Astrophysique et hautes énergies Observables de spin et structure des noyaux Parmi les méthodes d’étude de la structure nucléaire, les techniques usuelles de spectroscopie par réaction s’appuient sur les distributions angulaire et énergétique des particules diffusées dans des collisions faisceau-cible. L’utilisation de faisceaux polarisés pour lesquels le spin des projectiles a une orientation privilégiée, conduit à des modifications notables des distributions angulaires observées. Par ailleurs, l’emploi de polarimètres permet de déterminer la polarisation des particules diffusées. Ces techniques apportent un éclairage nouveau sur l’influence du spin dans l’interaction responsable de la cohésion de la matière nucléaire. LES NUCLÉONS, LEUR SPIN ET LEUR ISOSPIN es noyaux atomiques sont composés de protons et de neutrons liés entre eux essentiellement par l’interaction forte. Le proton et le neutron ont une structure interne très semblable et un comportement identique en regard de cette interaction. Il est en effet connu depuis très longtemps que, mises à part les forces électromagnétiques dues à la charge du proton et aux moments magnétiques des protons et neutrons, les forces qui se développent entre deux protons, deux neutrons ou entre un proton et un neutron sont les mêmes. Cette similitude a conduit à considérer que les protons et les neutrons ne sont pas deux particules différentes mais deux états différents d’une même particule : le nucléon. Afin de distinguer ces états on introduit un nombre quantique, l’isospin, qui a les mêmes propriétés mathématiques qu’un moment angulaire en mécanique quantique mais n’agit pas dans le même espace. En fait, L Institut de physique nucléaire d’Orsay (UMR 6424-CNRS-IN2P3), Université Paris XI, Boite postale 1, 91406 Orsay Cedex. 98 l’isospin d’une particule est relié à la charge de cette particule. Dans le cas du nucléon qui est d’isospin 1/2, celui-ci n’a que deux projections possibles sur un axe quelconque : + 21 qui correspond au proton et − 21 qui correspond au neutron. En mécanique quantique, le spin correspond au moment cinétique intrinsèque d’une particule. Mesuré en unités de \, constante de Planck, le spin d’une particule est toujours entier ou demi entier. C’est l’un des nombres quantiques les plus importants pour décrire les propriétés des particules. On sait que les particules élémentaires constituant la matière sont de spin demi-entier (fermions) alors que celles qui véhiculent les interactions sont de spin entier (bosons). Dans le cas du nucléon dont la structure est complexe, son spin est la résultante des spins et des moments orbitaux de ses constituants. Il est bien connu que ce spin est de 1 \ mais la contribution à celui-ci 2 des divers constituants est encore l’objet de nombreuses recherches. (Voir l’article de V. Breton et H. Fonvieille dans ce même numéro). Dans un noyau, les nucléons ne sont pas isolés ; il convient donc d’examiner le spin d’un ensemble de nucléons en interaction. Dans le cas de deux nucléons en interaction, les nombres quantiques caractérisant leur état sont la résultante des nombres quantiques de chacun d’eux. Ainsi le spin d’une paire de nucléons poura être S = 0 ou S = 1 et, puisque l’isospin possède les mêmes propriétés mathématiques que le spin, cette paire peut être dans un état d’isospin T = 0 ou T = 1. Une paire de nucléons en interaction existe donc dans quatre états distincts caractérisés par le couple ~ S, T ! de cette paire. L’interaction entre deux nucléons comporte donc quatre termes correspondant chacun à un état de spin-isospin particulier. Dans l’interprétation quantique de la force entre deux nucléons, chaque terme de l’interaction est associé à l’échange de mésons pouvant transporter les nombres quantiques correspondants. Ces mésons étant de masses différentes pour les différents termes, la force liant les deux nucléons en interaction a une intensité et une portée différentes selon le couplage ~ S, T ! de ceux-ci. L’interaction qui assure la cohésion du noyau atomique peut être considérée comme la somme des interactions existant dans chacune des paires de nucléons possibles. Il est clair que la description du comportement d’un tel système est extrêmement complexe à cause du très grand nombre de degrés de liberté. C’est pourquoi les physiciens ont Astrophysique et hautes énergies cherché à le représenter par des modèles plus simples permettant de décrire telle ou telle propriété du noyau. Dans une hypothèse extrême, les nucléons sont supposés se mouvoir indépendamment l’un de l’autre sur des orbites stationnaires ayant chacune une énergie et un moment angulaire bien définis : c’est le modèle des couches suggéré dès les années 30 par Bartlett et d’autres physiciens, puis développé dès 1949 par M.G. Mayer et indépendamment par D. Haxel, J.H. Jensen et H.E. Suess. Ce modèle suppose que la force effective sur chaque nucléon dérive d’un potentiel moyen et que chaque nucléon se déplace avec un moment orbital constant 6. Le spin S se couple à son moment orbital L et produit une énergie de couplage proportionnelle au produit scalaire L . S. Selon que le spin est parallèle ou antiparallèle au moment orbital, le niveau d’énergie du nucléon va se déplacer vers le bas ou vers le haut. L’état de moment angulaire 6 va donc sous l’effet du spin se séparer en deux niveaux de moment angulaire total j = 6 ± 1 . Cet effet du spin, connu 2 sous le nom de splitting spin-orbite, est nécessaire pour expliquer les nombres magiques (nombres de nucléons pour lesquels le noyau a une stabilité particulièrement grande) qui correspondent à des couches complètes. MODES D’EXCITATION D’UN NOYAU L’état fondamental d’un noyau est celui où les nucléons ont l’énergie la plus basse permise par le principe de Pauli (un seul nucléon par état possible). Dans une image simplifiée, lorsqu’on donne de l’énergie au noyau, celle-ci est d’abord recueillie par l’un des nucléons. Ce nucléon peut la