Responsabilité et obligation du médecin de rendre compte

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CHAPITRE 9
Obligation du decin de rendre
compte et responsabilité du médecin
9.1. Obligation de rendre compte
L’obligation du médecin de rendre compte relève des dispositions régissant
le mandat.
Conformément à l’art. 400, al. 1 CO, le médecin est tenu de rendre compte de
manière détaillée à son patient. Les médecins employés par des hôpitaux organi-
sés selon le droit public sont soumis à une obligation analogue, conformément
à leurs devoirs de service de droit public.
La reddition de comptes implique l’obligation d’établir un rapport sur le dérou-
lement du suivi médical et sur les coûts du traitement. L’étendue de l’obligation
de rendre compte ne va toutefois pas au-delà des renseignements exigés par le
patient.
Lorsqu’un patient est incapable de discernement (p.ex. s’il est atteint de -
mence), le médecin doit rendre compte aux membres de la famille du patient les
plus proches, soit en première ligne au conjoint, en seconde ligne aux descen-
dants directs, et à titre exceptionnel à d’autres parents, à des colocataires ou à des
personnes assumant les soins de façon permanente. Si le patient a rédigé des di-
rectives anticipées ou une procuration couvrant une telle hypothèse, le médecin
doit alors rendre compte au représentant désigné par le patient. Lorsque le pa-
tient est un enfant, le médecin rend compte aux personnes habilitées à l’élever,
et lorsqu’il s’agit d’une personne sous curatelle, au curateur (voir chap. 3, droit
de la protection de l’adulte).
Le parent qui ne détient pas l’autorité parentale sur l’enfant «peut, tout comme
le détenteur de l’autorité parentale, recueillir auprès de tiers qui participent à la
prise en charge de l’enfant, notamment auprès […] de son médecin, des rensei-
gnements sur son état et son développement»
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. Ce faisant, le médecin est tenu
de sauvegarder les droits de l’enfant ou de l’adolescent. Si l’adolescent souhaite
qu’une information demeure confidentielle et dispose de la capacité de discerne-
ment pour se prononcer sur ce point, le médecin doit respecter une telle confi-
dentialité à l’égard des deux parents.
213 Art. 275a CC.
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9.2. Droit du patient de consulter et de copier
son dossier médical
La Loi fédérale sur la protection des données (LPD) règle les droits d’accès et
de copie du patient en ce qui concerne ses dossiers dans les cabinets médicaux
et dans les cliniques privées: en principe, le patient est en droit d’obtenir
une copie gratuite de l’intégralité de son dossier médical. Il peut être dérogé à
ce principe dans certaines institutions publiques.
Droit du patient de consulter et de copier son dossier médical dans
les cabinets médicaux et les cliniques privées
Le patient a en principe droit à une copie gratuite de l’intégralité de son dossier
médical,
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sous réserve des exceptions suivantes:
Le médecin est tenu de ne pas divulguer les informations fournies par des
tiers, notamment par les proches du patient, tant que ceux-ci n’y ont pas
consenti. En principe, le patient peut aussi exiger que lui soient remis les rap-
ports de sortie et de transfert, car ils font partie intégrante du dossier médical
(DM) qu’il a reçu. Il est toutefois judicieux d’inviter le patient à se procurer
de tels rapports directement auprès du médecin qui en est l’auteur. En effet,
ce n’est que de cette manière que le médecin ayant établi le rapport peut lui
aussi examiner si un tel rapport se fonde sur des informations provenant de
l’anamnèse de tierces personnes dont il doit préserver le caractère confiden-
tiel vis-à-vis du patient.
Le médecin peut ne pas divulguer des informations lorsqu’il a un intérêt pré-
pondérant à ce qu’elles demeurent confidentielles. En pratique, il s’agit ex-
clusivement des notes qu’il a prises en s’épanchant, pour ainsi dire, et qui
n’avaient pas leur place dans le DM.
Conformément à la LPD, le patient n’a pas de droit à se voir remettre l’original
du dossier, mais uniquement une copie. Ainsi, le fait de savoir si un médecin peut
remettre au patient le DM original contre accusé de réception relève davantage de
la question rhétorique, dans la mesure où il doit s’assurer que la remise de l’ori-
ginal ne viole pas des informations confidentielles relatives à des tiers (voir ci-
dessus). Si le médecin veut remettre au patient le DM original et que le dernier
traitement remonte à moins de dix ans, il lui est recommandé, pour des raisons
d’ordre juridique, d’en conserver une copie, car il demeure responsable pendant
dix ans d’éventuelles fautes médicales et supporte en outre le fardeau de la preuve
du consentement du patient aux traitements.
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214 Art. 8 LPD.
