Rosette en sa présence. Cette scène cumule une lettre, et un billet
dont le contenu est dévoilé et qui appelle la scène suivante, capitale pour le basculement
de la pièce dans la tragédie.
Séance 4 Le proverbe et le drame comme genres de théâtre
Exposés de recherches à partir des textes de la séquence pour une synthèse d’ensemble,
prenant en compte le rôle de la lettre.
Séance 5 Une lettre privée lue sur scène
La Mère coupable, II, 1
◗ Objectif : Faire la distinction entre la lettre privée qui peut se lire comme telle (elle joue
sur l’énoncé : « Puis en caractères sanglants : “blessé à mort, je rouvre cette lettre…” »)
et le souci de la « représentation, manifeste quand on étudie les didascalies » (la lettre
occupe presque tout le texte de cette scène).
◗ Sujet d’invention : Au lieu d’écrire à Camille dans l’idée qu’elle assiste à une scène où
il fasse sa cour à Rosette, Perdican a écrit une lettre d’amour à Rosette en s’arrangeant
pour qu’elle tombe entre les mains de Camille. Cette lettre est destinée à être lue par
Camille au cours d’une scène.
Séance 6 L’objet lettre au théâtre
La Mère coupable, II, 2 (« Quelques mots d’établissement … mais ma faiblesse a combattu »)
◗ Objectif : Montrer que Beaumarchais, par les procédés de la comédie, veut donner
aussi un sens symbolique et moral à la destruction des papiers privés contenus dans une
compromettante cassette.
Séance 7 Un billet au contenu non révélé
La Mère coupable, III, 5 et 6
◗ Objectif : Les lettres du page, objets concrets, sont placées au cœur d’une mise en scène
où le feu participe de la représentation d’un sacrifice moral. Autre signification : le nouveau Tartuffe qu’est Bégearss tente d’obliger la Comtesse à brûler ces papiers.
TRAVAILLER EN SÉQUENCE 2
Séance 8 (deux heures) L’action tragique se noue
Iphigénie en Aulide, acte I, scène1 (v. 63-157), acte I, scènes 3 et 4 (v. 329-358), acte III,
scène 5 (v. 897-927).
◗ Objectif : Faire comprendre que le spectacle tragique est un spectacle de parole : la
lettre est évoquée par les paroles d’Agamemnon ; le spectateur, à mesure qu’il s’exprime,
perçoit que toutes les tentatives de ses deux lettres n’ont pu s’opposer à la marche du
destin.
• Dans la première heure, on fera dégager du corpus proposé l’histoire qui est racontée
dans Iphigénie, la diégèse, puis on rendra sensibles, par tout moyen (par exemple le schéma actanciel), les forces qui se liguent contre le secret espoir du père.
• Dans la deuxième heure, on reviendra plus précisément, de manière analytique, sur les
passages qui sont en rapport avec la lettre :
– Vers 92-107 : récit de scène d’exposition, circonstances d’écriture et imprudence
d’Agamemnon, soulignée par la réplique d’Arcas.
– Vers 121-135 et 142-157 : énonciation, révolte humaine et nouvelle stratégie,
contenu du « billet » et discours indirect…
Séance 9 La vérité éclate
Iphigénie en Aulide, acte III, scène 5 (v. 897-927)
◗ Objectif : Montrer, par une lecture analytique, que toute la scène déplace l’intérêt vers
l’affrontement entre Agamemnon et sa famille. La première lettre a amené cette dernière
au camp alors qu’il n’aurait pas fallu, la seconde, qui ne lui est pas parvenue, n’a pu la
tenir éloignée, contrairement à ce qui servirait la volonté du père. Dans une tragédie, la
lettre ne participe de l’action que pour aller dans le sens voulu par le destin.
Séance 10 Synthèse tabulaire
Drame
Tragédie
Proverbe
La lettre comme objet
en train d’être écrite
existence matérielle
peu matérialisée
transportée, interceptée
cachée, brûlée, mise en cendres
L’objet lettre (l’énoncé)
condition de son écriture
Lettre et représentation
lue par un personnage
lue par un personnage
message rapporté
participe à une mise en scène
Lettre et action
élément faisant progresser
l’action
vanité des tentatives humaines
Effet sur le destinataire
provoque la réaction de P.
Effet sur le spectateur
suscite l’intérêt
émeut, informe
On peut opposer la sobriété du recours à la lettre dans la tragédie, œuvre de parole, aux
effets pathétiques ou de fantaisie, imprévisibles, du théâtre post-classique. La lettre se
prête davantage dans ce dernier cas à la représentation, dans laquelle elle s’intègre, permettant au comédien d’en tirer les meilleurs effets sur son public. Dans le domaine de
l’écriture, on s’aperçoit que l’abandon de la convention du tragique redonne aux personnages leur responsabilité dans l’action. La lettre participe grandement des effets des
uns sur les autres et montre sa capacité à susciter des réactions qui peuvent aller jusqu’à
leur conséquence ultime (le tragique de Musset n’est plus celui de Racine).
Beaumarchais, quant à lui, soucieux d’édifier son public avec son drame, relègue dans
le passé (vingt ans !) toute intrigue amoureuse pour se concentrer sur les conséquences
présentes d’une faute dont les lettres conservées depuis ce temps sont le témoignage :
recherchées, découvertes, finalement détruites, elles fournissent le support de cette
enquête et de cette réflexion morale, sur les marges de la comédie.
Séance 11 Correction du sujet d’écriture donné en séance 5
TRAVAILLER EN SÉQUENCE 3
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