conserver pour lui seul et changer d’état ; on a alors une excitation individuelle. C’est souvent le cas pour des niveaux faiblement excités. L’énergie d’un tel niveau est celle qui a été gagnée par le nucléon qui a changé de couche et les nombres quantiques caractéristiques sont ceux de la paire nucléon-trou ainsi formée. Les valeurs du spin et de l’isospin du trou étant les mêmes que celles du nucléon, les nombres quantiques caractérisant une excitation sont ceux d’une paire nucléonnucléon. On distinguera donc quatre types de transitions : DS = 0, 1; DT = 0, 1. Les transitions correspondant à DS = 1 sont dites excitations de spin. Les transitions correspondant à DT = 0 sont appelées transitions isoscalaires et celles correspondant à DT = 1 sont des transitions isovectorielles. La description du noyau dans ce domaine d’énergie d’excitation est améliorée en ajoutant au champ moyen une interaction ayant lieu entre le trou et la particule formés : c’est l’interaction résiduelle. Du même type que l’interaction Nucléon-Nucléon elle comporte aussi quatre termes. Les niveaux discrets à faible énergie d’excitation sont bien décrits par un modèle de ce type (modèle des couches). Quand l’énergie déposée dans le noyau augmente, les niveaux atteints ont une durée de vie plus courte (possibilité de se désexciter en émettant une particule) et sont donc plus larges conformément au principe d’incertitude d’Heisenberg DE . Dt ≈ \. Les niveaux se chevauchent et il devient difficile de les distinguer. Dans ce domaine d’excitation (appellé le continu) de larges excitations résonnantes apparaissent (Résonances géantes). De tels effets ne peuvent se produire que grâce à une coordination entre le mouvement de plusieurs nucléons : ce sont des excitations collectives. Ce comportement peut être illustré par une image simple : Les nucléons étant liés entre eux par une forte interaction, lorsque l’un d’eux reçoit de l’énergie, il peut en transmettre une partie à ses voisins et ainsi de proche en proche l’énergie se trouve distribuée entre un grand nombre de nucléons. Le mouvement se propage dans le noyau un peu comme une onde et il existe des états stationnaires dans lesquels le mouvement des nucléons est cohérent. Ce sont des excitations résonnantes. Le premier modèle de ce type est celui de la goutte liquide introduit dès 1937 par N. Bohr et F. Kalckar où les nucléons du noyau se comportent comme les molécules dans un fluide. Une déformation de la surface sphérique donne naissance à des oscillations de celle-ci. Dans l’encadré 1, nous donnons une image simple de telles excitations collectives qui correspondent à une vibration des nucléons du noyau autour d’une position moyenne d’équilibre. LES MYSTÈRES DU CONTINU Alors que les niveaux à faible énergie d’excitation sont maintenant bien connus dans de nombreux noyaux, le continu recèle encore quelques mystères que la mesure des observables de spin peut contribuer à éclaircir. Pour ne pas alourdir cet article nous focaliserons notre attention sur un seul exemple : la séparation des composantes isoscalaires ~ DT = 0 ! et isovectorielles ~ DT = 1 ! des excitations de spin ~ DS = 1 ! dans les noyaux. Voyons d’abord quel est l’intérêt de cette séparation. Les excitations collectives DS = 0, pour lesquelles les nucléons de même spin oscillent en phase, ont été étudiées intensivement durant les années 70 tant sur le plan théorique qu’expérimental et ont apporté des renseignements sur les parties correspondantes de l’interaction Nucléon-Nucléon (voir encadré 1), donc sur deux des quatre termes que comporte cette interaction. Pour accéder aux deux termes restants il est nécessaire d’étudier les transitions de spin ~ DS = 1 ! qui sont plus difficiles à isoler. Historiquement, le premier mystère de cette recherche est apparu dans l’étude de la radioactivité b. − Rappelons que la radioactivité b 99 Encadré 1 EXCITATIONS COLLECTIVES D’UN NOYAU Dans le modèle dit de la goutte liquide, une image simple des excitations collectives peut être donnée : Les protons et les neutrons possédant un spin 1, deux orientations sont possi2 bles : spin haut ~ ↑ ! et spin bas ~ ↓ !. Le fluide nucléaire composant le noyau possède donc quatre composantes (protons ~ ↑ !, protons ~ ↓ !, neutrons ~ ↑ !, neutrons ~ ↓ !. Dans ce modèle, une excitation collective est interprétée comme une vibration du fluide nucléaire autour d’une position d’équilibre sphérique. Le moment orbital (multipolarité) de la résonance correspondante est alors relié à la déformation qui apparaît au cours de cette vibration. On distingue pour chaque multipolarité L quatre modes différents (voir figure) : le mode où les protons et les neutrons oscillent en phase, le mode où ils oscillent en opposition de phase, celui où spin haut et spin bas vibrent en phase et celui où spin haut et spin bas sont en opposition de phase. Si un observateur regarde un point voisin de la surface du noyau il ne verra pas de modification du mélange proton-neutron si ceux-ci vibrent en phase, c’est le mode isoscalaire DT = 0 (le préfixe « iso » se réfère à l’isospin et le mot « scalaire » est associé à la valeur nulle de DT !. Si les protons et neutrons oscillent en opposition de phase, notre observateur va voir les protons se transformer en neutrons et réciproquement au cours du temps. Ceci correspond au mode isovectoriel DT = 1 (le mot « vecteur » est ici associé à la valeur 1 de DT dont la projection sur un axe arbitraire peut prendre les trois valeurs − 1, 0, 1 !. De même, l’observateur verra les spins se retourner ou non au cours du temps selon que les spins hauts et bas oscillent en opposition de phase ou en phase. Ce sont alors le mode de spin DS = 1 (appelé aussi mode magnétique) et le mode électrique DS = 0. Dans la description quantique de telles excitations collectives, on peut montrer que chaque type de vibration, caractérisé par le couple ~ DS, DT !, est excité par le terme correspondant, noté VDS, DT , de résulte de la transformation d’un neutron du noyau en proton, avec émission d’un électron (et d’un antineutrino) *. Les transitions b sont donc isovectorielles ~ DT = 1 !. En ce qui concerne le spin, on distingue les transitions b de Fermi, pour lesquelles l’état de spin du nu- + * Réciproquement, la radioactivité b est la transformation d’un proton du noyau en neutron avec émission d’un positon (et d’un neutrino). 