Hôpitaux Universitaires Paris Centre Cochin Broca Hôtel Dieu Unité de Psychiatrie et d’Addictologie Adulte Service du Professeur Granger Programme d’Education Thérapeutique du Patient en Addictologie Professeur Granger (PUPH) Professeur Thibaut (PUPH) Ch Prudent Bertolotti (CSIBODE) 1 Sommaire Introduction Contexte Présentation du projet de développement de l’ETP dans l’unité Coordonnateurs du programme Population ciblée Objectifs du programme Structure accueillant le programme Elaboration du programme Organisation des séances Evaluation de l’efficacité du programme d’éducation thérapeutique Perspectives à plus ou moins long terme 2 Introduction La politique de santé en matière de lutte contre les addictions oblige à concevoir une approche impliquant différents types de soignants PM et PNM. Pour l’ARS, l’approche se doit d’être transversale pour garantir cohérence et efficacité. Il s’agit d’intervenir de façon concomitante et cohérente dans les différents domaines de la prévention, du repérage précoce et de l’accès aux soins des personnes en difficulté du fait de conduites addictives, et de l’organisation d’un dispositif d’accueil, d’évaluation de soins et d’accompagnement. Ces dispositifs relèvent autant du champ sanitaire, ambulatoire et hospitalier, que du champ médico-social, ambulatoire ou avec hébergement thérapeutique. Le pilotage de cette politique nécessite de pouvoir disposer des systèmes d’observation et d’information adéquats et de compétences en évaluation.1 Contexte Notre prise en charge sera centrée sur la problématique de l’addiction à l’alcool. Il existe un continuum évolutif des consommations dites banales aux consommations problématiques pouvant entrainer des complications. Dans ses recommandations de 2003, la Société Française d’Alcoologie s'attache à définir un continuum dans la consommation d'alcool allant du non usage à l'usage avec dépendance : − Le non usage : absence de consommation d'alcool, primaire ou secondaire (abstinence) − L'usage : également appelé « usage simple » ou « usage sans risques », il peut être sans risques s'il reste modéré. Dans notre pays il fait partie des rites sociaux, la SFA précise que l'usage peut être expérimental, régulier ou occasionnel − Les usages à risques : cette catégorie concerne les consommations susceptibles d'entrainer à plus ou moins long terme des dommages. Ces dommages sont ceux susceptibles d'être causés à moyen/long terme par le maintien dans le temps d'une consommation supérieure aux critères de l'OMS. Il faut y ajouter les risques immédiats pouvant être liés à des situations critiques (la conduite d'un véhicule, d'une machine dangereuse, l'occupation d'un poste de sécurité ou qui requiert une attention et une vigilance particulières) ou à des risques individuels (maladies somatiques, grossesse…) − L'usage nocif : se caractérise par la concrétisation des dommages, qu'ils soient physiques ou psychiques, liés à la répétition des consommations à risques et par l'absence des critères de l’alcoolo-dépendance − L'usage avec dépendance : concerne toutes les conduites d’alcoolisation caractérisées par une perte de la maîtrise de sa consommation par le sujet. Il s'accompagne en général d'une tolérance à l'alcool et de signes de sevrage. Il n'est donc pas question ici d'un seuil de consommation ou de l'existence de dommages induits 1 Agences régionales de santé : Promotion, prévention et programme de santé sous la direction de François Bourdillon- Fiche 17 ARS et politique de lutte contre les addictions : Catherine Bernard page 131 3 Les catégories usage à risques, usage nocif et usage avec dépendance constituent ce qu'on peut appeler les mésusages d'alcool. Dans le DSM-V, paru en mai 2013, le terme mésusage d'alcool (alcool-use disorder) a remplacé les actuels abus et dépendance. Cela a un impact important sur la prise en charge des patients souffrant d'alcoolisme chronique puisque l'on va passer d'une approche catégorielle à une approche dimensionnelle probablement plus proche de la réalité des patients : un patient ayant à un moment donné un usage nocif d'alcool peut revenir à un usage simple. L’objectif prioritaire est celui d’une réduction de consommation. La loi de santé publique de 2004 s’est ainsi fixé des objectifs de diminution des consommations et de réduction des risques.2 L'OMS a également classé les consommations par niveaux de risque: − Risque