Astrophysique et hautes énergies
Observables de spin et structure
des noyaux
Parmi les méthodes d’étude de la structure nucléaire, les techniques usuelles de spectroscopie par
réaction s’appuient sur les distributions angulaire et énergétique des particules diffusées dans des
collisions faisceau-cible. L’utilisation de faisceaux polarisés pour lesquels le spin des projectiles a
une orientation privilégiée, conduit à des modifications notables des distributions angulaires
observées. Par ailleurs, l’emploi de polarimètres permet de déterminer la polarisation des particules
diffusées. Ces techniques apportent un éclairage nouveau sur l’influence du spin dans l’interaction
responsable de la cohésion de la matière nucléaire.
LES NUCLÉONS, LEUR SPIN ET LEUR
ISOSPIN
L
es noyaux atomiques sont
composés de protons et de
neutrons liés entre eux es-
sentiellement par l’interaction forte.
Le proton et le neutron ont une
structure interne très semblable et
un comportement identique en re-
gard de cette interaction. Il est en
effet connu depuis très longtemps
que, mises à part les forces électro-
magnétiques dues à la charge du
proton et aux moments magnétiques
des protons et neutrons, les forces
qui se développent entre deux pro-
tons, deux neutrons ou entre un pro-
ton et un neutron sont les mêmes.
Cette similitude a conduit à consi-
dérer que les protons et les neutrons
ne sont pas deux particules différen-
tes mais deux états différents d’une
même particule : le nucléon. Afin de
distinguer ces états on introduit un
nombre quantique, l’isospin, qui a
les mêmes propriétés mathémati-
ques qu’un moment angulaire en
mécanique quantique mais n’agit
pas dans le même espace. En fait,
l’isospin d’une particule est relié à
la charge de cette particule. Dans le
cas du nucléon qui est d’isospin 1/2,
celui-ci n’a que deux projections
possibles sur un axe quelconque :
+
1
2
qui correspond au proton et −
1
2
qui correspond au neutron.
En mécanique quantique, le spin
correspond au moment cinétique in-
trinsèque d’une particule. Mesuré en
unités de
\
, constante de Planck, le
spin d’une particule est toujours en-
tier ou demi entier. C’est l’un des
nombres quantiques les plus impor-
tants pour décrire les propriétés des
particules. On sait que les particules
élémentaires constituant la matière
sont de spin demi-entier (fermions)
alors que celles qui véhiculent les
interactions sont de spin entier (bo-
sons). Dans le cas du nucléon dont
la structure est complexe, son spin
est la résultante des spins et des mo-
ments orbitaux de ses constituants.
Il est bien connu que ce spin est de
1
2\
mais la contribution à celui-ci
des divers constituants est encore
l’objet de nombreuses recherches.
(Voir l’article de V. Breton et
H. Fonvieille dans ce même nu-
méro).
Dans un noyau, les nucléons ne
sont pas isolés ; il convient donc
d’examiner le spin d’un ensemble
de nucléons en interaction. Dans le
cas de deux nucléons en interaction,
les nombres quantiques caractérisant
leur état sont la résultante des nom-
bres quantiques de chacun d’eux.
Ainsi le spin d’une paire de nu-
cléons poura être
S=0
ou
S=1
et,
puisque l’isospin possède les mêmes
propriétés mathématiques que le
spin, cette paire peut être dans un
état d’isospin
T=0
ou
T=1.
Une
paire de nucléons en interaction
existe donc dans quatre états dis-
tincts caractérisés par le couple
~
S, T
!
de cette paire. L’interaction
entre deux nucléons comporte donc
quatre termes correspondant chacun
à un état de spin-isospin particulier.
Dans l’interprétation quantique de la
force entre deux nucléons, chaque
terme de l’interaction est associé à
l’échange de mésons pouvant trans-
porter les nombres quantiques cor-
respondants. Ces mésons étant de
masses différentes pour les diffé-
rents termes, la force liant les deux
nucléons en interaction a une inten-
sité et une portée différentes selon
le couplage
~
S, T
!
de ceux-ci.
L’interaction qui assure la cohé-
sion du noyau atomique peut être
considérée comme la somme des in-
teractions existant dans chacune des
paires de nucléons possibles. Il est
clair que la description du compor-
tement d’un tel système est extrê-
mement complexe à cause du très
grand nombre de degrés de liberté.