100 l’Hamiltonien de l’interaction nucléon-nucléon dans la matière nucléaire. Il existe donc quatre termes V0, 0, V0, 1, V1, 0, V1, 1 . L’étude de chacune de ces excitations apporte donc des renseignements sur le terme VDS, DT qui l’induit. Représentation géométrique de quelques types de résonances dans le modèle de la goutte liquide à quatre composantes. Les différentes multipolarités correspondent à divers types de déformations au cours des mouvements oscillatoires qui sont symbolisés par des flèches à deux têtes ; P↑, P↓, N↑, N↓ représentent les protons spin haut et bas et les neutrons spin haut et bas respectivement. Les résonances isovectorielles ~ DT = 1 ! et isoscalaires ~ DT = 0 ! correspondent à des oscillations des protons et neutrons en opposition de phase et en phase respectivement. Notons qu’un état dipolaire ~ DS = 0 DT = 0 ! correspondant à un mouvement de translation d’ensemble du noyau ne constitue pas une excitation de celui-ci et n’est donc pas une résonance. cléon concerné reste inchangé ~ DS = 0 !, et les transitions de Gamow-Teller pour lesquelles cet état est modifié ~ DS = 1 !. Alors que la théorie prévoit des probabilités sensiblement égales pour ces deux types de transitions, les transitions de Fermi sont souvent observées avec de grandes intensités, alors que les transitions de GamowTeller sont rares et peu intenses. Comment expliquer ce phénomène ? En 1960, une explication simple est donnée : ces excitations DS = 1 sont concentrées dans une résonance du continu inaccessible à travers les transitions b d’énergie trop faible pour l’atteindre. Cette explication a été confirmée depuis par l’observation de ce type de résonance de Gamow-Teller ~ DS = 1, DT = 1, DL = 1 !, par de nombreux laboratoires dans des réactions d’échange de charge telles que 40 40 p + 20 Ca → n + 21 Sc. Au cours de telles réactions, comme dans les − transitions b , un neutron du noyau se transforme en proton, mais cette fois l’énergie disponible est plus Astrophysique et hautes énergies grande puisqu’elle provient d’une collision projectile-cible. Des résonances isovectorielles de spin on aussi été observées par diffusion inélastique de protons A A ~ p + Z X → p′ + Z X !, dans le mode dipolaire ~ DL = 1 ! et également dans le mode quadrupolaire ~ DL = 2 !. Cette étude apporte des renseignements sur le terme V1, 1 de l’Hamiltonien d’interaction qui induit les transitions DS = 1 DT = 1 (voir encadré 1) mais jusqu’à ces dernières années peu d’informations étaient disponibles sur les transitions de spin isoscalaires ~ DS = 1 DT = 0 ! qui ne sont que faiblement excitées. En effet, très peu de niveaux peuplés par de telles transitions à partir du niveau fondamental des noyaux sont connus, et la distribution des énergies correspondantes dans le continu reste largement inexplorée. Cette information est pourtant essentielle car la comparaison de la position en énergie de ces niveaux par rapport à ceux qui résultent d’excitations isovectorielles de spin donne des contraintes indispensables pour les calculs théoriques relatifs à l’interaction résiduelle dans le noyau dont le terme (appelé A0 ! qui correspond au couplage DS = 1 DT = 0 reste très mal connu. Une analyse phénoménologique des niveaux à faible énergie d’excitation conduit ainsi à g0 ≈ 1 à 1,4 alors que les prédictions théoriques oscillent entre − 0,16 et 0,72. Des études supplémentaires, permettant de déterminer les énergies des niveaux correspondant aux excitations de spin isoscalaires, et de mettre en évidence d’éventuelles excitations collectives DS = 1 DT = 0 (ondes isoscalaires de spin) étaient donc nécessaires. LES MÉTHODES D’INVESTIGATION Une réaction nucléaire dans laquelle on bombarde une cible avec un faisceau non polarisé de projectiles légers (protons, deutons, 3He, 4 He ! est l’un des moyens couram- ment utilisés pour étudier la structure nucléaire. En effet, l’énergie des particules diffusées et leur distribution angulaire donnent des informations sur la position en énergie et sur la multipolarité des excitations. Mais tous les termes de l’interaction « effective » NucléonNucléon * contribuent à la section efficace, et la mesure des seules sections efficaces ne permet pas d’isoler la contribution de chacun d’eux ni a fortiori de distinguer l’une de l’autre les excitations isoscalaires et isovectorielles de spin dans le continu. Cependant, le choix de la réaction et du projectile permet d’isoler certains termes de l’interaction grâce aux règles de sélection de la mécanique quantique. Les deux exemples qui suivent nous montreront que ces méthodes restent insuffisantes pour isoler les excitations isoscalaires de spin. – Une réaction d’échange de charge (par exemple p + 40 20 Ca → 40 n + 21 Sc) n’excite que les transitions DT = 1 (car un neutron est remplacé par un proton dans le noyau durant la réaction), mais ne sépare pas les excitations DS = 0 et 1. – Les deutons étant d’isospin nul, ils ne peuvent exciter que les transitions isoscalaires. On dispose ainsi d’une sonde sélective de ces transitions, mais la diffusion est dominée par l’interaction centrale ~ DS = 0 !. L’observation des contributions DS = 1 requiert donc une signature c’est-à-dire une observable physique qui ne prenne des valeurs appréciables que pour ces transitions de spin. Seule une observable dépendant du spin peut remplir ce rôle. Expérimentalement, on utilise alors des faisceaux polarisés, pour lesquels le spin des projectiles est initialement orienté dans une di- * On parle d’interaction effective car on