Avant Propos 1. Aper•u historique Au début du XIXe, le mot crise commence à être employé dans de nouveaux domaines d’application, qui s’éloignent de la médecine et de la psychologie, champs d’investigation qui avaient marqué son évolution sémantique jusque là. La consultation du Trésor de la langue fran•aise informatisé, nous permet de remarquer que certains auteurs l’emploient pour parler de crise politique (1814. Jouy, Hermite, t. 5, p. 182), de crise financière, (1823. Las Cases, Mémor. SteHélène, t. 1, p. 186), et de crises commerciales (1837. Balzac, C. Birotteau, p. 257). Cette période coïncide avec l’industrialisation. Elle réunit toutes les conditions qui caractérisent une période marquée par des moments de crise, dans le sens de «[…] situation de trouble profond dans laquelle se trouve la société ou un groupe social et laissant craindre ou espérer un changement profond; p. méton., période ainsi caractérisée. Crise morale, des mÏurs; crise de la civilisation, des sociétés modernes; issue d’une crise; pressentir une crise; entrer dans une période de crise. Marquer les grandes crises du développement de la société moderne (1828. Guizot, Hist. civilisation, p. 42). Aux jours de crises et de révolutions (1836. Musset, Lettres Dupuis Cotonet, p. 599). Il a bien servi la patrie dans la plus grande crise de son histoire (1954. De Gaulle, Mém. guerre, p. 536)»(Trésor). Parallèlement dans le domaine politique, ce même mot désigne une «situation troublée caractérisée par des transformations plus ou moins violentes (des régimes, de l’équilibre du pouvoir, des États)» (Trésor). On parle de crise diplomatique, crise gouvernementale, crise intérieure, internationale, crise russo-polonaise. (1817. Staël, Consid. Révol. fr., t. 1, p. 14). Si nous poursuivons notre enquête historique, la consultation du Trésor nous révèle une spécialisation plus significative du mot crise dans le domaine économique et financier vers le début du XXe siècle. Pendant cette période, le cycle économique se 11 distingue par un Ç[É] dysfonctionnement, souvent caractérisé par la surproduction ou la dépression, par le ch™mage, par une économie capitaliste, et par un effondrement des cours boursiersÈ. A partir de lˆ on note donc une dérivation du mot crise avec lÕemploi de crise agricole, crise commerciale, crise économique, crise financi•re, tandis que, vers le milieu du si•cle, on assiste ˆ une spécialisation majeure de lÕemploi du mot crise que lÕon retrouve dans les collocations telles que crise du papier, crise du tourisme, crise des autoroutes, crise du logement (1957. Camus, Exil et Roy.,p. 1630). Ces cooccurrences montrent des Çdifficultés économiques dans un secteur particulier consistant en une sous-production ou une diminution importante dÕactivitéÈ (Trésor). 2. Dans le domaine des crises économiques, la terminologie ça compte? Ce bref aperçu historique vise ˆ fournir des détails par rapport ˆ lÕévolution sémantique du mot crise exclusivement dans le contexte qui nous intéresse, autrement dit économique et financier, et ˆ introduire la thématique que nous allons proposer dans notre travail de recherche. Du XIXe ˆ nos jours, il y a eu différentes crises économiques, nous pouvons en rappeler quelques- unes: - 1929 (Wall street) - 1971 (crise du dollar) - 1973 (premier choc pétrolier) - 1987 (le lundi noir) - 1998 (hedge fund) Dix ans apr•s, en 2008, la faillite de la Banque Lehman Brother s•me la panique tout dÕabord aux Etats- Unis et apr•s dans le monde entier et la crise financi•re se transforme en crise économique. Ces événements, qui ont marqué notre économie contemporaine, peuvent devenir des thématiques intéressantes et stimulantes ˆ débattre ou ˆ approfondir dans les contextes universitaires spécialisés dans cette discipline, et peuvent •tre lÕoccasion de proposer aux étudiants des programmes, des séminaires, des journées dÕétudes sur cette problématique. Le caract•re mondial de ces événements nous donne la possibilité de proposer aussi des travaux en langue étrang•re ciblés sur lÕétude de la terminologie en usage dans le contexte économique de la crise. En effet, en France depuis quelques années, spécialistes et journalistes sÕinterrogent sur les changements et lÕenrichissement du 12 lexique de l’économie. Ils ont rédigé de petits