Dib A. Al Kerdieh L'éthique de la négociation
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faut cependant y ajouter la vertu (notamment celle de la prudence qui permet d’éviter les
excès nuisibles au bonheur) grâce à laquelle on s’élève au-dessus de la simple condition
humaine. Néanmoins, Aristote précise que raison et vertu ne suffisent pas au bonheur.
Celui-ci exige aussi un corps en bonne santé et la possession de certains biens extérieurs :
la « bonne fortune », « avoir de la chance », dirions-nous.
- Selon Montaigne (1533-1592), il faut jouir pleinement de la vie et ne pas espérer un au-
delà meilleur après la mort. On peut dès lors opposer la conception de Montaigne à celle
que développera au siècle suivant Blaise Pascal qui placera le bonheur suprême en Dieu
et le salut de l'homme en une vie meilleure après la mort. Montaigne souhaite exprimer
une sagesse liée à un certain art de vivre. Il nous exhorte à prendre conscience des
bienfaits de la vie. L'homme n'est pas malheureux par essence, comme le défendra
Pascal. Au contraire, le bonheur est accessible maintenant et ici-bas. Montaigne disait
" qu’il n’est science si ardue que de bien et naturellement savoir vivre cette vie ». Et il
déplorait qu’ « on nous apprend à vivre quand la vie est passée ».
- Schopenhauer (1788-1860) refuse l’idée que la satisfaction totale des désirs s’identifie
au bonheur car une telle satisfaction conduit à l’ennui et, dès lors, aux surgissements de
nouveaux désirs et, par conséquent, à la souffrance, puisque le désir est source de tension
et d’inquiétude. Les hommes ne cessent de passer du désir à l’ennui et de l’ennui au désir.
Dans ce mouvement sans fin, dans cette instabilité, le bonheur est introuvable. La seule
solution est alors la négation du vouloir-vivre
(qu’on ne confondra pas avec le suicide
qui relève toujours de la volonté, bien que ce soit de la volonté d’en finir).
-Robert Misrahi
(1926 - ) Si le bonheur n’est que les plaisirs, les succès, le pouvoir, les
richesses, les honneurs comme on disait jadis, tout cela est fragile ou faux ou vain ou
illusoire. Tous ces immédiats mènent souvent à des impasses, à des contradictions, à des
conflits. Mais quand règnent la famine, la violence, la guerre …est-ce que le bonheur ne
devrait pas être que quelques points de jouissance immédiate ? Mais non, ce serait trop
fragile, trop éphémère. Il est nécessaire de faire intervenir quelque chose comme une
conversion en soi. Il faut opérer en soi une conversion radicale dans les attitudes
existentielles, les attitudes de pensée etc. La vie de chacun est le déploiement d'un projet
quel qu'il soit.
Chacun ainsi doit devenir créateur. C'est en nous reconnaissant dans une ouvre que nous
construisons notre personnalité et que nous pouvons apprendre le bonheur d’être libre
- Matthieu Ricard (moine bouddhiste) explique que le bonheur est en chacun de nous,
quels que soient les problèmes de notre existence. Nous souhaitons tous être plus
« On n'est pas heureux : notre bonheur, c'est le silence du malheur », écrit Jules Renard à la même
époque (1864-1910). Ce cynisme rappelle Chateaubriand : « Heureux ceux qui meurent au berceau, ils
n’ont connu que les baisers et les sourires d’une mère »
Professeur émérite de la Sorbonne, et mon professeur dans l'université la sagesse et encore mon amie