se trouve dans un noyau et chaque paire de nucléons en interaction n’est pas isolée. rection privilégiée. Un cas particulièrement intéressant est celui où le spin du projectile va se trouver modifié lors de la collision. C’est le phénomène de spin-flip décrit et analysé ci-dessous. Dans le cas où l’on regarde la modification de la projection du spin sur un axe perpendiculaire au plan de diffusion, on peut montrer que les transitions DS = 0 ne contribuent pas de façon significative à ce phénomène qui s’avère donc être une bonne signature des transitions DS = 1. La puissance de cette méthode est illustrée dans la figure 1 qui synthétise les résultats obtenus en 1982 par S.J. Seestrom-Morris et ses collaborateurs qui ont pour la première fois mesuré la probabilité de spinflip Snn (définie rigoureusement cidessous) à 397 MeV aux Etats-Unis à Los Alamos (LAMPF) * grâce à la méthode (décrite plus bas) que nous avons ensuite utilisée et qui permet de faire des mesures y compris dans le continu. Cette figure montre qu’après multiplication par Snn les niveaux déja connus comme étant DS = 0 dans le 12C disparaissent alors que les niveaux DS = 1 persistent. OBSERVABLES DE SPIN ET PROBABILITÉ DE SPIN-FLIP Les méthodes d’étude utilisées consistent à mesurer les distributions angulaires et l’état de polarisation des particules diffusées dans une cible (le projectile étant polarisé ou non). Les résultats obtenus s’expriment en fonction de trois classes de paramètres qui déterminent le * Les premières données concernant la probabilité de spin-flip Snn mesurées à basse énergie par diffusion de protons ~ p, p′ !, ont été obtenues à Jülich en 1975 par H.V. Geramb et ses collaborateurs, et analysées en 1977 par J.M. Moss, W. D. Cornelius et D.R. Brown, mais ces données ne concernent que certains ni12 veaux discrets du C. 101 pour que la projection du spin du projectile sur un axe perpendiculaire au plan de diffusion (appelé habituellement y) soit modifiée lors de la diffusion. Elle s’exprime par des relations simples à partir des observables de spin. Cependant, la situation est différente selon que le projectile est un proton (spin 1/2) ou un deuton (spin 1). Dans le cas d’une diffusion de protons (spin 21) seules les valeurs msy = ± 21 de la projection du spin sur l’axe y sont permises et la probabilité de spin-flip, nommée Snn, sera la probabilité pour que l’on ait un retournement du spin ~ Dmsy = ± 1 !. On peut alors montrer que l’on a : y′ Snn = 1 ~ 1 − K y ! . 2 Figure 1 - Après multiplication par la probabilité de spin-flip Snn, le spectre d’excitation du 12 C, présenté sur la partie haute de la figure, ne montre plus que les transitions DS = 1 (partie inférieure de la figure). En particulier, les niveaux déjà connus comme étant DS = 0 (car étant excités par diffusion a, a ' par exemple) représentés en grisé sur la figure ont disparu. Les résultats présentés ont → → été obtenus en diffusion ~ p , p ′ ! par S.J. Seestrom-Moriss et al. au LAMPF. pouvoir polarisant de la réaction, son pouvoir d’analyse et le transfert de polarisation. Les effets observés peuvent se comprendre par une analogie avec la diffusion de deux boules de billard, selon que l’on donne ou non de « l’effet » à la boule incidente, le sens de l’axe de rotation des boules sur elles-mêmes étant l’analogue de l’orientation du spin. Ainsi, quand un faisceau non polarisé (la boule incidente n’est pas en rotation) est diffusé par une cible, le faisceau diffusé acquiert une polarisation (la boule diffusée tourne sur elle-même) qui dépend de l’angle de diffusion et de l’état atteint dans le noyau résiduel. On définit ainsi le pouvoir polarisant d’une réaction nucléaire donnée. Lorsque le faisceau incident est polarisé (la boule incidente est en rotation), les taux de comptage à un angle de diffusion donné sont modifiés (la boule n’est plus diffusée symétriquement). On définit alors les pouvoirs d’analyse qui permettent 102 d’obtenir, pour chaque angle et chaque état atteint, la modification des taux de comptage dûe à la polarisation incidente. De plus, la polarisation du faisceau diffusé est modifiée (la rotation de la boule diffusée est différente). On définit alors les paramètres de transfert de polarisation qui caractérisent cette modification. Ces quantités sont définies plus rigoureusement dans l’encadré 2. On notera que la mesure d’un pouvoir d’analyse ne requiert qu’un faisceau polarisé, que la mesure d’un pouvoir polarisant nécessite la mesure de la polarisation du faisceau diffusé, donc l’usage d’un polarimètre mais pas d’un faisceau polarisé et que la mesure d’un paramètre de transfert de polarisation demande à la fois l’usage d’un faisceau polarisé et d’un polarimètre. Comme nous l’avons évoqué plus haut, parmi les phénomènes étudiés, le spin-flip est particulièrement intéressant. On définit la probabilité de spin-flip comme étant la probabilité y′ (1) Le paramètre K y (défini dans l’encadré 2) est une fonction de l’angle de diffusion et de l’énergie d’excitation du noyau appelée coefficient de dépolarisation vectorielle. C’est une observable de spin accessible à l’expérience. Les calculs théoriques indiquent que, au moins lorsque le transfert d’impulsion est faible, Snn ≈ 0 pour toutes les transitions DS = 0 alors que Snn est positif et prend des valeurs appréciables pour une transition DS = 1. La probabilité de spin-flip apparaît donc bien comme un filtre sélectif des transitions DS = 1, c’est-à-dire une signature des excitations de spin. Pour une diffusion de deutons, la situation est plus compliquée car le deuton a un spin égal à 1 et trois valeurs msy = 0, ± 1 sont permises. On aura donc trois probabilités de spin-flip qui sont nommées S0, S1 et S2. Elles représentent la probabilité pour que la projection du spin du deuton sur l’axe y change de 0, 1 et 2 unités respectivement. Comme dans le cas des protons, ces probabilités sont reliées à des observables de spin mesurables expérimentalement. On