léger : moins de 4 verres par jour pour un homme, 2 pour une femme − Risque modéré : entre 4 et 6 verres par jour pour un homme, entre 2 et 4 pour une femme − Risque élevé : entre 6 et 10 verres par jour pour un homme, entre 4 et 6 verres pour une femme − Risque très élevé : plus de 10 verres par jour pour un homme, plus de 6 verres pour une femme. NB : 1 verre standard équivaut à 10g d'alcool pur Les objectifs actuels de la SFA ont évolué vers une réduction des risques en essayant d'accompagner le patient vers les catégories à risque léger ou modéré. Le fait de décrire une catégorie « à faible risque » ne doit pas être pris comme un encouragement à la consommation. Cette nouvelle stratégie de prise en charge des patients sous-tend un accompagnement ambulatoire renforcé des patients selon une approche transversale médico-psycho-sociale et une nécessité de continuité des soins par une même équipe soignante comprenant plusieurs types d’intervenants (médecin, infirmière, assistante sociale) susceptible d’intervenir tant en consultation qu’en hospitalisation de jour et pourquoi pas dans un futur proche avec un accompagnement sur le lieu de vie si nécessaire avec une équipe mobile (infirmière, assistante sociale) suivant le modèle déjà utilisé pour la prévention du suicide. Les conduites addictives sont un déterminant majeur de la santé de la population. D'après l'INSEE la consommation d'alcool en France est passée de 26 litres d'alcool pur par personne de plus de 15 ans en 1960 à 12,7 litres en 2005. Il existe une diminution assez nette de sa consommation depuis plusieurs décennies mais l'alcool reste la substance psycho-active la plus consommée dans notre pays. Dans « L'Atlas régional des consommations d'alcool »3en 2005, un chiffre est particulièrement parlant : seuls 8,4% des personnes âgées de 12 à 75 ans déclarent n'avoir jamais bu de boissons alcoolisées. Dans cette même tranche d'âge, 13,7% déclarent avoir bu quotidiennement sur l'année écoulée, 32,7% une fois par semaine et 32,4% une fois par mois. Les principaux facteurs associés à la consommation d'alcool sont l'âge (la prévalence augmente avec l'âge, surtout chez les hommes : au-dessus de 55 ans le mode de consommation majoritaire chez les hommes est la 2 3 Ibid page 132 INSEE, « Tableaux de l’économie française », 2007 4 consommation quotidienne) et le sexe (les hommes sont environ deux fois plus nombreux que les femmes à consommer de l'alcool plusieurs fois par semaine et trois fois plus nombreux à en consommer quotidiennement). Toujours d'après cette même source, la consommation quotidienne des français a diminué entre 2000 et 2005 mais les niveaux n'ont que très peu baissé et les consommations problématiques restent stables. L’impact de ces addictions est sanitaire mais aussi social. Il est fonction des comportements et usages, des substances consommées, des contextes sociaux, etc. Il est majeur en termes d’inégalité de santé, de morbidité évitable et de mortalité prématurée. L'alcool est la troisième cause de mortalité en France derrière les maladies cardiovasculaires et les cancers (dont une bonne partie est liée à l'alcool et/ou au tabac). C'est la deuxième cause de mortalité évitable (derrière le tabac) et la première cause de mort prématurée (un décès sur deux intervient avant 65 ans). On l'estime responsable d'environ 40 000 décès par an en France soit 7% de l'ensemble des décès (14% chez l'homme, 20 à 25% chez l'homme entre 45 et 64 ans) La morbidité alcoolique est plus difficile à évaluer, selon certaines études 25 à 30% des hospitalisations chez les hommes sont en rapport avec une complication liée à l'alcool. La prévalence en médecine générale des patients ayant une consommation à risque est de l'ordre de 10%, et 6% seraient dépendants. 5 6 Compte tenu des résultats actuels très insuffisants en matière de lutte contre l’addiction à l’alcool, il nous a semblé particulièrement important de s’inspirer des méthodes de prévention utilisées dans des pathologies somatiques chronique comme le diabète pour accompagner le patient dans sa vie quotidienne en mettant en place des stratégies centrées sur l’éducation à la maladie et aux traitements. Il est ainsi indispensable que le patient soit remis au centre du dispositif de soins et qu’il devienne l’acteur principal de ses soins en acquérant une autonomie de plus en plus importante dans la gestion de sa maladie et son traitement. L’éducation devenant alors un facteur clef dans ce processus. 