C’est pourquoi les physiciens ont
Institut de physique nucléaire d’Orsay
(UMR 6424-CNRS-IN2P3), Université Pa-
ris XI, Boite postale 1, 91406 Orsay Ce-
dex.
98
cherché à le représenter par des mo-
dèles plus simples permettant de dé-
crire telle ou telle propriété du
noyau. Dans une hypothèse ex-
trême, les nucléons sont supposés se
mouvoir indépendamment l’un de
l’autre sur des orbites stationnaires
ayant chacune une énergie et un
moment angulaire bien définis :
c’est le modèle des couches suggéré
dès les années 30 par Bartlett et
d’autres physiciens, puis développé
dès 1949 par M.G. Mayer et indé-
pendamment par D. Haxel, J.H. Jen-
sen et H.E. Suess. Ce modèle sup-
pose que la force effective sur
chaque nucléon dérive d’un poten-
tiel moyen et que chaque nucléon se
déplace avec un moment orbital
constant . Le spin Sse couple à
son moment orbital Let produit une
énergie de couplage proportionnelle
au produit scalaire
L.S
. Selon que
le spin est parallèle ou antiparallèle
au moment orbital, le niveau d’éner-
gie du nucléon va se déplacer vers
le bas ou vers le haut. L’état de mo-
ment angulaire va donc sous l’ef-
fet du spin se séparer en deux ni-
veaux de moment angulaire total
j= ±1
2
. Cet effet du spin, connu
sous le nom de splitting spin-orbite,
est nécessaire pour expliquer les
nombres magiques (nombres de nu-
cléons pour lesquels le noyau a une
stabilité particulièrement grande)
qui correspondent à des couches
complètes.
MODES D’EXCITATION D’UN NOYAU
L’état fondamental d’un noyau
est celui où les nucléons ont l’éner-
gie la plus basse permise par le
principe de Pauli (un seul nucléon
par état possible). Dans une image
simplifiée, lorsqu’on donne de
l’énergie au noyau, celle-ci est
d’abord recueillie par l’un des nu-
cléons. Ce nucléon peut la conser-
ver pour lui seul et changer d’état ;
on a alors une excitation indivi-
duelle. C’est souvent le cas pour des
niveaux faiblement excités. L’éner-
gie d’un tel niveau est celle qui a
été gagnée par le nucléon qui a
changé de couche et les nombres
quantiques caractéristiques sont
ceux de la paire nucléon-trou ainsi
formée. Les valeurs du spin et de
l’isospin du trou étant les mêmes
que celles du nucléon, les nombres
quantiques caractérisant une excita-
tion sont ceux d’une paire nucléon-
nucléon. On distinguera donc quatre
types de transitions :
DS=0, 1;
DT=0, 1
. Les transitions corres-
pondant à
DS=1
sont dites exci-
tations de spin. Les transitions cor-
respondant à
DT=0
sont appelées
transitions isoscalaires et celles cor-
respondant à
DT=1
sont des
transitions isovectorielles.
La description du noyau dans ce
domaine d’énergie d’excitation est
améliorée en ajoutant au champ
moyen une interaction ayant lieu
entre le trou et la particule formés :
c’est l’interaction résiduelle. Du
même type que l’interaction
Nucléon-Nucléon elle comporte
aussi quatre termes. Les niveaux
discrets à faible énergie d’excitation
sont bien décrits par un modèle de
ce type (modèle des couches).
Quand l’énergie déposée dans le
noyau augmente, les niveaux at-
teints ont une durée de vie plus
courte (possibilité de se désexciter
en émettant une particule) et sont
donc plus larges conformément au
principe d’incertitude d’Heisenberg
DE.Dt\
. Les niveaux se che-
vauchent et il devient difficile de les
distinguer. Dans ce domaine d’exci-
tation (appellé le continu) de larges
excitations résonnantes apparaissent
(Résonances géantes). De tels effets
ne peuvent se produire que grâce à
une coordination entre le mouve-
ment de plusieurs nucléons : ce sont
des excitations collectives. Ce com-
portement peut être illustré par une
image simple : Les nucléons étant
liés entre eux par une forte interac-
tion, lorsque l’un d’eux reçoit de
l’énergie, il peut en transmettre une
partie à ses voisins et ainsi de pro-
che en proche l’énergie se trouve
distribuée entre un grand nombre de
nucléons. Le mouvement se propage
dans le noyau un peu comme une
onde et il existe des états stationnai-
res dans lesquels le mouvement des
nucléons est cohérent. Ce sont des
excitations résonnantes. Le premier
modèle de ce type est celui de la
goutte liquide introduit dès 1937 par
N. Bohr et F. Kalckar où les nu-
cléons du noyau se comportent
comme les molécules dans un
fluide. Une déformation de la sur-
face sphérique donne naissance à
des oscillations de celle-ci. Dans
l’encadré 1, nous donnons une
image simple de telles excitations
collectives qui correspondent à une
vibration des nucléons du noyau
autour d’une position moyenne
d’équilibre.