montre théoriquement que S1 possède, pour la Astrophysique et hautes énergies Encadré 2 POLARISATION D’UN ENSEMBLE DE PARTICULES ET OBSERVABLES DE SPIN 1) POLARISATION D’UN ENSEMBLE DE PARTICULES En mécanique quantique, le spin s d’une particule (mesuré en unités de \) est toujours entier ou demi entier. Son orientation est définie par sa projection msz sur un axe de quantification z. Elle ne peut prendre que les 2 s + 1 valeurs vérifiant l’inégalité u msz u < s. Dans un ensemble de particules de même spin s, le spin de chaque particule peut avoir une orientation différente, l’ensemble étant polarisé si toutes les directions et les sens possibles n’ont pas la même probabilité. Par exemple, l’état de polarisation selon un axe z est défini si l’on connaît les 2 s + 1 nombres Nmsz de particules dont le spin a la projection de valeur msz sur cet axe de quantification. Il faut donc connaître deux grandeurs pour caractériser la polarisation d’un ensemble de particules de spin 1 , 3 pour 2 des particules de spin 1, etc... En repères cartésiens, les opérateurs Sz et Szz correspondant à la composante vectorielle et tensorielle (cas du spin 1) du spin selon l’axe z se représentent par les matrices : Sz = S10 −01 D Spin 1 2 Sz = S D S D 1 0 0 0 0 0 0 0 −1 1 0 0 Szz 0 − 2 0 0 0 1 Spin 1 Plutôt que de définir les 2 s + 1 nombres Nmsz il est plus pratique de les remplacer par 2 s + 1 combinaisons linéaires indépendantes dont les coeffıcients sont les valeurs propres des opérateurs de spin. Ainsi, pour un ensemble de particules de spin 1 on remplace N1/2 et N− 1/2 par N = N1/2 + N− 1/2 et 2 N1/2 − N− 1/2 et pour un ensemble de particules de pz = N1/2 + N− 1/2 spin 1, N− , N0 et N + sont remplacés par : N + − N− N + − 2 N0 + N− N = N− + N0 + N + , pz = , pzz = . N N N est le nombre de particules, pz la polarisation vectorielle, associée à l’opérateur Sz et pzz la polarisation tensorielle, associée à l’opérateur Sz. diffusion de deutons, les mêmes propriétés que Snn pour la diffusion de protons. Cette observable constitue donc une signature des transitions de spin qui s’ajoute à la sélectivité isoscalaire de la diffusion de deutons. Cependant, sa mesure requiert la mesure de la polarisation tensorielle des deutons diffusés qui 2) OBSERVABLES DE SPIN Dans le cas d’une réaction nucléaire on doit distinguer l’ensemble de particules caractérisant l’état initial de celui caractérisant l’état final. Les grandeurs qui décrivent l’état final sont reliées à celles qui décrivent l’état initial par des relations linéaires dont les coeffıcients sont des observables de spin caractérisant la réaction. Ainsi, pour un faisceau de particules de spin 1 diffusé sur une cible non polarisée, on a par 2 définition : S S Nf = N0 1 + Nfp k ′ = N0 P (A p i i k″ + (K i D D k′ i pi i i = x, y, z i = x, y, z k′ = x′, y′, z′ (1) (2) Nf et N0 sont les nombres de particules dans l’état final lorsque le faisceau incident est respectivement polarisé ou non polarisé. Ils sont proportionnels aux sections effıcaces de diffusion d’un faisceau polarisé et non polarisé respectivement. Les grandeurs pi sont les composantes de la polarisation du k′ faisceau incident, et les p celles de la polarisation du faisceau diffusé. Ces formules définissent les observables de spin : les Ai sont appelés pouvoirs d’analyse vectoriels de la k′ réaction, les P pouvoirs polarisants vectoriels, et les k′ Ki paramètres de transfert de polarisation. Toutes ces grandeurs (hormis pi) sont des fonctions de l’angle de diffusion et de l’énergie d’excitation et sont caractéristiques de la réaction. Dans le cas de particules de spin 1, les formules se compliquent car il peut y avoir une polarisation tensorielle tant dans l’état initial que dans l’état final. Il apparaît alors une troisième équation définissant cette grandeur dans l’état final et des termes supplémentaires qui reflètent l’action de la polarisation tensorielle du faisceau incident sur les grandeurs caractérisant l’état final. n’était pas réalisable dans des conditions satisfaisantes au cours de nos expériences. On peut toutefois définir une signature « vectorielle » des transitions DS = 1, appelée y S d qui s’écrit : y y′ S d = 4 + 2 Ayy − 2 K y . 3 (2) Le paramètre Ayy est le pouvoir y′ d’analyse tensoriel et K y est le coefficient de dépolarisation vectorielle (voir encadré 2). On peut montrer y que cette grandeur S d est égale à la probabilité de spin-flip S1 pour les transitions DS = 0, donc qu’elle est très voisine de zéro pour ces 103 transitions. Dans le cas des transiy tions DS = 1, on montre que S d reste une très bonne approximation de S1 aux petits angles de diffusion. y L’observable S d est donc dans ce domaine pratiquement égale à la probabilité de spin-flip isoscalaire. Des mesures réalisées sur le niveau 12 DS = 1 à 12,7 MeV dans le C à l’aide d’un polarimètre tensoriel de faible extension (POLDER), confirment cette prédiction. LES EXPÉRIENCES Les expériences décrites cidessous ont été réalisées par une collaboration de trois laboratoires français et de trois laboratoires américains. Elles avaient pour but la séparation des excitations de spin isoscalaire ~ DT = 0 ! et isovectorielle ~ DT = 1 ! dans divers noyaux. Cette recherche comportait deux volets : a) une étude de la diffusion inélastique de protons polarisés → → ~ p , p ′ !, réalisée essentiellement à Los Alamos, permettant d’obtenir la réponse de spin totale – distribution des excitations DS = 1, quelle que soit la valeur de DT (0 ou 1) − b) une étude de la diffusion inélastique de deutons polarisés → → ~ d , d ′ !, réalisée au Laboratoire National Saturne, permettant d’extraire la réponse isoscalaire de spin – distribution des excitations DS = 1, DT = 0 − Pour ces deux types d’étude les probabilités de spin-flip s’expriment à partir des paramètres de transfert de spin (formules 1 et 2). Leur mesure se ramène donc à celle de ces observables. Nous avons vu que ces expériences nécessitent