7 Présentation du projet de développement de l’ETP dans l’unité Pourquoi le choix de développer un projet d’Education Thérapeutique du Patient dans le service ? Ce choix, impulsé par le corps médical s’est construit autour d’une réflexion commune : « Parce que l’éducation est un élément déterminant dans l’autonomisation du patient et dans l’apprentissage de sa responsabilisation dans la gestion de sa maladie. Parce que l’ETP est complémentaire et indissociable des traitements et des soins, du soulagement des symptômes, de la prévention des complications. Parce que l’ETP participe à l’amélioration de la santé du patient (biologique, clinique) et à l’amélioration de sa qualité de vie et à celle de ses proches. Parce qu’elle permet au patient : → D’acquérir et de maintenir des compétences d’auto soins (décisions que le patient prend avec l’intention de modifier l’effet de la maladie sur sa santé) → D’acquérir ou de mobiliser des compétences d’adaptation (compétences personnelles et interpersonnelles, cognitives et physiques qui permettent aux personnes de maitriser et de diriger leur existence, et d’acquérir la capacité à vivre dans leur environnement et à modifier celui-ci. Elles font partie d’un ensemble plus large des compétences psychosociales. » Coordonnateurs du programme (noms, fonctions, formations) • Pr Bernard GRANGER (PUPH) Chef du service de l’unité de psychiatrie et d’addictologie • Pr Florence THIBAUT (PUPH) Adjointe au chef de service Membre du Conseil d’Administration de la Société Française d’Addictologie et VicePrésidente du Collège des Enseignants d’Addictologie Capacité d’addictologie Ancienne Présidente d’une fédération d’addictologie à Rouen (regroupant 6 établissements hospitaliers publics et privés partenaires) (2001-2013) et responsable d’une formation continue régionale en addictologie (2001-2009, 250 participants/an) responsable régionale et interrégionale du DESC d’addictologie 2001-2013 Les intervenants (noms, fonctions, formations) • Madame Chantal PRUDENT-BERTOLOTTI (cadre de santé) Master 1 Spécialité Mangement des Etablissements Services et Organisations de santé (Université Paris Est Marne-la- Vallée) 2007/2008 • Madame Brigitte METAYER (IDE) Formation IPCEM ETP (2011/2012) • Monsieur Stéphane BRETER (IDE) Référent en addictologie et en psycho éducation, 5 années d’expérience en service d’addictologie Groupe hospitalier Fernand WidalLariboisière 8 • Madame Lucie GUILIANO (Assistante de service social) 3 années d’expérience en service d’addictologie Population ciblée Ce programme s’adresse à l’ensemble des patients présentant des conduites addictives de type alcoolique suivis dans l’unité ou non. Il s’agit d’une population hétérogène ayant des besoins éducationnels, des objectifs de soins spécifiques nécessitant un programme d’ETP ciblé et individualisé. Ces objectifs éducationnels spécifiques nécessitent d’être évalués, renforcés ou réajustés régulièrement pour optimiser le traitement et le poursuivre en toute sécurité, en accord avec les règles de bonnes pratiques et la législation. Le patient est informé de la possibilité de s’inscrire dans un groupe d’ETP, lors de la consultation, par oral et une note écrite d’information lui sera remise. Le nombre de bénéficiaires potentiels est d’environ 100 patients, correspondant à notre file active. Objectifs du programme 1) Information sur le concept d’addiction, la notion de chronicité de la maladie alcoolique, éducation à la maladie, Information sur les traitements disponibles (bénéfices attendus, risques potentiels, surveillance…) (Pr Thibaut) 2) Renforcement et ajustement individualisé des connaissances sur la prise du traitement (Pr Thibaut & B Metayer) 3) Atelier motivation, gestion du stress, amélioration de la qualité de vie (S Breter) 4) Environnement social et professionnel (L Guiliano) L’efficacité du programme est jugée sur des critères établis par les soignants (qualité de vie, observance du traitement, réduction des consommations…) et sur des critères d’autoévaluation des journées par les participants (évaluation de la journée d’éducation, quizz sur les connaissances des traitements et de la maladie avant et après les sessions…..) Structure accueillant le programme L’hôpital de jour de l’unité de psychiatrie et d’addictologie est en capacité de prendre en charge les patients dans le cadre de cet ETP. Le nombre de patients pouvant être accueillis est de l’ordre de 10 à 15 patients. Elaboration du programme Ce programme d’ETP sera mis en pratique à partir du 15 décembre 2014 au rythme d’une journée par mois en hôpital de jour. Ce programme fera partie intégrante du parcours de soins du patient et sera proposé à tout patient présentant une difficulté avec l’alcool. Au terme d’une année de pratique ETP, une évaluation de ce programme sera mise en place à partir des questionnaires de satisfaction des patients. 