LES MYSTÈRES DU CONTINU
Alors que les niveaux à faible
énergie d’excitation sont maintenant
bien connus dans de nombreux
noyaux, le continu recèle encore
quelques mystères que la mesure
des observables de spin peut contri-
buer à éclaircir. Pour ne pas alourdir
cet article nous focaliserons notre
attention sur un seul exemple : la
séparation des composantes isosca-
laires
~
DT=0
!
et isovectorielles
~
DT=1
!
des excitations de spin
~
DS=1
!
dans les noyaux.
Voyons d’abord quel est l’intérêt de
cette séparation. Les excitations col-
lectives
DS=0
, pour lesquelles
les nucléons de même spin oscillent
en phase, ont été étudiées intensive-
ment durant les années 70 tant sur
le plan théorique qu’expérimental et
ont apporté des renseignements sur
les parties correspondantes de l’inte-
raction Nucléon-Nucléon (voir en-
cadré 1), donc sur deux des quatre
termes que comporte cette interac-
tion. Pour accéder aux deux termes
restants il est nécessaire d’étudier
les transitions de spin
~
DS=1
!
qui sont plus difficiles à isoler.
Historiquement, le premier mys-
tère de cette recherche est apparu
dans l’étude de la radioactivité
b
.
Rappelons que la radioactivité
b
Astrophysique et hautes énergies
99
résulte de la transformation d’un
neutron du noyau en proton, avec
émission d’un électron (et d’un an-
tineutrino) *. Les transitions
b
sont
donc isovectorielles
~
DT=1
!
.
En ce qui concerne le spin, on dis-
tingue les transitions
b
de Fermi,
pour lesquelles l’état de spin du nu-
cléon concerné reste inchangé
~
DS=0
!
,
et les transitions de
Gamow-Teller pour lesquelles cet
état est modifié
~
DS=1
!
.
Alors
que la théorie prévoit des probabili-
tés sensiblement égales pour ces
deux types de transitions, les transi-
tions de Fermi sont souvent obser-
vées avec de grandes intensités,
alors que les transitions de Gamow-
Teller sont rares et peu intenses.
Comment expliquer ce phénomène ?
En 1960, une explication simple est
donnée : ces excitations
DS=1
sont concentrées dans une résonance
du continu inaccessible à travers les
transitions
b
d’énergie trop faible
pour l’atteindre. Cette explication a
été confirmée depuis par l’observa-
tion de ce type de résonance de
Gamow-Teller
~
DS=1
,
DT=1
,
DL=1
!
,
par de nombreux la-
boratoires dans des réactions
d’échange de charge telles que
p+
20
40
Ca n+
21
40
Sc.
Au cours
de telles réactions, comme dans les
transitions
b
, un neutron du noyau
se transforme en proton, mais cette
fois l’énergie disponible est plus
* Réciproquement, la radioactivité b
+
est
la transformation d’un proton du noyau
en neutron avec émission d’un positon (et
d’un neutrino).
Encadré 1
EXCITATIONS COLLECTIVES D’UN NOYAU
Dans le modèle dit de la goutte liquide, une image simple des
excitations collectives peut être donnée : Les protons et les
neutrons possédant un spin 1
2, deux orientations sont possi-
bles : spin haut
~
!
et spin bas
~
!
. Le fluide nucléaire
composant le noyau possède donc quatre composantes (pro-
tons
~
!
,protons
~
!
,neutrons
~
!
,neutrons
~
!
.
Dans ce modèle, une excitation collective est interprétée
comme une vibration du fluide nucléaire autour d’une posi-
tion d’équilibre sphérique. Le moment orbital (multipolarité)
de la résonance correspondante est alors relié à la déforma-
tion qui apparaît au cours de cette vibration. On distingue
pour chaque multipolarité L quatre modes différents (voir
figure) : le mode où les protons et les neutrons oscillent en
phase, le mode où ils oscillent en opposition de phase, celui
où spin haut et spin bas vibrent en phase et celui où spin
haut et spin bas sont en opposition de phase. Si un observa-
teur regarde un point voisin de la surface du noyau il ne
verra pas de modification du mélange proton-neutron si
ceux-ci vibrent en phase, c’est le mode isoscalaire DT=0 (le
préfixe « iso » se réfère à l’isospin et le mot « scalaire » est
associé à la valeur nulle de DT
!