un faisceau incident polarisé et un polarimètre pour mesurer la polarisation des particules diffusées. Le faisceau est polarisé dès sa production à la source d’ions de l’accélérateur. La technique utilisée consiste à polariser les atomes d’hydrogène ou de 104 deutérium d’un jet atomique puis à transférer la polarisation de ces atomes aux noyaux grâce au fort couplage magnétique qui existe entre ces derniers et leur électron périphérique *. Les atomes sont ensuite ionisés par interaction avec un plasma d’électrons puis extraits de la source par un champ électrique intense. La polarisation du faisceau peut être modifiée à intervalles de temps réguliers. Ainsi, un faisceau de protons polarisés est délivré dans deux états, que nous appellerons + et –, et dont les polarisations sont respectivement py et − py (voir encadré 2). Dans le cas des deutons, il existe quatre états possibles qui correspondent aux divers signes relatifs des polarisations vectorielles et tensorielles. Le schéma de principe des expériences réalisées tant à Los Alamos (LAMPF) qu’au Laboratoire National Saturne (LNS) est donné sur la figure 2. Le faisceau polarisé est focalisé sur la cible à étudier, et les particules diffusées à un angle donné sont analysées par un spectromètre magnétique qui les disperse selon leur énergie cinétique. Elles sont détectées après le spectromètre par trois doubles chambres proportionnelles multifils qu’elles traversent successivement et qui constituent la partie avant du polarimètre. Chaque chambre donne les positions horizontale et verticale du * L’atome est d’abord polarisé grâce à une séparation de ses états de structure hyperfine par l’effet de Stern et Gerlach en champ magnétique et gradient de champ élevés (les atomes ayant l’une des orientations possibles du spin sont focalisés au centre d’un collimateur, ceux ayant l’orientation opposée sont défocalisés et donc perdus). Des transitions entre les sous-états magnétiques restants sont ensuite induites par des ondes électromagnétiques dans des cavités hyperfréquence. Ces transitions modifient la population de ces sous-états magnétiques ce qui permet d’obtenir les polarisations maximales des atomes. point de passage de chaque particule, permettant de reconstruire leurs trajectoires. La position d’une particule dans le plan focal détermine son énergie cinétique, donc la valeur de l’énergie d’excitation qu’elle a laissée dans le noyau étudié. Ensuite, les particules diffusent dans le bloc de carbone du polarimètre et leurs trajectoires après diffusion sont reconstruites à l’aide des trois doubles chambres à fils qui constituent la partie arrière de ce polarimètre. Ce dispositif permet d’analyser simultanément une large bande d’énergie d’excitation (typiquement 25 MeV pour des deutons de 400 MeV), et une bande de ± 1 ° autour de l’angle moyen de diffusion. Le déclenchement de l’analyse est réalisé par la coïncidence de trois plans de scintillateurs traversés successivement par les particules. Dans les mesures réali→ → sées tant en ~ p , p ′ ! qu’en → → ~ d , d ′ !, les événements, après un filtrage destiné à réduire les comptages parasites, sont stockés, en fonction de l’état de polarisation incident, de l’angle de diffusion, de l’énergie d’excitation du noyau cible, et des valeurs des angles polaire et azimutal de la diffusion dans le polarimètre. Le principe des polarimètres utilisés au LNS et à LAMPF pour mesurer la polarisation des particules diffusées sur la cible à étudier est le suivant : on les fait diffuser une seconde fois sur un bloc de carbone épais dont on connaît les pouvoirs d’analyse par une calibration préalable. On peut montrer (à partir de la formule 1 encadré 2 par exemple pour des protons) que la distribution angulaire azimuthale des particules issues de la seconde diffusion, possède une asymétrie proportionnelle à la polarisation des particules arrivant sur le bloc de carbone donc à la grandeur recherchée. L’analyse de cette distribution permet alors d’obtenir la polarisation vectorielle des protons ou des deutons avant leur diffusion dans le bloc de carbone. L’analyse Astrophysique et hautes énergies de ces événements stockés fournit pour chaque angle de diffusion et chaque énergie d’excitation du noyau cible, les valeurs de la section efficace, des pouvoirs d’analyse, des pouvoirs polarisants et des paramètres de transfert de polarisation. Le taux de comptage des particules diffusées par la cible à un angle donné dépend du produit du pouvoir d’analyse par la polarisation du faisceau incident (formule 1 de l’encadré 2). En combinant les comptages obtenus pour les divers états de polarisation du faisceau incident on peut donc mesurer les pouvoirs d’analyse. Ainsi, dans le cas de protons, si py est le taux de polarisation du faisceau incident et si N + et N− sont les comptages correspondants aux états + et – de ce faisceau respectivement on a : N + − N− Ay = 1 . N py + + N− Dans le cas des deutons, le principe est le même et les pouvoirs d’analyse vectoriel Ay et tensoriel Ayy sont donnés par des combinaisons différentes des comptages obtenus pour les différents états de polarisation du faisceau incident. Le pouvoir polarisant et les coefficients de transfert de polarisation s’obtiennent en combinant les polarisations des particules diffusées, mesurées pour les différents états de polarisation du faisceau incident. Ainsi, + dans le cas des protons, si p et − p sont les polarisations des protons diffusés quand le faisceau incident est dans les états + et – respectivement, on a (en utilisant la formule 2 de l’encadré 2) : + − y′ Ky = 1 @ ~ p − p ! 2 py + − + py Ay~ p + p ! # , et : y′ + − P = 1 @~ p + p ! 