glossaires 1, mené des enquêtes, fait des interviews, écrit des articles et à partir de leurs études, nous avons choisi de proposer un travail, dans un but didactique, mais qui vise aussi à familiariser les étudiants à l’évolution terminologique du secteur dans lequel ils se spécialisent2. Le lexique de l’économie s’est beaucoup enrichi dans les cinq dernières années et il faut se mettre à jour, approfondir et perfectionner ses propres connaissances et compétences dans les langues de spécialité mais aussi dans les langues étrangères. De fait, le parcours historique proposé nous a montré comment chaque crise économique est très souvent caractérisée par un noyau lexical qui la caractérise et donc la différencie. Tout cela confirme que dans un domaine comme celui de l’économie, en évolution permanente, on ne peut pas sous-évaluer l’analyse et l’approfondissement de la terminologie du domaine d’étude. 1 On peut citer: P. Frémeux - G. Matieu, Petit dictionnaire des mots de la crise, Paris, Les Petits matins; D. Abiker - E. Lefreuve, Dictionnaire posthume de la finance, Paris, Editions d’Organisation Groupe Eyrolles. 2 Une étude intéressante à consulter est celle conduite par Maria Teresa Zanola pour la «RETE REI». Le travail est consultable à l’adresse suivante: http://ec.europa.eu/dgs/translation/rei/documenti/gruppi/8rei_zanola.pdf 13 Introduction Bertard Jaquillat et Vivien Levy-Garboua3 (2009, p.3) affirment que la fragilitŽ de lÕŽconomie europŽenne pourrait •tre comparŽe ˆ un volcan islandais en Žruption, bloquŽ par son nuage de poussières. Cette mŽtaphore prŽcise lÕŽtat dÕalerte de lÕŽconomique actuelle. Ce sujet, si captivant, sera le thème abordŽ dans ce travail, dont nous nous sommes proposŽes dÕanalyser exclusivement lÕaspect linguistique. Dans le contexte de la crise Žconomique les mots sont en train de jouer un r™le de relief, car ils ont la t‰che de dŽcrire lÕŽvolution des Žvènements. Dans cette perspective le lexique reflète lÕesprit de notre sociŽtŽ, ses craintes, ses doutes, et ses espŽrances. Cette Žtude se compose de deux parties qui prŽsentent une double approche: - lÕune de type didactique, concernant des exploitations dÕun nombre de textes de typologies diffŽrentes, rŽalisŽe par Yasmine Bidai; - lÕautre de type descriptive, visant ˆ la rŽalisation dÕun glossaire et de fiches terminologiques contenant une sŽrie de termes employŽs dans les textes analysŽs, qui selon nous, mŽritaient une Žtude plus approfondie, effectuŽe par Sabrina Aulitto4. Nous avons souhaitŽ travailler sur des niveaux de compŽtences diffŽrentes: - lÕacquisition de la langue de spŽcialitŽ et lÕenrichissement de la rŽflexion grammaticale et lexicale ˆ travers le phŽnomène de la crise, - lÕapprofondissement de certains mots-clŽs, en vue dÕune analyse dŽtaillŽe de la terminologie de la thŽmatique choisie. 3 B. Jacquillat - V. Levy-Garboua,Les 100 mots de la crise financière, Paris, PUF, Que sais-je?, p. 3. Yasmine Bidai a rŽalisŽ la partie qui va de la page 13 ˆ la page 91. Sabrina Aulitto a travaillŽ ˆ la partie qui va de la page 92 ˆ la fin. 4 14 Cette étude s’adresse aux étudiants universitaires qui doivent acquérir une connaissance spécialisée de la langue fran•aise de niveau intermédiaire selon le cadre européen pour les langues. Ce travail na”t comme un outil complémentaire aux textes de grammaires, et il souhaite approfondir et élargir certaines connaissances de la langue de l’économie en proposant une révision des règles grammaticales à travers une vaste gamme d’exercices corrélés aux documents didactisés; en plus l’approche terminologique se propose de fournir des moyens supplémentaires d’analyse et d’étude du domaine spécialisé analysé. Cette étude se compose de deux parties qui présentent une double approche : - l’une de type didactique, concernant des exploitations d’un nombre de textes de typologies différentes, réalisée par Yasmine Bidai; - l’autre de type descriptive, visant à la réalisation d’un glossaire et de fiches terminologiques contenant une série de termes employés dans les textes analysés, qui selon nous, méritaient une étude plus approfondie, effectuée par Sabrina Aulitto 5. 5 Yasmine Bidai a réalisé la partie qui va de la page 18 à la page 96. Sabrina Aulitto a travaillé à la partie qui va de la page 97 à la fin. 15