. Si les protons et neutrons
oscillent en opposition de phase, notre observateur va voir
les protons se transformer en neutrons et réciproquement au
cours du temps. Ceci correspond au mode isovectoriel DT=1
(le mot « vecteur » est ici associé à la valeur 1 de DT dont la
projection sur un axe arbitraire peut prendre les trois valeurs
1, 0, 1
!
. De même, l’observateur verra les spins se re-
tourner ou non au cours du temps selon que les spins hauts
et bas oscillent en opposition de phase ou en phase. Ce sont
alors le mode de spin DS=1 (appelé aussi mode magnétique)
et le mode électrique DS = 0. Dans la description quantique
de telles excitations collectives, on peut montrer que chaque
type de vibration, caractérisé par le couple
~
DS, DT
!
, est
excité par le terme correspondant, noté V
DS, DT
,de
l’Hamiltonien de l’interaction nucléon-nucléon dans la ma-
tière nucléaire. Il existe donc quatre termes V
0, 0,
V
0, 1,
V
1, 0,
V
1, 1
. L’étude de chacune de ces excitations apporte donc des
renseignements sur le terme V
DS, DT
qui l’induit.
Représentation géométrique de quelques types de résonances dans le
modèle de la goutte liquide à quatre composantes. Les différentes
multipolarités correspondent à divers types de déformations au cours
des mouvements oscillatoires qui sont symbolisés par des flèches à
deux têtes ; P,P,N,Nreprésentent les protons spin haut et
bas et les neutrons spin haut et bas respectivement. Les résonances
isovectorielles
~
DT=1
!
et isoscalaires
~
DT=0
!
correspondent à
des oscillations des protons et neutrons en opposition de phase et en
phase respectivement. Notons qu’un état dipolaire
~
DS=0
DT=0
!
correspondant à un mouvement de translation d’ensemble
du noyau ne constitue pas une excitation de celui-ci et n’est donc
pas une résonance.
100
grande puisqu’elle provient d’une
collision projectile-cible. Des réso-
nances isovectorielles de spin on
aussi été observées par diffusion
inélastique de protons
~
p+
Z
A
Xp′+
Z
A
X
!
,
dans le
mode dipolaire
~
DL=1
!
et éga-
lement dans le mode quadrupolaire
~
DL=2
!
.
Cette étude apporte
des renseignements sur le terme
V
1, 1
de l’Hamiltonien d’interaction
qui induit les transitions
DS=1
DT=1
(voir encadré 1) mais
jusqu’à ces dernières années peu
d’informations étaient disponibles
sur les transitions de spin isoscalai-
res
~
DS=1DT=0
!
qui ne
sont que faiblement excitées. En ef-
fet, très peu de niveaux peuplés par
de telles transitions à partir du ni-
veau fondamental des noyaux sont
connus, et la distribution des éner-
gies correspondantes dans le continu
reste largement inexplorée. Cette in-
formation est pourtant essentielle
car la comparaison de la position en
énergie de ces niveaux par rapport à
ceux qui résultent d’excitations iso-
vectorielles de spin donne des
contraintes indispensables pour les
calculs théoriques relatifs à l’inter-
action résiduelle dans le noyau dont
le terme (appelé
0
!
qui correspond
au couplage
DS=1 DT=0
reste
très mal connu. Une analyse phéno-
ménologique des niveaux à faible
énergie d’excitation conduit ainsi à
g
0
1
à 1,4 alors que les prédic-
tions théoriques oscillent entre
0,16
et 0,72. Des études supplé-
mentaires, permettant de déterminer
les énergies des niveaux correspon-
dant aux excitations de spin isosca-
laires, et de mettre en évidence
d’éventuelles excitations collectives
DS=1DT=0
(ondes isoscalai-
res de spin) étaient donc néces-
saires.