2 + − + py Ay~ p − p ! # . Dans le cas des deutons, les formules deviennent beaucoup plus longues. Finalement, en combinant Figure 2 - Schéma de principe des expériences permettant de mesurer la probabilité de spin-flip par diffusion inélastique de protons ou de deutons polarisés. Après diffusion dans la cible à étudier, les particules diffusées émises dans une direction définie par les angles polaire H1 et azimuthal U1 sont analysées en impulsion par un spectromètre magnétique. A la sortie du spectromètre, leurs trajectoi2 res sont repérées grâce à 3 doubles chambres proportionnelles multifils de 50 × 50 cm (C1, C2, C3). Une seconde diffusion a lieu dans un bloc d’analyse en carbone épais (jusqu’à 38 cm). Les trajectoires issues de cette seconde diffusion à un angle polaire H2 et azimuthal U2, sont déterminées 2 à l’aide de 3 doubles chambres de 100 × 100 cm (C4, C5, C6). Le déclenchement de l’analyse est réalisé par la coïncidence de 3 plans de scintillateurs (P1, P2, Q). Un absorbant de fer est utilisé dans le cas de la détection des deutons pour réaliser une identification de ceux-ci par une méthode de perte d’énergie. L’échelle de l’expérience peut être illustrée par quelques chiffres : le spectromètre a une longueur de 10 m, pèse 150 tonnes, est parcouru par un courant de 6 400 A et consomme 9 MW. Le polarimètre a environ 5 m de long et pèse 3,5 tonnes. ces grandeurs (voir formules 1 et 2) on accède à la probabilité de spinflip qui apparaît ainsi comme une fonction de l’angle de diffusion et de l’énergie d’excitation. Résultats obtenus par diffusion de → → protons polarisés ~ p , p ′ ! Les mesures effectuées visaient à rechercher les transitions de spin 12 40 90 dans le C, le Ca et le Zr en diffusion inélastique de protons de 319 et de 800 MeV au LAMPF ainsi qu’à 300 MeV sur les isotopes 44 48 du Ca ~ Ca et Ca !. La princi- pale surprise de ces mesures est la forte valeur (80 % à 90 %) de la réponse relative totale de spin dans le continu, définie à une énergie d’excitation donnée, comme l’intensité des excitations DS = 1 relativement à l’excitation totale cumulant DS = 0 et DS = 1. Depuis les premières expériences, il a été possible de repérer les excitations de spin dipolaires et quadrupolaires dans les isotopes du Ca et dans le 12 C montrant toujours un déplacement des transitions DS = 1 vers des énergies d’excitation plus élevées que pour des transitions 105 Figure 3 - Les calculs théoriques effectués à partir des données expérimentales de diffusion Nucléon-Nucléon libre obtenues par J. Bystricky d’une part et par R.A. Arndt d’autre part, montrent que la partie centrale V0,0 de l’interaction Nucléon-Nucléon présente un minimum entre 200 et 300 MeV d’énergie incidente alors que le terme V1,0 qui induit les transitions isoscalaires de spin décroît régulièrement. Le rapport V1,0 /V0,0, qui intervient au carré dans la probabilité d’exciter des transitions DS = 1 DT = 0 relativement à celle d’exciter des transitions DS = 0 DT = 0, est maximum entre 200 et 300 MeV par nucléon cette énergie favorisant donc les transitions de spin. DS = 0. Cependant, les expériences de transfert de spin en diffusion de protons polarisés ne permettent pas à elles seules de séparer les composantes isoscalaire et isovectorielle de ces transitions de spin ni d’apporter des renseignements sur leurs énergies d’excitation respectives. Résultats obtenus par diffusion de → → deutons polarisés ~ d , d ′ ! Pour rechercher les excitations DS = 1 DT = 0, il nous faut à la fois une bonne signature des transitions DS = 1 et un projectile permettant de sélectionner les transitions DT = 0 (isoscalaires) : c’est le cas des deutons, d’isospin nul, comme nous l’avons dit plus haut. Par un choix judicieux de l’énergie il est possible de réduire la dominance des transitions DS = 0 car le terme central de l’interaction Nucléon-Nucléon présente un mini106 mum entre 200 et 300 MeV (voir figure 3). Ainsi, le choix d’une énergie incidente de 200 à 300 MeV par nucléon conduit à un meilleur rapport entre les excitations DS = 1 et DS = 0. C’est pourquoi nous avons choisi d’utiliser la diffusion inélastique de deutons polarisés de 400 et 600 MeV. Dans ces expérieny ces, la valeur approchée S d de la probabilité de spin-flip permet d’isoler efficacement les transitions DS = 1. Elle a été utilisée dans des expériences réalisées sur le synchrotron SATURNE au LNS pour rechercher les transitions DS = 1 DT = 0 dans le 12C (voir figure 4) et le 40Ca à 400 et 600 MeV et dans le 90Zr et le 208Pb à 400 MeV. Nous avons vérifié expérimentalement sur le niveau DS = 1 à 12,7 MeV du y 12 C, que S d est pratiquement égale à la probabilité de spin-flip S1 que nous avons mesurée par ailleurs à l’aide d’un polarimètre tensoriel dont les caractéristiques ne permettaient d’accéder qu’à un faible domaine d’énergie d’excitation et à des transitions suffisamment intenses. Les résultats obtenus ont permis d’observer pour la première fois la distribution des excitations isoscalaires de spin dans ces noyaux. Des transitions encore inconnues ont pu être observées et les nombres quantiques (Moment angulaire et parité) caractérisant des niveaux déjà observés par ailleurs ont pu être déterminés. Les excitations DS = 1 DT = 0 se groupent parfois en larges résonances (suggérant l’existence d’ondes de spin) à des énergies d’excitation plus faibles que pour les excitations isovectorielles de spin. Contrairement aux observa→ → tions faites en ~ p , p ′ ! sur la réponse relative totale de spin pour de grandes énergies d’excitation, la réponse relative de spin isoscalaire *, * Définie pour chaque énergie d’excitation comme l’intensité des excitations DS = 1, DT = 0 relativement à la totalité des excitations isoscalaires en ce point. dans ce domaine, reste voisine de la valeur de 50 % prévue en l’absence de forts effets collectifs. La comparaison de cette distribution avec celle théoriquement prévue pour le 40 Ca conduit à une valeur du paramètre g0 de l’ordre de 0,25, plus basse que celle obtenue par l’analyse phénoménologique des niveaux de basse énergie d’excitation et compatible avec les prévisions théoriques pour ce paramètre. La comparaison des résultats obtenus en → → ~ d , d ′ ! avec ceux obtenus en → → ~ p , p ′ ! permet de séparer les parties isoscalaire et isovectorielle de la réponse des noyaux à l’excitation de spin (voir figure 4). Cette comparaison montre que dans le continu, la réponse isovectorielle de spin est intensifiée alors que les réponses DS = 1 DT = 0 et DS = 0 DT = 0 restent voisines. CONCLUSION La mesure des observables de spin offre une méthode puissante et unique pour obtenir des informations indispensables à une bonne compréhension de la structure des noyaux et des forces qui s’y développent. Après les expériences des années 1970 qui avaient permis d’atteindre la partie indépendante du spin de l’interaction nucléonnucléon dans la matière nucléaire, l’utilisation de faisceaux polarisés et de polarimètres a permis, notamment dans le travail présenté ici, d’accéder aux termes dépendant du spin. Ainsi, les distributions en énergie d’excitation des transitions isoscalaires et isovectorielles de spin dans un noyau ont pu être séparées, ce qui donne des contraintes fortes et indispensables pour les calculs des effets de corrélation existant entre les nucléons de ce noyau. Dans ce travail, qui concerne principalement l’excitation des transitions Astrophysique et hautes énergies → → Figure 4 - La probabilité de spin-flip isoscalaire S yd mesurée sur 12 C en ~ d , d ′ ! à 400 MeV est montrée en a). La présence de valeurs négatives (compatibles avec 0) vient de ce que cette probabilité n’est pas mesurée directement ; son expression contient la différence de deux observables mesurées chacune avec une barre d’erreur. la section effıcace de diffusion est présentée en b) et en c) y après intégration sur les bandes d’énergie d’excitation qui ont été utilisées pour la mesure de S d. y Après multiplication par S d, seules les transitions DS = 1 DT = 0 restent visibles (courbe d). Ces résultats ont été obtenus sur Saturne au LNS. → → Figure 5 - La comparaison de la réponse relative totale de spin mesurée en ~ p , p ′ ! avec la ré→ → ponse relative isoscalaire de spin obtenue en ~ d , d ′ ! permet de séparer les composantes isoscalaire et isovectorielle des excitations de spin. Les résultats obtenus sur le 40Ca sont présentés sur cette figure en fonction de l’énergie d’excitation du noyau de 40Ca. En a) le rapport de l’intensité des excitations de spin isoscalaires ( DS = 0, DT = 0 ) f10 , à l’intensité des excitations ( DS = 0, DT = 0 ), f00 , montre qu’elles sont d’intensité équivalente dans tout le spectre. Par contre, les excitations de spin isovectorielles ( DS = 1, DT = 1 ) f11 sont fortement intensifiées à grande énergie d’excitation (courbe b). DS = 1 dans le continu des noyaux, la diffusion de protons polarisés d’énergies intermédiaires a permis de mesurer la probabilité de spin-flip Snn qui est dominée par la composante isovectorielle de ces transitions. Une observable équivay lente, S d, définie en diffusion de → → deutons polarisés ~ d , d ′ ! fournit une signature de leur composante isoscalaire. Ces deux observables ont permis pour la première fois, de séparer les réponses isoscalaire et isovectorielle de spin de quelques noyaux. Ces expériences, réalisées respectivement à Los Alamos (U.S.A.) et au Laboratoire National Saturne (France), combinaient l’utilisation d’un faisceau polarisé et d’un polarimètre. Afin d’accéder aux composantes de polarisation tensorielle qui caractérisent les faisceaux de deutons polarisés, un polarimètre tensoriel (HYPOM) est actuellement développé au LNS par une collaboration internationale et va être très prochainement mis en service. Ce nouveau dispositif permettra un test encore plus efficace des modèles théoriques utilisés dans l’analyse des résultats obtenus. Notons enfin que les définitions de y Snn et de S d ne font intervenir que l’état initial et l’état final du proton ou du deuton ; leur validité est donc la même que la cible soit un noyau ou un nucléon. Ceci suggère fortement que cette méthode puisse être étendue dans l’avenir à la recherche de composantes isoscalaires de spin dans l’excitation du nucléon luimême. Il deviendrait alors possible d’explorer le terrain encore vierge des degrés de liberté isoscalaires de spin dans le domaine des résonances baryoniques, c’est-à-dire pour l’étude des états excités du nucléon. POUR EN SAVOIR PLUS Preston (M.A.), Physics of the Nucleus, publié par Addison-Wesley Pub. Comp. INC, 1963. Evans (R.D.), Le noyau atomique, publié par Dunod, 1961. 107 Blatt (J.M.), Weisskopf (V.F.), Theoretical Nuclear physics, publié par John Wiley and sons, 1963. Ohlsen (G.G.), “Polarization transfer and spin correlation experiments in nuclear physics”, Rep. Prog. Phys, 35, 717, 1972. Speth (J.), Electric and magnetic giant resonances in nuclei, publié par Word Scientific, Singapore. Seestrom-Morris (S.J.) et al., « Spin→ → 12 12 C~ p , p ′ ! C* flip probability in at 397 MeV », Phys. Rev. C26, 2131, 1982. Baker (F.T.) et al. « Spin decomposition of the responses of 44Ca and 48Ca to 300 MeV protons », Phys. Rev. C44, 1991, 93 et “Separation of DS = 0 and DS = 1 in the response Article proposé par Marcel Morlet, Tél. (1) 69.41.51.81 et Jacques Van De Wiele, Tél. (1) 69.41.73.28. Laboratoires engagés dans la collaboration Institut de physique nucléaire d’Orsay (CNRS-IN2P3), 91406 Orsay Cedex. Laboratoire national Saturne (CEA-IN2P3), CEN Saclay, 91191 Gif-sur-Yvette Cedex. Rutgers University, New Brunswick, New Jersey 08903. Department of Physics and Astronomy, University of South Carolina, Columbia, South Carolina 29208. University of Georgia, Athens, Georgia 30602. Dapnia-SPN, CEN Saclay, 91191 Gif-sur-Yvette Cedex. 108 of 12C to 318 MeV protons”, Phys. Rev. C48, 1106, 1993. Morlet (M.) et al. “Signatures for isoscalar transitions excited in → → ~ d , d ′ ! reactions”, Phys. Lett. B247, 228, 1990. « Isoscalar spin excitation in 40 Ca » Phys. Rev. C46, 1008, 1992 et « Isoscalar spin strength in 12C measured in 400 MeV deuteron inelastic scatering », Phys. Rev. C51, 1726, 1995.