215 Voir les modèles de documents sur le site internet du Service juridique de la FMH.
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La LPD prévoit que les copies sont en principe gratuites. Le médecin indépendant
ou exerçant dans une clinique privée ne peut exiger de participation aux frais
que si «la communication des renseignements demandés occasionne un volume
de travail considérable» ou si le patient a déjà demandé la copie des mêmes don-
nées durant les douze mois précédents.
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Par ailleurs, le médecin doit préalable-
ment informer le patient du montant qu’il entend exiger.
Les copies d’examens radiologiques, en revanche, sont coûteuses. C’est pourquoi
les recommandations standard, notamment celles des assureurs en responsabilité
civile, conseillent de remettre au patient l’original, accompagné d’un répertoire,
contre accusé de réception. Les informations relatives aux examens radiologiques
sont de plus en plus souvent conservées sous forme numérique, ce qui permet de
procurer au patient qui le souhaite un support de données (CD).
Droit du patient de consulter et de copier son dossier médical dans
les hôpitaux et les maisons de retraite publics
Les cantons sont libres de règlementer eux-mêmes les questions relatives à la
consultation et à la copie des DM dans les hôpitaux et les maisons de retraite
publics. C’est ainsi que plusieurs lois cantonales sur les hôpitaux exigent dans tous
les cas le paiement d’un émolument pour la copie du dossier, et pas uniquement si
une telle copie exige un volume de travail considérable.
En revanche, les droits de consultation et de copie ne sauraient être fondamentale-
ment différents dans les hôpitaux et les maisons de retraite publics, car la Consti-
tution fédérale révisée de 1999 prévoit pour toute la Suisse le principe de l’autodé-
termination en matière d’information.
217
Ce principe exige la transparence pour
les citoyens et les citoyennes.
Droit de consulter et de copier les DM de patients décédés
Le secret médical doit en principe être préservé au-delà du décès du patient. Ce
principe découle des dispositions du Code pénal sur le secret professionnel; il
s’applique également aux hôpitaux publics et aux maisons de retraite. Si des
proches désirent recevoir des copies du dossier médical du défunt ou des ex-
traits de celui-ci –, le médecin doit se demander si le défunt aurait donné son as-
sentiment à une telle demande. Si le médecin connait bien le contexte familial
et s’il prend comme point de départ le consentement présumable du défunt, il
peut mettre le dossier médical à disposition, pour autant que cela soit nécessaire
pour répondre aux questions que se posent les proches. A cet égard, les informa-
tions nécessaires pour déterminer s’il y a eu faute médicale ne sont pas les mêmes
que celles qui permettent de déterminer si le patient était capable de discerne-
216 Art. 2 de l’Ordonnance relative à la Loi fédérale sur la protection des données (OLPD).
217 Art. 13 de la Constitution fédérale.
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ment à un moment donné antérieur. Si le médecin ignore le contexte familial ou
s’il ne peut pas conclure avec certitude que le patient décédé aurait consenti à la
consultation du dossier, le médecin se fera délier du secret professionnel par l’au-
torité compétente. Si le DM du défunt contient des informations délicates, il peut
s’avérer judicieux de désigner d’entente avec les proches, ou avec le médecin can-
tonal, un médecin impartial chargé d’étudier le DM sous l’angle des questions qui
se posent concrètement; le cas échéant, celui-ci dissimulera les informations non
pertinentes dans la copie remise éventuellement aux proches.
9.3. Responsabilité du médecin en droit civil
et en droit pénal
Le médecin est tenu envers le patient de contribuer au mieux de ses connais-
sances et de ses capacités à l’amélioration de la santé de ce dernier. Il ne
répond toutefois pas du succès du traitement et ne doit pas davantage garantir
un certain résultat.
Droit civil: la question de la faute
Pour que la responsabilité civile d’un médecin soit engagée, trois conditions
doivent être réunies:
Le médecin a commis une faute.
Le patient a subi un dommage.
Il existe un lien de causalité entre la faute et le dommage.
La question de la faute est centrale dans le cadre de la procédure civile. Selon la
jurisprudence, il doit être procédé au traitement selon les règles de l’art médical.
Le médecin est tenu de traiter les malades de manière appropriée. Il doit faire
preuve de la diligence que l’on peut raisonnablement exiger de lui pour proté-
ger leur vie et leur santé. A cet égard, la responsabilité du médecin n’est pas limi-
tée aux infractions graves, mais s’étend en principe à toute violation de son de-
voir de diligence. Une telle violation est réalisée lorsqu’une faute est commise,
lorsqu’un diagnostic, une thérapie ou une autre intervention médicale n’appa-
raissent plus défendables au regard de l’état général de la science médicale et ne
sont donc pas conformes aux règles de l’art médical.
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