LES MÉTHODES D’INVESTIGATION
Une réaction nucléaire dans la-
quelle on bombarde une cible avec
un faisceau non polarisé de projecti-
les légers (protons, deutons,
3
He,
4
He
!
est l’un des moyens couram-
ment utilisés pour étudier la struc-
ture nucléaire. En effet, l’énergie
des particules diffusées et leur dis-
tribution angulaire donnent des in-
formations sur la position en énergie
et sur la multipolarité des excita-
tions. Mais tous les termes de l’inter-
action « effective » Nucléon-
Nucléon * contribuent à la section
efficace, et la mesure des seules sec-
tions efficaces ne permet pas d’iso-
ler la contribution de chacun d’eux
ni a fortiori de distinguer l’une de
l’autre les excitations isoscalaires et
isovectorielles de spin dans le
continu. Cependant, le choix de la
réaction et du projectile permet
d’isoler certains termes de l’interac-
tion grâce aux règles de sélection de
la mécanique quantique. Les deux
exemples qui suivent nous montre-
ront que ces méthodes restent insuf-
fisantes pour isoler les excitations
isoscalaires de spin.
Une réaction d’échange de
charge (par exemple
p+
20
40
Ca
n+
21
40
Sc
) n’excite que les transi-
tions
DT=1
(car un neutron est
remplacé par un proton dans le
noyau durant la réaction), mais ne
sépare pas les excitations
DS=0
et 1.
Les deutons étant d’isospin
nul, ils ne peuvent exciter que les
transitions isoscalaires. On dispose
ainsi d’une sonde sélective de ces
transitions, mais la diffusion est do-
minée par l’interaction centrale
~
DS=0
!
.
L’observation des
contributions
DS=1
requiert donc
une signature c’est-à-dire une obser-
vable physique qui ne prenne des
valeurs appréciables que pour ces
transitions de spin. Seule une obser-
vable dépendant du spin peut rem-
plir ce rôle. Expérimentalement, on
utilise alors des faisceaux polarisés,
pour lesquels le spin des projectiles
est initialement orienté dans une di-
rection privilégiée. Un cas particu-
lièrement intéressant est celui où le
spin du projectile va se trouver mo-
difié lors de la collision. C’est le
phénomène de spin-flip décrit et
analysé ci-dessous. Dans le cas où
l’on regarde la modification de la
projection du spin sur un axe per-
pendiculaire au plan de diffusion, on
peut montrer que les transitions
DS=0
ne contribuent pas de façon
significative à ce phénomène qui
s’avère donc être une bonne signa-
ture des transitions
DS=1
.
La puissance de cette méthode est
illustrée dans la figure 1 qui synthé-
tise les résultats obtenus en 1982
par S.J. Seestrom-Morris et ses col-
laborateurs qui ont pour la première
fois mesuré la probabilité de spin-
flip
S
nn
(définie rigoureusement ci-
dessous) à 397 MeV aux Etats-Unis
à Los Alamos (LAMPF) * grâce à la
méthode (décrite plus bas) que nous
avons ensuite utilisée et qui permet
de faire des mesures y compris dans
le continu. Cette figure montre
qu’après multiplication par
S
nn
les
niveaux déja connus comme étant
DS=0
dans le
12
C disparaissent
alors que les niveaux
DS=1
per-
sistent.
OBSERVABLES DE SPIN ET
PROBABILITÉ DE SPIN-FLIP
Les méthodes d’étude utilisées
consistent à mesurer les distribu-
tions angulaires et l’état de polarisa-
tion des particules diffusées dans
une cible (le projectile étant polarisé
ou non). Les résultats obtenus s’ex-
priment en fonction de trois classes
de paramètres qui déterminent le
* On parle d’interaction effective car on
se trouve dans un noyau et chaque paire
de nucléons en interaction n’est pas iso-
lée.
* Les premières données concernant la
probabilité de spin-flip S
nn
mesurées à
basse énergie par diffusion de protons
~
p, p
!
,ont été obtenues à Jülich en 1975
par H.V. Geramb et ses collaborateurs, et
analysées en 1977 par J.M. Moss,
W. D. Cornelius et D.R. Brown, mais ces
données ne concernent que certains ni-
veaux discrets du
12
C.
Astrophysique et hautes énergies
101
pouvoir polarisant de la réaction,
son pouvoir d’analyse et le transfert
de polarisation. Les effets observés
peuvent se comprendre par une ana-
logie avec la diffusion de deux bou-
les de billard, selon que l’on donne
ou non de « l’effet » à la boule inci-
dente, le sens de l’axe de rotation
des boules sur elles-mêmes étant
l’analogue de l’orientation du spin.