9 Une seconde journée de formation pourra être proposée aux patients selon leurs souhaits en fonction des évaluations obtenues à l’issue de la première année d’éducation. Organisation des séances Le consentement oral des patients est recueilli lors de la consultation. Les patients seront inscrits sur la journée ETP en tenant compte de leur profil afin d’avoir un groupe le plus homogène possible en termes d’insertion socio-professionnelle en particulier et de niveau de compréhension. Les séances se dérouleront sur une journée de 09h30 à 16h00. La journée sera scindée en 2 parties : De 09h30 à 10h00 : Présentation de l’équipe et des patients et recueil des attentes des patients sur paper board avec l’aide de quizz d’évaluation de leurs connaissances sur le sujet (traitement, maladie…). De 10h00 à 12h30 : Madame le Professeur Thibaut et Mme Metayer interviendront sur la présentation des traitements et leurs effets secondaires avec un renforcement et un ajustement des connaissances individualisé sur la prise du traitement. De 12h45 à 13h45 : Le repas de midi sera pris en commun dans la salle de groupe thérapeutique de l’unité. De 14h00 à 16h00 : Mr Breter et Mme Guiliano interviendront en commun sur plusieurs ateliers : motivation, gestion du stress, amélioration de la qualité de vie, environnement social et professionnel, réhabilitation. Evaluation de l’efficacité du programme d’éducation thérapeutique Dans un premier temps l’équipe fait le point au terme de la journée sur les points forts et les points faibles de la journée. Un questionnaire de fin de journée permet de connaitre le degré de satisfaction des patients en fonction de leurs commentaires. Cette première évaluation permet d’ajuster le programme des prochaines journées d’ETP (en fonction de la population de patients et de leur demande) ceci au rythme d’une journée par mois. Une évaluation semestrielle se fera en outre sur le nombre de patients présents/convoqués. L’analyse des données est prévue annuellement par le coordonnateur du programme avec l’équipe multidisciplinaire. Perspectives à plus ou moins long terme Ce programme d’ETP ne nécessite aucuns moyens supplémentaires à court terme puisqu’il entre dans le cadre de la prise en charge des patients en hôpital de jour. A l’issue d’une année et après évaluation, nous pourrions envisager de développer ce projet avec l’aide d’une équipe pluridisciplinaire d’intervention à domicile. 10 Bibliographie Guide méthodologique HAS, Haute Autorité de Santé Structuration d’un programme d’éducation thérapeutique du patient dans le champ des maladies chroniques. Juin 2007 Haute Autorité de Santé : recommandations Education thérapeutique du patient Comment la proposer et la réaliser ? Agences régionales de santé Promotion, prévention et programmes de santé Sous la direction de François Bourdillon Fiche 17 : ARS et politique de lutte contre les addictions (Catherine Bernard) Arrêté du 31 mai 2013 modifiant l’arrêté du 2 août 2010 relatif aux compétences requises pour dispenser l’éducation thérapeutique du patient (parution le 2 juin 2013 au Journal Officiel de la République Française) Décret n° 20136449 du 31 mai 2013 relatif aux compétences requises pour dispenser ou coordonner l’éducation thérapeutique du patient OMS, « International guide for monitoring alcohol consumption and related harm », 2000 Société Française de Santé Publique et al., « Propositions pour le PNNS 2011-2015 » INSEE, « Tableaux de l’économie française », 2007 Beck et al, « Atlas régional des consommations d’alcool », 2005 Lejoyeux, Paille « Addictologie », Masson 2009, p.74 Expertise collective, « Alcool, effets sur la santé », 2001 Expertise collective et INSERM, « Alcool », 2006 HAS, « Conférence de consensus, modalités de l’accompagnement du sujet alcoolodépendant après un sevrage », 2001 11