Ainsi, quand un faisceau non pola-
risé (la boule incidente n’est pas en
rotation) est diffusé par une cible, le
faisceau diffusé acquiert une polari-
sation (la boule diffusée tourne sur
elle-même) qui dépend de l’angle de
diffusion et de l’état atteint dans le
noyau résiduel. On définit ainsi le
pouvoir polarisant d’une réaction
nucléaire donnée.
Lorsque le faisceau incident est
polarisé (la boule incidente est en
rotation), les taux de comptage à un
angle de diffusion donné sont modi-
fiés (la boule n’est plus diffusée sy-
métriquement). On définit alors les
pouvoirs d’analyse qui permettent
d’obtenir, pour chaque angle et cha-
que état atteint, la modification des
taux de comptage dûe à la polarisa-
tion incidente. De plus, la polarisa-
tion du faisceau diffusé est modifiée
(la rotation de la boule diffusée est
différente). On définit alors les para-
mètres de transfert de polarisation
qui caractérisent cette modification.
Ces quantités sont définies plus ri-
goureusement dans l’encadré 2. On
notera que la mesure d’un pouvoir
d’analyse ne requiert qu’un faisceau
polarisé, que la mesure d’un pou-
voir polarisant nécessite la mesure
de la polarisation du faisceau dif-
fusé, donc l’usage d’un polarimètre
mais pas d’un faisceau polarisé et
que la mesure d’un paramètre de
transfert de polarisation demande à
la fois l’usage d’un faisceau polarisé
et d’un polarimètre.
Comme nous l’avons évoqué plus
haut, parmi les phénomènes étudiés,
le spin-flip est particulièrement inté-
ressant. On définit la probabilité de
spin-flip comme étant la probabilité
pour que la projection du spin du
projectile sur un axe perpendiculaire
au plan de diffusion (appelé habi-
tuellement y) soit modifiée lors de
la diffusion. Elle s’exprime par des
relations simples à partir des obser-
vables de spin. Cependant, la situa-
tion est différente selon que le pro-
jectile est un proton (spin 1/2) ou un
deuton (spin 1).
Dans le cas d’une diffusion de
protons (spin
1
2
) seules les valeurs
m
s
y=±1
2
de la projection du spin
sur l’axe ysont permises et la pro-
babilité de spin-flip, nommée
S
nn
,
sera la probabilité pour que l’on ait
un retournement du spin
~
Dm
s
y=±1
!
.
On peut alors mon-
trer que l’on a :
S
nn
=1
2
~
1K
y
y
!
. (1)
Le paramètre
K
y
y
(défini dans
l’encadré 2) est une fonction de
l’angle de diffusion et de l’énergie
d’excitation du noyau appelée coef-
ficient de dépolarisation vectorielle.
C’est une observable de spin acces-
sible à l’expérience.
Les calculs théoriques indiquent
que, au moins lorsque le transfert
d’impulsion est faible,
S
nn
0
pour toutes les transitions
DS=0
alors que
S
nn
est positif et prend
des valeurs appréciables pour une
transition
DS=1.
La probabilité
de spin-flip apparaît donc bien
comme un filtre sélectif des transi-
tions
DS=1,
c’est-à-dire une si-
gnature des excitations de spin.
Pour une diffusion de deutons, la
situation est plus compliquée car le
deuton a un spin égalà1ettrois
valeurs
m
s
y=0, ±1
sont permi-
ses. On aura donc trois probabilités
de spin-flip qui sont nommées
S
0
,
S
1
et
S
2
. Elles représentent la pro-
babilité pour que la projection du
spin du deuton sur l’axe ychange
de 0, 1 et 2 unités respectivement.
Comme dans le cas des protons, ces
probabilités sont reliées à des obser-
vables de spin mesurables expéri-
mentalement. On montre théorique-
ment que
S
1
possède, pour la
Figure 1 - Après multiplication par la probabilité de spin-flip S
nn
,le spectre d’excitation du
12 C,
présenté sur la partie haute de la figure, ne montre plus que les transitions DS=1(partie inférieure
de la figure). En particulier, les niveaux déjà connus comme étant DS=0(car étant excités par
diffusion a,a'par exemple) représentés en grisé sur la figure ont disparu. Les résultats présentés ont
été obtenus en diffusion
~
p
,p
!
par S.J. Seestrom-Moriss et al. au LAMPF.
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